Rapport suivant une plainte déposée par le président relativement à la mort sous garde de M. Raymond Silverfox

Loi sur la GRC, alinéa 45.42(3)a)

Le 7 septembre 2010

No de dossier : 2008-3266

Table des matières

Contexte

La nuit du 1er décembre 2008, M. Raymond Silverfox, de Carmacks, au Yukon, célébrait son 43e anniversaire de naissance. Sa petite amie et lui ont trouvé quelqu'un pour les conduire jusqu'à Whitehorse, qui est à 2 heures et demie de Carmacks en voiture. À leur arrivée à Whitehorse, aux petites heures du matin du 2 décembre 2008, ils ont trouvé une place au refuge de l'Armée du Salut. Ils avaient bu jusqu'à ce moment‑là.

Une fois au refuge, M. Silverfox a commencé à vomir. Le personnel du refuge a appelé les services médicaux d'urgence (SMU), puisqu'il savait que la GRC ne mettrait pas M. Silverfox sous garde si son bon état de santé n'était pas d'abord confirmé. Un peu avant 5 h, le personnel des SMU a examiné M. Silverfox et confirmé son bon état de santé après avoir déterminé que ses réactions et ses signes vitaux étaient normaux malgré son ivresse. Toutefois, M. Silverfox ne pouvait pas rester au refuge en raison de ses vomissements. Le personnel des SMU a donc téléphoné à la GRC dans l'espoir que M. Silverfox puisse être incarcéré pour la nuit, puisqu'il faisait extrêmement froid dehors.

Les gendarmes Len Van Marck et Daniel Bulford se sont rendus au refuge. M. Silverfox a été mis en état d'arrestation pour ivresse sur la voie publique et placé dans la cellule 3 au détachement de la GRC peu après 5 h. La caporale Calista MacLeod, chef de veille, est allée voir M. Silverfox à environ 8 h, avant de commencer son quart de travail. Elle était le chef de veille et le membre supérieur en service pendant toute l'incarcération de M. Silverfox. Durant cette période, trois différents gardiens et surveillantes étaient responsables du bloc cellulaire.

M. Silverfox est resté dans une cellule de la GRC pendant toute la journée et il a été malade pendant tout ce temps. Certains de ses vomissements ont été notés par les gardiens/surveillantes et membres présents dans la salle de veille, mais la plupart n'ont pas été consignés. Cependant, la cellule de M. Silverfox est devenue de plus en plus contaminée par ses liquides organiques. Dans l'enregistrement audio de la salle de veille ce jour‑là, on peut entendre les membres et les gardiens parler de l'état de M. Silverfox. On a réalisé peu de vérifications physiques, à l'égard de M. Silverfox, même si on a continué de le surveiller à l'aide du système vidéo en circuit fermé.

Vers 16 h, M. Silverfox a demandé un matelas, ce qui lui a été refusé. À environ 18 h, un autre prisonnier a été amené aux cellules. Il était d'humeur combative, et la présence de plusieurs membres était donc nécessaire, y compris celle de la caporale MacLeod. Une fois le prisonnier turbulent placé dans une cellule, vers 18 h 34, la caporale MacLeod est allée voir M. Silverfox et a remarqué qu'il ne semblait pas respirer. On a ouvert la porte de la cellule. Le gendarme Mike Muller a voulu vérifier les signes vitaux de M. Silverfox; ne les trouvant pas, les membres ont retiré M. Silverfox de sa cellule et ont appelé les SMU. Ils ont également commencé à effectuer des compressions thoraciques.

Le personnel des SMU est arrivé dans le bloc cellulaire aux alentours de 18 h 47 et ont pris en charge M. Silverfox, qui a été transporté à l'Hôpital général de Whitehorse peu de temps après. Même si les ambulanciers ont réussi à faire brièvement rebattre son cœur, les efforts déployés pour réanimer M. Silverfox ont été vains, et sa mort a été déclarée à 21 h 15. L'autopsie pratiquée ultérieurement a révélé qu'une sepsie et une pneumonie aiguë étaient les causes de sa mort, et, selon les conclusions de l'autopsie, il s'agissait peut‑être d'une pneumonie de déglutition.

L'enquête sur la mort de M. Silverfox a d'abord été menée par le Groupe des crimes graves de la Division M, mais elle a été confié au Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E, le 3 décembre 2008. La Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) a dépêché l'un de ses observateurs indépendants pour réaliser une évaluation impartiale, et aucune préoccupation importante n'en est ressortie. L'enquête criminelle a été renvoyée au procureur de la Couronne, qui a déterminé qu'il n'était pas justifié de porter des accusations.

Une enquête administrative sur l'incident a ultérieurement été réalisée par l'inspecteur Yvon de Champlain, Section des infractions commerciales de la Division K de la GRC, en Alberta. L'inspecteur de Champlain a formulé un certain nombre de recommandations dans son rapport daté du 26 mai 2009. Le 16 juin 2009, l'inspecteur Mark Wharton, commandant du détachement de Whitehorse de la GRC, a réagi à ces recommandations.

Peu de temps avant l'enquête du coroner sur la mort sous garde de M. Silverfox, qui a été réalisée du 15 au 23 avril 2010, on s'est rendu compte du fait que la bande sonore de la salle de veille du bloc cellulaire n'avait pas été transcrite. Sur cette bande sonore, on peut entendre des membres, des gardiens et des surveillantes faire des commentaires sur M. Silverfox, sur l'état de sa cellule et sur le fait qu'il était malade. Deux semaines après la conclusion de l'enquête, la GRC a annoncé qu'une enquête en vertu du code de déontologie serait menée à cet égard.

Plainte déposée par le président

Compte tenu des préoccupations exprimées au sujet de la mort de personnes sous la garde de la GRC, la Commission exerce occasionnellement son pouvoir au nom du public pour examiner rigoureusement les faits qui ont suscité des préoccupations chez le public.

Le 12 décembre 2008, le président de la Commission de l'époque a présenté une plainte (annexe A) relative à la mort sous garde de M. Raymond Silverfox, à Whitehorse, au Yukon, en conformité avec le paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la GRC. La plainte portait sur la conduite de tous les membres de la GRC ou de toutes les personnes nommées ou employées en vertu de la Loi sur la GRC en cause dans l'incident ainsi que sur les situations d'ordre général où des personnes sont sous la garde de la GRC pour déterminer notamment :

  1. si les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC en cause dans les événements survenus le 2 décembre 2008, soit du premier contact avec M. Silverfox et de son arrestation jusqu'à sa détention et à sa mort, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne le traitement de personnes détenues par la GRC et, plus particulièrement, de la possibilité pour ces derniers de recevoir un traitement médical;
  2. si les membres du détachement de la GRC de Whitehorse ont surveillé adéquatement le gardien ou les gardiens chargés de la prestation de soins aux personnes sous la garde du détachement de la GRC de Whitehorse et qu'il lui ou leur ont fourni les directives appropriées, du moment où M. Silverfox a été mis sous garde jusqu'au moment de sa mort;
  3. si les politiques, procédures et lignes directrices de la GRC, établies à l'échelle nationale, à l'échelle de la division et au niveau du détachement, concernant la surveillance et le traitement des personnes sous la garde de la GRC sont suffisantes pour veiller à la prestation de soins appropriés et à la sécurité de ces personnes.

Conformément à la Loi sur la GRC, la GRC a enquêté sur la plainte. L'enquête sur la plainte du public a été réalisée par le sergent d'état‑major Tom Caverly de la Division E de la GRC, en Colombie‑Britannique. Le 16 février 2010, la GRC a diffusé son rapport final sur cette affaire (annexe B).

Aux termes de la Loi sur la GRC, la Commission examine la manière dont la GRC traite chaque plainte déposée par le président. À cette fin, la Commission a demandé à la GRC de lui fournir les documents nécessaires à son examen et a reçu cette information, le 16 mars 2010. La Commission a reçu les transcriptions de l'enquête du coroner le 15 juin 2010.

Examen des faits reliés aux événements réalisé par la Commission

Il est important de souligner que la Commission des plaintes du public contre la GRC est un organisme fédéral distinct et indépendant de la GRC. Lorsqu'elle réalise une enquête d'intérêt public, la Commission ne représente ni le plaignant ni les membres de la GRC. En tant que président de la Commission, mon rôle consiste à tirer des conclusions après un examen objectif de la preuve et, lorsqu'on le juge approprié, à formuler des recommandations relativement aux mesures que peut prendre la GRC pour améliorer ou corriger la conduite des membres de la GRC. Le rôle de la Commission n'est pas de rendre des décisions à l'égard de la responsabilité civile ou criminelle. Même si certains des termes utilisés dans le présent rapport peuvent également convenir au contexte criminel, l'utilisation de cette langue ne vise pas à satisfaire aux exigences du droit criminel en ce qui concerne la culpabilité, l'innocence ou la norme de la preuve.

Mes conclusions, exposées en détail ci‑dessous, sont fondées sur un examen rigoureux de l'ensemble des documents d'enquête, des bandes vidéo et audio en circuit fermé enregistrées dans le bloc cellulaire, du rapport d'enquête criminelle et de l'enquête administrative de la GRC, ainsi que des dispositions législatives et des politiques de la GRC applicables.

Tel qu'il a été indiqué ci-dessus, l'enquête du coroner relativement à la mort de M. Silverfox a eu lieu à Whitehorse du 15 au 23 avril 2010. L'objectif d'une enquête est de déterminer comment, quand, où et par quel moyen le défunt a perdu la vie. Même si le mandat d'une enquête est assez limité, je considère les éléments de preuve entendus comme une partie importante du processus d'établissement des faits relatifs à la mort de M. Silverfox. C'est pourquoi la Commission a examiné attentivement les transcriptions de l'enquête.

Il est important de souligner que la Division M de la GRC a offert son entière collaboration à la Commission durant tout le processus d'examen.

Premier enjeu : Si les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC en cause dans les événements survenus le 2 décembre 2008, soit du premier contact avec M. Silverfox et de son arrestation jusqu'à sa détention et à sa mort, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne le traitement de personnes détenues par la GRC et, plus particulièrement, de la possibilité pour ces derniers de recevoir un traitement médical.

Événements ayant eu lieu avant l'intervention de la GRC

Le 43e anniversaire de naissance de M. Silverfox a eu lieu la fin de semaine du 30 novembre 2008. M. Silverfox et ses amis ont célébré cet événement en buvant de grandes quantités d'alcool au cours d'une période d'environ deux jours. M. Silverfox n'avait pas l'habitude de boire beaucoup, mais était connu pour sa consommation occasionnelle excessive d'alcool, et, selon les apparences, c'est ce qu'il a fait cette fois‑là. M. Silverfox, un ouvrier de Carmacks (au Yukon), avait la réputation d'être un travailleur diligent et une personne passive, même lorsqu'il buvait.

Tard dans la soirée du 1er décembre, M. Silverfox et sa petite amie, Mme Jill Skookum, ont décidé de se rendre à Whitehorse, de Carmacks, ce qui représente un trajet de 2,5 heures en voiture. Comme c'est la pratique courante dans la région, M. Silverfox a offert 120 $ à M. Ray Hartling pour qu'il les conduise, lui et Mme Skookum, à Whitehorse. M. Hartling, qui a accepté, était accompagné de sa petite amie, Mme Jennifer Skookum (la petite cousine de Mme Skookum). M. Silverfox a payé un montant initial de 60 $ à M. Hartling, les quatre sont partis pour Whitehorse entre 21 h et 22 h.

Le trajet jusqu'à Whitehorse a été relativement peu mouvementé. Il était évident que M. Silverfox était en état d'ébriété, et il a uriné dans ses vêtements à un moment donné. M. Hartling a affirmé qu'un tel comportement n'était pas inhabituel pour M. Silverfox. M. Silverfox et Mme Skookum ont continué de boire durant le trajet. M. Silverfox buvait de la vodka.

Une fois arrivé à Whitehorse, M. Silverfox a essayé de retirer de l'argent d'un guichet automatique pour payer M. Hartling. Il n'a pas réussi à le faire et a affirmé que sa carte de guichet ne fonctionnait pas. Mme Skookum et Jennifer Skookum ont commencé à se disputer. M. Silverfox et Mme Skookum se sont éloignés de la voiture, et M. Hartling est reparti avec Jennifer Skookum. Ces derniers sont revenus quelques minutes plus tard, mais ils n'ont pas retrouvé M. Silverfox ni Mme Skookum. Jennifer Skookum a déclaré que, la dernière fois qu'elle a vu M. Silverfox, il n'avait pas l'air d'avoir les facultés affaiblies: Il faisait des blagues et il pouvait marcher et s'exprimer clairement.

M. Silverfox et Mme Skookum ont essayé de trouver un endroit où loger et, à 00 h 30, ils sont arrivés au refuge de l'Armée du Salut, où Mme Judy Lightening et M. James Kayotuk étaient en service. M. Silverfox et Mme Skookum sont partis pendant une courte période et sont revenus vers 00 h 45. Les deux étaient manifestement en état d'ébriété et ont dormi pendant un certain temps. Mme Lightening a inscrit, dans le registre du refuge, que lorsque M. Silverfox s'est réveillé il a vomi sur lui‑même et sur le plancher, et était incapable de se concentrer. Mme Lightening a également écrit que M. Silverfox se comportait comme un « zombie ». Mme Skookum a mentionné que, à un certain moment durant la nuit, M. Silverfox a bu toute une bouteille de vodka.

Mme Lightening a noté que M. Silverfox semblait ne vomir que de l'alcool. Elle a indiqué que M. Silverfox était en piètre état et qu'il avait même du mal à tenir le seau dans lequel on lui avait dit de vomir. Mme Lightening craignait que M. Silverfox souffre peut‑être d'intoxication alcoolique, et le fait qu'il vomissait dans la salle à manger du refuge, où l'on servirait bientôt le déjeuner, l'inquiétait. Elle a donc composé le 9-1-1. Elle a indiqué au répartiteur qu'elle téléphonerait à la GRC, mais, comme M. Silverfox était « en état d'ébriété avancé », elle savait que les membres de la GRC lui diraient d'appeler d'abord une ambulance. Elle a mentionné que M. Silverfox vomissait et qu'il était à peine conscient.

Deux ambulanciers, Mme Gillian Smith et M. Andrew McCann, sont arrivés au refuge à 4 h 59. M. Silverfox était conscient et réagissait bien selon les directives qu'on lui donnait. Ils ont fait subir un examen à M. Silverfox, ont pris ses signes vitaux et vérifié sa tension artérielle, sa glycémie, sa respiration et ses pupilles. Ils ont confirmé que les réactions de M. Silverfox étaient normales, malgré le fait qu'il était en état d'ébriété. Ils ont noté qu'il était ambulatoire. Il n'a pas vomi devant les ambulanciers, mais il y avait de la vomissure sur le plancher, et il a affirmé avoir consommé une bouteille de vodka, mais avoir arrêté de boire vers minuit. M. McCann a indiqué que M. Silverfox répondait à ses questions de manière « appropriée et correcte » et a évalué que le niveau d'ivresse était de 4,5 à 5,5 sur une échelle de 10. Mme Smith, quant à elle, a indiqué que son taux d'ivresse était de 5 sur 10. Rien n'indique que les préposés des SMU ont mesuré le taux d'alcoolémie de M. Silverfox.

Mme Lightening voulait que M. Silverfox soit retiré du refuge en raison de ses vomissements. Comme il faisait environ -16°C dehors, que M. Silverfox n'avait pas besoin de soins médicaux et qu'il ne souhaitait pas aller à l'hôpital, M. McCann a décidé de téléphoner à la GRC dans l'espoir que M. Silverfox serait incarcéré plutôt qu'abandonné au froid. Mme Smith a souligné que M. Silverfox n'était pas habillé assez chaudement pour dormir dehors, puisqu'il portait seulement une veste, un jeans et un chandail. À 5 h 5, les services ambulanciers de Whitehorse ont téléphoné au centre de répartition de la GRC pour demander que des membres se rendent à l'Armée du Salut. Le centre de répartition de la GRC a été informé du fait qu'un « monsieur turbulent » était en état d'ébriété et avait été examiné par les SMU. M. McCann a téléphoné au centre de répartition, qui a appelé la GRC à 5 h 7.

Contact initial et arrestation de M. Silverfox

Les gendarmes Van Marck et Bulford du détachement de la GRC de Whitehorse ont répondu à l'appel et sont arrivés au refuge à 5 h 10. M. McCann leur a dit que M. Silverfox n'avait pas de problèmes de santé, mais qu'il avait besoin d'un endroit où « dormir et se dégriser », puisque les préposés des SMU ne voulaient pas qu'on le laisse pour compte dans le froid. Le gendarme Bulford a mis M. Silverfox en état d'arrestation aux termes de l'article 175 du Code criminel parce qu'il troublait la paix. Ses notes ponctuelles indiquent que M. Silverfox était malade, que le personnel de l'Armée du Salut ne voulait pas qu'il demeure au refuge et que les SMU avaient affirmé qu'il pouvait être placé dans une cellule. M. Silverfox a marché jusqu'au véhicule de police sans aide et s'est assis sur la banquette arrière, puis on l'a conduit jusqu'au détachement.

La partie pertinente de l'article 175 du Code criminelNote de bas de page 1 qui codifie l'infraction consistant à troubler la paix, est ainsi libellée :

(1) Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, selon le cas :

  • a) n'étant pas dans une maison d'habitation, fait du tapage dans un endroit public ou près d'un tel endroit :
    • [...]
    • (ii) soit en étant ivre,

Selon le Code criminel, un « endroit public » est tout lieu auquel le public a accès de droit ou sur invitation, expresse ou implicite.

Le seuil pour remplir les critères relatifs à l'infraction qui consiste à troubler la paix est relativement peu élevé. Dans ce cas, personne ne conteste le fait que M. Silverfox était ivre et qu'il était dans un endroit public, à savoir le refuge de l'Armée du Salut, endroit implicitement ouvert à tous les membres du public qui ont besoin d'aide ou d'un logement. Il y avait d'autres personnes dans la salle à manger. Par conséquent, les gendarmes Van Marck et Bulford avaient les motifs raisonnables et probables requis pour arrêter M. Silverfox parce qu'il troublait la paix.

En plus d'avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction criminelle a été commise, les membres doivent satisfaire aux critères de l'article 495 du Code criminel pour arrêter une personne sans mandat, ce qui est le cas dans cette affaire. En vertu de cette disposition, un agent de la paix peut arrêter sans mandat une personne qui a commis une infraction pour laquelle la personne peut être punie sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire seulement s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il est nécessaire, dans l'intérêt public, d'identifier la personne, de recueillir ou conserver une preuve ou d'empêcher que l'infraction se poursuive ou se répète. En outre, l'agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables de croire que la personne omettra d'être présente au tribunal si elle n'est pas arrêtée.

Dans la présente affaire, il est évident que l'ivresse de M. Silverfox dans un endroit public se poursuivait. Compte tenu du fait que M. Silverfox n'était pas un résident de Whitehorse et qu'il n'était pas connu de la police, je conclus qu'il était raisonnable donc de la part des membres de déterminer que son arrestation était nécessaire.

Je crois qu'il m'incombe de souligner également que, même si l'arrestation et la détention subséquente de M. Silverfox étaient raisonnables aux termes du Code criminel, il est évident que la décision de le mettre sous garde a été prise par compassion. Le fait que le personnel des SMU et les membres ne voulaient pas que M. Silverfox soit abandonné dehors dans le froid extrême était le facteur principal qui a mené à son arrestation et, malgré les événements tragiques qui en ont découlé, les gendarmes Van Marck et Bulford ne devraient pas être blâmés pour la décision qu'ils ont prise, qui était raisonnable dans les circonstances.

Conclusion : L'arrestation sans mandat de M. Silverfox était raisonnable et conforme au Code criminel.

Selon les politiques opérationnelles nationales de la GRC en vigueur au moment de l'incident :

19.2.3.6. Si une aide médicale s'avère nécessaire et que la personne doit être confiée à sa garde :

19.2.3.6.1. informer le professionnel de la santé que la personne sera incarcérée;

19.2.3.6.2. dans la mesure du possible, obtenir une déclaration écrite du professionnel de la santé attestant que la personne est apte à être incarcérée;

19.2.3.6.3. à défaut d'une telle attestation, veiller à prendre des notes détaillées et en verser une copie au dossier d'enquête;

19.3.4.4.1. inscrire sur la formule C-13-1 la date, l'heure et le nom du professionnel de la santé qui a déclaré le prisonnier apte à être incarcéré.

Le personnel des SMU a téléphoné à la GRC pour que M. Silverfox soit incarcéré et mis à l'abri du froid. Par conséquent, les ambulanciers savaient qu'il serait placé dans une cellule. Toutefois, les gendarmes Van Marck et Bulford n'ont pas obtenu de document écrit des ambulanciers indiquant que M. Silverfox était apte à être incarcéré ni noté quelqu'information relative à l'intervention des SMU. La partie pertinente du formulaire C‑13, le rapport sur le prisonnier, porte sur l'examen médical. Il faut cocher la case « Oui » ou « Non » à l'énoncé « Apte à l'incarcération ». À la suite de ces cases, il y a des cases pour la date et l'heure. Toutes ces cases ont été laissées vides.

La politique prévoit l'inclusion de notes détaillées dans le dossier d'enquête s'il n'est pas possible d'obtenir des documents des SMU. Dans le cas présent, rien ne donne à penser qu'il aurait été impossible d'obtenir un document des SMU : il n'y avait pas de situation émergente, M. Silverfox était calme et coopératif, et il n'y avait pas d'urgence particulière qui aurait forcé les membres à sauter l'étape de l'obtention d'un certificat. En tout état de cause, le gendarme Bulford était le seul à avoir pris des notes relatives au contact initial des membres avec M. Silverfox et à son placement sous garde. Il a écrit que : « Les SMU disent qu'il peut être placé dans une cellule ».

Même si j'admettais que l'obtention d'un certificat des SMU était impossible, il est clair que les notes ne sont pas suffisamment détaillées pour satisfaire aux exigences de la politique pertinente, comme cela est indiqué ci‑dessus. Ni les résultats de l'examen des SMU ni le nom des employés des SMU n'ont été notés. Par conséquent, je conclus que les gendarmes Van Marck et Bulford ont omis d'obtenir des documents des SMU indiquant que M. Silverfox était apte à l'incarcération, qu'ils n'ont pas rempli la section pertinente du rapport sur le prisonnier et qu'ils n'ont pas pris de notes détaillées à cet égard, comme l'exige la politique.

Conclusion : Les gendarmes Van Marck et Bulford n'ont pas obtenu de document des SMU certifiant que M. Silverfox était apte à l'incarcération, ils n'ont pas rempli la section du rapport sur le prisonnier qui porte sur l'examen des SMU et ils n'ont pas pris de notes détaillées à cet égard, comme l'exige la politique.

Recommandation : Que le commandant de détachement effectue des vérifications ponctuelles des rapports sur les prisonniers pour garantir que des notes appropriées sont prises, conformément à la politique de la GRC.

Dans sa réponse à l'examen administratif, l'inspecteur Wharton a déclaré qu'il veillerait à ce que les membres consignent l'information appropriée dans les rapports sur les prisonniers.

En plus de ce qui précède, j'aimerais souligner que le gendarme Van Marck semble n'avoir pris aucune note au sujet de son interaction avec M. Silverfox à la date en question. Comme la Commission l'a déjà fait à de nombreuses reprises, je dois réaffirmer l'importance des notes des membres pour la description d'événements ponctuels. Ces notes sont indispensables pour les personnes chargées d'enquêter sur des événements passés et pour le membre lui-même, qui peut alors les utiliser pour se rafraichir la mémoire et expliquer les actes qu'il a posés antérieurement. Il est souvent difficile de se souvenir de détails précis, et les notes des membres sont le meilleur moyen de rendre compte de leur interaction avec le public. Les politiques opérationnelles nationales de la GRC en vigueur au moment de l'événement sont ainsi libellées :

25.2.2.1. Le calepin du membre constitue un outil d'enquête fondamental. Il est essentiel que le calepin soit bien rempli, complet et exact afin qu'il aide à l'enquête, corrobore la preuve et rehausse la crédibilité du témoignage du membre devant les tribunaux. Des notes bien consignées peuvent également s'avérer très utiles pour corroborer de l'information plusieurs années après l'enquête.

25.2.2.2. On peut utiliser ses notes pour se rafraîchir la mémoire lors du procès si les notes ont été prises au moment de l'incident ou à peu près à ce moment-là.

25.2.2.3. Si on remplit des fonctions opérationnelles, utiliser et tenir un calepin à jour. Consigner la date de toute assistance opérationnelle dans son calepin.

Le gendarme Van Marck n'a pris aucune note concernant l'incident en cause.

Conclusion : Le gendarme Van Marck n'a pris aucune note concernant son interaction avec M. Silverfox.

Recommandation : Qu'un officier supérieur revoie avec le gendarme Van Marck l'importance de prendre des notes détaillées, tel que l'exige la politique de la GRC.

Mise en détention dans les cellules de la GRC

À 5 h 13, M. Silverfox a été mis en détention dans la cellule 3, qu'on appelle communément l'une des deux « cellules de dégrisement » du détachement de la GRC de Whitehorse. Les membres n'ont pas prélevé d'échantillons d'haleine à l'aide d'un appareil de détection, puisque M. Silverfox venait d'être examiné par les SMU, qui l'avaient déclaré apte à être incarcéré. M. Silverfox a été placé dans la cellule, qui était occupée par deux autres hommes. Dans ses interactions avec les gendarmes Van Marck et Bulford, M. Silverfox a obtempéré et répondu à leurs questions de manière appropriée.

Le gendarme Bulford a déclaré ne pas avoir utilisé l'appareil de détection à l'endroit de M. Silverfox parce qu'il avait déjà été examiné par les SMU. Le gendarme Bulford a expliqué que l'appareil de détection est utilisé pour prélever des échantillons lorsqu'on craint pour la sécurité des prisonniers et que, dans le cas présent, M. Silverfox avait déjà été examiné par le personnel médical d'urgence. Les membres n'avaient donc pas de préoccupations liées à sa sécurité. Le gendarme Van Marck a appuyé le gendarme Bulford et affirmé qu'il n'était pas nécessaire d'utiliser l'appareil de détection, puisque M. Silverfox avait déjà été examiné par les SMU.

En raison des problèmes qui peuvent découler d'une ivresse aiguë, la politique du détachement de la GRC de Whitehorse qui était en vigueur au moment de l'incident prévoyait ce qui suit :

[traduction]

19.2.1.1 Dans le cadre du processus de réception, il est demandé à tous les prisonniers soupçonnés d'être sous l'effet de l'alcool de fournir un échantillon d'haleine à l'aide du dispositif de prélèvement (numérique) approuvé.

19.2.1.2 Un prisonnier ayant un taux d'alcoolémie de 350 mg/100 mL de sang ou plus doit être transporté à l'Hôpital général de Whitehorse pour examen ou traitement avant d'être placé dans une cellule.

Les gendarmes Van Marck et Bulford ont affirmé qu'ils ne croyaient pas devoir suivre la politique dans ce cas, puisque M. Silverfox avait été déclaré apte à être incarcéré par le personnel des SMU. Toutefois, il est important de souligner que la politique est normative en ce qui concerne la nécessité d'administrer l'appareil de détection; aucune exception n'est prévue pour les circonstances dans lesquelles une personne a été examinée par du personnel médical. Néanmoins, compte tenu du peu de temps qui s'est écoulé entre l'examen médical et l'incarcération de M. Silverfox, il était peut‑être raisonnable pour les membres de décider qu'il ne serait pas utile de vérifier de nouveau le taux d'alcoolémie de M. Silverfox, puisqu'on avait déjà fait un tel test.

Malgré ce qui précède, aucun élément probant ne donne à penser que le personnel des SMU a vérifié le taux d'alcoolémie de M. Silverfox : cela n'a pas été noté dans les rapports médicaux de M. Silverfox ni soulevé par Mme Smith ou M. McCann dans leurs déclarations. Par conséquent, les membres ne semblent pas avoir été fondés à se fier à l'évaluation médicale pour ce qui est du taux d'alcoolémie de M. Silverfox, plutôt que de suivre la politique en vigueur au détachement.

Conclusion : Les gendarmes Van Marck et Bulford n'ont pas suivi la politique du détachement, selon laquelle il faut demander aux prisonniers en état d'ébriété de fournir un échantillon d'haleine avant leur incarcération.

Recommandation : Que les membres du détachement de la GRC de Whitehorse, ainsi que tous les gardiens et toutes les surveillantes qui travaillent dans les cellules de la GRC, à Whitehorse, reçoivent une formation plus poussée sur les signes et les symptômes de l'ébriété et sur les problèmes de santé qui peuvent en découler.

Selon l'inspecteur Wharton, il aurait mis en œuvre une recommandation découlant de l'examen administratif relatif à cet incident, selon laquelle ils devaient s'assurer que la politique était respectée. Il a également affirmé avoir examiné la politique en question et y avoir ajouté des dispositions exigeant des membres qu'ils tiennent compte de toutes les circonstances et des indications d'ébriété, et qu'ils envisagent la prestation de soins de santé, même si le taux d'alcoolémie d'un prisonnier ne dépasse pas les 350 mg par 100 mL de sang, selon l'appareil de détection.

Les membres qui placent des prisonniers dans les cellules sont également responsables de prendre en note le niveau de réaction de la personne. La politique opérationnelle nationale de la GRC qui s'applique porte ce qui suit :

19.2.3.8. On doit consigner les résultats de l'évaluation des réactions du prisonnier sur la formule C-13-1 avant de mettre la personne dans une cellule. Le gardien de service doit par la suite effectuer régulièrement l'évaluation des réactions du prisonnier jusqu'à ce qu'il soit libéré.

19.3.2.2. On doit évaluer les réactions du prisonnier et consigner l'information sur une formule C‑13-1 avant de mettre la personne dans une cellule. Charger le gardien de service d'évaluer régulièrement les réactions du prisonnier et de consigner les résultats dans le registre des prisonniers.

Même si, selon le rapport sur le prisonnier, le gendarme Van Marck était l'« enquêteur », c'est le gendarme Bulford qui a, dans les faits, rempli le rapport. Le gendarme Bulford a indiqué, dans le rapport, qu'il avait évalué les réactions de M. Silverfox, et il est évident, dans la vidéo du bloc cellulaire, que M. Silverfox a répondu aux questions et a réagi aux directives données par les membres durant le processus de mise sous garde. Le gendarme Bulford a indiqué, dans la section sur l'examen du prisonnier dans le rapport du prisonnier, que l'haleine de M. Silverfox sentait beaucoup l'alcool, qu'il vomissait et était maladroit, qu'il vacillait et fléchissait, qu'il était difficile à comprendre, qu'il semblait vouloir s'endormir et qu'il était placide. Dans la section sur les maladies et les médicaments, il a écrit : « Aucun connu ». Compte tenu de l'information dans le rapport sur le prisonnier qui a été rempli durant le processus de mise sous garde, je suis convaincu que le gendarme Bulford a évalué les réactions de M. Silverfox de manière adéquate et qu'il a rempli la section pertinente du rapport sur le prisonnier, conformément aux exigences.

Conclusion : Le gendarme Bulford a évalué les réactions de M. Silverfox de manière adéquate au moment de la mise en détention et a rempli la section pertinente du rapport sur le prisonnier, conformément aux exigences.

Quart du gardien Craig MacLellan

Craig MacLellan était le gardien en poste au moment où M. Silverfox a été mis sous garde. Les gardiens et les surveillantes du détachement de la GRC de Whitehorse sont des employés du Corps canadien des commissionnaires, et M. Harry Elliott est le coordonnateur du programme de gardiens de la GRC. Le gendarme Paul Brisley et le gendarme Jeff Kalles ont été désignés coordonnateurs des gardiens pour le détachement de Whitehorse. La formation de gardien, dispensée par M. Elliott, était conforme aux Normes de cours de la GRC pour les gardiens.

Essentiellement, aux termes de la politique de la GRC, les gardiens et les surveillantes doivent avoir un certificat élémentaire valide de premiers soins et de réanimation cardiorespiratoire et suivre une recertification annuelle une fois leur formation initiale terminéeNote de bas de page 2. Craig MacLellan avait un certificat de premiers soins et de réanimation cardiorespiratoire en vigueur et avait suivi sa formation pour les gardiens le 24 juin 2008. Sa formation était complète et valide.

Conclusion : La formation du gardien Craig MacLellan était complète et valide.

Craig MacLellan a indiqué que, durant le processus de mise sous garde, M. Silverfox était raisonnable et obtempérait, même s'il était « pas mal saoul». Il a décrit M. Silverfox de cette manière parce qu'il traînait les pieds et chancelait, mais « pas trop ». Craig MacLellan a déclaré : « [...] c'était presque comme n'importe quel autre gars soûl [...] j'ai probablement eu affaire à des centaines d'ivrognes par le passé. » Il a fait remarquer que M. Silverfox s'était uriné dessus, mais il ne se souvenait pas d'avoir reçu de l'information à son sujet du gendarme Van Marck ou Bulford, mis à part le fait qu'il avait peut‑être déféqué dans son pantalon.

Aux termes de la politique opérationnelle nationale de la GRC, les personnes qui ont été déclarées aptes à être incarcérées doivent être placées dans leur cellule dans la position de réveil, leur visage bien en vue, « lorsqu'approprié et dans la mesure du possibleNote de bas de page 3 ». Cela n'a pas été fait, puisqu'on a tout simplement placé M. Silverfox dans la cellule et qu'on l'a laissé se positionner lui‑même. Toutefois, M. Silverfox était capable de marcher (seul) ce moment‑là, et il est clair, dans la vidéo du bloc cellulaire, qu'il était capable d'entrer dans la cellule, où il a interagi brièvement avec les autres occupants pour ensuite se pencher et s'asseoir par terre. Ainsi, comme les membres avaient vu que M. Silverfox était capable de marcher et de parler à ce moment‑là, malgré des indications évidentes d'ivresse, il n'était pas nécessaire ni approprié d'intervenir pour le placer dans la position de réveil.

Conclusion : Il n'était pas nécessaire de placer M. Silverfox dans la position de réveil lorsqu'il est entré dans la cellule 3.

Même si Craig MacLellan n'a effectué une vérification physique de M. Silverfox qu'à 7 h 5, il a suivi certains de ses actes en regardant la bande vidéo en circuit fermé du détachement et en les consignant dans le registre des prisonniers. Il a vu M. Silverfox se tourner et se retourner et il a cru que cela était dû à son état d'ébriété. Il a également remarqué que M. Silverfox avait des haut-le-cœur, même s'il ne vomissait pas.

L'une des personnes qui partageaient la cellule avec M. Silverfox a déclaré :

Raymond SILVERFOX était en foutue hyperventilation. Il n'arrêtait pas d'être malade. Il s'est chié et pissé dessus. Il n'arrêtait pas de vomir. Il était pas mal évident qu'il avait besoin d'aide, mais ils n'ont rien fait.

Il a lui aussi remarqué que M. Silverfox a eu des haut-le-cœur après avoir vomi. Il a indiqué que M. Silverfox était trop malade pour lui parler ou pour parler à l'autre occupant de la cellule. Ce dernier a confirmé que M. Silverfox était extrêmement ivre et a ajouté que, une fois mis en liberté, il a dit au gardien que quelque chose n'allait vraiment pas avec M. Silverfox. Ni Craig MacLellan ni les autres membres présents ne se souviennent de cela, et la vidéo ne montre pas cet événement.

À 6 h 55, le gendarme Dennis Connelly a mis en liberté les autres hommes qui étaient dans la cellule 3 et a brièvement parlé à M. Silverfox. À 7 h 22, il est retourné voir M. Silverfox et lui a demandé s'il allait bien. M. Silverfox ne lui a pas répondu, mais ses yeux étaient ouverts et il continuait de se déplacer. Le gendarme Connelly est retourné voir M. Silverfox à 7 h 57.

Remarque : La caporale Gale était l'officier supérieur et non la chef de veille, tel qu'il était mentionné à l'origine.

Le gendarme Gale, qui était l'officier supérieur au moment où M. Silverfox a été placé dans la cellule, s'est rendu au bloc cellulaire vers 7 h 51, probablement peu avant la fin de son quart. Selon la politique opérationnelle nationale de la GRC en vigueur au moment de l'incident :

19.3.1.11. Au début et à la fin du quart du membre ou du gardien, le membre supérieur de service, accompagné du gardien, évalue chaque prisonnier dans les cellules et en prend note.

19.3.2.1. Le membre et le gardien de service sont responsables de l'évaluation des réactions de chaque prisonnier dans les cellules et doivent être au courant de l'obligation d'évaluer les réactions des prisonniers et d'effectuer des évaluations au besoin.

19.11.12.3. Au début de son quart de travail, le chef de veille passe en revue les formules C-13-1, vérifie la situation de chaque prisonnier et s'assure que chaque prisonnier est détenu légalement.

Même si le caporal Gale était dans le bloc cellulaire, rien n'indique qu'il a pris des mesures pour évaluer M. Silverfox à la fin de son quart.

Conclusion : Le caporal Gale n'a pas évalué l'état de M. Silverfox à la fin de son quart.

Recommandation : Que le commandant du détachement effectue régulièrement des vérifications ponctuelles des registres des prisonniers pour s'assurer que les chefs de veille évaluent les prisonniers au début, à la fin et tout au long de leur quart, tel que l'exige la politique de la GRC.

En réponse à l'enquête administrative réalisée, l'inspecteur Wharton s'est assuré que les chefs de veille comprenaient leurs responsabilités à l'égard des installations du bloc cellulaire du détachement et des personnes qui s'y trouvent détenues, ainsi que la nécessité d'évaluer les prisonniers et de prendre des notes relatives à ces évaluations. Les suppléments de l'unité ont été mis à jour pour refléter la politique nationale.

La caporale MacLeod, qui était chef de veille au moment de la mort de M. Silverfox, a commencé son quart à 7 h. Il devait finir à 19 h. La caporale MacLeod est arrivée à la salle de veille à 8 h 3, mais elle n'a pas effectué de vérification physique dans le bloc cellulaire.

Même si la caporale MacLeod se souvenait d'avoir lu, tel que l'exige la politique, les rapports sur les prisonniers (C‑13s), qui ne comprenaient, à ce moment‑là, que celui de M. Silverfox, rien n'indique qu'elle a effectué une vérification physique ou évalué l'état de M. Silverfox, comme le prévoit la politique. Aucun élément probant ne montre qu'elle s'est questionnée sur la raison pour laquelle on n'avait pas utilisé l'appareil de détection sur M. Silverfox et pourquoi son taux d'alcoolémie n'avait pas été enregistré. Dans le rapport sur le prisonnier de M. Silverfox, il n'y avait pas de détails sur ses vomissements ni sur l'examen réalisé par les SMU. Rien n'indique que Craig MacLellan ou tout autre membre a donné plus d'information à la caporale MacLeod sur M. Silverfox.

À l'enquête du coroner, la caporale MacLeod a déclaré ne pas avoir effectué la vérification physique parce que M. Silverfox était aux toilettes. La vidéo du bloc cellulaire montre qu'elle est arrivée dans le bloc cellulaire vers 8 h 3. Elle a examiné le rapport sur le prisonnier environ une minute plus tard, et, à 8 h 9, elle a commencé à aider des membres à fouiller et à mettre en détention un prisonnier récalcitrant, ce qui semble lui avoir pris assez de temps, puisqu'elle n'est réapparue et n'a quitté la salle de veille qu'à 8 h 20. M. Silverfox a commencé à utiliser la toilette à 8 h 17 et n'a terminé qu'à 8 h 29.

Même si l'explication fournie par la caporale MacLeod pour indiquer pourquoi elle n'a pas effectué de vérification physique de M. Silverfox est compatible avec les événements que l'on peut voir sur la vidéo du bloc cellulaire, la politique relative aux vérifications à effectuer au début du quart du membre supérieur ne prévoit pas que ces vérifications doivent être effectuées seulement « lorsque cela est possible »; la politique est normative, et ces vérifications doivent être effectuées. Enfin, rien n'indique que la caporale MacLeod a attendu ou est retournée pour déterminer si M. Silverfox serait disponible, et, tel qu'indiqué ci-dessus, elle ne semble pas avoir posé de questions ni reçu d'information à son sujet.

Conclusion : La caporale MacLeod n'a pas effectué de vérification physique de M. Silverfox ni évalué l'état de ce dernier au début de son quart en tant que chef de veille.

Conclusion : Même si la caporale MacLeod a examiné le rapport sur le prisonnier de M. Silverfox, elle ne s'est pas questionnée sur l'absence de mesure de son taux d'alcoolémie.

Recommandation : Que les chefs de veille examinent les rapports sur les prisonniers au début et à la fin de leur quart, et qu'ils constatent et corrigent toute omission, ou en ordonnent la correction.

Je réitère également ma recommandation antérieure selon laquelle le commandant du détachement devrait effectuer des « vérifications ponctuelles » régulières des registres des prisonniers et des rapports sur les prisonniers pour contrôler la conformité avec la politique de la GRC. Par ailleurs, comme cela a déjà été mentionné, l'inspecteur Wharton a affirmé, en réponse à l'enquête administrative, qu'il avait veillé à ce que les chefs de veille connaissent mieux leurs responsabilités.

Craig MacLellan se souvenait d'avoir parlé au gendarme Connelly au sujet de M. Silverfox et de lui avoir dit que M. Silverfox avait été malade à l'Armée du Salut et qu'il avait des haut-le-cœur. Il se rappelait également que M. Silverfox avait uriné dans son pantalon. Craig MacLellan a souligné que M. Silverfox n'a rien dit et a continué « [...] et que c'était bizarre aussi parce que je sais que si les gens sont malades ou ne se sentent pas bien, ils donnent également des coups dans la porte [...] ils veulent qu'on appelle les SMU pour plein de problèmes mineurs [...] ». Il ne se souvenait pas d'avoir entendu les deux autres prisonniers dire quoi que ce soit au sujet de M. Silverfox. Dans le registre des prisonniers, Craig MacLellan a souligné que M. Silverfox avait eu des haut-le-cœur à deux reprises.

La politique opérationnelle nationale de la GRC qui était en vigueur au moment de la mort de M. Silverfox prévoyait ce qui suit à l'égard des obligations des membres de la GRC en ce qui concerne les prisonniers :

19.2.3.2. Évaluer régulièrement les réactions de la personne.

19.2.3.3. Transcrire ces renseignements (p. ex. quantité d'alcool ou de drogues consommée, présence de bouteilles d'alcool ou d'accessoires facilitant la consommation de drogues) sur la formule C-13-1 et dans le dossier d'enquête.

19.2.3.4. Communiquer ces renseignements et les résultats de l'évaluation des réactions au membre ou au gardien responsable de la garde du prisonnier jusqu'à ce qu'il soit libéré. Les renseignements doivent également être communiqués à tout professionnel de la santé [ce qui peut comprendre un praticien, une infirmière, un auxiliaire médical et un ambulancier].

19.2.3.5. Veiller à ce que les renseignements sur l'évaluation des réactions soient communiqués aux membres et aux gardiens de relève jusqu'à ce que la personne soit libérée. Évaluer régulièrement les réactions et communiquer les résultats.

[...]

19.2.3.8. On doit consigner les résultats de l'évaluation des réactions du prisonnier sur la formule C-13-1 avant de mettre la personne dans une cellule. Le gardien de service doit par la suite effectuer régulièrement l'évaluation des réactions du prisonnier jusqu'à ce qu'il soit libéré.

Tel qu'il a déjà été déterminé, le gendarme Bulford a évalué les réactions de M. Silverfox de manière adéquate au moment de le mettre sous garde. Même si Craig MacLellan a déclaré ne pas se souvenir si les membres qui avaient mis M. Silverfox en détention lui ont fourni de l'information sur le prisonnier, il a ultérieurement affirmé avoir dit au gendarme Connelly que M. Silverfox avait vomi à l'Armée du Salut. Comme cette information ne figurait pas dans le rapport sur le prisonnier, il est évident qu'il a dû recevoir au moins certaines informations au sujet de la situation de M. Silverfox, soit du gendarme Bulford soit du gendarme Van Marck. Toutefois, il est également évident que le transfert de renseignements entre les membres et le gardien n'avait pas été officiel, puisqu'il n'a pas été enregistré et que Craig MacLellan n'en conservait pas de souvenirs précis. En tout état de cause, selon les affirmations des deux membres et de Craig MacLellan, rien n'indique qu'ils ont reconnu l'importance de la communication de renseignements sur les personnes qui sont sous garde à la GRC. Selon les éléments probants auxquels j'ai accès, je ne peux pas conclure que les renseignements relatifs à la situation particulière de M. Silverfox ont été communiqués de manière complète à Craig MacLellan par les gendarmes Bulford et Van Marck, tel que le prévoit la politique.

Conclusion : Les renseignements relatifs à M. Silverfox n'ont pas été communiqués de manière complète à Craig MacLellan, ni par le gendarme Bulford ni par le gendarme Van Marck.

Recommandation : Que le commandant du détachement revoie avec tous les membres et tous les gardiens l'importance et la nécessité de communiquer, de manière rigoureuse et cohérente, les renseignements relatifs aux personnes sous garde au détachement de la GRC de Whitehorse.

De plus, je réitère ma recommandation selon laquelle les chefs de veille devraient examiner les registres des prisonniers pour garantir la conformité avec la politique relative à la vérification et à la surveillance des prisonniers, en plus de la consignation de renseignements à cet égard.

Durant le quart du gardien Craig MacLellan, ce dernier a pris un certain nombre de notes au sujet de M. Silverfox dans le registre des prisonniers. La politique opérationnelle nationale de la GRC relative aux obligations des gardiens en fonction prévoit ce qui suit :

16.4.4.5. Les caméras de surveillance vidéo doivent servir à accroître la sécurité du bloc cellulaire, mais elles ne doivent pas remplacer les contrôles de sécurité physiques.

19.3.3.1. Toutes les vérifications du prisonnier doivent être consignées dans le registre des prisonniers.

19.3.3.2. Le registre [...] doit comprendre des colonnes pour la date, l'heure, le numéro de prisonnier, le numéro de cellule, les constatations, le type de vérification effectué (p. ex. MVCF ou vérification physique lorsque le gardien ou la surveillante se poste à un endroit à l'extérieur de la cellule pour observer le prisonnier) et les initiales du gardien.

19.3.5.1. Vérifier fréquemment les prisonniers à intervalles irréguliers afin de s'assurer de leur sécurité et de leur bien-être. Veiller à ce que les intervalles ne dépassent pas 15 minutes.

19.3.5.2. Consigner toutes les vérifications du prisonnier dans le registre des prisonniers. Préciser les activités du prisonnier, le type de vérification effectué et l'état du prisonnier au moment de la vérification. Veiller à ce que ces inscriptions soient faites clairement afin qu'il soit possible de bien les comprendre si on les consulte à une date ultérieure.

En outre, la politique opérationnelle de la Division M concernant la surveillance des prisonniers porte que :

[traduction]

19.1.1.3 Le gardien/la surveillante effectuera une vérification de tous les prisonniers de manière intermittente, p. ex, à 5, 8, 10 et 7 minutes d'intervalle, mais des écarts d'une durée de moins de 15 minutes, et de manière continue s'ils sont malades ou blessés. Le gardien/la surveillante doit s'assurer qu'il y a des mouvements physiques à chacune de ces vérifications et que ces mouvements sont consignés.

19.1.1.4 Dans les détachements disposant d'un équipement de surveillance, le gardien/la surveillante doit indiquer dans le registre de la salle de veille s'il y a eu une vérification physique ou si le détenu a été surveillé par l'intermédiaire d'un écran du système vidéo. Il faut écrire « M » (matériel vidéo) ou « P » (physique) dans le registre, à côté de chaque entrée.

La politique applicable particulière au détachement de la GRC de Whitehorse est ainsi libellée :

[traduction]

19.3.3.1 L'utilisation de l'écran du système vidéo en circuit fermé permet une surveillance accrue mais ne constitue pas une vérification des prisonniers en tant que telle.

Craig MacLellan a pris des notes au sujet de M. Silverfox à des intervalles de 2 à 15 minutes. Les intervalles étaient irréguliers, comme le prévoit la politique, mais il n'était pas précisé, dans les notes, si les vérifications effectuées étaient des vérifications au moyen de l'écran du système de vidéo surveillance ou des vérifications physiques. Cela va à l'encontre de la politique divisionnaire à cet égard. La vidéo du bloc cellulaire montre que seulement l'une des vérifications effectuées par Craig MacLellan était une vérification physique. Comme les politiques nationale et divisionnaire et celles du détachement stipulent clairement qu'une vérification au moyen de l'écran du système de vidéo ne constitue pas une vérification du prisonnier, le nombre de vérifications effectuées auprès de M. Silverfox durant le quart du gardien Craig MacLellan était insuffisant.

Conclusion : Les intervalles notés dans le registre des prisonniers relativement aux vérifications de M. Silverfox durant le quart de Craig MacLellan étaient conformes à la politique de la GRC, tout comme l'était l'irrégularité de ces intervalles.

Conclusion : Craig MacLellan n'a pas indiqué si M. Silverfox avait fait l'objet de vérifications physiques ou si les vérifications avaient été faites au moyen de l'écran du système vidéo.

Conclusion : Comme la politique divisionnaire stipule clairement que les vérifications effectuées doivent être des vérifications physiques, le nombre de vérifications effectuées auprès de M. Silverfox durant le quart du gardien Craig MacLellan était insuffisant.

Recommandation : Que les chefs de veille examinent les registres des prisonniers par intermittence tout au long de leur quart et à la fin de ce dernier pour assurer la conformité avec la politique de la GRC en ce qui concerne la vérification et la surveillance des prisonniers, ainsi que la consignation des renseignements à cet égard.

La plupart des notes prises par Craig MacLellan ne faisaient état que de la position dans laquelle M. Silverfox était couché à ce moment précis, même si celui-ci a noté, à trois reprises, que M. Silverfox semblait avoir des haut-le-cœur ou vomir. La vidéo du bloc cellulaire montre toutefois que M. Silverfox semble vomir à sept reprises. Aucune de ces occurrences ne correspond aux moments notés dans le registre des prisonniers. Même s'il est impossible de conclure que le gardien aurait pris note d'un plus grand nombre des actes de M. Silverfox s'il avait effectué des vérifications physiques, on doit toutefois conclure, ici aussi, que M. Silverfox a été surveillé de manière inadéquate.

Vérifications physiques et vérifications par vidéo

Tel qu'il a déjà été indiqué, les politiques de la division et du détachement exigent que les vérifications des prisonniers soient faites au moins aux 15 minutes et qu'il devrait s'agir de vérifications physiques, plutôt que de vérifications au moyen de l'écran du système vidéo. L'exigence relative aux vérifications physiques est conforme à la politique nationale à cet égard.

Même si les vérifications physiques peuvent sembler un processus contraignant et souvent inutile lorsqu'une surveillance vidéo est assurée, il incombe aux membres et aux gardiens de reconnaître que les vérifications physiques sont essentielles pour évaluer les réactions des prisonniers, ce qui est également requis par la politique, et pour constater certains éléments de l'apparence et du comportement du prisonnier, qui pourraient ne pas être remarqués à l'écran en raison de la qualité et de la résolution relativement faibles de la majeure partie du matériel vidéo du bloc cellulaire. De plus, la vidéo du bloc cellulaire, dans ce cas, n'était pas équipée pour la transmission du son de l'intérieur des cellules, et une vérification vidéo ne permettrait pas de constater, dans tous les cas, qu'un prisonnier appelle à l'aide ou qu'il agit de manière autrement inhabituelle.

Une vérification physique et une observation directe des prisonniers fournissent certainement plus d'information que le simple visionnement d'un écran vidéo, et, à mon avis, il est important que les politiques relatives à l'exigence de vérifier physiquement les prisonniers soient maintenues et suivies. Même si l'avènement de nouvelles technologies de surveillance est utile, en conformité avec la politique, ces technologies devraient s'ajouter à l'observation directe et non la remplacer.

Au‑delà de l'exigence d'effectuer des vérifications physiques, la politique opérationnelle nationale de la GRC prévoit ce qui suit :

19.3.5.4. Surveiller constamment les prisonniers qui ont des tendances suicidaires connues ou présumées ainsi que ceux qui ont été examinés par un professionnel de la santé, [...] et qui ont été déclarés aptes à être incarcérés.

19.3.5.4.1. On entend par surveiller constamment observer les prisonniers sans aucune interruption. Le MVCF peut servir à augmenter les vérifications physiques, mais non à les remplacer.

Dans l'affaire en cause, M. Silverfox a été déclaré apte à être incarcéré par le personnel médical. Selon la politique, il aurait dû faire l'objet d'une surveillance constante. À l'enquête du coroner, une grande partie de la discussion a porté sur l'exigence de surveiller constamment les prisonniers et de ce que suppose exactement une surveillance constante. Même si le terme « surveillance constante » suppose un niveau élevé de surveillance et une vigilance accrue à l'égard de tout problème compte tenu de ce qui semble être une prédisposition des personnes qui ont fait l'objet d'un examen médical avant l'incarcération, il serait impossible pour les gardiens ou les membres de surveiller physiquement tout prisonnier, y compris M. Silverfox, constamment, sans répercussions importantes sur les ressources. À mon avis, les exigences relatives aux vérifications physiques fréquentes auxquelles s'ajoute la surveillance par vidéo étaient suffisantes dans ce cas, même si leur caractère suffisant dépend largement du respect de la politique. Par conséquent, je conclus qu'on aurait satisfait à l'exigence de surveiller constamment les prisonniers si on avait respecté la politique de la GRC relative aux vérifications physiques des prisonniers en plus de faire preuve d'un niveau accru de vigilance compte tenu du fait que M. Silverfox avait fait l'objet d'un examen médical avant son incarcération.

Conclusion : On aurait satisfait à l'exigence de surveiller constamment les prisonniers si on avait respecté la politique de la GRC relative aux vérifications physiques des prisonniers en plus de faire preuve d'un niveau accru de vigilance compte tenu du fait que M. Silverfox avait fait l'objet d'un examen médical avant son incarcération.

Le quart de gardien de Heather Balfour

Mme Heather Balfour a pris la relève en tant que surveillante après le quart de Craig MacLellan, vers 7 h 40. Elle est demeurée en poste jusqu'à environ 15 h 30. Mme Balfour a suivi le cours de formation de gardien pour la première fois le 17 juin 2007, et elle a ultérieurement terminé les mises à niveau le 14 janvier et le 30 août 2008. Elle avait également un certificat de premiers soins et de RCR valide. Par conséquent, sa formation était complète et à jour.

Conclusion : La formation de Mme Balfour était complète et à jour.

Au début de son quart, Mme Balfour s'est approchée du guichet de la cellule 3 pour effectuer une vérification physique de M. Silverfox. La politique opérationnelle nationale de la GRC exige qu'une telle vérification soit effectuée à chaque changement de quartNote de bas de page 4, et Mme Balfour a respecté cette politique.

Conclusion : Mme Balfour a effectué une vérification physique appropriée de M. Silverfox lorsqu'elle a commencé son quart.

Mme Balfour a effectué un certain nombre de vérifications physiques durant son quart : à 7 h 38, 8 h 56, 9 h 13, 9 h 32, 10 h 9, 10 h 59 et 13 h 2. Dans l'intervalle, elle a vérifié l'écran du système vidéo et a pris des notes dans le registre des prisonniers. Selon Mme Balfour, elle pouvait « voir que [M. Silverfox] bougeait de différentes manières [...] et certains des membres sont allés lui parler ». Elle a poursuivi en disant « [...] dans l'après‑midi, il ne bougeait pas autant; j'ai alors fait des rondes à ce moment‑là, c'est sûr, et je suis même allée lui parler à quelques reprises ».

Mme Balfour a pris des notes au sujet M. Silverfox 41 fois, au total, et il s'agissait principalement d'observations sur l'endroit où il était dans la cellule et la position dans laquelle il était couché. Les notes ont été prises, et les vérifications de M. Silverfox effectuées, à des intervalles irréguliers de 15 minutes ou moins, conformément à la politique citée ci‑dessus. Mme Balfour, comme le gardien précédent, n'a pas indiqué si les vérifications effectuées étaient des vérifications physiques ou des vérifications au moyen de l'écran du système vidéo. La vidéo du bloc cellulaire fournit plus d'informations à cet égard, tel qu'il a été indiqué ci‑dessus. Mme Balfour a effectué sept vérifications physiques durant son quart de travail d'environ huit heures.

Mes commentaires concernant la nécessité d'effectuer des vérifications physiques, plutôt que des vérifications au moyen de l'écran du système vidéo, s'appliquent également dans le cas présent. Mme Balfour a précisé qu'elle n'effectuait pas nécessairement ses rondes toutes les 15 ou 20 minutes si les prisonniers étaient « debout et se déplaçaient ». Toutefois, la politique ne permet pas de tels écarts; il n'y a pas d'exception à la nécessité d'effectuer des vérifications physiques s'il est évident que les prisonniers se déplacent dans leur cellule. Comme je l'ai laissé entendre plus tôt et comme c'est tragiquement évident dans le cas de M. Silverfox, le fait que les prisonniers bougent ne mène pas automatiquement à la conclusion selon laquelle ils ne sont pas en détresse. En conséquence, j'aimerais encore une fois insister sur la nécessité d'effectuer des vérifications physiques des prisonniers, vérifications qui n'ont pas été faites dans l'affaire en cause.

Conclusion : Les intervalles notés dans le registre des prisonniers en ce qui concerne les vérifications de M. Silverfox durant le quart de Mme Balfour étaient conformes à la politique de la GRC, tout comme l'était l'irrégularité de ces intervalles.

Conclusion : Mme Balfour n'a pas indiqué si M. Silverfox avait fait l'objet de vérifications physiques ou si les vérifications avaient été faites au moyen de l'écran du système vidéo.

Conclusion : Comme la politique divisionnaire prévoit clairement que les vérifications effectuées doivent être des vérifications physiques, le nombre de vérifications effectuées auprès de M. Silverfox durant le quart de la gardienne Heather Balfour était insuffisant.

Je réitère ma recommandation antérieure selon laquelle les chefs de veille devraient examiner les registres des prisonniers de manière intermittente tout au long de leur quart et à la fin de ce dernier pour garantir la conformité avec la politique de la GRC relative à la vérification et à la surveillance des prisonniers, ainsi que la consignation des renseignements à cet égard. Je souligne également que l'inspecteur Wharton a discuté avec Mme Balfour le 20 juillet 2009 au sujet de l'exigence d'effectuer des vérifications auprès des prisonniers fréquemment et à intervalles irréguliers d'un maximum de 15 minutes, d'utiliser de manière appropriée le système vidéo en circuit fermé et de consigner les vérifications de manière appropriée dans le registre de la salle de veille.

Dans le registre des prisonniers, Mme Balfour a noté, pendant son quart, que M. Silverfox avait vomi à cinq reprises et qu'il avait eu des haut-le-cœur visibles à six occasions. Neuf des occurrences qu'elle a indiquées coïncidaient avec les heures auxquelles on peut voir M. Silverfox vomir dans la vidéo du bloc cellulaire. Toutefois, dans la vidéo du bloc cellulaire, on peut voir M. Silverfox vomir et/ou avoir des haut-le-cœur environ 22 fois. Par conséquent, de 11 à 13 incidents de vomissements et/ou de haut-le-cœur ont été manqués ou n'ont pas été notés dans le seul compte rendu disponible des activités des prisonniers.

Même si on n'a pas vu physiquement M. Silverfox vomir le nombre précis de fois qu'il a, dans les faits, eu des vomissements, il était évident que la cellule était de plus en plus contaminée. La vidéo du bloc cellulaire montre clairement une quantité de plus en plus importante de liquide sur le plancher de la cellule.

À l'une de ces occasions, Mme Balfour a déclaré à M. Silverfox : « Pourquoi ne vas‑tu pas vomir dans la toilette au lieu de vomir partout sur le plancher? Va vomir dans la toilette. Il va falloir que tu nettoies tout ça. » Il est important de souligner que la politique opérationnelle nationale de la GRC prévoit ce qui suit :

19.3.4.5. Ne pas demander ou ordonner à un prisonnier de nettoyer sa cellule ou un véhicule de police.

Les gardiens et les surveillantes doivent s'assurer de bien connaître toutes les politiques applicables de la GRC. Par conséquent, la menace de Mme Balfour, à l'intention de M. Silverfox, était contraire à la politique établie à cet égard.

Conclusion : La déclaration de Mme Balfour à M. Silverfox, selon laquelle il serait tenu de nettoyer sa cellule, n'était pas conforme à la politique de la GRC à cet égard.

Recommandation : Que le commandant du détachement ou son délégué revoie la politique de la GRC relative au nettoyage des cellules avec Mme Balfour.

Mme Balfour a indiqué qu'elle croyait que M. Silverfox allait mieux dans l'après‑midi, puisqu'il a commencé à se lever et à vomir dans la toilette de la cellule.

Mme Balfour n'a pas trouvé étrange que M. Silverfox continue de vomir, puisque : « [...] Nous voyons souvent des gens vomir [...]. Je n'ai donc pas pensé que c'était particulièrement étrange ». Le gendarme Jeffrey Kalles, un membre spécial de Whitehorse, était présent dans la salle de veille à divers moments durant l'incarcération de M. Silverfox. Il a indiqué que Mme Balfour lui a dit, vers 15 h, que M. Silverfox avait uriné, déféqué et vomi, et qu'il était toujours en état d'ébriété après avoir été dans la cellule pendant dix heures. La gendarme Heather Kaytor, une autre membre spéciale présente de manière intermittente dans la salle de veille, a déclaré qu'il était évident que M. Silverfox vomissait, mais que « rien n'indiquait qu'il s'agissait d'autre chose que d'un état d'ébriété et de vomissements résultant de cet état. Personne n'a posé de question ni formulé de préoccupations à cet égard. » Ce qui est révélateur, c'est la déclaration de la gendarme Kaytor selon laquelle : « [...] rien d'inhabituel n'est arrivé ce jour‑là, à l'exception de ce qui est arrivé plus tard dans la journée. »

Quart du gardien Hector MacLellan

Hector MacLellan a commencé son quart de gardien de cellule peu avant 15 h 30. M. MacLellan a suivi pour la première fois sa formation de gardien le 16 juin 2007. Il a ensuite suivi un cours de recyclage le 14 janvier 2008. Même s'il est préférable qu'un gardien suive un cours de recyclage tous les six mois, M. MacLellan avait procédé au renouvellement annuel de son attestation, comme l'exige la politique. De plus, il détenait un certificat de premiers soins et de RCR valide. Par conséquent, sa formation était complète et à jour.

Conclusion : La formation de Hector MacLellan était complète et à jour.

M. Silverfox avait frappé à la porte de sa cellule au moment du changement de quart ce qui a été noté par Mme Balfour mais, comme personne n'avait répondu, il était retourné se coucher dans sa cellule. Mme Balfour a dit à Hector MacLellan que la cellule 3 était très sale et que M. Silverfox avait vomi. Elle a déclaré : « [...] il a vomi toute la journée, alors il préfère juste vomir et ne pas bouger. » M. MacLellan lui a demandé : « Est‑ce qu'il a chié dans ses culottes? » et Mme Balfour a répondu qu'elle ne croyait pas qu'il l'avait fait. Conformément aux politiques opérationnelles nationales de la GRC, au début de son quart de travail, M. MacLellan a procédé à une vérification physique de M. Silverfox, qui était alors éveillé.

Conclusion : Hector MacLellan a dûment procédé à une vérification physique de M. Silverfox au début de son quart de travail.

Hector MacLellan a déclaré : « Rien n'indiquait qu'il avait un problème de santé. » M. MacLellan ne se souvient pas d'avoir vu M. Silverfox vomir pendant son quart de travail. Il n'a pas inscrit dans le registre des prisonniers que M. Silverfox avait vomi ou eu des haut-le-cœur. Or, il semble que M. Silverfox a vomi trois fois pendant le quart où M. MacLellan était le gardien, plus précisément à 15 h 59, à 16 h 34 et à 17 h 8; M. MacLellan n'a rien noté à ce sujet. Dans le registre des prisonniers, M. MacLellan a consigné des notes au sujet de M. Silverfox à des intervalles d'exactement 15 minutes — contrairement à la politique citée plus haut — entre 15 h 30 et 18 h 1. Aucune des vérifications menées par M. MacLellan, à l'exception de la première, n'a porté sur l'état physique du prisonnier. Par conséquent, M. MacLellan a procédé à un nombre insuffisant de vérifications, à des intervalles qui ne pourraient être qualifiés d'irréguliers. La surveillance de M. Silverfox à ce moment‑là était entièrement inadéquate.

Conclusion : Même si, conformément aux politiques opérationnelles de la GRC, Hector MacLellan a inscrit, dans le registre des prisonniers, qu'il avait mené des vérifications à des intervalles d'exactement 15 minutes pendant son quart de travail, ces intervalles n'étaient pas irréguliers, ce qui contrevient aux politiques de la GRC pour ce qui est de la surveillance des prisonniers.

Conclusion : Pendant son quart de gardien, Hector MacLellan a procédé à un nombre insuffisant de vérifications auprès de M. Silverfox.

Je recommande à nouveau que les chefs de veille examinent les registres des prisonniers à différents moments et à la fin de leur quart de travail pour s'assurer de leur conformité avec la politique de la GRC concernant la vérification et la surveillance des prisonniers ainsi que les inscriptions s'y rapportant.

Je constate que l'inspecteur Wharton s'est entretenu avec Hector MacLellan le 16 juillet 2009 au sujet de l'obligation de vérifier fréquemment les prisonniers à des intervalles irréguliers ne dépassant pas 15 minutes, de l'utilisation adéquate du matériel vidéo en circuit fermé et de la nécessité de consigner correctement les vérifications dans le registre de la salle de veille. Toutefois, à mon avis, l'incapacité de ce gardien de respecter les exigences minimales relatives à la surveillance de prisonniers était telle que la GRC devrait envisager de prendre une mesure corrective à l'égard de l'emploi de ce gardien.

Recommandation : Que la GRC envisage de prendre une mesure corrective à l'égard de l'emploi de Hector MacLellan.

Hector MacLellan avait l'impression que M. Silverfox « dégrisait » peu à peu et que c'était pour cela qu'il était agité. Comme dans le cas des autres gardiens en fonction au moment des faits, M. MacLellan a omis de préciser s'il avait procédé à des vérifications physiques ou s'il s'était contenté de vérifier le prisonnier au moyen de l'écran du système vidéo.

Conclusion : Hector MacLellan a omis de préciser s'il avait effectué des vérifications physiques de M. Silverfox ou s'il s'était contenté de faire des vérifications au moyen de l'écran de surveillance vidéo.

Mes recommandations précédentes s'appliquent également ici, et je constate que l'inspecteur Wharton s'est entretenu avec Hector MacLellan à cet égard.

Remarque : Les noms des membres et les citations qui sont attribuées à chacun d'eux ont été corrigés dans le paragraphe qui suit.

Les gendarmes Kaytor, Connelly et Kalles (membres spéciaux de Whitehorse), de même que les gendarmes Geoff Corbett et Shirley Telep, étaient dans la salle de veille à différents moments pendant l'incarcération de M. Silverfox. Après avoir constaté que M. Silverfox avait uriné dans son pantalon, le gendarme Connelly a dit : « Il s'est sûrement... il s'est sûrement pissé dessus parce qu'il a ouvert son pantalon, et tout le reste, pour essayer de le descendre; il l'a presque enlevé, et s'il ne l'a pas enlevé, c'est probablement parce qu'il a chié dans son pantalon. » Le gendarme Connelly a ajouté ce qui suit : « [...] on dirait une vraie soue à cochons là‑dedans. » Le gendarme Connelly a ensuite dit : « [...] caca, caca, McCaca. »

À 15 h 49, le gendarme Corbett a effectué une vérification de M. Silverfox, après avoir regardé l'écran vidéo et remarqué qu'il « y a de la merde partout. » Le gendarme Corbett est entré dans le bloc cellulaire et a parlé à M. Silverfox. Ce dernier a demandé un matelas, mais le gendarme Corbett a répondu : « Non [...] tu peux dormir dans ta merde. » Il a ensuite dit à Hector MacLellan et au gendarme Kalles, qui étaient dans la salle de veille : « Ouais, il veut un chausson avec ca? Quoi d'autre dois-je lui apporter? » Le gendarme Kalles a renchéri : « [...] apporte‑lui des saucisses [...] il va les vomir et les manger [...]. » Les membres ont continué de discuter de l'état de la cellule, et le gendarme Corbett a comparé la cellule à un « site contaminé » et a dit « c'est dégueulasse ». Hector MacLellan a affirmé que, si l'un d'entre eux n'aimait pas quelqu'un en ville, il devrait aller le chercher et le mettre dans la même cellule que M. Silverfox.

Le gendarme Corbett n'a pas remarqué quoi que ce soit d'inhabituel au sujet de l'état physique de M. Silverfox pendant la vérification, mais il a aussi mentionné qu'il n'était pas intervenu auprès de M. Silverfox avant et que, par conséquent, il n'était pas en mesure d'établir une comparaison. Aucun des membres ne se rappelait être intervenu auprès de M. Silverfox avant et, de fait, il n'y avait aucune mention de M. Silverfox dans les dossiers récents du détachement de la GRC de Whitehorse.

En ce qui a trait à l'état de santé de M. Silverfox, le gendarme Kalles a continué de faire des commentaires à ce sujet après le départ du gendarme Corbett. Il a déclaré : « Il doit avoir pris de la drogue ou quelque chose comme ça. Il ne peut pas; parce qu'il ne peut pas se lever, il fait juste se rouler et [...]. » Quelques minutes plus tard, le gendarme Kaytor, Hector MacLellan et le gendarme Telep ont continué de parler de l'état de M. Silverfox :

HK : C'est comme s'il fait juste se rouler dedans.
HM : Oh oui, oui...
HK : C'est pas facile à regarder.
...
ST : Ouache, il porte même pas sa chemise.
HK : Oh, c'est vraiment dégueulasse.
...
HK : C'est vraiment, vraiment dégoutant.
ST : Il doit avoir la gastro [rires]
HK : Ouais [...] [rires], mais il a vraiment...
...
HK : On dirait qu'il y a beaucoup de gastro qui court ces temps-ci.
ST : Ouais, j'sais.
HK : [Inaudible] il va faire dans ses culottes ce ne sera pas long [...]. C'est ça.

Je traiterai le contenu de l'enregistrement sonore de la salle de veille plus loin dans le présent rapport.

La chef de veille en service, la caporale MacLeod, est entrée dans la salle de veille au début de son quart de travail, à 8 h. Elle n'est pas allée voir les prisonniers à ce moment-là et elle n'est pas retournée au bloc cellulaire avant environ 16 h. La politique opérationnelle nationale de la GRC pertinente est ainsi libellée :

19.3.1.11. Au début et à la fin du quart du membre ou du gardien, le membre supérieur de service, accompagné du gardien, évalue chaque prisonnier dans les cellules et en prend note.

La politique opérationnelle de la Division M qui s'applique en l'espèce est la suivante :

[Traduction]

19.1.1.5. Le membre supérieur de service vérifie la salle de veille et tous les prisonniers au début de chaque quart de travail et de façon intermittente par la suite.

Enfin, les politiques pertinentes propres au détachement de la GRC de Whitehorse précisent ce qui suit :

[Traduction]

19.3.3.2. Le chef de veille ou son remplaçant désigné doit noter ses inspections à l'encre rouge dans le registre des prisonniers. [soulignement dans l'original]

19.11.12.1. Le chef de veille ou, s'il est absent, le gendarme supérieur en fonction, a la pleine responsabilité du bloc cellulaire du détachement.

19.11.12.2. Au début du quart de travail et périodiquement par la suite, le chef de veille doit effectuer des vérifications physiques des cellules et des prisonniers et inscrire toute observation inhabituelle à l'encre rouge dans le registre des prisonniers, y compris le matricule.

19.11.12.3. Au début de son quart de travail, le chef de veille passe en revue les formules C-13-1, vérifie l'état de chaque prisonnier et s'assure que chaque prisonnier est détenu légalement.

Comme il a été mentionné plus haut, la caporale MacLeod a effectivement passé en revue le rapport sur M. Silverfox peu de temps après le début de son quart, mais elle n'a pas procédé à un examen physique du prisonnier. Je constate également que, dans le cadre de ses fonctions de chef de veille, la caporale MacLeod n'est pas retournée à la salle de veille ni au bloc cellulaire de temps à autre pendant son quart, contrairement à ce que prescrit la politique. La caporale MacLeod a déclaré à l'enquête du coroner qu'elle avait présumé que les gardiens en service l'auraient informée de tout problème concernant les prisonniers et que, lorsqu'elle s'était rendue au bloc cellulaire tard dans son quart, elle avait été « stupéfaite » de voir l'état de la cellule de M. Silverfox.

Il est raisonnable de la part d'un chef de veille de s'attendre à être informé de tout changement dans l'état de santé d'un prisonnier ou de tout problème survenant dans le bloc cellulaire. Toutefois, les chefs de veille ne devraient pas croire que la confiance raisonnable qu'ils accordent aux personnes directement affectées à la surveillance des prisonniers les dispense de l'obligation de continuer de vérifier de temps à autre les prisonniers. Tous savent que de nombreux problèmes peuvent survenir pendant une journée ou un quart de travail, mais l'obligation de vérifier périodiquement les prisonniers demeure. Les chefs de veille ne devraient pas s'étonner du fait qu'une situation ait pu évoluer en huit heures environ. Il ne fait aucun doute que c'est pour éviter que se produisent de tels incidents qu'on a mis en place une politique obligeant les chefs de veille à procéder à des vérifications périodiques des prisonniers. L'obligation de s'assurer du bien‑être des prisonniers et de la propreté des cellules ne devrait pas être déléguée au point où un chef de veille ignore tout de ce qui se passe au sein du détachement. La caporale MacLeod n'a pas pris connaissance des nouveaux problèmes qui touchaient le bloc cellulaire, principalement parce qu'elle n'a pas procédé à des vérifications périodiques de M. Silverfox, comme l'exige la politique de la GRC.

Conclusion : La caporale MacLeod n'a pas procédé à des vérifications périodiques de M. Silverfox pendant son quart de chef de veille.

Je formule de nouveau ma recommandation selon laquelle le commandant de détachement doit faire des « vérifications ponctuelles » des registres des prisonniers pour s'assurer que les chefs de veille vérifient et évaluent les prisonniers au début, à la fin et tout au long de leur quart de travail, conformément à la politique de la GRC. De plus, comme il est mentionné plus haut, l'inspecteur Wharton, en réaction à l'examen administratif, s'est assuré que les chefs de veille comprenaient bien leurs responsabilités à l'égard des installations du bloc cellulaire et des prisonniers du détachement et a mis à jour les suppléments de l'unité pour que ceux‑ci reflètent les politiques nationales.

Vers 18 h environ, le gendarme Mike Muller est arrivé au bloc cellulaire du détachement avec un prisonnier indiscipliné et agressif, et plusieurs membres lui sont venus en aide. La caporale MacLeod de même que la gendarme Kendra Hannigan se sont rendues à la salle de veille en réponse à la demande d'aide du gendarme Muller.

À 18 h 34, la caporale MacLeod a appris de Hector MacLellan que M. Silverfox avait été malade toute la journée, elle a donc décidé d'aller voir la cellule 3. La gendarme Hannigan a effectué une vérification de M. Silverfox à 18 h 36, et la caporale MacLeod a fait de même à 18 h 41. La caporale MacLeod a jeté un coup d'œil à l'intérieur de la cellule, où M. Silverfox était couché sur le ventre, torse nu. La caporale MacLeod ne voyait pas M. Silverfox respirer et l'a appelé, ce qu'a également fait Hector MacLellan. M. Silverfox n'a pas répondu.

Hector MacLellan a ouvert la porte de la cellule à 18 h 43, et les gendarmes Muller et Hannigan ont vérifié les signes vitaux de M. Silverfox. La gendarme Hannigan a remarqué que « sa bouche [était] légèrement ouverte, ses yeux [étaient] vitreux et grands ouverts. Ses yeux étaient révulsés. » Ne décelant aucun signe vital chez M. Silverfox, la caporale MacLeod a demandé à Hector MacLellan d'appeler une ambulance, ce qu'il a tenté de faire, mais la ligne était engagée. Hector MacLellan a alors demandé à la gendarme Hannigan d'appeler une ambulance sur sa radio. Le détachement a joint l'ambulance à 18 h 43 et a précisé que le prisonnier était inerte. Le personnel de l'ambulance a par la suite appris que le prisonnier ne respirait plus.

Selon les politiques opérationnelles nationales de la GRC, si un membre est incapable de déterminer si un prisonnier est conscient, il doit demander immédiatement des soins médicauxNote de bas de page 5. Tout de suite après avoir déterminé que M. Silverfox était inanimé, la caporale MacLeod a ordonné qu'on appelle une ambulance. Les mesures qu'elle a prises respectent la politique pertinente.

Conclusion : On a demandé immédiatement des soins médicaux après avoir déterminé que M. Silverfox était inanimé.

La caporale MacLeod a commencé à administrer des compressions thoraciques à M. Silverfox; après vérification de ses signes vitaux, ce dernier avait été emmené dans le couloir du bloc cellulaire : « On l'a sorti de la cellule parce qu'elle était contaminée par des excréments et de l'urine et qu'il y avait une puanteur suffocante. » La gendarme Hannigan a alors pris le relais de la caporale MacLeod. Pendant ce temps, le gendarme Muller pratiquait la respiration artificielle. Plusieurs autres membres de la GRC étaient présents à ce moment‑là, y compris les gendarmes Benjamin Douglas et Chris Pratte, qui administraient aussi tour à tour des compressions thoraciques à M. Silverfox, ainsi que les gendarmes Dean Hoogland, Craig Hughes et Jade Stewart.

Les SMU sont arrivés à 18 h 47 et se sont chargés de M. Silverfox. Mme Kathy Donnelly, au nombre des ambulanciers, a qualifié l'état initial de M. Silverfox de cyanosé, ce qui signifie qu'il manquait d'oxygène, et a constaté que ses pupilles étaient fixes. Elle a également remarqué qu'il sentait le vomi. M. Shane Skarnulis, un autre ambulancier présent, a qualifié la couleur de la peau de M. Silverfox de « grisâtre ». On a emmené M. Silverfox à l'urgence de l'Hôpital général de Whitehorse, où il est arrivé à 19 h 16. On a alors poursuivi les tentatives de réanimation. La mort de M. Silverfox a été déclaré à 21 h 15. Les analyses toxicologiques n'ont pas révélé un taux d'alcoolémie élevé ni la présence de drogues.

Le Dr Charles Lee de l'Hôpital général de Vancouver a fait l'autopsie de M. Silverfox le 5 décembre 2008. Dans le rapport d'autopsie, transmis le 12 février 2009, le Dr Lee a conclu que M. Silverfox était décédé de sepsie et d'une pneumonie aiguë. Le rapport souligne également que « [p]lusieurs bactéries ont été observées dans les cultures prélevées après la mort, ce qui suppose une pneumonie de déglutition ». En outre, il y est indiqué que la mort de M. Silverfox est probablement attribuable à une « infection généralisée » et que son alcoolisme chronique avait probablement contribué à la mort.

L'enquête

L'enquête sur la mort de M. Silverfox a d'abord été menée par le Groupe des crimes graves de la Division M, mais elle a été rapidement confiée au Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E (Colombie‑Britannique). Le 3 décembre 2008, cette équipe, dirigée par le sergent d'état‑major Glen Krebs et formée du caporal Randy Bosch (coordonnateur des dossiers) et du sergent Gary Heebner (enquêteur principal), a commencé son travail.

La Commission a également envoyé sur les lieux un observateur indépendant, et les membres en cause ont rempli des questionnaires d'impartialité. Aucune préoccupation majeure n'a été recensée. Le Programme d'observateur indépendant est une initiative mise sur pied par la Commission et la GRC qui consiste à affecter un employé de la Commission à l'observation et à l'évaluation de l'impartialité (et non le caractère adéquat) des enquêtes de la GRC portant sur la conduite des membres de la GRC impliqués dans des incidents graves et très médiatisés, comme la mort de personnes sous gardeNote de bas de page 6.

Les enquêteurs de la GRC ont mené une enquête criminelle sur les actes des membres et des gardiens pour déterminer, plus précisément, si les articles 219 (négligence criminelle), 220 (le fait de causer la mort par négligence criminelle) et 222 (homicide) du Code criminel s'appliquaient à la situation de manière à justifier des accusations. Après l'enquête, le rapport d'enquête a été transmis à Mme Elizabeth Miller, avocate‑conseil de la Couronne au bureau régional du Nunavut du Service des poursuites pénales du Canada. De l'avis de Mme Miller, aucune accusation n'était justifiée dans les circonstances. Étant donné que l'avocate était tenue au secret professionnel, l'avis de la Couronne n'a pas été transmis à la Commission au moment de la communication des documents pertinents.

L'examen administratif

L'inspecteur de Champlain de la Section des infractions commerciales de la Division K s'est chargé de l'examen administratif. Cet examen, terminé le 26 mai 2009, souligne un certain nombre d'éléments de non‑conformité avec les politiques opérationnelles et formule des recommandations visant à améliorer certains points (annexe E). Ces mesures sont mentionnées dans le rapport lorsqu'il est opportun de le faire.

Questions entourant le devoir de diligence à l'égard des personnes sous la garde de la GRC

Sous la rubrique du devoir de diligence général de la GRC à l'égard des personnes sous sa garde figurent la prestation de soins médicaux et les conditions dans lesquelles les prisonniers doivent être incarcérés. Ces deux questions touchent de près le cas de M. Silverfox.

Prestation de soins médicaux

Les politiques opérationnelles nationales de la GRC portent entre autres ce qui suit :

19.3.1.2. La GRC est responsable du bien-être et de la protection des personnes sous sa garde. [...]

19.3.2.4. Documenter tout comportement inhabituel du prisonnier (p. ex. tendances suicidaires, violence, maladie réelle ou simulée, états vérifiés par un professionnel de la santé). Charger les gardiens de consigner tout comportement inhabituel du prisonnier dans le registre des prisonniers.

Les politiques opérationnelles du détachement de la GRC à Whitehorse poussent plus loin l'exigence prévue dans les politiques nationales :

[Traduction]

19.2.2.1. S'il y a lieu de croire qu'un prisonnier a une blessure ou une maladie nécessitant des soins médicaux, prendre immédiatement des mesures nécessaires pour obtenir des soins médicaux.

19.2.4.2. Si l'état de santé d'un prisonnier se détériore, faire en sorte qu'il obtienne un traitement médical.

Au moment de sa mort, M. Silverfox avait passé près de 13 heures dans une cellule du détachement de la GRC de Whitehorse. Il avait été malade pendant pratiquement toute la période où il a été sous garde. Toutefois, comme l'a montré l'enregistrement vidéo de la caméra de surveillance du bloc cellulaire, M. Silverfox était pour ainsi dire laissé à lui‑même pendant qu'un certain nombre de personnes — membres, gardiens et civils — sont entrés dans la salle de veille du détachement de la GRC de Whitehorse et en sont sortis. Nombre de ces personnes ont fait des commentaires sur M. Silverfox, plus particulièrement sur son état d'ébriété, le fait qu'il était malade et l'état de sa cellule. Toutefois, comme bon nombre de ces personnes l'ont déclaré, aucune n'a jamais pensé à obtenir des soins médicaux pour M. Silverfox, car elles présumaient qu'il était tout simplement en train de « dégriser » ou qu'il continuait d'être en état d'ébriété.

Il faut se rappeler qu'une maladie attribuable à l'ivresse, bien qu'elle ait peut‑être été auto‑infligée, dans une certaine mesure, exige tout de même des soins médicaux adéquats. Les politiques ne prévoient aucune exception à l'obligation de fournir des soins médicaux aux prisonniers malades, même dans le cas où ces prisonniers sont en état d'ébriété ou soupçonnés de l'être.

M. Silverfox a vomi plus de 20 fois en 13 heures. Il avait vomi avant d'être incarcéré, ce qui avait été communiqué aux membres par le personnel de l'Armée du Salut et, subséquemment, enregistré dans le rapport du prisonnier. M. Silverfox a continué de vomir à des intervalles réguliers, et la fréquence et la gravité de ses vomissements n'ont pas diminué pendant sa détention. Malgré tous ces signes, personne n'a demandé des soins médicaux à l'intention de M. Silverfox avant de constater qu'il ne respirait plus. Il est manifeste que les membres et les gardiens en service n'ont pas cherché à obtenir des soins médicaux pour M. Silverfox, qui continuait d'être malade.

Conclusion : Les membres et les gardiens en service pendant l'incarcération de M. Silverfox n'ont pas cherché à obtenir des soins médicaux.

En réaction à l'enquête sur la plainte du public et à l'examen administratif, l'inspecteur Wharton devait fournir une orientation opérationnelle à l'ensemble des gardiens, des surveillantes et des membres de la GRC qui étaient intervenus auprès de M. Silverfox pendant son incarcération. L'inspecteur Wharton devait veiller à ce que ces personnes soient bien informées des responsabilités qui leur incombent aux termes des politiques.

L'inspecteur Wharton a mis en place au sein du détachement une politique obligeant les membres et les gardiens à obtenir des soins médicaux pour les personnes en état d'ébriété qui, pendant la détention, vomissent en position couchée sur le ventre ou vomissent de façon excessive, car ces personnes pourraient en aspirer le contenu, ce qui peut provoquer une pneumonie de déglutition. Enfin, l'inspecteur Wharton a fait en sorte que les membres demandent des soins médicaux pour les personnes sous garde qui présentent des signes de maladie ou d'intoxication alcoolique, entre autres.

Vu la gravité des conséquences possibles d'un manque de conformité avec la nouvelle politique, je recommande que le commandant du détachement de la GRC de Whitehorse établisse un système de suivi et de surveillance des interventions des membres et des gardiens dans les cas d'incidents mettant en cause des personnes en état d'ébriété avancé. De plus, dans le but d'apaiser les inquiétudes du public à l'égard de ces questions, je recommande que la GRC travaille en collaboration avec la Commission pour organiser la tenue d'un examen annuel des dossiers concernant de tels incidents; cet examen annuel serait mené par le personnel de la Commission, et ce, pendant au moins les trois années suivant la publication du présent rapport.

Recommandation : Que le commandant du détachement de la GRC de Whitehorse établisse un système de suivi et de surveillance des interventions des membres et des gardiens dans les cas d'incidents mettant en cause des personnes en état d'ébriété avancé.

Recommandation : Que la GRC travaille en collaboration avec la Commission pour organiser la tenue d'un examen annuel des dossiers concernant de tels incidents; cet examen annuel serait mené par le personnel de la Commission, et ce, pendant au moins les trois années suivant la publication du présent rapport.

Je suis satisfait des mesures prises à l'égard des membres en cause, à savoir l'orientation opérationnelle qui leur a été donnée afin qu'ils observent la politique relative à la prestation de soins médicaux. Le bien‑fondé d'une telle politique et les recommandations qui s'y rapportent sont exposés plus loin.

L'état de la cellule de M. Silverfox

Les politiques opérationnelles nationales de la GRC prévoient entre autres ce qui suit :

19.1.2.1.1. Le membre de service doit s'assurer que les cellules sont sécuritaires et habitables.

La politique opérationnelle de la Division M à cet égard est ainsi libellée :

[Traduction]

19.11.12.1. Le chef de veille ou, s'il est absent, le gendarme supérieur en fonction, a la pleine responsabilité du bloc cellulaire du détachement.

Les suppléments du détachement de la GRC de Whitehorse précisent ce qui suit :

[Traduction]

19.3.9. Les gardiens sont responsables [entre autres] de veiller à la propreté globale de la salle de veille, du bloc cellulaire et de la baie de sécurité; de signaler au personnel toute lacune ou omission touchant les renseignements figurant dans les formules C-13 [...]

L'enregistrement vidéo de la caméra du bloc cellulaire montre clairement que l'état de la cellule de M. Silverfox s'est rapidement détérioré au fil de la journée, puisqu'il continuait d'être malade. L'état de la cellule a fait l'objet de remarques de la part de Mme Balfour et de Hector MacLellan et a suscité de nombreux commentaires chez les gardiens et les membres. Toutefois, il est tout aussi évident qu'aucun gardien ni membre n'a tenté de remédier au fait que M. Silverfox était incarcéré dans des conditions déplorables.

Comme il a été régulièrement mentionné tout au long du présent rapport, les politiques ne tolèrent aucun manquement à la norme minimale consistant à faire en sorte que les cellules soient sécuritaires et habitables. C'est un fait établi que les cellules doivent être sécuritaires et habitables avant qu'on puisse y loger un prisonnier; toutefois, cette norme minimale continue de s'appliquer pendant toute la période de l'incarcération. Si, comme dans le cas de M. Silverfox, une personne est si gravement malade qu'elle contamine une cellule au point où il est difficile d'y trouver un espace propre où s'asseoir ou s'étendre, la cellule n'est ni sécuritaire ni habitable, et la situation doit être corrigée dans un souci de conformité avec les politiques en vigueur.

Manifestement, les membres et les gardiens ont abdiqué leur responsabilité, car ils ont estimé que l'obligation de nettoyer la cellule était du ressort de l'autre groupe de personnes ou qu'elle devait être acquittée après la libération du prisonnier. Toutefois, il est évident que les membres et les gardiens sont tenus de se conformer à l'exigence de maintenir la propreté des cellules, bien que la responsabilité ultime de l'état du bloc cellulaire incombe au membre supérieur en service, en l'occurrence, la caporale MacLeod, qui était la chef de veille. Comme il a été précisé plus haut, le fait de procéder à des vérifications ponctuelles tout au long du quart de travail aurait rapidement permis à la caporale MacLeod de constater que l'état (physique) de la cellule n'était pas conforme aux politiques de la GRC. Or, la caporale MacLeod ne s'est pas assurée que les cellules étaient sécuritaires et habitables. Outre ce manquement, aucun des membres présents dans le bloc cellulaire pendant l'incarcération de M. Silverfox, ni des gardiens et les surveillantes qui s'occupaient du prisonnier, n'a pris quelque mesure que ce soit pour veiller à ce que sa cellule soit sécuritaire et habitable.

Conclusion : La caporale MacLeod ne s'est pas assurée que la cellule de M. Silverfox était sécuritaire et habitable.

Conclusion : Les membres présents dans le bloc cellulaire et les gardiens et les surveillantes responsables de M. Silverfox pendant son incarcération ne se sont pas assurés que sa cellule était sécuritaire et habitable.

En réaction à l'enquête sur la plainte du public et à l'examen administratif, l'inspecteur Wharton a veillé à ce que les membres en service assument la responsabilité de faire en sorte que les cellules soient sécuritaires et habitables. Les suppléments de l'unité ont été modifiés de façon à ajouter une disposition précisant que par « habitable », on entend des cellules exemptes de vomi, d'urine ou de toute autre substance corporelle. L'inspecteur Wharton devait également fournir à l'ensemble des gardiens, des surveillantes et des membres une orientation opérationnelle quant à leur responsabilité à cet égard aux termes des politiques.

Je suis convaincu que le commandant du détachement a pris les mesures adéquates pour que les employés aient une compréhension commune de ce qu'on entend par « cellule sécuritaire et habitable ».

Deuxième enjeu : Il s'agit de déterminer si les membres du détachement de la GRC de Whitehorse surveillaient et orientaient de façon adéquate les gardiens qui s'occupaient des prisonniers détenus au détachement au moment de la détention de M. Silverfox et de sa mort.

J'ai tiré plusieurs conclusions en ce qui a trait au travail des gardiens responsables de M. Silverfox pendant qu'il était sous garde. Il est clair que les gardiens et les surveillantes en service n'ont pas fait des vérifications adéquates auprès de M. Silverfox, comme l'exige la politique de la GRC. Néanmoins, cette politique a été expliquée en détail au cours du programme de formation de gardien qui a d'ailleurs été suivi dans les délais prescrits par chaque gardien et surveillante. Malgré le fait qu'il y a eu des lacunes quant à l'application de la politique, les gardiens et les surveillantes avaient reçu, au cours du programme de formation, des directives adéquates concernant l'obligation de procéder à des vérifications des prisonniers et d'inscrire les observations pertinentes dans le registre des prisonniers. La communication de directives doit être dissociée de la question de savoir si ces directives ont été dûment suivies; la participation à un programme de formation constitue un indice du caractère adéquat de la surveillance exercée par les membres.

Conclusion : Les gardiens et les surveillantes responsables des prisonniers, y compris M. Silverfox, ont reçu une orientation adéquate concernant leurs responsabilités.

Il faut établir une distinction importante entre la responsabilité du bloc cellulaire qui incombe aux gardiens et aux surveillantes et la responsabilité finale de ce qui se produit dans le bloc cellulaire. Bien qu'il soit vrai que les gardiens et les surveillantes sont responsables des prisonniers et de l'état du bloc cellulaire, les membres en service et, plus précisément, le membre supérieur en service sont, au bout du compte, responsables tant des prisonniers que de l'état du bloc cellulaire. Par conséquent, ils doivent surveiller et orienter les gardiens et les surveillantes de façon adéquate.

Pendant la détention de M. Silverfox, la dégradation de son état physique et de l'état de la cellule a été constatée à nombre d'occasions. Toutefois, les notes que les gardiens et les surveillantes ont consignées dans le registre des prisonniers ne reflétaient pas tout à fait la gravité de l'état de M. Silverfox et ne font aucune mention de l'état déplorable de la cellule. Aucune information relative à M. Silverfox n'a été communiquée à la chef de veille, soit la caporale MacLeod, bien que cette dernière ait déclaré qu'elle s'attendait à être informée de tout problème. Par ailleurs, de nombreux membres étaient au courant de l'état de M. Silverfox et de l'état de sa cellule, mais aucun n'a pensé à vérifier dans le registre des prisonniers si l'information pertinente y était consignée et aucun n'a cru bon de demander si le membre supérieur en service avait été informé des problèmes concernant M. Silverfox et son incarcération.

Il est possible que l'élément essentiel de la surveillance soit de s'assurer de la conformité avec les lignes directrices, les directives et les politiques pertinentes. Il ne fait aucun doute que les gardiens et les surveillantes en service n'ont pas respecté la politique concernant la vérification des prisonniers et que cette situation n'a pas été relevée ni corrigée par aucun membre de la GRC, y compris le membre supérieur en service. Par conséquent, les gardiens et les surveillantes en service n'ont pas fait l'objet d'une supervision adéquate.

Conclusion : Les gardiens et les surveillantes en service pendant la détention de M. Silverfox n'ont pas fait l'objet d'une supervision adéquate.

Au moment de l'incident, le détachement de la GRC de Whitehorse ne disposait d'aucun mécanisme apparent pour veiller à ce que les gardiens et les surveillantes communiquent aux membres l'information pertinente concernant les prisonniers. Bien qu'il soit compréhensible dans une certaine mesure que les gardiens et les surveillantes souhaitent éviter de transmettre inutilement et à répétition aux membres des renseignements au sujet des prisonniers, il incombe à la GRC d'encourager la communication de l'information concernant les prisonniers.

À mon avis, la façon la plus efficace de communiquer cette information est d'utiliser le registre des prisonniers de façon appropriée. Une telle utilisation suppose qu'on vérifie le registre selon la façon prescrite et que l'information y soit consignée de façon systématique et exhaustive. À cette fin, je souligne de nouveau les recommandations suivantes :

Recommandation : Que le commandant du détachement effectue régulièrement des vérifications ponctuelles  des registres des prisonniers pour s'assurer que les chefs de veille évaluent les prisonniers au début, à la fin et tout au long de leur quart, tel que l'exige la politique de la GRC.

Recommandation : Que le commandant du détachement revoie avec tous les membres et tous les gardiens l'importance et la nécessité de communiquer, de manière rigoureuse et cohérente, les renseignements relatifs aux personnes sous garde au détachement de la GRC de Whitehorse.

Recommandation : Que les chefs de veille examinent les registres des prisonniers de manière intermittente pendant toute la durée de leur quart et à la fin de ce dernier pour garantir la conformité avec la politique de la GRC en ce qui concerne la vérification et la surveillance des prisonniers, ainsi que la consignation des renseignements à ce sujet.

Bien que ces recommandations visent à s'assurer que les notes soient consignées convenablement et à faire en sorte que les observations pertinentes soient prises en considération par les principaux intéressés, à mon avis, il revient également à la GRC de préciser le type et le contenu des observations que les gardiens et les surveillantes doivent consigner. À cet égard, les observations devraient porter sur l'état général du prisonnier et, le cas échéant, sur les problèmes de santé possibles ou soupçonnés de même que sur l'état de la cellule, lorsque des substances étrangères ou corporelles sont présentes.

Recommandation : Que la GRC mette en place des directives concernant l'obligation de consigner et de communiquer au moyen du registre des prisonniers l'information sur l'état général du prisonnier et, le cas échéant, sur les problèmes de santé possibles ou soupçonnés de même que sur l'état de la cellule, lorsque des substances étrangères ou corporelles sont présentes.

Troisième enjeu : Il s'agit de déterminer si les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC propres au détachement, celles établies au niveau de la division et celles appliquées à l'échelle nationale concernant les soins médicaux apportés aux personnes sous la garde de la GRC, plus particulièrement aux détenus ayant consommé de l'alcool, sont adéquates pour garantir la prestation de soins appropriés et la sécurité de ces personnes.

J'ai mentionné, tout au long du présent rapport, les politiques existantes de la GRC en ce qui a trait à l'obligation d'obtenir des soins médicaux pour les prisonniers soupçonnés d'être malades. Plus particulièrement, dans le cas d'un prisonnier soupçonné d'être en état d'ébriété, les membres et les agents doivent mesurer son taux d'alcoolémie, surveiller continuellement ses réactions, consigner toute maladie (réelle ou feinte) et, enfin, prendre des arrangements pour obtenir des soins médicaux si le prisonnier est soupçonné d'avoir un problème de santé requérant des soins médicaux ou si son état de santé se détériore. J'ai constaté que, à l'exception du moment où on a cherché à obtenir immédiatement des soins médicaux lorsqu'on a constaté que le prisonnier était inanimé, les membres en cause ne se sont pas conformés aux politiques de la GRC.

Le respect strict et l'application uniforme des politiques relatives à l'examen approprié de l'état des prisonniers et à l'obtention immédiate de soins médicaux permettraient probablement d'assurer de façon adéquate le bien‑être et la sécurité des prisonniers soupçonnés d'avoir une maladie, y compris ceux ayant consommé de l'alcool. Toutefois, les politiques existantes sont difficiles à appliquer, car elles requièrent l'évaluation subjective de l'état des prisonniers, alors qu'aucun critère objectif n'est fourni aux membres, gardiens et surveillantes susceptibles d'évaluer cet état. Par exemple, la définition d'un comportement « inhabituel », d'une maladie « soupçonnée » ou d'un problème de santé qui « s'aggrave » variera selon l'opinion de chacun, et cette opinion peut être influencée par un certain nombre de facteurs, comme la situation et l'expérience d'une personne. À mon avis, il est inapproprié que la décision d'obtenir des soins médicaux pour un prisonnier dépende uniquement d'une évaluation subjective de l'état de santé de ce dernier.

Conclusion : La politique de la GRC concernant l'obtention de soins médicaux pour un prisonnier est inappropriée dans la mesure où la décision à cet égard repose sur l'évaluation subjective de l'état de santé du prisonnier en question.

Il est manifeste que les risques de se fier à une évaluation subjective du besoin de soins médicaux sont évidents dans le cas de M. Silverfox. Plusieurs gardiens et membres ont fait remarquer que le comportement de M. Silverfox pouvait être attribué à son état d'ébriété perçu et que les vomissements n'étaient pas inhabituels chez les personnes en état d'ébriété. Bien que cette affirmation soit vraie, les vomissements peuvent aussi résulter d'une autre maladie ou, comme dans le cas présent, occasionner des complications. Les symptômes d'une maladie peuvent être pratiquement identiques à ceux d'une autre, et on peut alors être tenté de percevoir des situations comme analogues et de s'attendre à ce qu'un ensemble de circonstances semblables mène au même résultat. C'est pour cette raison qu'il est crucial d'appliquer des critères objectifs lorsqu'on évalue la nécessité d'obtenir une aide médicale.

Comme il a été mentionné précédemment, en réaction à l'examen administratif mené par l'inspecteur de Champlain, l'inspecteur Wharton a mis en place une politique obligeant les membres et les gardiens du détachement à obtenir des soins médicaux pour les personnes en état d'ébriété qui vomissent en position sur le ventre couchée ou qui vomissent de façon excessive. À mon avis, cette politique contribue grandement à éliminer l'élément de subjectivité dans la décision d'obtenir des soins médicaux pour les personnes sous garde. Toutefois, bien qu'il soit facile de déterminer si une personne est en train de vomir pendant qu'elle est couchée sur le ventre, la mesure des vomissements pouvant être qualifiés « d'excessifs » continue de reposer sur une évaluation subjective. Par conséquent, je recommande que la politique précise des critères mesurables de ce qui constitue des vomissements « excessifs ». Ces critères doivent être établis en consultation avec des professionnels de la santé qui connaissent bien les complications pouvant découler d'une intoxication alcoolique aiguë.

Recommandation : Que le commandant du détachement, en consultation avec des professionnels de la santé, précise la politique exigeant la fourniture de soins médicaux lorsque le prisonnier vomit de façon excessive afin qu'elle comprenne une norme objective et mesurable à ce chapitre.

L'inspecteur qui a mené l'examen administratif a également recommandé que le commandant du détachement envisage de mettre sur pied un groupe consultatif communautaire, formé entre autres d'intervenants du milieu médical, qui, en partie, examinerait les questions relatif à l'ébriété dans les lieux publics et aux soins médicaux à apporter aux personnes en état d'ébriété à Whitehorse. La GRC a fait remarquer qu'un tel groupe avait déjà été constitué et qu'on poursuivait les démarches pour renforcer ses assisesNote de bas de page 7. Bien que je reconnaisse que la création d'un groupe semblable soit d'une grande utilité pour la collectivité de Whitehorse, l'obligation d'obtenir des soins médicaux lorsque c'est nécessaire, selon une norme objective, ne doit pas uniquement s'appliquer à Whitehorse. Par conséquent, je recommande que la GRC mette sur pied un groupe consultatif à l'échelle nationale qui serait composé entre autres de professionnels de la santé en vue de renforcer la politique opérationnelle nationale concernant la prestation d'une aide médicale aux personnes sous garde. À mon avis, la politique serait bonifiée par l'ajout de critères objectifs et mesurables indiquant quand on serait tenu d'obtenir des soins médicaux. De cette façon, les gardiens et les membres pourraient évaluer le comportement d'un prisonnier à la lumière d'un ensemble de critères objectifs et défendables.

Recommandation : Que la GRC mette sur pied un groupe consultatif formé entre autres de professionnels de la santé en vue de renforcer la politique opérationnelle nationale concernant la prestation d'une aide médicale aux personnes sous la garde de la GRC.

Enfin, j'ajouterais que le public ne s'attend pas à ce que les agents de police possèdent les mêmes connaissances que des professionnels de la santé au chapitre de la reconnaissance des symptômes et des problèmes médicaux. Toutefois, à mon avis, il serait utile d'offrir, en plus d'un cours de premiers soins, une formation sur les problèmes médicaux qui peuvent résulter de certains comportements présents dans nos collectivités, plus particulièrement l'ébriété et l'affaiblissement des facultés en raison de la drogue. Je recommande que la GRC fasse fond sur l'expertise de professionnels de la santé travaillant dans la collectivité pour organiser, à l'intention des membres nouvellement installés dans la région, une séance de formation concernant les symptômes, les conséquences et les causes de ce genre de problèmes médicaux. Les membres travaillant déjà dans la région devraient aussi participer régulièrement à une formation semblable.

Recommandation : Que la GRC organise, à l'intention des membres nouvellement installés dans la collectivité de Whitehorse, une séance de formation pendant laquelle des professionnels de la santé de la localité traiteraient des problèmes de santé pouvant résulter de la consommation d'alcool ou de drogues. Les membres travaillant déjà dans la région devraient aussi participer régulièrement à une formation semblable.

Questions liées à l'enregistrement sonore de la salle de veille

Il m'incombe de commenter les questions soulevées à la suite de l'enquête criminelle et de l'examen administratif sur la mort de M. Silverfox qui sont liées à l'enregistrement audio de la salle de veille pendant l'incarcération de M. Silverfox. Comme il a été souligné précédemment, le détachement de la GRC de Whitehorse est munis d'un équipement d'enregistrement vidéo en circuit fermé. Le système vidéo en circuit fermé permet d'obtenir un certain nombre de vues prises par caméra, y compris des enregistrements vidéo de l'aire de mise en détention, de parties de la salle de veille, de la baie de sécurité et de chacune des cellules. Par conséquent, on peut voir les mouvements à l'intérieur et, dans une certaine mesure, autour de la cellule de M. Silverfox à compter du moment où il a été mis en détention jusqu'à ce qu'il soit transporté à l'hôpital.

Parmi les caméras qui ont enregistré les évenements à l'intérieur et autour du bloc cellulaire, la seule qui est équipée d'une fonction d'enregistrement audio est celle qui filme une partie de la salle de veille. La caméra est munie de détecteurs de mouvements, de sorte qu'elle n'enregistre le son que s'il y a du mouvement dans la salle de veille. La qualité sonore de l'enregistrement est relativement mauvaise. Néanmoins, une certaine quantité de dialogues ont été enregistrés sur la bande audio, à savoir les déclarations des gardiens, des surveillantes et des membres présents dans la salle de veille qui ont été citées tout au long du présent rapport. Plusieurs de ces déclarations dénotent, pour présenter les choses au mieux, un total manque de compassion à l'égard de M. Silverfox et de sa situation. Ces déclarations se trouvent citées plus haut.

L'existence de l'enregistrement audio de la salle de veille soulève deux questions : premièrement, la raison pour laquelle on n'a pas pu utiliser l'enregistrement audio dans le cadre de l'examen administratif ni l'enquête criminelle et, deuxièmement, le contenu de la discussion au sujet de M. Silverfox. Il est à noter que l'enregistrement audio a été l'élément déclencheur d'une enquête en vertu du Code de déontologie — qui est en cours — relativement aux actions des membres en cause dans la présente affaire.

Divulgation de l'enregistrement audio de la salle de veille

L'existence de l'enregistrement audio de la salle de veille a été divulguée aux participants à l'enquête du coroner peu de temps avant le début de cette enquête. Rien dans le dossier ne démontre que l'inspecteur de Champlain a été informé de l'existence de l'enregistrement audio pendant qu'il menait l'examen administratif. Il n'y a aussi aucune mention de l'enregistrement audio dans les documents se rapportant à l'enquête criminelle. Toutefois, le caporal Wayne Gork précise dans un rapport préliminaire sur les tâches qu'il existe un enregistrement audio. Le gendarme Kalles, qui était chargé de copier la bande du matériel vidéo en circuit fermé et de la visionner avec le caporal Gork, aurait probablement eu connaissance de l'existence de l'enregistrement audio.

Il semble qu'on ait tout simplement oublié de faire mention de l'enregistrement audio, car aucun élément de preuve n'indique qu'on ait délibérément tenté de dissimuler l'existence de l'enregistrement audio. Toutefois, les raisons pour lesquelles l'inspecteur de Champlain ou le triangle de commandement responsable de l'enquête criminelle ignorait l'existence de l'enregistrement audio ne sont pas claires. Par conséquent, je recommande que la GRC désigne un enquêteur non affilié à la GRC et indépendant de la Division M pour qu'il examine les circonstances entourant la divulgation tardive ou la non‑divulgation de l'enregistrement audio et qu'il transmette les conclusions de son examen à la GRC et à la Commission.

Conclusion : Les raisons pour lesquelles l'existence de l'enregistrement audio de la salle de veille semblait inconnue ne sont pas claires.

Recommandation : Que la GRC désigne un enquêteur indépendant pour qu'il examine les circonstances entourant la divulgation tardive ou la non‑divulgation de l'enregistrement audio de la salle de veille et qu'il transmette les conclusions de son examen au commissaire et à la Commission.

Le contenu de l'enregistrement audio de la salle de veille

Le contenu de l'enregistrement audio de la salle de veille et, plus précisément, les parties où on fait allusion à M. Silverfox, a été cité tout au long du présent rapport. À certains moments, les membres, les gardiens et les surveillantes font preuve d'indifférence à l'égard de la maladie de M. Silverfox et, dans les cas les plus graves, ils se moquent ouvertement de ses problèmes de santé. Les politiques opérationnelles nationales de la GRC précisent que toute personne sous la garde de la GRC doit être traitée convenablementNote de bas de page 8. De plus, les normes de base qui doivent être respectées par tous les membres et qui sont énoncées dans la Loi sur la GRC obligent les membres à se conduire d'une façon courtoise, respectueuse et honorable et à maintenir l'honneur de la GRC. D'ailleurs, les valeurs fondamentales de la GRC comprennent le professionnalisme, la compassion et le respect.

Selon moi, les membres en cause, particulièrement les gendarmes Corbett et Kalles, mais également les gendarmes Kaytor et Telep, dont les déclarations sont citées plus haut, ont affiché une conduite qui était très loin de celle qu'on attend d'un membre du service de police national du Canada.

Un certain nombre de personnes ont déclaré qu'elles croyaient que M. Silverfox était, essentiellement, « juste un autre soûlon ». À mes yeux, cette attitude a teinté chacune des interactions que ces personnes ont eues avec M. Silverfox, de sorte que sa maladie n'a pas été prise au sérieux et était considérée comme la conséquence naturelle de son état d'ébriété. Toutefois, il s'agit d'un exemple des dangers de la « vision en tunnel » : de la même manière qu'on peut tellement convaincre de la véracité d'une certaine théorie pendant une enquête qu'on ne voit plus les autres possibilités, c'était une erreur grave de croire que tous les symptômes de M. Silverfox pouvaient être attribués à son état d'ébriété, sans envisager d'autres possibilités. Il est très dangereux de ne pas reconnaître que chaque personne sous garde doit être traitée comme une personne à part entière et non simplement comme la représentante d'une certaine catégorie de personnes. Le cas de M. Silverfox constitue un exemple tragique des dangers de croire qu'un individu est « juste un autre soûlon ». L'incapacité de chacun des membres de dénoncer la conduite de ceux qui se sont moqués de M. Silverfox est aussi un fait troublant.

Même si les membres avaient respecté la politique pertinente à la lettre dans le cas de M. Silverfox et qu'ils avaient pris les mesures nécessaires pour qu'il puisse être traité, ce dernier serait peut‑être quand même décédé. Toutefois, les membres ont bel et bien fait fi de la politique pertinente et, dans l'esprit du public, ce manquement est aggravé par l'insensibilité et le manque de respect dont les membres ont fait preuve à l'égard de M. Silverfox. La perception du public est primordiale, et le fait que M. Silverfox a initialement été mis sous garde par compassion — parce que les membres ne voulaient pas le laisser dehors par temps froid — est désormais futile et sans importance en raison de l'issue des événements, l'issue même que les premiers membres qui sont intervenus voulaient éviter. Malheureusement, on ne se souviendra que de l'attitude des membres à l'endroit de M. Silverfox dans les dernières heures de sa vie.

Conclusion : Les gendarmes Corbett, Kalles, Kaytor et Telep n'ont pas agi en conformité avec les exigences de la Loi sur la GRC et avec les valeurs fondamentales de la GRC lorsqu'ils sont intervenus auprès de M. Silverfox.

Ces membres font actuellement l'objet d'une enquête disciplinaire interne de la GRC, qui a débuté après l'enquête du coroner. Toutefois, à mon avis, une telle enquête ne traite pas de la question plus vaste entourant l'obligation de traiter les gens d'une façon qui reflète les valeurs fondamentales de la GRC. On ne saurait trop insister sur l'importance de cette obligation, et le fait de manquer à cette obligation équivaut à un échec pour l'ensemble de l'organisation. Par conséquent, je recommande que tous les membres du détachement de la GRC de Whitehorse, de même que tous les gardiens et toutes les surveillantes employés par le détachement, reçoivent une formation sur la façon de créer un milieu respectueux et d'interagir en conformité avec les valeurs fondamentales de la GRC, et ce, tant à l'intérieur du détachement que dans la collectivité. Afin de concevoir et de mettre en place une telle formation, il serait approprié que la GRC consulte divers organismes communautaires du Yukon qui s'occupent de préoccupations sociales et culturelles.

Recommandation : Que tous les membres du détachement de la GRC de Whitehorse, de même que tous les gardiens et toutes les surveillantes employés par le détachement, reçoivent une formation sur la façon de créer un environnement respectueux et d'interagir en conformité avec les valeurs fondamentales de la GRC, et ce, tant à l'intérieur du détachement que dans la collectivité.

Remarques concernant les enquêres de la GRC portant sur la mort en détention de M. Silverfox

Comme il a été mentionné précédemment, la GRC a mené trois enquêtes distinctes relativement à la mort de M. Silverfox : une enquête criminelle, un examen administratif et une enquête sur la plainte du public. Les étapes de chacune des enquêtes méritent d'être mentionnées, car la question de la police qui enquête sur la police est souvent d'intérêt public, de même que le sujet d'un rapport de la Commission publié en août 2009.

L'enquête criminelle a débuté très peu de temps après la mort de M. Silverfox, survenu le 2 décembre 2008. L'enquête a été amorcée par le Groupe des crimes graves de la Division M, mais elle a été confiée le lendemain au Groupe des crimes graves du district Nord de la Division E pour qu'il s'agisse d'une enquête indépendante, comme l'exigent les politiques de la GRC. L'enquête a été menée en conformité avec les principes de gestion des cas graves et a été dirigée par le sergent d'état‑major Glenn Krebs.

L'équipe d'enquête a recueilli, au besoin, les déclarations de huit témoins civils, de 15 membres impliqués dans les événements entourant l'arrestation, l'incarcération et la tentative de réanimation de M. Silverfox, de trois employés civils et de cinq répondants des SMU. L'équipe a également réuni tous les documents pertinents, y compris les notes des membres, les registres, les dossiers médicaux ainsi que les dossiers et les normes de formation.

La Commission a évalué l'impartialité de l'enquête criminelle en ce qui a trait à la gestion hiérarchique, au degré d'intervention, à la rapidité de l'intervention et à la conduite. Les points saillants de l'évaluation de l'impartialité sont les suivants :

Gestion hiérarchique : Les membres de la Division M ont commencé l'enquête sur la mort en détention de M. Silverfox à environ 21 h 30 le 2 décembre 2008. Une équipe a été immédiatement mise sur pied en conformité avec les principes de gestion des cas graves, et les éléments de preuve, comme les registres de garde et l'enregistrement vidéo du bloc cellulaire, ont été conservés. Les membres ont été informés de leur obligation de faire rapport. La Division E a été mise au courant de l'enquête à 7 h 30 le 3 décembre 2008, et le sergent d'état‑major Krebs est arrivé à Whitehorse vers midi trente le même jour. Tôt le lendemain, tout le personnel de la Division M avait été retiré de l'enquête, et le sergent d'état‑major Krebs a demandé à tous les membres de l'équipe d'enquête de remplir les questionnaires d'impartialité avant de commencer l'enquête. Aucun conflit d'intérêts possible n'a été constaté par le sergent d'état‑major Krebs ou l'observateur de la Commission. Par conséquent, je n'ai aucune inquiétude à l'égard de la gestion hiérarchique.

Degré d'intervention : L'intervention initiale des membres de la Division M, particulièrement celle du sergent Mark London, a été exemplaire. Le sergent London était parfaitement conscient de ses responsabilités, y compris de la nécessité de préserver les éléments de preuve et de veiller à ce que les membres comprennent leur obligation de rendre compte de leurs actions. L'équipe de la Division E qui a pris le relais était très expérimentée et très compétente et s'est conformée au modèle de gestion des cas graves. Je n'ai aucune réserve concernant le degré d'intervention.

Rapidité de l'intervention : Les membres de la Division M ont commencé l'enquête environ 15 minutes après la mort de M. Silverfox et l'ont confiée à la Division E moins de 12 heures après l'incident. À mon avis, les membres sont intervenus assez rapidement après l'incident.

Conduite : La Commission a évalué le professionnalisme des membres participant à l'enquête criminelle et a constaté que ces derniers étaient pleinement conscients de la nature de leurs tâches respectives et s'étaient acquittés de leur mandat. La conduite des membres de la GRC participant à l'enquête criminelle ne suscite chez moi aucune inquiétude.

À la lumière de l'évaluation de l'observateur de la Commission, des documents recueillis et de mon examen du dossier d'enquête, je ne doute aucunement de l'impartialité de l'enquête criminelle sur la mort en détention de M. Silverfox.

Comme il a été précisé, j'ai examiné les déclarations obtenues et les documents réunis pendant l'enquête criminelle. Il est manifeste que l'équipe a mené une enquête approfondie et détaillée. Elle a accompli toutes les tâches pertinentes et a obtenu toute l'information nécessaire. Bien qu'il y ait eu quelques erreurs, notamment pour ce qui est de l'utilisation de l'enregistrement audio de la salle de veille, celle‑ci ne modifie en rien ma conclusion selon laquelle l'enquête criminelle sur la mort en détention de M. Silverfox a été exhaustive et bien documentée. J'ajouterais que l'enquête a duré environ trois mois, ce qui est tout à fait raisonnable dans le cas d'une enquête sur un incident grave.

Même s'il n'est pas lié à la mort de M. Silverfox, le rapport final de la Commission concernant la question de la police qui enquête sur la police (rapport publié après la mort de M. Silverfox et l'enquête criminelle subséquente) conclut que, dans les cas de mort en détention, par exemple, il faudrait désigner un enquêteur externe indépendant pour tenir compte des préoccupations du public à l'égard de l'impartialité de l'enquêteur affecté à l'enquête. Même si, en l'espèce, l'équipe d'enquête était affiliée à la GRC, d'autres caractéristiques du modèle proposé par la Commission afin d'assurer l'impartialité et de renforcer la crédibilité ont été prises en considération. Plus particulièrement, les enquêteurs étaient d'un grade suffisamment élevé, nombre des entrevues ont été menées par deux membres, l'équipe d'enquête était qualifiée, et l'enquête a été réalisée dans les meilleurs délais.

En outre, il est à noter que la GRC a récemment mis en œuvre une politique relative aux enquêtes externes selon laquelle les enquêtes criminelles comme celles ayant porté sur la mort en détention de M. Silverfox doivent être confiées à un organisme d'enquête externe.

Conclusion : L'enquête criminelle menée sur la mort en détention de M. Silverfox était impartiale, rigoureuse et bien documentée, et, même si les enquêteurs désignés étaient affiliés à la GRC, les mesures prises pour assurer leur indépendance étaient appropriées dans les circonstances.

Par ailleurs, l'inspecteur Yvon de Champlain de la Section des infractions commerciales de la Division K a mené un examen administratif de l'enquête. L'inspecteur de Champlain a été chargé d'évaluer si les personnes impliquées dans les événements entourant la mort de M. Silverfox s'étaient conformées à certains des aspects des politiques de la GRC. L'inspecteur de Champlain a conclu que l'enquête sur l'incident avait été menée en conformité avec les politiques de la GRC et qu'il n'avait relevé aucune préoccupation liée à l'impartialité. De plus, l'inspecteur de Champlain a recensé un certain nombre de lacunes dans l'application des politiques nationales, divisionnaires et propres au détachement en ce qui a trait aux activités dans le bloc cellulaire au moment de la mort de M. Silverfox. Comme il est précisé tout au long du présent rapport, l'inspecteur Mark Wharton, commandant du détachement de la GRC à Whitehorse, a donné suite à ces recommandations en prenant des mesures pour combler les lacunes recensées. J'estime que l'examen administratif de l'inspecteur de Champlain, tout comme dans le cas de l'enquête criminelle, était approfondi et bien documenté, dans les limites du mandat qui lui avait été confié.

Conclusion : L'examen administratif de l'enquête criminelle et des activités dans le bloc cellulaire était rigoureux et bien documenté.

La troisième et dernière enquête menée sur la mort en détention de M. Silverfox était l'enquête sur la plainte du public menée en réaction à la plainte déposée par le président de la Commission. La GRC a désigné le sergent d'état‑major Tom Caverly — sous‑officier responsable de l'Équipe de soutien aux affaires juridiques de la Division E de la Colombie‑Britannique — enquêteur sur la plainte du public. Il convient de souligner que le sergent d'état‑major Caverly est un enquêteur chevronné qui fait partie d'une équipe spécialisée d'une division distincte, et il est clair que la nécessité de désigner un enquêteur jouissant du degré d'indépendance le plus élevé possible a été prise en compte.

Pendant son enquête, le sergent d'état‑major Caverly a examiné les documents (décrits plus haut) déjà recueillis dans le cas des deux enquêtes précédentes. En outre, il a interrogé les membres et les employés civils qui sont intervenus auprès de M. Silverfox et a passé en revue les politiques pertinentes. Le sergent d'état‑major Caverly a pris toutes les mesures d'enquête raisonnables dans les circonstances, et j'estime que son enquête sur la plainte du public était adaptée à la plainte du président.

Conclusion : L'enquêteur sur la plainte du public a pris toutes les mesures d'enquête raisonnable dans les circonstances.

Conclusion

Le public s'attend à ce que les agents de police respectent certaines normes de conduite. De plus, le public s'attend à ce que les personnes sous la garde de la GRC soient traitées avec dignité et respect et à ce qu'on réponde à leurs besoins médicaux urgents. Les membres de la GRC qui sont intervenus auprès de M. Raymond Silverfox n'ont pas réussi, en grande partie, à combler ces attentes. Comme l'a fait remarquer la Commission, la confiance du public, une fois perdue, est difficile à regagner. Les événements entourant la mort de M. Silverfox ont ébranlé la confiance du public à l'égard du détachement de la GRC à Whitehorse, et le détachement pourra ranimer cette confiance en prenant des mesures pour éviter que se reproduise un tel incident, en prêtant continuellement attention aux politiques et procédures et en veillant à ce que chacune des interactions avec le public soit guidée par les valeurs fondamentales de la GRC.

Après avoir examiné la plainte, je dépose mon rapport provisoire, conformément à l'alinéa 45.42(3)a) de la Loi sur la GRC.

Le président intérimaire,
______________________________
Ian McPhail, c.r.

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