ARCHIVÉ - Rapport final du président Mort par balle de M. Kevin St. Arnaud

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Loi sur la Gendarmerie royale du Canada Paragraphe 45.46(3)

Plaignant : Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC

No de dossier : PC-2006-0385

Traduction

Le 31 mars 2009

La plainte

Le 19 décembre 2004, vers 00 h 50, M. Kevin St. Arnaud s'est introduit par effraction dans une pharmacie située dans un centre commercial, à Vanderhoof, en Colombie-Britannique. Le gendarme Ryan Sheremetta, membre du détachement de la GRC de Vanderhoof, a répondu à l'alarme anti-effraction. La gendarme Colleen Erickson, également membre du détachement de la GRC de Vanderhoof, a aussi répondu à l'alarme, mais dans un autre véhicule. Le gendarme Sheremetta a vu M. St. Arnaud s'enfuir du centre commercial en courant et il s'est lancé à sa poursuite dans sa voiture de police. Il est sorti de son véhicule près du terrain de curling de Vanderhoof et il a continué la poursuite à pied.

Le gendarme Sheremetta a poursuivi M. St. Arnaud sur un terrain de soccer en lui criant constamment de s'arrêter. M. St. Arnaud a fini par s'arrêter, puis il s'est retourné et il a commencé à marcher vers le gendarme Sheremetta. M. St. Arnaud a continué d'avancer vers le gendarme Sheremetta, qui a par la suite raconté avoir reculé d'un pas, avoir glissé et être tombé sur le dos. C'est dans cette position qu'il a tiré sur M. St. Arnaud à trois reprises, dans la poitrine. La gendarme Erickson, qui était dans un véhicule de police, venait de contourner le terrain de curling et roulait le long des terrains de tennis et de soccer lorsqu'elle a entendu des cris et a vu que M. St. Arnaud « semblait s'élancer vers le gendarme Sheremetta ». Elle a observé le gendarme Sheremetta, qui se tenait debout en position de tir, et non pas sur le dos comme il l'a déclaré, tirer deux fois sur M. St. Arnaud à une distance d'environ dix pieds. Selon l'autopsie effectuée par la suite, M. St. Arnaud a, en fait, été atteint de trois balles.

La fusillade a fait l'objet d'une enquête effectuée par le Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E de la GRC, situé à Prince George. Le Groupe des crimes graves a remis un rapport à l'avocat de la Couronne du bureau régional le 12 septembre 2005. Le 15 février 2006, l'avocat régional de la Couronne a conclu qu'il était improbable que l'affaire débouche sur une condamnation et que le gendarme Sheremetta ne ferait pas l'objet d'accusations dans le cadre de la fusillade ayant mené au décès de M. St. Arnaud.

Le 15 mars 2006, à la suite de la décision de la Couronne de ne pas déposer d'accusations criminelles, j'ai, en ma qualité de président de la Commission, déposé une plainte en vertu du paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la GRC. J'ai soulevé dans cette plainte deux questions : 1) des membres de la GRC se sont-ils engagés dans une situation avec M. St. Arnaud ayant entraîné la mort de ce dernier, et 2) un membre de la GRC a-t-il déchargé son arme à feu indûment au cours de l'incident. Le 26 avril 2007, j'ai modifié la plainte après la divulgation des conclusions de l'enquête sur le décès de M. St. Arnaud. Dans cette plainte modifiée, je remettais également en question la suffisance de l'enquête effectuée par des membres de la GRC sur le décès de M. St. Arnaud.

Le rapport final de la GRC

Le 4 août 2006, la GRC a transmis l'avis écrit de la décision mettant fin à l'enquête sur ma plainte en vertu de l'alinéa 45.36(5)c) de la Loi sur la GRC. Selon le commissaire, il n'était pas raisonnablement praticable de procéder à une enquête sur la plainte, fondant sa décision sur le fait qu'une enquête du coroner sur le décès de M. St. Arnaud était en cours.

La Commission a répondu par un rapport daté du 28 septembre 2006 dans lequel elle ne remettait pas en question les raisons avancées par la GRC, mais où elle indiquait plutôt que le commissaire de la GRC avait dépassé l'étendue de ses pouvoirs, puisque l'alinéa 45.36(5)c) de la Loi sur la GRC ne s'applique pas aux plaintes déposées en vertu du paragraphe 45.37(1) de la Loi par le président de la Commission. J'ai alors demandé à la GRC d'entamer immédiatement une enquête.

Ainsi, conformément à la Loi sur la GRC, la GRC a enquêté sur la plainte. En vertu de la Loi, lorsque l'enquête est terminée, le commissaire de la GRC (ou son remplaçant désigné) doit faire parvenir au plaignant un rapport final résumant les conclusions de l'enquête et les mesures prises pour régler la plainte. Dans ce cas, le rapport final du commissaire, en date du 26 juin 2008, m'informait de ses conclusions : que les membres de la GRC avaient répondu adéquatement à l'introduction par effraction dans la pharmacie, « [...] que les gestes posés par le gendarme Sheremetta étaient justifiés étant donné qu'il avait de bonnes raisons de croire qu'il risquait de subir des blessures graves ou d'être tué [...] » et « [...] qu'à l'exception des préoccupations soulevées au sujet de l'analyse sur la morphologie des taches de sang, je conclus que la GRC a enquêté de façon adéquate sur le décès de M. St. Arnaud, c'est pourquoi je n'appuie pas cette allégation ».

L'examen de la Commission et le rapport intérimaire

Le 29 octobre 2008, la Commission a conclu de façon générale dans son rapport intérimaire (annexe 1) que :

  • certains éléments de l'enquête de la GRC sur le décès de M. St. Arnaud étaient inadéquats;
  • certains éléments de l'enquête de la GRC sur le décès de M. St. Arnaud manquaient d'impartialité;
  • l'équipe d'enquête n'a pas suivi le modèle de gestion des cas graves.

Les conclusions et les recommandations particulières concernant ces questions sont énoncées dans les paragraphes qui suivent.

Les problèmes créés par les lacunes de l'enquête ont amené la Commission à rejeter certains des éléments de preuve, notamment les déclarations et les témoignages que le gendarme Sheremetta a rendus à l'enquête du coroner, mais non pas les déclarations spontanées qu'il a faites à la gendarme Erickson ni sa déclaration par obligation de rendre compte1.

Sur la question clé de l'évaluation de la conduite du gendarme Sheremetta par rapport au décès de M. St. Arnaud, après avoir examiné tous les éléments de preuve, y compris le témoignage des témoins à l'enquête du coroner, la Commission en est arrivée aux conclusions suivantes.

  • Il était légitime pour les policiers d'interagir avec M. St. Arnaud et ils en avaient l'obligation en raison de leurs fonctions.
  • Le gendarme Sheremetta a tiré sur M. St. Arnaud en situation de légitime défense après avoir jugé de manière raisonnable que M. St. Arnaud représentait une menace de lésions corporelles graves ou de mort et estimé qu'il ne pouvait se protéger de cette menace de lésions corporelles graves ou de mort qu'en ayant recours à une force mortelle.

L'avis du commissaire de la GRC

Conformément au paragraphe 45.46(2) de la Loi sur la GRC, le commissaire doit fournir un avis écrit sur toute autre mesure qui a été prise ou qui sera prise à la lumière des conclusions et des recommandations formulées dans le rapport intérimaire.

Le 27 mars 2009, la Commission a reçu l'avis du commissaire de la GRC (annexe 2). Le commissaire de la GRC a formulé des commentaires sur certaines des conclusions de fait de la Commission. Ces commentaires portaient sur les trois points suivants :

  • le moment où ont été prises les déclarations par obligation de rendre compte des membres faisant l'objet d'une enquête criminelle;
  • le fait qu'on laisse entendre que des membres, autres que ceux qui ont été expressément identifiés pour les lacunes de leur conduite durant l'enquête, étaient responsables des lacunes de l'enquête;
  • la justification des lacunes fondée sur le fait qu'elles ne changeaient pas les résultats ultimes de l'enquête.

Cependant, le commissaire a approuvé toutes les recommandations formulées dans le rapport intérimaire et il a indiqué que la GRC était en train d'élaborer des politiques pour donner suite à ces recommandations ou d'examiner les politiques en vigueur.

Les conclusions et les recommandations de la Commission

La Commission examine les plaintes en vue d'améliorer le rendement de la GRC et de ses membres en mettant l'accent sur les pratiques policières exemplaires. Lorsque des policiers enquêtent sur d'autres policiers impliqués dans un décès ou d'autres cas graves, le non-respect des pratiques exemplaires alimentera inévitablement la perception selon laquelle, dans ce type d'enquête, la police fait preuve de partialité ou réserve aux policiers un traitement plus favorable que celui qu'elle accorde aux autres citoyens.

Dans des circonstances aussi graves que celles qui entourent le présent cas, il est impératif que la GRC suscite la confiance de la population canadienne en montrant qu'elle fait appel aux pratiques exemplaires d'une organisation policière. À cette fin, la GRC n'a pas intérêt à recourir à la simplification et à la minimisation, même lorsqu'elle admet que la conduite de ses membres ne respecte pas ces pratiques. En reconnaissant franchement ses lacunes ou ses erreurs, s'il y a lieu, la GRC pourrait montrer non seulement qu'elle assume la responsabilité de ses actes, mais aussi qu'elle est une organisation dotée de principes qui mérite la confiance du public. Sans cette confiance, la confiance de tous les citoyens qui font appel à la police pour assurer leur sécurité, la capacité de la police à accomplir ses fonctions diminuerait considérablement. Comme l'a affirmé Sir Robert Peel, « la police préserve la faveur obtenue du public non pas en satisfaisant à l'opinion publique, mais en servant constamment la loi de façon impartiale. »

L'une des questions soulevées par le commissaire qui nécessitait une réponse est celle du moment où sont recueillies les déclarations par obligation de rendre compte. Le commissaire a laissé entendre que la déclaration par obligation de rendre compte a été recueillie prématurément dans le cas qui nous occupe et que le gendarme Sheremetta avait les mêmes droits que ceux qui sont consentis à n'importe quel citoyen faisant l'objet d'une enquête criminelle. La Commission a abordé cette question dans un examen précédent sur le décès de M. Ian Bush2. La Commission a alors formulé clairement sa position selon laquelle les policiers ont droit aux protections dont bénéficient tous les citoyens en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

En réponse au rapport intérimaire de la Commission concernant le décès de M. Bush, le commissaire de la GRC a émis un avis daté du 2 novembre 2007 dans lequel il appuyait la recommandation de la Commission concernant les déclarations par obligation de rendre compte et la nécessité d'élaborer une politique sur cette question. Ce faisant, la GRC doit garder à l'esprit que, tout comme les policiers peuvent s'attendre à bénéficier des mêmes droits que ceux qui sont consentis à l'ensemble des citoyens, ces derniers doivent s'attendre à ce que la GRC fasse enquête sur ses membres avec la même vigueur et la même objectivité que celles que l'on attend d'elle dans toute enquête criminelle sérieuse.

Dans ce cas, le commissaire s'est engagé à prendre des mesures en « temps opportun ». Dans le cas présent, le commissaire a noté que la GRC était « en train de rédiger une politique sur cette question compliquée ». Presque dix-sept mois se sont écoulés depuis que le commissaire a pris cet engagement. Il incombe à la GRC de faire avancer ce dossier avec zèle. La Commission va continuer à surveiller les progrès de la GRC sur cette question.

Mes conclusions sont résumées ci-après. La liste complète de mes conclusions et recommandations figure à l'annexe G du rapport intérimaire de la Commission (annexe 1).

Conclusion générales

Il était légitime pour les policiers d'interagir avec M. St. Arnaud et ils en avaient l'obligation en raison de leurs fonctions.

Le gendarme Sheremetta a tiré sur M. St. Arnaud en situation de légitime défense après avoir jugé de manière raisonnable que M. St. Arnaud représentait une menace de lésions corporelles graves ou de mort et estimé qu'il ne pouvait se protéger de cette menace de lésions corporelles graves ou de mort qu'en ayant recours à une force mortelle.

Certains éléments de l'enquête de la GRC sur le décès de M. St. Arnaud étaient inadéquats.

Certains éléments de l'enquête de la GRC sur le décès de M. St. Arnaud manquaient d'impartialité.

L'équipe d'enquête n'a pas suivi le modèle de gestion des cas graves.

Conformément au paragraphe 45.46(3) de la Loi sur la GRC, je dépose respectueusement mon rapport final et j'estime par conséquent que la Commission a rempli son mandat.

Le président,
L'original en anglais signé par Paul E. Kennedy
___________________________________
Paul E. Kennedy


1 Une évaluation complète des questions relatives à la crédibilité des éléments de preuve fournis par le gendarme Sheremetta figure au rapport intérimaire de la Commission (annexe 1 du présent rapport).

2 PC 2006-1532. Il convient de noter que l'incident s'est produit le 29 octobre 2005.

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