Rapport final du président après l'avis du Commissaire relativement à un incident survenu dans une cellule du détachement de la GRC de Kamloops (Colombie-Britannique)

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, paragraphe 45.46(3)

No de dossier : 2010-3263

La plainte

Tôt, le matin du 18 août 2010, deux femmesNote de bas de page 1 ont été séparément arrêtées par des membres du détachement de la GRC de Kamloops, en Colombie-Britannique. Les deux femmes avaient clairement les facultés affaiblies. Les femmes ont été placées ensemble dans le bloc cellulaire du détachement que l'on appelle généralement la cellule de dégrisement.

Peu après avoir été placées dans la cellule, les femmes se sont livrées à une activité sexuelle. La cellule était dotée de matériel vidéo en circuit fermé (MVCF), et on pouvait voir les femmes sur les écrans vidéo dans le poste de garde du bloc cellulaire. Quatre membres de la GRC, et deux gardiens qui étaient des employés municipaux, ont constaté leur activité, mais aucun n'est intervenu. Les femmes ont été libérées plus tard le même jour.

L'officier responsable du détachement de Kamloops a été informé de l'incident le 23 août 2010. Une enquête a immédiatement été lancée concernant l'incident, et les membres visés ont été suspendus de leurs fonctions. L'enquête a été menée par un membre du Groupe des crimes sérieux du détachement de Kamloops. Un rapport à l'avocat de la Couronne a été soumis le 13 octobre 2010, et le 13 mai 2011, l'avocat de la Couronne a approuvé que des accusations pour abus de confiance de la part d'un fonctionnaire soient portées contre trois des quatre membres de la GRC et un des deux employés municipaux visés.

La Commission des plaintes du public contre la GRC (Commission) a reçu la plainte de la Elizabeth Fry Society of Greater Vancouver (Société) le 20 septembre 2010. Dans sa plainte, la Société mentionnait que, d'après les faits rapportés dans les médias au sujet de l'incident survenu au détachement de Kamloops, les dirigeants n'avaient pas géré le personnel de façon responsable et n'ont pas été assez vigilants dans la prise en charge et la garde des détenues.

Compte tenu de la plainte et des préoccupations du public à l'égard de l'incident, en particulier la façon dont la GRC a traité l'affaire, la Commission était convaincue qu'il existait des motifs raisonnables d'enquêter sur les circonstances de l'incident. Le président intérimaire de la Commission a nommé un enquêteur civil indépendant chargé de mener l'enquête d'intérêt public de la Commission.

L'enquête d'intérêt public

Le 23 septembre 2010, la Commission a informé le ministre de la Sécurité publique et le commissaire de la GRC de la tenue d'une enquête d'intérêt public sur la plainte formulée par la Société, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés aux termes du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC).

La Commission a présenté son rapport intérimaire sur l'enquête d'intérêt public au commissaire de la GRC et au ministre de la Sécurité publique le 22 mars 2012. Ce rapport contient huit conclusions et quatre recommandations.

La Commission a conclu qu'il était déraisonnable que les membres de la GRC en cause permettent que les contacts physiques entre Mmes X et Y se poursuivent et que la conduite des membres visés démontrait un manque de professionnalisme et de respect. Cependant, la Commission a également conclu que la réponse initiale de la GRC à l'égard de l'incident était raisonnable et que la décision de ne pas avoir recours à un autre service de police pour mener l'enquête subséquente était raisonnable dans les circonstances. Même si la Commission a fait remarquer que le choix de l'enquêteur avait soulevé une apparence de partialité que la GRC aurait dû cerner à juste titre, elle a conclu que l'enquête criminelle avait été effectuée de manière raisonnable et en temps opportun.

La Commission a recommandé que la GRC envisage de modifier sa politique intitulée Enquête ou examen externe de la GRC de manière à fournir une orientation dans les circonstances « sérieuses ou de nature délicate » et qu'elle y indique clairement le besoin de toujours documenter ses décisions. La Commission a aussi recommandé que deux des membres visés reçoivent une orientation opérationnelle à l'égard de leur conduite.

L'avis du commissaire de la GRC

Conformément au paragraphe 45.46(2) de la Loi sur la GRC, le commissaire de la GRC doit fournir un avis écrit décrivant toute autre mesure qui a été prise ou qui sera prise à la lumière des conclusions et des recommandations formulées dans le rapport intérimaire.

Le 11 juin 2012, la Commission a reçu l'avis du commissaire portant la même date. Le commissaire a souscrit à toutes les conclusions de la Commission, à l'exception de celle concernant la relation entre l'enquêteur et l'un des membres visés.

En ce qui concerne la présente conclusion, la Commission a indiqué qu'une « apparence de partialité » avait été soulevée. Le commissaire a plutôt mis l'accent sur la création d'une « apparence de partialité possible ». La Commission considère toutefois que les deux locutions signifient en réalité la même chose.

En ce qui concerne les recommandations de la Commission, le commissaire a souscrit à toutes les recommandations de la Commission, sauf à celle où on demandait à la GRC de modifier sa Politique relative aux enquêtes ou examens externes de manière à fournir une orientation dans les circonstances « sérieuses ou de nature délicate ». Dans sa réponse, le commissaire a expliqué pourquoi une modification en ce sens ne serait pas conforme au libellé délibérément équivoque de la politique en question. Bien que la Commission soutienne qu'il serait avantageux de fournir une orientation plus poussée aux gestionnaires à cet égard, la réponse du commissaire a toutefois satisfait à la recommandation de la Commission que la GRC envisage de modifier sa politique.

Les conclusions et les recommandations de la Commission

À la lumière de ce qui précède, je répète mes conclusions et mes recommandations.

Conclusions

Conclusion no 1 : Il était déraisonnable pour le caporal Brown et les gendarmes Elgee, Zaharia et Fieghen d'avoir permis que les contacts physiques se poursuivent entre Mme X et Mme Y.

Conclusion no 2 : La conduite des membres en l'occurrence était déraisonnable, car elle dénotait un manque de professionnalisme et de respect.

Conclusion no 3 : L'inspecteur Lacasse et la direction de la Division E de la GRC ont donné suite aux allégations en temps opportun et de façon appropriée.

Conclusion no 4 : L'interprétation du surintendant principal Callens, selon laquelle l'incident survenu dans le bloc cellulaire du détachement de Kamloops ne correspondait pas au critère applicable à « une question sérieuse ou de nature délicate », était raisonnable dans les circonstances.

Conclusion no 5 : La relation entre le sergent Roenspies et le caporal Brown a suscité une perception de partialité.

Conclusion no 6 : L'inspecteur Lacasse avait suffisamment de renseignements pour cerner la perception de partialité, mais il a omis de le faire.

Conclusion no 7 : L'enquête de la GRC sur l'incident était raisonnable, et toutes les étapes appropriées de l'enquête semblent avoir été réalisées.

Conclusion no 8 : L'enquête de la GRC sur l'incident a été réalisée en temps opportun.

Recommandations

Recommandation no 1 : Que le caporal Brown reçoive des directives opérationnelles concernant l'importance d'une supervision et d'un leadership appropriés.

Recommandation no 2 : Que la GRC envisage de modifier la politique intitulée Enquête ou examen externe de la GRC afin de fournir des directives supplémentaires sur la façon de déterminer ce qui constitue une « question sérieuse ou de nature délicate ».

Recommandation no  3 : Que la GRC modifie sa politique intitulée Enquête ou examen externe de la GRC afin qu'elle tienne compte de l'exigence de consigner de manière uniforme les décisions découlant de cette politique.

Recommandation no  4 : Que l'inspecteur Lacasse reçoive des directives opérationnelles concernant la détermination appropriée des questions touchant l'impartialité des enquêtes visant des membres de la GRC.

Aux termes du paragraphe 45.46(3) de la Loi sur la GRC, la Commission a rempli son mandat dans le cadre de la présente affaire.

Le président intérimaire,
Ian McPhail, c.r.

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