Résumé : La police enquêtant sur la police – Rapport final d'intérêt public

À l'heure actuelle, la GRC mène des enquêtes sur des infractions à une loi commises par ses propres membres. Toutefois, la question à se poser consiste à savoir si une organisation devrait être responsable de mener une enquête sur un incident (et de potentiellement porter des accusations criminelles), lorsque l'incident a été commis par des membres de cette organisation dont les agissements ont causé des blessures graves ou la mort.

Les enquêtes sur des membres de la GRC qui ont été impliqués dans des cas très médiatisés, y compris le cas d'Ian Bush, qui a été atteint de balles et tué par un membre de la GRC en 2005, et le décès en 2007 de Robert Dziekanski à l'aéroport international de Vancouver (lorsque la GRC a utilisé une arme à impulsions), ont suscité un vif intérêt à l'égard des questions relatives aux enquêtes de la police sur la police au Canada et à l'étranger.

Ces cas soulèvent une question fondamentale. Est-ce que le processus d'enquête interne actuel de la GRC peut légitimement inspirer la confiance à l'égard de la transparence, de l'impartialité et de l'intégrité des enquêtes criminelles et de leurs résultats?

Le président de la Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP) a tenté de répondre à cette question et à d'autres questions en lançant une enquête d'intérêt public le 28 novembre 2007 pour évaluer le bien-fondé des enquêtes menées par la GRC sur ses propres membres, tout particulièrement lorsque la conduite de certains membres a entraîné de graves blessures ou la mortNote de bas de page 1.

À l'heure actuelle, sur quoi s'appuient les enquêtes sur les membres de la GRC?

Une importante partie de l'évaluation de la CPP consiste à déterminer exactement comment la GRC assure actuellement la gestion des enquêtes sur ses propres membres. Afin d'obtenir ces connaissances fondamentales, la CPP a examiné l'ensemble des lois, des politiques et des procédures qui orientent actuellement les enquêtes sur les membres à l'échelle nationale et de la division (province)Note de bas de page 2.

Le Code criminel n'énonce aucune exigence précise quant à la façon dont une enquête sur des agents de police devrait être traitée. Et même si la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC) ne fait non plus aucune mention de la façon dont les enquêtes de la police sur la police devraient avoir lieu, elle présente un certain nombre de caractéristiques qui méritent une attention spéciale.

Tout d'abord, l'article 37 de la Loi sur la GRC précise huit lignes directrices relatives au comportement adéquat que devraient adopter les membres de la GRC en tout temps. Cet article ordonne aux membres, représentants de la GRC, d'agir avec respect, impartialité et diligence, en évitant tout conflit d'intérêt; cet article mentionne tout particulièrement aux membres « d'éviter tout conflit d'intérêt réel, apparent ou possible » (alinéa 37d)). Ensuite, les Consignes du commissaire (plaintes publiques) comportent d'autres obligations juridiques; notamment, l'article 9 précise ce qui suit : « Un membre ne peut faire enquête sur une plainte s'il peut se trouver en situation de conflit d'intérêts. » Toutefois, il convient de souligner que le terme « conflit d'intérêts » n'est pas davantage précisé dans la Loi sur la GRC ni dans les Consignes du commissaire. Les critiques du public et des intervenants portent principalement sur le fait que la nature des enquêtes de la police sur la police crée un important conflit d'intérêts ou du moins l'apparence d'un conflit (tout particulièrement dans les cas de blessures graves ou de décès). De plus, la section I.2.b de la politique MA XII.2 est préoccupante : « Si, par suite d'une enquête, on croit que le membre a commis une infraction prévue par une loi et : 1. que celle-ci relève de la compétence principale de la GRC, prendre les mêmes mesures que pour toute autre personne. » Ce passage se trouve également dans les Directives nationales en matière d'enquête de la GRC (F.1.a) et dans certaines politiques de division.

Même si l'intention de la GRC lorsqu'elle demande à ce que les enquêtes sur ses membresNote de bas de page 3 soient traitées comme toute autre enquête est honorable (impartialité), la nature même d'une enquête d'un agent de police sur un autre est fondamentalement différente d'une enquête d'un agent de police sur un membre du public pour le même crime. Les agents de police sont tenus davantage responsables de par la nature même de leurs fonctions. Comme dans le cas d'autres professions qui ont une incidence directe sur la sécurité et le bien-être des personnes servies, le public s'attend à un comportement des plus irréprochables de la part des agents de police. En exposant la conception de la police selon laquelle les enquêtes sur ses propres membres devraient être traitées comme toute autre enquête, nous commençons à cerner la philosophie sous-jacente au comportement des membres de corps policiers.

Par conséquent, la CPP soutient que les enquêtes criminelles sur des membres de la GRC ne devraient pas être traitées comme toute autre enquête criminelle.

Compte tenu du fait que la loi ne prescrit aucun cadre d'enquête sur les autres membres, il est d'autant plus nécessaire que les politiques de la GRC assurent l'impartialité, la transparence et la rigueur. Les résultats de l'analyse des politiques de la CPP révèlent que le contenu et l'application des politiques parmi les divisions de la GRC ne sont pas uniformes. Même si la GRC a établi un certain nombre de politiques générales sur la façon de mener une enquête criminelle, très peu de politiques abordent particulièrement la question des crimes commis par des membres de la GRC. Il s'agit d'une question très importante.

L'imposante quantité et diversité de politiques de la GRC ayant trait à la question des enquêtes de la police sur la police est effarante (p. ex. des centaines de pages de politiques concernant les enquêtes de la police sur la police ont été examinées dans le cadre du présent rapport uniquement). Cette « surcharge » de politiques pose une importante menace pour ce qui est de l'efficacité opérationnelle de la GRC. Puisque les policiers sont des intervenants de première ligne, ils doivent obtenir des directives claires, concises et faciles d'accès. Comme il a déjà été dit dans d'autres rapports de la CPP, la loi oriente les politiques, qui orientent la formation, qui influence directement le comportement des membres.

Comme les divisions n'appliquent pas les mêmes règles de façon uniforme, cela révèle l'absence de directives claires à cet égard. Certaines politiques adoptées à l'échelle nationale et de la division précisent que la participation d'un enquêteur indépendant ou d'un corps policier externe est obligatoire; d'autres politiques laissent ce choix à la discrétion de l'agent responsable. À l'heure actuelle, seules trois divisions de la GRC ont conclu un protocole d'entente, qui prévoit la participation de corps policiers externes aux enquêtes sur des membres dans des cas précis.Note de bas de page 4 Certaines politiques de division n'abordent pas la question de violations commises par des agents ni le processus d'enquête à suivre dans ces cas. De plus, la portée des politiques varie – alors que la plupart des politiques nationales se limitent aux cas de blessures graves ou de décès, bon nombre de politiques de division visent toutes les infractions à une loi.

Même si une nouvelle politique nationale proposée de la GRC, Examen ou enquêtes externes, prend des mesures actives pour regrouper les directives relatives aux enquêtes sur les membres, le contenu de cette politique demeure vague, et les divisions disposent toujours de beaucoup trop de pouvoir discrétionnaire (commandants, officiers responsables ou officiers de la police criminelle de la division) pour établir une intervention adéquate.

Évaluation de la CPP de la gestion des enquêtes sur les membres de la GRC

Après avoir compris la gestion et les procédures actuelles des enquêtes sur les membres, la CPP a demandé à ce que les divisions de la GRC cernent tous les dossiers liés aux enquêtes criminelles de membres de la GRC sur d'autres membres de la GRC, entre le 1er avril 2002 et le 31 mars 2007, concernant des cas de voies de fait causant des lésions corporelles, d'agression sexuelle, de décès, y compris un décès causé par un véhicule automobile personnel.

La recherche des cas d'enquête sur les membres de la GRC a révélé des questions névralgiques dans la gestion et le traitement administratifs de la GRC de ces types d'enquêtes. La Direction générale et les quartiers généraux divisionnaires de la GRC ne disposent pas d'une fonction de contrôle et de repérage centralisée pour les enquêtes sur les membres. Par conséquent, la plupart des divisions ont trouvé les dossiers pertinents à l'enquête d'intérêt public de la CPP en effectuant une recherche au moyen de mots clés dans les dossiers qu'elles conservent dans leur quartier général respectif. Certaines divisions ont pu limiter la portée de leur recherche pour respecter les paramètres de l'examen et trouver facilement les dossiers demandés car elles disposaient d'un processus de conservation des dossiers efficace, alors que d'autres divisions n'avaient pas la même capacité.

De façon générale, l'absence de données recueillies à l'échelle nationale et de la division – ou de capacité de contrôle – pour les enquêtes sur les membres (en plus de la diversité des méthodes de conservation et de récupération des dossiers des divisions de la GRC) reflète le peu d'attention accordée aux enquêtes sur les membres.

Gardant en tête ces préoccupations, la CPP a examiné tous les dossiers de la GRC reçus pour déterminer ceux qui étaient pertinents selon les paramètres de l'enquête d'intérêt public. Environ 150 des 600 cas de la GRC fournis ont été jugés pertinents d'après les paramètres de l'enquête d'intérêt public. Compte tenu du fait qu'il aurait été impossible d'examiner tous les cas pertinents, l'échantillon a été réduit à 28 cas représentatifs des trois catégories (14 cas de voies de fait causant des lésions corporelles, huit cas d'agression sexuelle et six cas de décès).

Il est important de souligner que, comme l'illustre le graphique dans la section Aperçu des données de la CPP, la région centrale de la GRC n'a pas été représentée dans l'échantillon aléatoire, parce que aucun cas dans la Division du Québec (C), la Division de l'Ontario (O) et la Division DG (A) ne correspondait aux paramètres de la plainte déposée par le président. De plus, aucun dossier dans la Division de la Nouvelle-Écosse (H) et la Division de l'Île-du-Prince-Édouard (L) n'a été présenté. Et même si quelques dossiers avaient été tout d'abord présentés par la Division du Nouveau-Brunswick (J) et la Division du Yukon (M) de la GRC, ces dossiers ne correspondaient pas aux critères de la CPP et ont donc été exclus. La CPP se préoccupe du fait que les provinces maritimes n'ont pas cerné de cas, compte tenu du rôle de corps policier que la GRC y joue.

Disposant de tout le matériel pertinent cerné, les enquêteurs de l'équipe d'examen de la CPP ont analysé tous les dossiers et tout le matériel écrit fournis par la GRC pour évaluer le traitement de chaque cas par rapport aux critères et aux modalités établis par la CPP (tout particulièrement : gestion hiérarchique, degré d'intervention, rapidité, conduite du membre et conformité avec les politiques). Après avoir effectué un examen exhaustif des 28 dossiers, les enquêteurs de l'équipe d'examen de la CPP ont par la suite recommandé de mener un examen global d'un certain nombre de cas sélectionnés. En tout, huit cas ont été choisis pour un examen global. À cette fin, des entrevues ont été menées dans une diversité de divisions et de détachements. Au total, 31 membres ont participé à une entrevue concernant les dossiers choisis pour l'examen en profondeur. Dans le cadre du présent rapport, on a demandé à 13 civils de passer une entrevue, mais ils ont refusé de le faire ou n'ont pas répondu à notre demande d'entrevue. Un membre de la famille associé à un dossier a indiqué ce qui suit : [traduction] « Cela ne fera aucune différence. [Les membres de la GRC impliqués] ont tous été promus et mutés. »

Évaluation de la CPP du traitement des enquêtes sur les membres par la GRC

Les critères d'évaluation de chacun des 28 cas et les conclusions qui en ont découlé sont mentionnés en détail dans le chapitre 5 du présent rapport. Voici quelques faits saillants des conclusions de la CPP :

Conformément aux paramètres de plainte, les enquêteurs de la CPP ont évalué 28 cas pour déterminer la façon dont chacune des enquêtes sur les membres de la GRC a été traitée au regard de cinq critères : conduite, conformité avec les politiques, rapidité, gestion hiérarchique et degré d'intervention.

De façon générale, la conduite des membres de la GRC a été jugée tout à fait adéquate dans tous les cas examinés. La CPP a déterminé que les enquêteurs de la GRC responsables de l'enquête sur un autre membre ont agi de façon professionnelle et impartiale.

Les enquêteurs de la CPP ont aussi conclu que, dans 93 % des cas, la conformité avec les politiques du membre de la GRC était adéquate. Seules deux infractions mineures aux politiques ont été constatées. Il est important de faire remarquer que ce critère ne visait qu'à déterminer la façon dont les membres ont suivi les politiques en place au moment de chaque enquête et ne cherchait pas à évaluer le caractère adéquat de ces politiques (cette question a fait l'objet d'une évaluation distincte, comme nous l'avons mentionné précédemment).

La rapidité des enquêtes sur les membres a aussi été jugée adéquate dans 82 % des cas. Sur les 28 cas examinés, 60 % ont été effectués dans un délai de six mois ou moins. Toutefois, il a fallu plus de un an pour terminer l'enquête dans 19 % de ces cas, ce qui a potentiellement soustrait les membres de processus disciplinaires internes, le cas échéant. Certaines préoccupations ont aussi été soulevées concernant le traitement de cas historiques, dont l'enquête a duré très longtemps (l'enquête sur un cas historique était toujours en cours 28 mois plus tard, au moment de la publication).

Aperçu des données de la CPP

Diagramme circulaire qui illustre le nombre total de cas examinés où les actions de membres de la GRC ont entraîné des blessures graves ou le décès.
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Nombre total de cas examinés

  • Voies de fait causant des lésions corporelles – 50 %
  • Agression sexuelle – 29 %
  • Décès – 21 %

Note: La CPP a examiné en tout 28 cas où les actions de membres de la GRC ont entraîné des blessures graves ou le décès.

Carte du Canada qui représente le nombre total de cas de la GRC examinés par division.
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Nombre total de cas examinés par division

  • Division « E » (Colombie-Britannique) – 7
  • Division « K » (Alberta) – 4
  • Division « F » (Saskatchewan) – 4
  • Division « D » (Manitoba) – 5
  • Division « B » (Terre-Neuve-et-Labrador) – 1
  • Division « J » (Nouveau-Brunswick) – 0
  • Division « L » (Île-du-Prince-Édouard) – 0
  • Division « H » (Nouvelle-Écosse) – 0
  • Division « M » (Yukon) – 0
  • Division « G » (Territoires du Nord-Ouest) – 2
  • Division « V » (Nunavut) – 5
  • Division « O » (Ontario) – 0
  • Division « A » (Région de la capitale nationale) – 0
  • Division « C » (Québec) – 0
Diagramme circulaire qui mesure, pour chaque cas, le degré d'indépendance des enquêteurs principaux par rapport au membre visé
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Indépendance de l’équipe d’enquête – Enquêteurs principaux

  • Membre visé personnellement connu; même détachement – 4 %
  • Membre visé personnellement connu; détachement différent; même division – 21 %
  • Membre visé personnellement inconnu; même détachement – 0 %
  • Membre visé personnellement inconnu; détachement différent; même division – 57 %
  • Division différente – 0 %
  • Personne appartenant à un autre corps policier – 0 %
  • Non précisé – 18 %

25 % des enquêteurs principaux ont déclaré connaître personnellement le sujet visé.

Aucun des enquêteurs principaux ne provenait d’une division externe.

Graphique circulaire représentant les accusations déposées contre les membres visés.
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Cas où des accusations ont été déposées

  • Aucune accusation – 23 (82 %)
  • Accusations – 5 (18 %)

* Sur les 28 cas examinés, des accusations ont été portées contre des membres visés dans 5 cas.

Grille qui résume l'évaluation globale du traitement en fonction des cinq critères établis pour la plainte.
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De quelle façon la CPP a-t-elle évalué le traitement de la GRC à l'égard des enquêtes sur les membres?

Critères d'évaluation de la CPP en fonction du caractère approprié

Conduite

  • Approprié – 100 %
  • Partiellement inapproprié – 0 %
  • Inapproprié – 0 %

Conformité avec les politiques

  • Approprié – 93 %
  • Partiellement inapproprié – 0 %
  • Inapproprié – 7 %

Degré d'intervention

  • Approprié – 82 %
  • Partiellement inapproprié – 14 %
  • Inapproprié – 4 %

Rapidité

  • Approprié – 32 %
  • Partiellement inapproprié – 43 %
  • Inapproprié – 25 %

Gestion hiérarchique

  • Approprié – 32 %
  • Partiellement inapproprié – 36 %
  • Inapproprié – 32 %
Graphique linéaire qui représente la rapidité de chaque enquête de la GRC.
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Combien de temps l'enquête a-t-elle duré?

Nombre de mois

Moins de six mois (60 %)

  • 1-2 mois – 39 %
  • 4-5 mois – 21 %
  • 7-8 mois – 14 %
  • 10-11 mois – 7 %

Plus d’un an (19 %)

  • 15-16 mois – 11 %
  • 20-21 mois – 4 %
  • 27-28 mois – 4 %
Diagramme circulaire qui représente, pour chacun des 28 cas examinés, le nombre d’enquêteurs affectés à l'enquête
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Nombre d’enquêteurs

  • 1 enquêteur – 17 (60 %)
  • 2 enquêteurs – 5 (18 %)
  • 3 enquêteurs (Section des enquêtes générales) – 1 (4 %)
  • 4-6 enquêteurs (Groupe des crimes graves) – 5 (18 %)
Diagramme circulaire qui représente le nombre d’enquêteurs, selon qu’il était adéquat ou non
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Est-ce que le nombre d’enquêteurs était adéquat?

  • Oui – 11 cas (40 %)
  • Non – 17 cas (60 %)

Les deux critères que les enquêteurs de la CPP ont jugés les plus préoccupants étaient le traitement des enquêtes par la GRC en rapport avec la gestion hiérarchique (qui visait à examiner les conflits d'intérêts réels ou perçus, la structure de gestion adéquate et les liens hiérarchiques) et le degré d'intervention (qui examinait la mesure dans laquelle la réaction de la GRC a été adéquate et proportionnée compte tenu de la gravité de l'incident). Puisque ces deux critères ont précisément trait à la façon dont les enquêtes sur les membres sont traitées, cette analyse illustre encore mieux le fait que les préoccupations de la CPP ont grandement trait non pas aux agissements des membres de la GRC, mais bien au processus actuel de la GRC (qui comporte des failles).

La CPP estime tout particulièrement préoccupante la gestion hiérarchique de la GRC, qui n'a été jugée adéquate que dans 32 % des cas. Le traitement de 68 % des cas examinés a été considéré comme inadéquat en partie ou dans l'ensemble. Le fait que 25 % des enquêteurs principaux ont indiqué connaître personnellement le membre en question est tout particulièrement inquiétant. De plus, il est extrêmement préoccupant de constater que, dans 60 % des cas examinés, un simple enquêteur a été affecté à l'enquête sur un autre membre, ce qui risque d'entacher l'intégrité de l'enquête en raison d'un conflit d'intérêts potentiel ou d'une perception de partialité.

De plus, dans 32 % des cas, l'enquêteur principal affecté était du même rang ou d'un rang inférieur que le membre visé par l'enquête, ce qui laissait place à une possibilité d'intimidation. Les recommandations visant à répondre à ces préoccupations sont mentionnées plus en détail au chapitre 7, Modèle recommandé par la CPP pour les enquêtes sur les membres de la GRC.

La CPP est aussi préoccupée par le fait que le degré d'intervention dans 68 % des cas a été jugé inadéquat en partie ou dans l'ensemble. En outre, les entrevues avec les membres visés par l'enquête et les agents témoins ont été menées par un seul enquêteur dans 17 des 28 cas, créant ainsi, encore une fois, une possibilité d'intimidation ou de conflit d'intérêts.

Il est important de souligner que, même si aucun conflit d'intérêts précis n'a été remarqué dans ces cas, le processus d'entrevue menée par un seul membre a été jugé inadéquat.

D'autres préoccupations ont trait au renvoi des cas aux sections adéquates. Les enquêteurs de la CPP ont remarqué que les dossiers n'étaient pas affectés de façon uniforme au sein des divisions et qu'il n'existait pas de critères officiels permettant de cerner l'unité d'enquête à laquelle les cas devraient être affectés.

Les enquêteurs de la CPP ont aussi constaté une importante disparité dans les compétences des enquêteurs (y compris les enquêteurs principaux) affectés aux enquêtes sur les membres.

En outre, le fait que les tâches des membres affectés aux enquêtes n'ont pas été réaffectées et que leur charge de travail n'a pas été modifiée pour leur permettre de se consacrer aux enquêtes sur les membres constitue également une importante préoccupation pouvant compromettre l'intégrité et la rapidité des enquêtes sur les membres. De plus, la CPP a constaté que la demande d'examen administratif des enquêtes sur les membres n'a pas été appliquée de façon uniforme à l'échelle du pays (un examen administratif n'a été demandé que dans 4 des 28 cas).

Des recommandations visant à répondre à ces préoccupations sont mentionnées plus en détail au chapitre 7, Modèle recommandé par la CPP pour les enquêtes sur les membres de la GRC.

Apprentissage tiré d'autres modèles

En tout, la CPP a procédé à l'analyse de 14 organismes d'examen de la police au Canada et à l'étranger pour déterminer la façon dont d'autres administrations gèrent les allégations d'inconduite de policiers. Trois types de modèles ont été cernés, en fonction du degré de la participation civile à l'enquête : 1) modèle dépendant, 2) modèle interdépendant et 3) modèle indépendant.

Le modèle dépendant représente essentiellement une « enquête de la police sur la police » traditionnelle. Aucun civil ne participe à l'enquête criminelle, et, par conséquent, le traitement des enquêtes criminelles repose entièrement sur la police. Il y a deux sous-catégories pour ce modèle : 1.1) enquête de la police sur la police et 1.2) enquête sur la police par un autre corps policier.

Dans la sous-catégorie de l'enquête de la police sur la police, le service de police est pleinement responsable de l'enquête criminelle et de l'administration des plaintes du public concernant des infractions criminelles. L'organe de surveillance en question n'est pas responsable des enquêtes criminelles, mais il peut reconnaître les plaintes concernant le service, la discipline interne ou la confiance du public.

La deuxième sous-catégorie suppose « l'enquête sur la police par un autre corps policier » dans des cas précis, afin que le corps policier ne mène pas d'enquête sur ses propres membres lorsqu'il y a eu blessures graves ou décès. Dans trois provinces canadiennes sélectionnées, il existe des protocoles d'entente officiels entre la police locale et la GRC qui permettent à un corps policier externe de se charger des enquêtes sur les membres de la GRC.

Le modèle interdépendant fait appel à la participation civile aux enquêtes criminelles à divers degrés. Il existe aussi deux sous-types pour ce modèle : 2.1) observation civile et 2.2) enquête hybride.

Dans le premier sous-type du modèle interdépendant, un observateur civil est affecté à l'enquête policière et s'assurera que cette dernière est menée en toute impartialité. L'enquête hybride fait appel principalement à un organe de surveillance civil dont la participation à l'enquête va au-delà de la simple surveillance. Dans ce modèle, le corps policier conclut une certaine forme de collaboration avec l'organe de surveillance, même si ce dernier peut mener l'enquête entièrement par lui-même.

Des exemples de modèles interdépendants, qui font appel à la participation civile au processus d'enquête criminelle sur la police, se retrouvent en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Alberta, au Yukon, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et en Australie du Sud.

Dans le modèle indépendant, la police ne participe aucunement à l'enquête criminelle indépendante. L'organe de surveillance, composé de civils, mène des enquêtes criminelles indépendantes et peut avoir le pouvoir de tirer des conclusions ayant force obligatoire et de déposer des accusations. Le Groupe des enquêtes spéciales de l'Ontario, l'autorité de surveillance indépendante de la police de Chicago et l'ombudsman de la police en Irlande du Nord sont des exemples de ce modèle. L'avantage clé d'un organe de surveillance indépendant est qu'il y a apparence d'indépendance et d'objectivité totales.

Au Canada, il n'existe aucun modèle qui pourrait s'appliquer tel quel et qui serait efficace, compte tenu des caractéristiques particulières de notre pays et de la taille et de la portée (municipalités, provinces, gouvernement fédéral, territoires et Premières nations) des activités de police menées par la GRC. Il faut tenir compte de la taille du territoire et de l'immensité du pays en plus des réalités budgétaires. Nous avons tiré de précieuses leçons de nos homologues au pays et à l'étranger dans l'élaboration de l'approche de la CPP à l'égard de la GRC dans le contexte canadien, comme nous le présentons ci-dessous.

Modèle recommandé par la CPP pour le traitement des enquêtes sur les membres par la GRC

L'option recommandée par la CPP souligne l'importance de la police dans le processus (faisant partie de la solution), tout en reconnaissant qu'un degré accru de participation civile au processus d'enquête criminelle est nécessaire à l'impartialité et à l'intégrité. À cette fin, la CPP recommande de passer du « modèle dépendant » actuel à un « modèle interdépendant ».

Le « modèle interdépendant » recommandé se situe entre le modèle dépendant de base et le modèle interdépendant à part entière :

Graphique linéaire qui représente le rôle actuel de la CPP et celui qu’elle recommande selon le continuum de modèles.
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Continuum de modèles

Le rôle actuel de la CPP se situe entre le modèle dépendant et le modèle interdépendant, mais il se rapproche davantage du modèle dépendant.

Le rôle auquel la CPP recommande de passer se situe également entre le modèle dépendant et le modèle interdépendant, mais il se rapproche davantage du modèle interdépendant.

Le modèle indépendant se situe à l’extrême droite du continuum.

De façon générale, la CPP estime qu'une enquête criminelle sur la conduite d'un membre de la GRC ne s'assimile pas à toute autre enquête criminelle et, par conséquent, doit être traitée de façon différente quant aux procédures. En conséquence, pour faciliter la transition de la GRC de son « modèle dépendant » (enquête de la police sur la police) au « modèle interdépendant » (supposant un rôle accru de la CPP dans le cas d'enquêtes sur les membres de la GRC), nous recommandons un certain nombre de changements des lois, des structures et des politiques.

Changements législatifs recommandés

Pour renforcer efficacement la capacité d'examen, il faudrait envisager des changements législatifs qui accorderaient au nouvel organe de surveillance de la GRC le pouvoir :

  • D'affecter l'enquête sur un membre de la GRC à un autre corps policier ou à un autre organisme d'enquête criminelle au Canada.
  • De surveiller toute enquête criminelle concernant un membre de la GRC, lorsqu'il le juge nécessaire. Par conséquent, cela permettrait à l'organe de surveillance de la GRC de déployer un observateur dans le cadre d'une enquête sur un membre de la GRC menée par un service de police externe ou un organisme d'enquête criminelle provincial. Même si l'organisme d'enquête doit accepter la participation de l'observateur, cela donnerait au moins à l'organe de surveillance de la GRC le pouvoir d'agir, lorsqu'il lui est permis d'agir à titre d'observateur.
  • De mener des enquêtes conjointes avec des organismes ayant un mandat semblable. La modification pourrait permettre au nouvel organe de surveillance de la GRC de mener une enquête, un examen, une vérification et une audience de façon conjointe avec un autre organisme au Canada qui dispose de pouvoirs, de tâches et de fonctions semblables à ceux de l'organe de surveillance de la GRC, y compris les organismes d'enquête criminelle provinciaux. Cela permettrait au nouvel organe de surveillance de la GRC de mener des enquêtes avec des organismes d'enquête criminelle (comme l'équipe d'intervention dans les cas d'incident grave de l'Alberta) nouvellement créés à l'échelle du pays.

Autre changement législatif recommandé

  • Le commissaire de la GRC doit examiner la version actuelle de ses consignes pour orienter le traitement des enquêtes sur les membres, conformément aux recommandations mentionnées aux présentes (tout particulièrement celles selon lesquelles les enquêtes sur les membres ne doivent pas être traitées comme toute autre enquête criminelle et une meilleure définition du terme « conflit d'intérêts » doit être incluse).

Changements structurels recommandés pour la GRC

  • Créer le poste de registraire national des enquêtes sur les membres de la GRC responsable de la gestion, du suivi, de la formation, de la promotion et de la formulation de conseils pour toutes les questions liées aux enquêtes sur les membres. Le registraire national aurait la responsabilité :
    • De créer un registre national de la GRC regroupant toutes les données ayant trait aux enquêtes de la police sur la police (tout particulièrement pour les cas de blessures graves, d'agression sexuelle et de décès) et de communiquer en temps opportun les données à la CPP.
    • De créer et de gérer un groupe consultatif sur les enquêtes de la police sur la police de la GRC pour déterminer les mesures à prendre dans des cas délicats.
    • De surveiller la conformité efficace avec les politiques et d'assurer le respect des politiques lorsque cela est nécessaire (p. ex. consultation obligatoire avec l'État concernant le dépôt d'accusations).
    • De créer et de surveiller une unité spécialisée disposant d'une expertise à l'égard du traitement des cas historiques de la GRC qu'il faudra consulter – ou déployer – lorsque cela est nécessaire.
    • De créer une équipe mobile d'enquête sur des membres en cas d'incident critique (regroupant un observateur civil de la CPP) pouvant être déployée lorsque le registraire national de la GRC et le président de la CPP déterminent tous deux que cela est nécessaire (un bassin d'enquêteurs supérieurs et compétents en attente pouvant être déployés rapidement).

Changements de politiques et de procédures recommandés pour la GRC

Dans certains cas, la GRC ne devrait pas mener des enquêtes sur ses propres membres. Le graphique ci-dessous indique que plus l'infraction commise par le membre est grave, plus il est important que l'enquête sur le membre soit indépendante et impartiale. Le graphique illustre l'affirmation de la CPP selon laquelle, lorsque la prétendue infraction commise par un membre est grave, le pouvoir discrétionnaire de la GRC lui permettant de prendre les mesures qu'elle juge nécessaires doit être supprimé et remplacé par des exigences obligatoires.

Tableau qui illustre les interventions recommandées de la GRC dans le cas d’enquêtes sur les membres.
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Mesures obligatoires de la GRC et rôle de la CPP
Type d’infraction définie Infraction du membre (par degré de gravité) Traitement actuel par la GRC Traitement recommandé d'une enquête sur un membre par la GRC
Actes criminelsNote de bas de page 5
Infraction qui, au Canada, est plus grave que celle visée par une procédure sommaire. À bon nombre d'égards, il s'agit de l'équivalent canadien de l'acte délictueux grave des États Unis. Les meurtres et les trahisons sont des exemples de crimes commis au Canada qui constitueraient un acte criminel. Ces crimes sont habituellement jugés par des juges nommés par le gouvernement fédéral et entraînent de lourdes peines.

Décès

Négligence criminelle entraînant la mort
(art. 220 CCC)

Pouvoir discrétionnaire à l'échelle de la division de la GRC Mesure obligatoire de la GRC :
  • La CPP doit adresser tous les cas de décès à des services policiers externes ou à un organisme d'enquête criminelle provincial (aucune participation d'un membre de la GRC)
  • Protocoles d'entente de division mis en œuvre
  • Participation d'un observateur de la CPP
Blessures graves et agression sexuelle

Agression armée ou infliction de lésions corporelles (art. 267 du CCC)

Agression sexuelle
(art. 272 du CCC)
Pouvoir discrétionnaire à l'échelle de la division de la GRC Mesure obligatoire de la GRC
La CPP et le registraire national doivent déterminer l'intervention adéquate à partir des options ci dessous dans le cas de blessures graves et d'agression sexuelle :
  • Charger un service policier externe ou un organisme d'enquête provincial du cas dans le cadre d'un PENote de bas de page 6
  • Déploiement de l'équipe mobile d'enquête sur des membres de la GRC en cas d'incident critique
  • Participation d'un observateur de la CPP

Pouvoir discrétionnaire conservé par la GRC
Type d’infraction définie Infraction du membre (par degré de gravité) Traitement actuel par la GRC Traitement recommandé d'une enquête sur un membre par la GRC
Infraction mixte

Infraction mixte que l'État peut choisir de considérer comme un acte criminel ou un acte punissable par procédure sommaire.
Voies de fait

(art. 265 du CCC)
Pouvoir discrétionnaire à l'échelle de la division de la GRC Direction générale de la GRC conserve le pouvoir discrétionnaire de déterminer l'intervention adéquate.
Procédure sommaire

Au Canada, infraction moins grave qu'un acte criminel pour laquelle les procédures et la punition tendent à être moins coûteuses.
Par exemple :

vol de 5 000 $ ou moins
Pouvoir discrétionnaire à l'échelle de la division de la GRC Le registraire national de la Direction générale de la GRC conserve le pouvoir discrétionnaire de déterminer l'intervention adéquate.
  • Les politiques et les procédures normalisées recommandées de la CPP sont suivies (mentionnées cidessous).

Changements de politiques recommandés

L'analyse des politiques de la CPP a révélé que les politiques de la GRC, bien que volumineuses, ne sont pas uniformes et ne permettent pas de traiter adéquatement les enquêtes sur les membres. Les enquêtes criminelles sur des membres ne devraient pas être traitées de la même façon que les autres enquêtes criminelles. Pour répondre au vide actuel de politiques et de procédures efficaces et uniformes liées au traitement des enquêtes sur les membres, la CPP recommande les changements clés suivants :

  • Les enquêtes criminelles sur les membres de la GRC concernant des allégations de blessures graves, d'agression sexuelle ou de décès dans des endroits difficiles ou éloignés doivent respecter tous les autres protocoles d'enquête sur les membres, sans exception.
  • Un examen administratif est obligatoire pour toutes les enquêtes sur des membres.
  • La GRC doit établir des PE officiels pour toutes ses divisions pour s'assurer que l'affectation obligatoire d'enquêtes sur les membres à un service de police externe est uniforme et documentée. À l'heure actuelle, seules les divisions du Nouveau-Brunswick (J), de la Nouvelle-Écosse (H) et de Terre-Neuve (B) ont des PE officiels en place. Ces PE existants devraient être examinés conformément aux recommandations de la CPP pour refléter les nouveaux processus.

Lorsqu'il convient que la GRC assure l'enquête sur un de ses membres ou qu'un membre de la GRC fasse partie de l'équipe d'enquête (dirigée par un corps policier externe), les recommandations de politiques suivantes doivent s'appliquer :

  • Créer un manuel intégré de la GRC qui aborde tout particulièrement les procédures liées aux enquêtes menées par la GRC sur l'un de ses membres. Ce manuel intégré devrait présenter des liens vers des politiques pertinentes supplémentaires pour faciliter les renvois. Voici des caractéristiques clés qui devraient être incluses dans le manuel intégré :
    • Structure d'équipe d'enquête recommandée par la CPP
      • enquêteur principal compétent d'au moins un rang supérieur à celui du membre visé par l'enquête;
      • au moins deux membres requis dans le cadre de chaque enquête sur des membres (y compris au cours d'entrevues avec le membre visé et les agents témoins);
      • compétences obligatoires minimales pour l'équipe d'enquête;
      • charge de travail des membres responsables des enquêtes sur les membres réaffectée ou modifiée pour qu'ils puissent se consacrer principalement à l'enquête sur les membres;
      • exécution rapide de l'enquête – préférablement dans un délai de six mois, ne devrait pas dépasser un an;
      • nomination d'un agent de liaison au sein de l'équipe d'enquête sur les membres pour assurer une communication rapide et efficace avec le public, la famille et le membre visé;
      • obligation de déclarer la connaissance du membre visé;
    • utilisation d'une vérificationNote de bas de page 7 pour les enquêtes sur les crimes moins graves.

Conclusion générale de la CPP

En réponse à la question posée au début du document « Est-ce que le processus d'enquête interne actuel de la GRC peut légitimement inspirer la confiance à l'égard de la transparence, de l'impartialité et de l'intégrité des enquêtes criminelles et de leurs résultats? », la réponse éclairée de la CPP est non. Pour remédier à cette situation, la CPP a recommandé des propositions de changements de lois, de politiques, de procédures et de structures, y compris une présence civile plus forte au cours du processus d'enquête en vue d'éviter tout conflit d'intérêts réel ou perçu touchant les enquêtes sur les membres de la GRC. Il est important de souligner que les recommandations formulées à l'intention de la GRC en ce qui a trait aux changements de structures, de procédures et de politiques ne s'appuient pas sur des améliorations législatives et peuvent être mises en œuvre immédiatement.

Liste complète des conclusions et des recommandations

Conclusions clés de la CPP

Conclusion 1 : Aujourd'hui, la question n'est plus de savoir si un examen civil est souhaitable, mais plutôt de déterminer la façon dont la participation civile aux enquêtes peut être la plus efficace.

Conclusion 2 : La nature même des enquêtes criminelles exige que la police, dans une certaine mesure, fasse partie de la solution.

Conclusion 3 : Les politiques de la GRC, bien que volumineuses, ne sont pas uniformes et n'abordent pas adéquatement le traitement des enquêtes sur les membres.

Conclusion 4 : L'absence de processus de collecte de données ou de capacité de contrôle à l'échelle nationale et de la division dans le cadre d'enquêtes sur les membres (en plus d'une diversité de méthodes de récupération et de conservation des dossiers au sein des divisions de la GRC à cet égard) reflète le peu d'attention accordée aux enquêtes sur les membres.

Conclusion 5 : En tout, les enquêteurs principaux connaissaient personnellement le membre visé dans 25 % des cas; dans 4 % des cas, les enquêteurs principaux appartenaient au même détachement que le membre visé.

Conclusion 6 : Il est légèrement plus probable que les enquêteurs principaux connaissent personnellement le membre visé (14 %) dans des endroits éloignés et dans le Nord que dans des endroits plus centralisés (12 %). Toutefois, il reste beaucoup d'enquêteurs principaux (12 %) provenant de divisions plus centralisées, où une aide externe est plus facilement accessible.

Conclusion 7 : En tout, selon l'avis des enquêteurs de la CPP, l'utilisation de témoins experts dans les cas était adéquate.

Conclusion 8 : De façon générale, le nombre de membres d'équipe affectés aux 28 enquêtes était inadéquat.

Conclusion 9 : En tout, la CPP a estimé que la structure et les liens hiérarchiques dans le cadre des 28 cas examinés étaient inadéquats en partie ou dans leur ensemble (68 %).

Conclusion 10 : Sur les 28 dossiers que les enquêteurs de la CPP ont examinés, il a été déterminé que dans 17 de ces cas le membre visé et les témoins ont été interrogés par un seul enquêteur de la GRC.

Conclusion 11 : De façon générale, la section ou l'unité responsable des enquêtes sur les membres (y compris leur mandat) n'était pas uniforme dans l'ensemble du pays.

Conclusion 12 : Dans le cadre des 28 cas examinés, les compétences des enquêteurs variaient grandement. Certains avaient suivi tous les cours sur les crimes graves et les sujets connexes, tandis que d'autres n'avaient que deux ans d'expérience au sein de la Section des enquêtes générales.

Conclusion 13 : De façon générale, il a été déterminé que les enquêtes menées par le Groupe des crimes graves étaient ciblées et exécutées en temps opportun, puisqu'il disposait des capacités, des ressources et du temps nécessaires pour mener l'enquête. Cela n'était pas le cas lorsque l'enquête était affectée à un commandant de détachement, à un enquêteur aux services généraux ou à un membre de la Section des enquêtes générales dont la lourde charge de travail n'a pas été modifiée en conséquence.

Conclusion 14 : Sur les 28 cas examinés, dont 6 avaient trait à un décès, un examen administratif n'a eu lieu que dans 4 cas. Dans deux de ces cas, des membres de la GRC ont fait feu (divisions du Manitoba (D) et du Nunavut (V)), et dans les deux autres cas, il s'agissait de décès de personnes en détention (divisions de la Saskatchewan (F) et de l'Alberta (K)).

Conclusion 15 : La CPP a estimé que, au total, le degré d'intervention était inadéquat en partie ou dans son ensemble (68 %). Elle était tout particulièrement préoccupée par le fait que les entrevues étaient menées par un seul enquêteur et que les cas étaient affectés de façon non uniforme au groupe d'enquête adéquat.

Conclusion 16 : Sur les huit accusations portées, il y a eu trois condamnations (37,5 %), et il n'y a pas eu de condamnation pour les cinq autres cas (62,5 %).

Conclusion 17 : Dans les cas nécessitant une intervention immédiate, notamment dans les cas de fusillade et de décès de personnes en détention, les enquêteurs de la CPP ont déterminé que tout le personnel nécessaire était intervenu rapidement et de façon pratique.

Conclusion 18 : La CPP a estimé que la plupart des enquêtes avaient été exécutées dans un délai opportun. Pour les dossiers dont le traitement a pris beaucoup plus de temps, cela n'était pas attribuable à un manque d'intérêt, mais plutôt à la lourde charge de travail de l'enquêteur en plus d'obstacles généraux (dates de l'audience, difficulté à localiser des témoins ou des plaignants, absence d'employés, etc.).

Conclusion 19 : De façon générale, la CPP a déterminé que les enquêteurs de la GRC étaient impartiaux et professionnels et qu'ils ont agi de façon consciencieuse dans le cadre de leurs affectations. La CPP a aussi établi que la plupart des membres visés et des membres témoins ont coopéré avec les enquêteurs de la CPP et ont agi de façon professionnelle.

Conclusion 20 : Après un examen en profondeur des dossiers choisis au hasard, il a été révélé que, dans la plupart des cas, les politiques adéquates ont été respectées. Dans quelques cas, la CPP a constaté que certains aspects des politiques connexes n'avaient pas été respectés; toutefois, il s'agissait d'écarts mineurs qui n'ont pas semblé avoir eu d'incidence sur les résultats de l'enquête.

Recommandations de la CPP

Recommandation 1 : De façon générale, la CPP est d'avis que les enquêtes criminelles sur des membres ne devraient pas être traitées de la même façon que toute autre enquête criminelle.

Recommandation 2 : La CPP recommande que l'enquêteur principal soit d'au moins un rang supérieur au membre visé.

Recommandation 3 : Pour réduire le délai des enquêtes obligatoires sur des membres de la GRC, la CPP recommande que les enquêtes sur les membres soient affectées à une équipe composée (d'au moins) deux membres au sein d'un groupe d'enquête spécialisé.

Recommandation 4 : La GRC devrait affecter des enquêteurs supérieurs compétents ayant fait leurs preuves en cour et terminé les cours adéquats (p. ex. agression sexuelle, crimes graves, techniques d'entrevue et d'interrogation, analyse de déclaration); de plus, ils devraient posséder de fortes compétences analytiques et pouvoir interroger de façon efficace les témoins.

Recommandation 5 : La charge de travail des membres responsables d'enquêtes sur des membres devrait être réaffectée ou modifiée pour leur permettre de se consacrer à l'enquête.

Recommandation 6 : Il faudrait prêter une attention particulière au respect de l'exigence imposant à la GRC de consulter l'État avant de déposer des accusations contre des membres, compte tenu de la nécessité de mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les membres. La GRC devrait aussi effectuer un examen des recommandations faites à l'État dans les cas impliquant des membres de la GRC.

Recommandation 7 : Compte tenu du caractère délicat et de la transparence nécessaire dans le cas d'enquêtes sur des membres, il est recommandé d'effectuer des examens administratifs dans tous les cas de blessures graves, d'agression sexuelle ou de décès.

Recommandation 8 : La GRC devrait envisager d'avoir recours à une « vérificationNote de bas de page 8 » dans les enquêtes sur les crimes moins graves dans toutes les divisions.

Recommandation 9 : La GRC pourrait envisager de recommander que l'officier responsable des Enquêtes criminelles de la GRC soit le destinataire du rapport de vérification pour déterminer si une enquête sur un crime moins grave devrait faire l'objet d'une enquête obligatoire.

Recommandation 10 : Les dossiers historiques exigent une expertise que ne possèdent habituellement pas la plupart des enquêteurs. Par conséquent, il est recommandé que ce type de dossier soit traité par un groupe spécialisé à l'échelle nationale ou régionale.

Recommandation 11 : Les politiques orientant les enquêtes criminelles sur les membres de la GRC devraient être normalisées à l'échelle du pays. Cela permettrait que les enquêtes obligatoires sur les membres de la GRC soient menées de façon uniforme aux quatre coins du pays.

Recommandation 12 : Le registraire national de la GRC devrait fournir au président de la CPP des rapports mensuels réguliers concernant toutes les enquêtes sur les membres menées dans les cas d'actes criminels, d'infractions mixtes et d'actes punissables par procédure sommaire.

Recommandation 13 : La GRC devrait officialiser un protocole d'entente pour chaque division à l'échelle du pays pour s'assurer que les enquêtes sur les membres soient obligatoirement affectées à un service de police externe.

Recommandation 14 : La GRC devrait créer un manuel intégré pour aborder tout particulièrement les procédures des enquêtes menées par la GRC sur l'un de ses membres.

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