Réponse de la commissaire

Format PDF [480KO]

Liens connexes

17 juin 2020

Madame Michelaine Lahaie
Présidente
Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada
C.P. 1722, succursale « B »
Ottawa (Ontario) K1P 0B3

Madame,

J'accuse réception du rapport de la Commission concernant la plainte déposée par le président et l'enquête d'intérêt public sur les interventions de la GRC lors des manifestations contre le gaz de schiste qui ont eu lieu dans le comté de Kent, au Nouveau‑Brunswick, numéro de dossier PC-2013-2339.

J'ai examiné l'affaire en cause, y compris les conclusions et recommandations présentées dans le rapport intérimaire de la Commission.

Je souscris à la conclusion no 1 selon laquelle, dans l'ensemble, les membres de la GRC ont géré les procédures postérieures à l'arrestation et relatives à la détention de manière raisonnable et conformément à la politique.

Je souscris à la conclusion no 2 selon laquelle, de façon générale, les membres de la GRC ont compris et appliqué une approche modérée dans leurs relations avec les manifestants.

Je souscris à la conclusion no 3 selon laquelle, tout au long des manifestations jusqu'au 17 octobre 2013, l'équipe de commandement de la GRC et l'Équipe de négociation en situation de crise (ENSC) ont tout mis en œuvre pour réunir les intervenants afin de trouver une solution au conflit. Ces efforts ont été contrecarrés, en partie, par la nature insoluble du différend et par l'absence de leadership clair de la part des manifestants.

Je souscris à la conclusion no 4 selon laquelle les renseignements dont dispose la Commission n'établissent pas, selon la prépondérance des probabilités, que les personnes avaient une attente objectivement raisonnable en matière de respect de la vie privée en ce qui concerne leurs communications par l'intermédiaire des groupes Facebook, ni que l'agent d'infiltration de la GRC a « intercepté » ces communications, comme il est exposé dans la jurisprudence pertinente.

Je souscris à la conclusion no 5 que toute collecte de communications électroniques potentiellement « privées » par la GRC ne doit se faire que dans les limites du Code criminel, de la Charte et de la jurisprudence connexe.

Je souscris à la conclusion no 6 que, selon la prépondérance des probabilités, la collecte de renseignements de sources ouvertes dans les cas du manifestant B, du manifestant D et de la manifestante E n'était pas déraisonnable dans les circonstances.

Je souscris pour l'essentiel à la conclusion no 7 selon laquelle la politique de la GRC sur l'utilisation de sources ouvertes ne fournissait pas de directives claires quant à la collecte, à l'utilisation et à la conservation de renseignements personnels obtenus à partir des médias sociaux ou d'autres sources ouvertes, en particulier dans les situations où aucun lien avec des activités criminelles n'a été établi, étant donné que, au moment des manifestations contre le gaz de schiste dans le comté de Kent, la GRC n'avait pas de politique sur le traitement des renseignements personnels obtenus de sources ouvertes.

Cependant, le 13 mars 2015, la Gendarmerie a adopté sa première politique sur cette question, à savoir le chapitre 26.5 du Manuel des opérations (MO), Utilisation d'Internet aux fins d'enquêtes et de renseignements criminels. Je saisis l'occasion pour informer la Commission que, le 15 juillet 2019, la version originale du chapitre 26.5 du MO a été modifiée et s'intitule désormais Utilisation d'Internet pour l'acquisition de renseignements de sources ouvertes (RSO) et la conduite d'enquêtes criminelles. Bien que cette mise à jour de la politique ait modifié les rôles et les responsabilités de l'équipe de Recherche tactique sur Internet en soutien aux opérations (RTISO) et des chefs de service, en plus d'étendre la section des définitions afin que la politique soit harmonisée avec les progrès les plus récents dans le domaine de la collecte de renseignements de sources ouvertes (RSO), elle n'a pas modifié les dispositions fondamentales de la version originale.

À la suite d'un examen du chapitre 26.5 du MO, de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des politiques de la GRC sur la gestion de l'information, je suis convaincue que les membres reçoivent maintenant une orientation suffisante sur la collecte, l'utilisation et la conservation des renseignements personnels obtenus sur les médias sociaux. J'estime que le chapitre 26.5 du MO n'est pas destiné à être lu comme un document autonome ni à se substituer à une formation spécialisée. Je considère plutôt que la politique est un complément au cadre législatif en place (p. ex. la Loi sur la protection des renseignements personnels) et à la jurisprudence connexe et qu'elle fournit un contexte sur l'application pratique des techniques d'enquête dans les limites de la loi.

La GRC recueille des RSO en vue d'élaborer du renseignement criminel exploitable et utilise ce renseignement afin de s'acquitter de son mandat en vertu de la Loi sur la GRC. Les RSO sont toujours recueillis à l'appui d'un dossier ou d'une activité de programme établis, et le type de renseignements recueillis à partir des médias sociaux est fondé sur les besoins de l'enquête ou de l'activité. Conformément au chapitre 26.5 du MO, les employés de la GRC qui effectuent des activités de collecte de renseignement doivent s'assurer que la collecte, l'utilisation et la conservation des renseignements personnels obtenus à partir de sources ouvertes, telles que les médias sociaux, respectent les exigences en matière de protection des renseignements personnels. Je suis convaincue que la collecte, l'utilisation et la conservation des RSO par la GRC se font en conformité avec l'état actuel du droit en ce qui concerne la protection des renseignements personnels.

Il est également important de souligner que, comme la collecte de renseignements personnels à partir des médias sociaux doit être directement liée à un dossier ou programme opérationnel particulier, les résultats sont conservés dans le dossier opérationnel connexe, comme tout autre élément d'information recueilli lors d'une enquête. Par conséquent, la période de conservation des renseignements personnels recueillis à partir des médias sociaux sera déterminée en fonction de la période de conservation du dossier connexe, conformément aux politiques de la GRC sur la gestion de l'information.

À mon avis, les dispositions du chapitre 26.5 du MO ne sont pas censées être contraignantes au point d'entraver la capacité d'un employé d'analyser et d'évaluer l'utilité aux fins d'une enquête de tout renseignement éventuellement recueilli. Il est compréhensible que chaque scénario possible ne puisse être décrit et prévu dans les politiques, d'autant plus que les techniques policières et la jurisprudence dans ce domaine évoluent rapidement et s'adaptent aux technologies nouvelles et émergentes. Cependant, si la législation ou la jurisprudence évoluent à cet égard et nécessitent que des modifications soient apportées aux pratiques, aux procédures ou aux politiques actuelles, la GRC le fera dans le cadre de consultations appropriées avec les intervenants concernés.

À la lumière de ma conclusion ci-dessus, je n'appuie pas la recommandation no 1, qui préconise que la GRC fournisse des lignes directrices claires décrivant quels renseignements personnels peuvent être recueillis à partir des sites de médias sociaux; les utilisations qui peuvent en être faites; et quelles mesures devraient être prises pour garantir leur fiabilité. Bien que je ne pense pas que des lignes directrices plus précises, suivant la recommandation de la Commission, soient nécessaires, je suis convaincue qu'il existe actuellement des mécanismes, comme il est brièvement décrit dans les paragraphes suivants, visant à garantir que les employés effectuant des activités de collecte de renseignement reçoivent les conseils requis sur l'utilisation des médias sociaux pour la collecte des RSO.

Quand on ne sait pas si les activités liées aux RSO pourraient être contraires à la politique ou enfreindre la loi, la politique ordonne aux spécialistes désignés de consulter le chef de service, l'équipe de RTISO, le Groupe national des opérations secrètes ou les Services juridiques de la GRC afin d'obtenir des conseils. De plus, tous les membres qui effectuent des activités de collecte de renseignement au sein de la GRC sont tenus par la politique d'avoir une formation. L'atelier « Introduction à la recherche à source ouverte » offert aux spécialistes des RSO de niveau 2 précise les règles régissant la collecte de renseignements personnels sur les sites de médias sociaux et l'utilisation qui peut être faite de ces renseignements en plus de mettre l'accent sur la nécessité de confirmer, de corroborer, ou de discréditer les RSO avant de pouvoir les utiliser dans des rapports de renseignement. En plus de cet atelier, les spécialistes des RSO de niveau 3 doivent également suivre la formation « Utilisation d'Internet comme outil tactique ». Ce cours en classe de cinq jours fournit des instructions avancées et approfondies sur la façon de mener des recherches sur Internet dans le cadre d'une enquête et comprend un module de 12 heures sur l'utilisation des médias sociaux à des fins de renseignement et d'enquête. En outre, cette formation fournit aux membres une explication approfondie du chapitre 26.5 du MO, de la jurisprudence pertinente et des pouvoirs applicables à la collecte et à l'utilisation des RSO figurant dans diverses lois.

Je profite de l'occasion pour informer la Commission que le centre de décision responsable des activités liées aux RSO au sein de la GRC est en train de créer un site d'environnement de collaboration Sharepoint dédié aux spécialistes de niveau 2 et de niveau 3 afin de s'assurer qu'ils sont tenus au courant des derniers changements dans la législation, les techniques, les méthodologies et la jurisprudence relatives à la collecte, à l'utilisation et à la conservation des RSO. Je vais demander que cet environnement de collaboration soit lancé dès que possible après la publication du rapport final de la Commission. De plus, la GRC élabore actuellement un cours abordant l'utilisation acceptable du renseignement de sources ouvertes qui sera accessible en ligne à tous les employés par l'entremise de la plateforme Agora, sur l'Infoweb. L'objectif de ce cours est de fournir aux employés une compréhension des lois, des politiques, des facteurs relatifs à la vie privée et de la jurisprudence en matière d'utilisation du renseignement de sources ouvertes. Je demanderai que, une fois terminé, le nouveau cours sur la plateforme Agora soit rendu accessible et communiqué comme tel à tous les employés de la GRC.

Enfin, je tiens à informer la Commission que, dans le Plan de vérification axé sur les risques, d'évaluation et d'analyse de données de 2018-2023, j'ai approuvé une vérification sur les renseignements de sources ouvertes. Vérification interne, Évaluation et Examen de la GRC achève actuellement l'ébauche du rapport de cette vérification, qui sera bientôt présenté au Comité ministériel de vérification. La Vérification de l'information de sources ouvertes menée par la GRC visait à déterminer si les activités liées à l'information de sources ouvertes qui sont menées sur Internet à l'échelle de l'organisation étaient conformes à la politique. Plus précisément, la vérification visait à déterminer si la politique de la Gendarmerie relative aux activités et aux renseignements de sources ouvertes était établie, adéquate, maintenue, clairement communiquée et suivie par les membres et si les employés avaient reçu la formation et les outils nécessaires pour s'acquitter de leurs responsabilités en matière d'activités liées à l'information de sources ouvertes. La Commission peut être informée que toute recommandation formulée par les responsables de Vérification interne, Évaluation et Examen à la suite de la vérification sera suivie d'un plan d'action de la direction pour assurer sa mise en œuvre le plus rapidement possible.

Je n'appuie pas la recommandation no 2 voulant que la politique de la GRC exige la destruction des dossiers obtenus à partir de sources de médias sociaux contenant des renseignements personnels (comme des saisies d'écran de sites de médias sociaux) une fois qu'il est établi qu'il n'y a pas de lien avec des activités criminelles concernant les renseignements.

Bien que je sois d'accord avec la Commission qu'il est raisonnable pour la GRC de réunir des renseignements pour obtenir un profil de renseignement actuel d'une personne et d'analyser ces renseignements en vue de déterminer s'il existe une menace criminelle, je ne suis pas d'avis que, une fois qu'il est établi qu'aucune menace criminelle n'est liée à cette personne, les renseignements personnels recueillis ne servent plus à des fins d'application de la loi ou de renseignement criminel et ne doivent pas être conservés dans le dossier. La police a le devoir de prévenir la criminalité et de maintenir la paix, mais elle a également un devoir général de protéger la vie et les biens qui va au-delà des fonctions de prévention de la criminalité et de maintien de la paix. Pendant les manifestations publiques, telles que celles qui se sont produites dans le comté de Kent, l'équipe de commandement ou l'enquêteur principal utiliseront le renseignement tactique comme outil d'enquête pour obtenir des renseignements sur les groupes en cause dans les manifestations afin d'établir le degré de perturbation qu'une manifestation donnée peut causer et s'il y aura un risque pour les participants, les passants, la police et le grand public. Afin de prendre cette décision et d'appuyer son objectif primordial d'assurer la sécurité de la population canadienne, la GRC doit avoir accès aux renseignements sur les participants même dans des situations où il n'y a aucune raison de croire que les participants ont déjà été impliqués dans des activités criminelles. Il est nécessaire que la police en apprenne davantage sur les personnes avec lesquelles elle peut éventuellement interagir afin d'adopter l'approche modérée appropriée.

Les analystes du renseignement peuvent parcourir une vaste gamme d'information en effectuant des recherches, y compris sur des personnes associées à divers groupes, mais seuls les RSO pertinents pour la demande d'origine seront recueillis et utilisés pour la production des rapports de renseignement. Le type de renseignements recherchés auprès de sources ouvertes ou de médias sociaux n'est pas limité sur le plan des catégories ou des sujets, mais il doit appuyer le dossier opérationnel. Les renseignements sont soumis en permanence à des analyses historiques et en temps réel visant à cibler et à évaluer les menaces potentielles. Cependant, la nature des renseignements recueillis n'a pas toujours un aspect criminel évident. Par exemple, afin de créer une base de référence pour les activités d'un groupe de manifestants et d'établir si cela présente un quelconque intérêt pour la police, les spécialistes du renseignement doivent inclure dans leur rapport des renseignements sur les antécédents criminels des personnes constituant le groupe, mais également sur ceux qui n'ont pas d'antécédents. En effet, les commandants s'appuieront sur les résultats du processus de renseignement pour prendre des décisions éclairées sur le risque global posé par un groupe particulier afin d'élaborer un plan stratégique et une intervention appropriés lors des manifestations. Il est donc justifié que les renseignements au sujet des manifestants figurent dans le dossier opérationnel, même si certaines de ces personnes ne sont pas associées à des activités criminelles. Cette situation n'est en rien différente de celle des renseignements personnels obtenus au cours d'une enquête, par d'autres moyens que les sources ouvertes, et conservés dans le dossier d'enquête, malgré l'absence de lien criminel. Les renseignements font partie des résultats de l'enquête et soutiennent les mesures et les décisions prises lors d'un incident précis.

Il importe également de souligner que, une fois qu'un rapport de renseignement contenant des RSO ou des renseignements personnels a été créé, il devient une ressource documentaire à valeur opérationnelle (RDVO)Note de bas de page 1 et doit être intégré ou lié au dossier opérationnel à partir duquel provenait la demande initiale de recherche de RSO. En effet, le paragraphe 12.1.1. du chapitre 1.2. du Manuel de la gestion de l'information crée une obligation pour les employés de la GRC de s'assurer que toutes les ressources documentaires à valeur opérationnelle qu'il crée ou recueille sont intégrées au programme de gestion des dossiers de la GRC. Par conséquent, tous les documents de RSO recueillis sur les médias sociaux et utilisés pour élaborer un rapport de renseignement sont déposés avec ce rapport comme pièces justificatives et sont conservés avec tout autre renseignement recueilli au cours de l'enquête. Le rapport de renseignement et ses pièces justificatives font partie intégrante des documents d'enquête et ont la même période de conservation que le dossier d'événement. Les périodes de conservation pour les RDVO varieront selon le type d'événement; par conséquent, le délai pour l'élimination de tous les renseignements associés à un dossier dépendra du type d'infraction et de la période de conservation prescrite correspondante, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à son règlement ainsi qu'aux politiques de la GRC.

Pour ces raisons, j'estime que procéder à la destruction de documents obtenus à partir de médias sociaux et contenant des renseignements personnels ne serait pas raisonnable et pourrait ne pas être légal étant donné que, une fois que les renseignements sont utilisés pour produire des RSO, ils deviennent des RDVO et doivent être conservés dans le dossier opérationnel associé, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et aux politiques de la GRC.

Pour les mêmes raisons, je n'appuie donc pas la recommandation no 3 voulant que la GRC élabore une politique prévoyant que, lorsque la GRC obtient des renseignements personnels jugés sans lien avec des activités criminelles, ces renseignements ne doivent pas être conservés.

Je ne souscris pas à la conclusion no 8 selon laquelle il semble que les membres de la GRC ne disposaient pas d'une autorisation judiciaire ou d'une autre autorisation légale pour effectuer des contrôles routiers aux fins de collecte de renseignements d'une manière qui constituait une « enquête générale » sur les occupants du véhicule. Cette pratique n'était pas conforme aux droits garantis par la Charte aux occupants du véhicule. Comme il est déclaré dans l'arrêt R. c. HarrisNote de bas de page 2 et la jurisprudence connexe, la question de savoir si le fait de demander une pièce d'identité à une personne fait intervenir la Charte dépend des faits et, plus important encore, du fait que la personne était détenue ou non au moment où l'information a été sollicitée. Après un examen minutieux des documents pertinents en ce qui concerne cette conclusion, en particulier des vidéos et des feuilles de contrôleNote de bas de page 3, je ne suis pas en mesure de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que les passagers des véhicules ont été détenus, que le seul but des contrôles routiers était la collecte de renseignement ou que les membres ont agi de manière inappropriée ou d'une manière incompatible avec la Charte. Plus précisément, la vidéo mentionnée par la Commission au paragraphe 106 de son rapport ne rend pas compte de la totalité de l'interaction ou des mesures prises par le membre avant ou après avoir demandé des pièces d'identité. Certaines des autres vidéos examinées ont une très mauvaise qualité sonore et n'ont pas capté la totalité de l'interaction. Pour ces raisons, j'estime qu'il n'y a tout simplement pas assez de faits ou de contexte permettant de tirer des conclusions.

Je ne souscris pas à la conclusion no 9 que l'interception au hasard de véhicules à des fins autres que celles énoncées dans la législation provinciale sur la circulation routière, sans autorisation judiciaire et en l'absence d'enquête urgente sur un crime grave, n'était pas conforme, selon la prépondérance des probabilités, aux droits garantis par la Charte aux occupants du véhicule. J'estime que la Commission n'a pas fourni suffisamment d'information à l'appui de cette conclusion exposant en détail les cas précis où un barrage aurait été érigé illégalement. Je note que la jurisprudence citée par la Commission au paragraphe 110 de son rapport, comme l'arrêt R. c. ClaytonNote de bas de page 4, fait référence à des situations d'urgence dans lesquelles non seulement des zones d'exclusion ont été imposées ou des barrages ont été érigés, mais les véhicules détenus et les occupants des véhicules ont été fouillés. Cependant, un examen des documents pertinents dans cette affaire ne révèle pas que des zones d'exclusion ou des barrages ont été établis arbitrairement ou que des personnes ont été détenues. Il n'indique pas non plus que des fouilles de personnes et de véhicules ont eu lieu pendant cette période précisée de la manifestation (c'est-à-dire en juin et juillet 2013). Cela dit, on a relevé plusieurs exemples dans les renseignements disponibles laissant croire que, à divers moments au cours des manifestations, des routes et des chemins ont été rendus impraticables ou dangereux en raison d'arbres abattus, que de graves dommages matériels et des incendies criminels se sont produits et que certaines circonstances, parfois, ont créé un danger pour la sécurité publique. Le pouvoir de créer un périmètre dans de telles circonstances découlerait, bien entendu, de la common law, comme le prévoient les exemples résumés dans l'arrêt Figueiras c. Toronto (Police Services Board)Note de bas de page 5, au paragraphe 59 :

[Traduction] Des exemples du pouvoir que la common law reconnaît à la police de contrôler l'accès à une zone comprennent l'établissement d'un périmètre autour d'un policier qui procède à une arrestation (R. c. Wutzke, 2005, ABPC 89, aux par. 60-66), l'établissement d'un périmètre autour d'un policier qui interroge un suspect ou un témoin (R. c. Dubien, [2000] Q.J. no 250, aux par. 14-26 (C.M.)), l'établissement d'un périmètre autour d'une scène de crime pour préserver les éléments de preuve (R. c. Edwards, 2004, ABPC 14, 25 Alta. L.R. (4e) 165, aux par. 4-6, 24‑48, 66), et l'établissement d'un périmètre autour d'une zone dangereuse pour préserver la sécurité publique (R. c. Rousseau, [1982] C.S. 461, aux pages 461-62, 463-64 (Québec)). Il a également été reconnu que les policiers peuvent établir un périmètre de sécurité autour d'une cible potentielle de crime violent afin d'assurer sa protection (Knowlton, aux pages 447-48).

Je ne souscris pas à la conclusion no 10 que, selon la prépondérance des probabilités, il semble que la pratique de fouiller les personnes entrant dans le campement était, dans les circonstances, incohérente avec le droit des personnes à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

Je remarque que la conclusion de la Commission fait référence au moment du blocus de l'enceinte de SWN Resources Canada (SWN) sur la route 134, qui a commencé le 29 septembre 2013 ou vers cette date et s'est terminé le 16 octobre 2013, la veille de l'opération visant à mettre fin au blocus. En outre, j'estime que le libellé de la présente conclusion et de l'analyse connexe est quelque peu vague quant à savoir si la Commission fait allusion uniquement aux fouilles de personnes pénétrant à pied dans le campement ou également aux fouilles de véhicules autorisés à entrer dans le campement. Ainsi, je suis partie de l'hypothèse que la Commission fait référence aux deux scénarios pendant la période susmentionnée.

En ce qui concerne la fouille des véhicules entrant dans le campement, je note que, pendant le blocus de l'enceinte de SWN, la route 134 a été fermée à la circulation par nécessité, y compris aux véhicules de police, car certains manifestants ont illégalement bloqué l'entrée de l'enceinte avec une camionnette et ont par la suite bloqué la route 134 avec des arbres abattus. Cependant, un examen des documents pertinents révèle que certains véhicules ont été autorisés à entrer dans le campement, comme une remorque pour le confort des Aînés, qui a été fouillée avant d'entrer dans le campement à la suite d'un accord avec les manifestants, ainsi qu'une camionnette qui apportait de la nourriture de temps en temps et un véhicule qui livrait et ramenait des toilettes chimiques, qui ont tous les deux été fouillés avant d'être autorisés à entrer dans le campement.

Pour déterminer si la fouille des véhicules entrant dans le campement était raisonnable, je dois tenir compte de toutes les circonstances, et particulièrement en l'espèce, de l'environnement dans lequel les fouilles ont été effectuées. De toute évidence, les manifestations contre le gaz de schiste ont parfois créé un environnement extrêmement hostile. Certains manifestants ont menacé de mort et d'agression sexuelle des employés d'Industrial Security Limited (ISL), leur famille et la police. Certains manifestants ont détruit de l'équipement de SWN valant des centaines de milliers de dollars. En outre, des rumeurs et des signalements persistants, bien que non confirmés, émanant de sources humaines confidentielles, ont fait état de la présence d'armes à feu dans le campement. Des Warriors, qui étaient sous l'influence de drogue, étaient présents au campement. Cet environnement, allié à l'attente moindre en matière de respect de la vie privée dans les véhicules à moteur, m'amène à conclure que les fouilles des véhicules autorisés dans le campement étaient raisonnables. En fait, j'estime que la GRC aurait pu être considérée comme faisant preuve de négligence dans ses fonctions si la décision de ne pas fouiller les très rares véhicules autorisés dans le campement avait entraîné l'importation d'armes ou d'explosifs utilisés au bout du compte pour blesser des policiers ou des manifestants.

En ce qui a trait à la fouille des personnes pénétrant à pied dans le campement, je ne partage pas l'avis de la Commission selon lequel les déclarations de la sergente d'état‑major Vautour et du surintendant en chef Gallant appuient la conclusion que la GRC s'est livrée à une fouille des personnes pénétrant dans le campement. Mon examen de ces déclarations montre que la sergente d'état-major Vautour a été claire : les gens n'avaient pas fait l'objet d'une fouille au cours de la période en question. Elle admet que, au début des manifestations, il est possible que certaines personnes aient fait l'objet d'un contrôle afin que l'on puisse vérifier si elles transportaient des sacs sur le site des manifestations; cependant, elle n'en est pas certaine. En outre, il n'a pas pu être établi à partir des documents pertinents que, même si ces fouilles ont eu lieu, elles ont été effectuées pendant le blocus. Quant au surintendant en chef Gallant, il a déclaré qu'il ne se souvenait d'aucune personne ayant fait l'objet d'une fouille physique étant donné qu'il n'y avait aucun pouvoir législatif de le faire et qu'une telle pratique n'aurait pas été approuvée.

De plus, le surintendant Gilles Maillet et l'inspecteur John Warr ont déclaré n'avoir eu connaissance d'aucune fouille sur la personne effectuée en pratique, et aucune consigne n'a été donnée pour procéder à une fouille courante de toute personne entrant dans le campement. Enfin, je souligne qu'il existe des éléments de preuve indépendants étayant le point de vue selon lequel les membres ne procédaient pas à une fouille courante des personnes qui entraient dans le campement à pied. M. Chris Cainsford-Betty, géophysicien des opérations du personnel de la société mère de SWN, a déclaré dans un affidavit daté du 9 octobre 2013 que d'après son examen de la vidéo, il semblait que la GRC autorisait les piétons à circuler librement.

En conséquence, j'estime que les éléments de preuve disponibles ne permettent pas de conclure à l'existence d'une pratique consistant à procéder à une fouille courante ou « par palpation » des personnes entrant dans le campement à pied.

Bien que je n'appuie pas la recommandation no 4 eu égard aux trois conclusions ci-dessus, je crois que l'on pourrait établir comme pratique exemplaire que l'on donne aux membres participant aux opérations de maintien de l'ordre public un aperçu des lois et des politiques relatives aux fouilles, perquisitions et saisies, y compris l'obligation d'obtenir un mandat et les motifs juridiques établissant des exceptions pour les fouilles sans mandat. C'est pourquoi je demanderai que cette recommandation soit communiquée par voie d'ordre public émanant de la structure de commandement.

Je ne souscris pas à la conclusion no 11 que, selon la prépondérance des probabilités, des membres de la GRC ont procédé à plusieurs arrestations de manifestants suivant l'injonction du 22 novembre 2013 sans avoir de motifs raisonnables, d'un point de vue objectif, de croire qu'ils avaient commis une infraction. Ces arrestations étaient apparemment fondées sur une mauvaise interprétation des conditions de l'injonction. Il ressort de mon examen des documents pertinents qu'il n'y a aucune preuve à l'appui de la conclusion selon laquelle la GRC a procédé à plusieurs arrestations en raison d'une mauvaise interprétation de l'injonction du 22 novembre 2013.

J'estime que les vidéos mentionnées dans l'analyse de la Commission ne montrent aucune personne arrêtée illégalement et ne démontrent pas clairement un manque de compréhension des dispositions de l'injonction. De plus, je note que le gendarme Marco Johnson indique dans ses notes que le manifestant Y a été arrêté parce qu'il a été trouvé à moins de 250 mètres des camions de SWN.

Le gendarme Frédéric Langlois, autre membre en cause dans les arrestations, décrit que les manifestants Y et Z ont été arrêtés pour la même raison. À mon avis, ces notes dans le calepin semblent indiquer que les deux manifestants se tenaient à moins de 250 mètres des véhicules de SWN lorsqu'ils ont été arrêtés, ce qui serait conforme aux dispositions de l'injonction. Je fais observer que la Commission n'a pas fait référence aux notes des gendarmes Johnson et Langlois dans son analyse.

La Commission évoque également le fait que le procureur de la Couronne a refusé d'approuver les accusations portées contre les deux manifestants pour étayer le point de vue selon lequel les membres ont procédé à des arrestations contraires aux dispositions de l'injonction. Bien que je reconnaisse qu'il y avait un décalage entre les motifs des arrestations indiqués dans les notes des membres, le contenu des fiches de renseignements à l'usage du procureur et les accusations qui ont été présentées pour approbation, je considère que le fait que la Couronne ait refusé d'approuver les accusations n'est pas important en ce qui concerne les raisons des arrestations.

Par conséquent, je suis convaincue que les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables, d'un point de vue objectif, lorsqu'ils ont arrêté plusieurs manifestants conformément à l'injonction du 22 novembre 2013. Nonobstant cette conclusion, j'appuie néanmoins la recommandation no 5, à savoir que la GRC fournisse aux membres intervenant dans le maintien de l'ordre lors de manifestations publiques ou le maintien de l'ordre public des interprétations détaillées et exactes des conditions de toute injonction ou des dispositions juridiques particulières qu'ils doivent appliquer, en obtenant des conseils juridiques, au besoin.

En effet, j'estime que le commandant des interventions ou le commandant des interventions critiques devrait être chargé de diffuser auprès des membres participant au maintien de l'ordre lors des manifestations publiques les renseignements exacts concernant l'exécution de toute injonction. Par conséquent, je demanderai que le chapitre 55.2. du MO, « Manifestations ou protestations autochtones », ainsi que toute autre politique de la GRC exigeant que les membres exécutent des injonctions, comme le chapitre 37.7. du MO, « Conflits de travail », soient modifiés de manière à prévoir que le commandant des interventions et/ou le commandant des interventions critiques s'assurent que les membres sous leur commandement sont informés des conditions et des interprétations de toute injonction qu'ils devraient exécuter et qu'on leur communique toutes les subtilités et les renseignements généraux uniques concernant la manifestation ou l'événement d'ordre public particulier. De plus, je tiens à informer la Commission que la GRC cherche actuellement à assurer une surveillance nationale des employés de la GRC intervenant dans des activités de manifestation ou d'ordre public en général en élaborant une politique sur les rassemblements publics qui s'appliquera à toutes les manifestations et non seulement celles concernant expressément les questions autochtones. Par conséquent, j'ordonnerai en outre qu'une section semblable à celle mentionnée ci-dessus soit incluse dans la nouvelle politique sur les rassemblements publics.

Je souscris partiellement à la conclusion no 12 selon laquelle, étant donné le manque d'information détaillée dans les allégations, la Commission ne disposait pas de renseignements suffisants pour conclure, de manière générale, que les fermetures de routes et le détournement de la circulation pendant les manifestations contre le gaz de schiste étaient déraisonnables. De même, les renseignements étaient insuffisants pour étayer l'allégation selon laquelle les médias s'étaient vu déraisonnablement refuser l'accès aux sites des manifestations.

La seule allégation particulière figurant dans l'analyse de la Commission à l'appui de cette conclusion concerne l'arrestation de M. Dallas McQuarrie et d'autres manifestants pour méfait et entrave dans des circonstances où la route était bloquée par des manifestants, empêchant ainsi SWN de l'utiliser. Dans ces circonstances, je considère que les arrestations pour méfait et entrave sont légales et raisonnables. De plus, je note, d'après les renseignements fournis par les témoins de ces arrestations, que les membres ont maîtrisé la situation en quelques minutes et que la fermeture de la route a été de courte durée. Puisqu'il n'y a eu aucune autre allégation particulière à l'appui de cette conclusion, une lecture attentive des documents pertinents a été entreprise afin que l'on puisse dûment donner suite à cette conclusion. Cet examen des documents pertinents, en particulier les cas de fermetures de routes évoqués dans les notes d'information au commissaire pendant la période visée, me permet d'établir que, en fait, les cas de fermetures de routes, de zones tampons ou de déviation de la circulation étaient généralement minimes, nécessaires et raisonnablesNote de bas de page 6. Par conséquent, à mon avis, on trouve suffisamment d'information dans les documents pertinents pour étayer une conclusion, selon la prépondérance des probabilités, que les cas de déviation de la circulation ou de fermetures de routes pendant les manifestations contre le gaz de schiste étaient brefs, nécessaires et adaptés aux circonstances et donc raisonnables. De même, en ce qui concerne les médias ayant accès aux sites des manifestations, un examen des documents pertinents, y compris les nombreux articles médiatiques mentionnés par les souscripteurs d'affidavit à l'appui de l'injonction, ainsi que la conférence de presse télévisée tenue au campement des manifestants sur la route 134, m'amène à conclure que les médias avaient un accès sans entrave aux sites des manifestations.

Je souscris à la conclusion no 13, à savoir que, dans son rapport sur la plainte de la manifestante F, la Commission a estimé, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de restreindre l'accès de la plaignante au site des manifestations afin d'empêcher la criminalité et d'assurer la sécurité publique n'était pas déraisonnable dans ces circonstances.

J'appuie la recommandation no 6, qui préconise que les décisions de restreindre l'accès aux voies publiques ou à d'autres sites publics ne doivent être prises qu'avec des justifications particulières et objectivement raisonnables en ce sens, et, si elles sont permises par la loi, elles doivent être prises de façon à porter atteinte le moins possible aux droits des personnes; par exemple, il convient d'imposer une zone tampon aussi restreinte que possible et une exclusion aussi courte que possible. Cependant, je ne demanderai pas que des mesures soient prises relativement à cette recommandation, car je suis convaincue que les activités de la GRC à cet égard sont déjà conformes à la teneur de la recommandation.

Bien que j'appuie la recommandation no 7 selon laquelle, en particulier dans le cadre du maintien de l'ordre lors d'une manifestation publique, les membres doivent être conscients des limites de leurs pouvoirs, surtout pour ce qui est de limiter la capacité des manifestants de se réunir et de s'exprimer de manière légale, je ne demanderai aucune mesure à cet égard, car je suis convaincue que les activités de la GRC sont déjà conformes à la teneur de la recommandation.

Je souscris à la conclusion no 14 selon laquelle, au début de l'opération de maintien de l'ordre lors des manifestations contre le gaz de schiste, sauf quelques exceptions importantes, les membres affectés à l'opération n'avaient pas reçu une formation suffisante en matière de culture autochtone.

J'appuie la recommandation no 8, à savoir que la GRC exige que tous les membres examinent le Guide sur la spiritualité chez les Amérindiens de la GRC, et que tous les membres participant aux services de police autochtones, y compris les membres des équipes anti-émeute/groupes de maintien de l'ordre public chargés du maintien de l'ordre lors des manifestations des Autochtones, soient tenus de suivre un programme de formation qui vise expressément la compréhension des questions culturelles autochtones.

À l'appui de ce qui précède, je tiens à informer la Commission que, depuis les manifestations contre le gaz de schiste dans le comté de Kent, la GRC a déployé des efforts continus pour former les membres actuels et nouveaux afin qu'ils se tiennent à jour concernant la diversité, la compréhension et la compassion nécessaires à l'exécution des fonctions relatives au maintien de l'ordre sans préjugés et pour leur fournir une solide connaissance des éléments culturels et de l'histoire de nos collectivités autochtones. Au total, la GRC offre pas moins de 29 programmes d'apprentissage dans les divisions et à l'échelle nationale qui abordent la culture autochtone; 24 de ces programmes ou cours ont été créés à l'intention des membres de la GRC et leur sont présentés directement dans le but d'accroître les connaissances culturelles autochtones; et 26 de ces cours contiennent des documents sur la culture autochtone ayant pour thème les traditions régionales ou les différences géographiques.

Je tiens également à informer la Commission que la GRC élabore actuellement un nouveau guide de sensibilisation aux cultures autochtones qui mettra en évidence les cultures, les langues, les traditions politiques et spirituelles distinctes et uniques des Premières Nations, des Métis et des Inuits du Canada. Ce guide vise à informer les employés de la GRC et à accroître leur sensibilisation culturelle ainsi que leur compréhension des questions liées à la prestation des services de police autochtones et aux interactions avec les peuples autochtones. Je suis convaincue que ce nouveau guide étoffera les informations fournies aux membres en ce qui concerne les questions culturelles autochtones. Par conséquent, afin de mettre en œuvre la première partie de la recommandation de la Commission, je demanderai que, une fois le nouveau guide de sensibilisation aux cultures autochtones terminé, un communiqué national soit envoyé à tous les employés leur demandant de consulter le Guide sur la spiritualité chez les Amérindiens actuel et le nouveau guide de sensibilisation aux cultures autochtones.

En ce qui concerne la recommandation que tous les membres participant aux services de police autochtones, y compris les membres des équipes anti-émeute/groupes du maintien de l'ordre public chargés du maintien de l'ordre lors des manifestations des Autochtones, soient tenus de suivre un programme de formation qui vise expressément la compréhension des questions culturelles autochtones, je demanderai que le commandant de chaque division désigne une formation visant spécifiquement à comprendre les problèmes culturels des collectivités autochtones situées sur le territoire de leur division et veillent à ce que ses membres suivent cette formation. Les résultats seront consignés dans le dossier de formation des membres par l'entremise du Système d'information sur la gestion des ressources humaines.

Je souscris à la conclusion no 15 selon laquelle, d'après les renseignements disponibles, les membres de la GRC n'auraient pas, délibérément ou involontairement, entravé inutilement les cérémonies autochtones ou touché inutilement les objets sacrés. À la lumière de mon examen des documents pertinents, je suis en mesure d'établir avec confiance que les membres de la GRC ont généralement pris grand soin de s'assurer que leur intervention était nécessaire et respectueuse des traditions culturelles. En cas de doute, une consultation continue avec les Aînés de la collectivité a eu lieu afin que l'on puisse obtenir des clarifications concernant les cérémonies religieuses et spirituelles et les objets sacrés avant l'intervention. La tenue de cérémonies sur des routes publiques achalandées a parfois présenté d'importants problèmes de sécurité publique. Grâce à l'approche modérée, les membres se sont abstenus d'intervenir et ont généralement géré les risques dans la mesure où ils pouvaient assurer la sécurité de toutes les personnes concernées. Lorsqu'une intervention était nécessaire, tout était mis en œuvre pour respecter les croyances et traditions culturelles en cherchant à consulter les manifestants concernés ou à engager le dialogue avec eux. Cependant, je comprends et reconnais l'inquiétude que, parfois, en raison de ce qui semble avoir été un manque de communication ou d'orientation appropriée, la manipulation d'objets sacrés lors de certaines arrestations, en particulier, ait pu raisonnablement donner l'impression que l'on interférait avec les objets sacrés.

J'appuie la recommandation no 9, à savoir que la GRC entame une collaboration avec divers intervenants autochtones en vue d'élaborer une procédure pratique, axée sur le contexte, qui fournit des conseils aux membres concernant la manipulation des objets sacrés dans divers contextes. Compte tenu des données démographiques du pays ainsi que des traditions, croyances et pratiques diversifiées de ses collectivités autochtones, j'estime que la présente recommandation devrait être mise en œuvre dans les divisions, et je demanderai donc aux commandants de chaque division de veiller à amorcer une collaboration avec leurs intervenants autochtones locaux compétents en vue d'élaborer des procédures appropriées et adaptées à la culture, comme il est mentionné dans la recommandation de la Commission.

Je souscris à la conclusion no 16 que, d'après les éléments de preuve disponibles, la Commission est convaincue que les membres de la GRC n'ont pas fait de distinction entre les manifestants autochtones et non autochtones lorsqu'ils ont procédé à des arrestations et n'ont pas fait preuve de parti pris contre les manifestants autochtones en général.

Je souscris à la conclusion no 17 selon laquelle la GRC ne s'est pas occupée de la sécurité privée de SWN. Son rôle était de maintenir la paix et d'assurer la sécurité publique tout en respectant le droit des manifestants de manifester. D'après les renseignements disponibles, les interactions de la GRC avec SWN Resources Canada étaient raisonnables dans les circonstances.

Je souscris à la conclusion no 18 que la décision de tenir à l'écart les membres de l'ENSC au sujet de la planification opérationnelle, si bien intentionnée soit-elle, a indirectement conduit à la situation fâcheuse et regrettable de l'opération tactique survenue peu de temps après que les négociateurs de la GRC ont offert du tabac aux meneurs des manifestations sur les lieux du campement.

J'appuie la recommandation no 10 que, malgré des motifs raisonnables de maintenir une séparation entre les négociateurs et les planificateurs opérationnels, la GRC devrait envisager d'informer davantage les membres de l'ENSC de la stratégie globale mise en œuvre afin d'éviter des malentendus regrettables, qui peuvent nuire aux relations entre la GRC et les membres du public. Je reconnais, dans ce cas, les conséquences qui ont découlé de la décision de tenir les membres de l'ENSC à l'écart de l'information sur le plan opérationnel. Je tiens à informer la Commission que la présente recommandation a été examinée et qu'il a été constaté que la partie 3 du Manuel des opérations tactiques (MOT), « Équipe de négociation en cas de situation de crise », devrait être modifiée de manière à ce que le chef d'équipe de l'ENSC soit mis au courant de l'ensemble de la stratégie opérationnelle adoptée par l'équipe de commandement. Cette modification devrait également préciser qu'il incomberait au chef d'équipe de l'ENSC de communiquer aux autres membres de l'équipe uniquement les renseignements nécessaires qui permettent à l'ENSC de remplir son rôle. Je vais demander que cela se fasse.

J'appuie la recommandation no 11 selon laquelle la GRC devrait envisager d'élaborer une politique spécialement adaptée au rôle de l'ENSC dans les situations de maintien de l'ordre public. Je souhaite informer la Commission que cette recommandation a été prise en considération et qu'il a été déterminé que le chapitre 3.1 du MOT, « Responsabilités en matière de négociation en cas de situation de crise », pourrait mieux refléter les différents rôles joués par l'ENSC. Je vais demander que cela se fasse.

Je souscris à la conclusion no 19 que, compte tenu des dispositions de l'injonction, la GRC avait le pouvoir légal de mener l'opération, et, selon la prépondérance des probabilités, cela constituait un exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire de le faire dans toutes les circonstances.

Je ne souscris pas à la conclusion no 20 selon laquelle il aurait été prudent de prévoir plus de temps pour les négociations et la révision de l'injonction devant les tribunaux avant de procéder à l'opération. Dans les circonstances, il aurait été raisonnable et souhaitable d'accorder plus de temps aux négociations, en particulier après que les négociations de l'ENSC avaient déjà porté leurs fruits.

Mon examen des documents pertinents révèle que le surintendant Maillet a cité plusieurs raisons pour avoir refusé de retarder l'opération en faveur de nouvelles négociations, comme l'ont demandé l'inspecteur Fraser et le gendarme Denny. Sans égard au fait que les employés d'ISL avaient été autorisés à quitter l'enceinte, il a exprimé un certain nombre de préoccupations qui l'ont mené à conclure que l'opération devait avoir lieu le 17 octobre 2013. Ces préoccupations comprenaient la présence au campement de Warriors qui étaient sous l'influence de drogue, et des rapports de renseignement non confirmés sur la présence probable d'armes à feu au campement ou à proximité.

J'attire l'attention sur le fait que la Commission a reconnu dans son analyse que, nonobstant la libération des employés d'ISL la veille du début de l'opération, la GRC était toujours confrontée à une décision difficile, à savoir si elle devait poursuivre l'opération comme prévu parce que la situation juste avant l'opération était instable et que le fait de ne pas poursuivre l'opération aurait pu conduire à une confrontation plus explosive et dangereuse ultérieurement. De plus, j'estime qu'il n'y a aucune indication dans les documents pertinents quant au temps nécessaire à l'inspecteur Fraser et au gendarme Denny pour poursuivre les négociations. Étant donné que le moment choisi est essentiel dans ce type d'opération, cet élément aurait été pris en considération dans l'analyse des risques par le commandant des interventions sur le lieu de l'incident. Je souligne que les enquêteurs de la Commission n'ont pas abordé cette question avec le surintendant Maillet, le gendarme Denny ou l'inspecteur Fraser.

Par conséquent, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, la décision prise par le surintendant Maillet de rejeter la demande de délai supplémentaire pour les négociations et de poursuivre l'opération comme prévu le 17 octobre 2013 était prudente et une conséquence raisonnable de son analyse des risques fondée sur les renseignements à sa disposition au moment pertinent.

Je souscris partiellement à la conclusion no 21 que, de façon générale et à quelques exceptions près (arrestations effectuées en vertu de l'injonction du 22 novembre 2013), la Commission conclut que, pendant les manifestations contre le gaz de schiste, les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables d'arrêter des personnes pour diverses infractions, notamment méfait et/ou entrave, et que, de façon générale, la force employée pour procéder aux arrestations était nécessaire et proportionnelle dans les circonstances. Bien que je convienne avec la Commission que les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables d'arrêter des personnes pour diverses infractions, y compris méfait et/ou entrave, et que, d'une manière générale, la force employée pour procéder aux arrestations était nécessaire et proportionnelle dans les circonstances, comme il a été mentionné, je suis convaincue que les membres avaient également des motifs raisonnables lorsqu'ils ont arrêté plusieurs manifestants conformément à l'injonction du 22 novembre 2013.

Je souscris à la conclusion no 22 selon laquelle les menottes initialement appliquées à la manifestante C et au manifestant D étaient probablement plus serrées qu'il n'était nécessaire pour les maîtriser.

J'appuie la recommandation no 12, à savoir que, dans des situations comme le maintien de l'ordre public, lorsque les membres de la GRC peuvent être tenus d'arrêter des personnes en utilisant des menottes en plastique, celles-ci ne doivent être appliquées qu'avec la force nécessaire pour maîtriser en toute sécurité la personne arrêtée. J'estime que cette recommandation est conforme aux principes de proportionnalité, de nécessité et de caractère raisonnable du recours à la force reconnus dans la jurisprudence, et je suis convaincue que les pratiques opérationnelles de la GRC à cet égard sont conformes à la recommandation. Par conséquent, je ne demanderai aucune autre mesure.

Je souscris à la conclusion no 23 selon laquelle il est raisonnable de conclure que les personnes qui maintenaient le blocus commettaient un méfait, en ce sens qu'elles gênaient la capacité de SWN d'utiliser son équipement, et d'autres personnes au campement, qui n'étaient pas nécessairement des participants actifs du blocus, étaient parties à l'infraction de méfait. En outre, l'ordonnance d'injonction interdisait expressément aux personnes d'empêcher le travail de SWN à l'enceinte et autorisait les policiers à arrêter les personnes qui violaient les dispositions de l'injonction. Ainsi, les arrestations de personnes au campement étaient raisonnables dans les circonstances.

Je souscris à la conclusion no 24 qu'il était raisonnable que les membres de la GRC arrêtent le chef Sock et les membres du conseil pour l'infraction de méfait lorsqu'ils se sont assis par la suite devant l'enceinte de SWN et ont refusé de partir.

Je souscris à la conclusion no 25 que la force physique, comme pousser, frapper ou utiliser du gaz poivré pour contrôler les manifestants, a été employée après que les manifestants ont physiquement tenté de traverser le cordon de policiers et ont effectivement participé à une émeute. Compte tenu des risques posés par les manifestants et des préoccupations raisonnables pour la sécurité des membres de la GRC et du public, le recours à la force physique, notamment pousser, frapper ou utiliser du gaz poivré, était nécessaire dans les circonstances et était proportionnel au comportement auquel faisaient face les membres.

Je souscris à la conclusion no 26 que, dans le contexte de la confrontation, il était nécessaire que les membres aient recours à la force (notamment les balles-chaussettes et le dégainage et/ou le fait de pointer des armes à feu), et le type et le degré de force utilisés étaient proportionnels au comportement auquel les membres ont dû faire face.

Je souscris à la conclusion no 27 selon laquelle les membres du Groupe tactique d'intervention avaient des motifs raisonnables de soupçonner que des manifestants dans les bois pourraient transporter des armes à feu ou des engins explosifs en raison de la confrontation avec un manifestant armé qui s'était produite plus tôt dans la journée et parce que des manifestants non identifiés avaient lancé des cocktails Molotov depuis les bois, plus tôt ce jour-là.

Je souscris à la conclusion no 28 que, étant donné que les membres du Groupe tactique d'intervention avaient des motifs raisonnables de soupçonner que des manifestants dans les bois pourraient transporter des armes à feu ou des engins explosifs, d'après les éléments de preuve dont elle disposait, la Commission conclut que le fait de pointer une arme à feu ne constituait pas un recours déraisonnable à la force dans les circonstances.

Je souscris à la conclusion no 29 selon laquelle pointer ou décharger des armes à feu chargées de balles-chaussettes équivalait à une réaction mesurée au comportement de personnes dont les actions représentaient une menace pour elles-mêmes, les policiers ou le grand public, dans un contexte où d'autres méthodes d'intervention auraient été inappropriées.

En ce qui a trait à la conclusion no 30 selon laquelle la Commission n'a trouvé aucune preuve de contact physique direct entre les chiens de police et les manifestants, je conviens que les éléments de preuve montrent que les chiens de police ont été utilisés uniquement comme moyen de dissuasion psychologique. Par conséquent, l'utilisation des chiens de police était conforme à la politique de la GRC et au MIGI. La Commission fait cependant remarquer qu'elle n'a pas été en mesure de trouver les documents pertinents du rapport de cas C-227B qui doivent être remplis conformément à la politique de la GRC.

Je souscris à la conclusion no 31 que les éléments de preuve présentés à la Commission n'étayent pas l'allégation selon laquelle, le 17 octobre 2013, les membres de la GRC étaient mal équipés, de sorte que certains pourraient subir des dommages physiques qui entraîneraient le dénigrement des manifestants.

Je ne souscris pas à la conclusion no 32 que, bien qu'il n'y ait pas eu de renseignements fiables sur la présence d'armes à feu au campement, plusieurs rumeurs ont circulé à cet effet. Il aurait donc été raisonnable que le plan opérationnel tactique prévoie un plan d'urgence concernant la présence possible d'armes à feu et d'explosifs au campement.

Bien que le plan opérationnel n'ait peut-être pas contenu de processus officiel pour faire face à la possibilité de la présence d'armes à feu ou d'explosifs au campement, j'estime qu'il est clair dans les documents pertinents que la possibilité d'armes à feu au campement a été abordée dans le plan opérationnel. De plus, le dossier est rempli de références à la possibilité d'armes à feu dans le campement ou à proximité. Le plan opérationnel indique qu'il y avait une quantité importante de renseignements non confirmés selon lesquels certaines personnes pourraient avoir été en possession d'armes à feu. Le plan permettait également aux gestionnaires de sources humaines confidentielles d'être informés si des armes à feu étaient vues sur le site des manifestations. En outre, le plan opérationnel signalait que les chefs des équipes anti-émeute, le commandant des interventions et la Procédure opérationnelle réglementaire dicteraient la meilleure façon de faire face à « toute menace ou résistance rencontrée ». À mon avis, il était préférable de permettre aux membres de réagir à la découverte d'armes à feu ou d'explosifs en misant sur leur formation et leur expérience plutôt que de les obliger à suivre un processus pouvant ou non être réalisable compte tenu de la nature très instable et stressante des manifestations.

Je souscris à la conclusion no 33 que, dans les circonstances et conformément à l'approche modérée, il n'était pas déraisonnable de demander initialement aux équipes anti-émeute de porter l'équipement de niveau 2.

Je souscris à la conclusion no 34 selon laquelle il était raisonnable que la GRC ait décidé d'utiliser des véhicules de police comme barrage « mobile ». Une fois que la situation s'était détériorée, dans les circonstances, il était raisonnable pour les membres de la GRC d'accorder la priorité à la sécurité de toutes les parties et au maintien de l'ordre plutôt que de tenter de préserver les véhicules de police. Finalement, l'incendie des véhicules incombait à la ou aux personnes qui les avaient illégalement incendiés.

Je souscris partiellement à la conclusion no 35 que, dans l'ensemble des circonstances, il aurait été raisonnable pour la GRC d'avoir un plan d'urgence prévoyant la possibilité d'un grand nombre de manifestants agressifs sur la route 134.

Je reconnais que l'exécution du plan opérationnel ne traite pas de la possibilité d'une augmentation significative du nombre de manifestants agressifs sur la route 134, une fois que l'opération de démontage du campement a été annoncée. Cela dit, un examen des documents pertinents révèle que le surintendant Maillet était très conscient de la possibilité qu'un grand nombre de manifestants agressifs soient présents sur la route 134, et, compte tenu des ressources à sa disposition, j'estime qu'il est raisonnable de conclure qu'il n'a pas ressenti le besoin de prévoir des dispositions particulières pour cette éventualité dans le plan opérationnel. En effet, le surintendant Maillet disposait d'un certain nombre d'équipes d'intervention rapide qui pouvaient être déployées pour soutenir les membres de l'équipe tactique lorsque le besoin s'en faisait sentir, et des équipes anti-émeute des divisions « J », « H » et « C » étaient déployées pour faire face à l'augmentation des manifestants attendus au début de l'opération. Le surintendant Maillet avait donc 200 membres à sa disposition pour l'opération et il n'avait pas besoin de plus de ressources. À mon avis, le surintendant Maillet, et vraisemblablement la plupart des autres membres, étaient très conscients de la possibilité d'une augmentation du nombre de manifestants agressifs sur la route 134 une fois l'opération commencée.

Par conséquent, même s'il aurait été raisonnable que le plan opérationnel aborde la possibilité d'un grand nombre de manifestants agressifs sur la route 134, j'estime que l'absence d'une telle disposition n'était pas déraisonnable et n'aurait vraisemblablement pas changé la façon dont la GRC a pris en charge la réponse des manifestants au démantèlement du campement sur la route 134.

Je souscris partiellement à la conclusion no 36 selon laquelle la décision de ne pas informer les écoles au sujet de l'opération imminente était raisonnable, même s'il aurait été prudent que le plan opérationnel tactique ait été modifié pour garantir que les enfants puissent se rendre à l'école avant le début de l'opération. Bien que je souscrive à la conclusion de la Commission selon laquelle la décision du surintendant Maillet de ne pas informer les autorités scolaires de l'opération imminente était raisonnable, j'estime qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve permettant de conclure que le plan opérationnel aurait pu être modifié de manière à permettre aux enfants d'aller à l'école et en même temps d'empêcher la nouvelle de l'opération imminente de parvenir aux manifestants.

Il est évident que le surintendant Maillet devait trouver un juste équilibre entre les inconvénients pour les enfants et le personnel de l'école et la nécessité de mener l'opération de manière à réduire au minimum les risques pour le public, les manifestants et les membres. À mon avis, la sécurité du public et de la police, qui exigeait le secret quant au moment de l'opération, l'emportait sur tout inconvénient pour les écoliers, les enseignants et le personnel. Je souligne également que les enquêteurs de la Commission n'ont pas expressément abordé la question de la modification du plan opérationnel avec le surintendant Maillet. Par conséquent, je n'ai aucune preuve quant à la façon dont le plan opérationnel aurait pu être modifié, le cas échéant, pour répondre au besoin des enfants d'aller à l'école, tout en gardant le secret de l'opération imminente.

Je souscris à la conclusion no 37 qu'il n'y a aucune preuve à l'appui de l'affirmation selon laquelle la GRC a eu recours à des agents provocateurs le 17 octobre 2013.

Je souscris à la conclusion no 38 selon laquelle la Commission n'a trouvé aucune preuve établissant qu'on avait fait appel à des personnes qui ne sont pas membres de la GRC pendant l'opération le 17 octobre 2013.

J'attends avec impatience votre rapport final sur cette question.

Recevez, Madame, l'expression de mes salutations les meilleures.

La commissaire,
Brenda Lucki

Date de modification :