ARCHIVÉ - Rapport final du Président après l'avis du Commissaire : Rapport de l'enquête Kingsclear

Informations archivées

Les informations archivées sont fournies aux fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elles ne sont pas assujetties aux normes Web du gouvernement du Canada et n'ont pas été modifiées ou mises à jour depuis leur archivage. Pour obtenir ces informations dans un autre format, veuillez communiquez avec nous.

Loi sur la GRC Paragraphe 45.46(3)

No de dossier : PC- 5710-200401

Une fois l'enquête d'intérêt public terminée, j'ai transmis mon rapport intérimaire au commissaire de la GRC, qui a répondu à mes recommandations dans son avis. Après avoir considéré l'avis du commissaire, j'ai préparé le rapport final qui suit.

L'enquête

En mai 2004, la Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP) a annoncé le lancement d'une enquête d'intérêt public portant sur les enquêtes menées par la GRC au sujet des allégations d'agressions physiques et sexuelles perpétrées contre des pensionnaires de l'École de formation du Nouveau-Brunswick (ÉFNB) située à Kingsclear (Nouveau-Brunswick). Cette enquête, connue également sous le nom d'enquête Kingsclear, se penche également sur des allégations selon lesquelles la GRC n'a pas enquêté de manière satisfaisante la présumée conduite criminelle dont ont fait preuve : un sergent d'état-major de la GRC, des membres du personnel correctionnel et des pensionnaires de l'ÉFNB; et selon lesquelles la GRC a entrepris certaines activités dans le but de dissimuler la présumée conduite criminelle de ces personnes. La CPP a examiné, en outre, 11 allégations (dont deux d'entre elles sont identiques) déposées par sept plaignants lesquelles portent sur le travail d'enquête effectué par la GRC au cours d'une période de presque 15 ans.

Avec un budget de 3,1 millions de dollars et une équipe composée de 19 enquêteurs et de membres de personnel de soutien, la CPP a passé au peigne fin plus de 50 000 pages de documents et procédé à 150 entrevues dans neuf provinces. En 2007, la CPP a finalisé l'enquête d'intérêt public, dont les conclusions et recommandations sont énoncées dans le rapport intérimaire du président.

Le rapport intérimaire du président

Aux termes du paragraphe 45.43(3) de la Loi sur la GRC, en vertu duquel je dois transmettre au Ministre et au Commissaire un rapport énonçant les conclusions et les recommandations que j'estime indiquées, j'ai transmis mon rapport intérimaire le 10 août 2007.

Après avoir examiné les faits et vérifié les éléments de preuve, en vertu de son cadre de référence, la CPP est convaincue qu'il n'existe pas de preuves concrètes que des membres de la GRC ont tenté de dissimuler les actes criminels présumés du sergent d'état-major à la retraite Clifford McCann ou les agressions sexuelles et physiques d'anciens membres du personnel de garde et de surveillance de l'ÉFNB. Cependant, la CPP a constaté qu'il y avait eu des lacunes dans les enquêtes criminelles de la GRC sur le personnel de l'ÉFNB et le sergent d'état-major Clifford McCann et que certaines d'entre elles étaient suffisamment graves pour faire croire à la dissimulation.

À la lumière de ces conclusions, j'ai énoncé neuf recommandations, qui sont exposées dans la dernière partie du rapport intérimaire.

L'avis du commissaire de la GRC

Le paragraphe 45.46(2) de la Loi sur la GRC exige que le commissaire de la GRC avise par écrit le Ministre et le président de la CPC « de toute mesure additionnelle prise ou devant l'être quant à la plainte. S'il choisit de s'écarter des conclusions ou des recommandations énoncées dans le rapport, il motive son choix dans l'avis. » Le Commissaire a transmis son avis le 13 septembre 2007.

Le rapport final du président

Ayant examiné la réponse du Commissaire aux recommandations du rapport intérimaire, j'ai préparé ce rapport final conformément au paragraphe 45.46(3) de la Loi sur la GRC. Je constate que la teneur et la précision des commentaires du commissaire varient considérablement d'une recommandation à l'autre. En voici quelques exemples.

En ce qui concerne les recommandations quant aux problèmes liés à la prise de notes, à la documentation et à la rédaction de rapports, le commissaire s'est expliqué de façon plus détaillée qu'il ne l'a fait pour d'autres recommandations. Il indique que la GRC révise actuellement la politique à ce sujet, en citant les règles spécifiques qui doivent être révisées. Il poursuit en décrivant les diverses méthodes dont se sert la GRC pour former ses membres, notamment deux nouvelles initiatives de formation axée principalement sur la prise de notes et la rédaction de rapports. Il signale également la mise à jour actuelle des processus d'assurance de la qualité dans le service (AQ) qui visent à évaluer la qualité de tous les aspects d'une enquête, y compris la prise de notes, la documentation et la rédaction de rapports. Le caractère adéquat de la prise de notes, de la rédaction de rapports et de la documentation est un problème de longue date que la CPP et la GRC ont toutes deux soulevé, d'autant plus qu'en l'occurrence, les deux policiers qui ont rencontré le sergent d'état-major McCann, qui faisait l'objet d'une enquête criminelle délicate, ont conservé des notes si fragmentaires et superficielles qu'elles n'ont pu servir à l'enquête.

Ni les anciennes politiques sur la prise de notes, la rédaction de rapports et la documentation ni la formation des cadets qu'évoque le Commissaire dans son avis ont pu régler les problèmes constants dans ce domaine. Une stratégie bien définie en vue d'accroître le respect des politiques sur la prise de notes, la rédaction de rapports et la documentation doit comprendre un mécanisme de responsabilité suivant lequel la GRC identifie la conduite reprochée et prend ensuite des mesures correctives à l'endroit du policier. À ce titre, la GRC pourrait prendre note des pratiques d'autres forces policières qui vérifient régulièrement si les normes de rendement sont respectées. C'est dans cet esprit que la CPP examinera bientôt les nouveaux protocoles afin de déterminer s'ils corrigeront les lacunes antérieures dans ce domaine.

Si le Commissaire s'est montré consciencieux à l'égard des recommandations concernant la prise de notes, la rédaction de rapports et la documentation, il en est autrement pour d'autres recommandations. D'abord, en ce qui touche les recommandations quant aux ressources insuffisantes pour les enquêtes délicates ou de grande envergure, je note qu'il s'agit de l'une des deux recommandations que le Commissaire n'a pas formellement acceptées. Il a plutôt fait des observations générales d'après lesquelles j'ignore s'il prévoit prendre des mesures pour régler le problème. Il mentionne que les besoins en ressources sont évalués régulièrement et qu' « [i]l ne faut pas oublier que les ressources sont restreintes et que d'autres facteurs doivent être pris en considération, y compris les taux de postes vacants et le roulement du personnel ». Je tiens à rassurer le Commissaire que je reconnais que les problèmes en matière de ressources financières et humaines entrent en jeu et que certaines difficultés qui y sont liées sont propres à la GRC compte tenu des services de police à contrat et du mouvement du personnel.

Bien que je reconnaisse que les décisions sont parfois difficiles à prendre en ce qui concerne ces facteurs, la recommandation que j'ai formulée reflète mes préoccupations concernant les ressources insuffisantes qui ont été accordées aux enquêtes de la GRC dans ce cas-ci et qui, par le fait-même, ont été interrompues, n'ont pas été achevées en temps opportun et ont été menées avec peu de professionnalisme. Évoquer les réalités financières et de la dotation sans pour autant prendre de mesures pour contenir ces problèmes équivaut à l'acceptation de telles lacunes pour l'ensemble des enquêtes délicates ou de grande envergure.

Je conseille vivement au Commissaire de reconsidérer sa réponse à ce problème et de soulever la question des répercussions sur les ressources directement auprès des partenaires à contrat (provinces/territoires/municipalités) de la GRC, qui doivent eux aussi contribuer financièrement à toutes initiatives éventuelles pour régler la question. Tout en étant conscient des difficultés soulevées par le Commissaire, j'estime qu'il faut déployer des efforts considérables afin d'éviter qu'une telle situation ne se produise dans le cadre de prochaines enquêtes.

La réponse du Commissaire à la recommandation concernant les enquêtes que la GRC mène sur ses propres membres en est une autre qui ne répond que partiellement aux préoccupations du rapport intérimaire. J'ai recommandé plus précisément que l'on confie l'enquête à un autre service de police, ou au moins à une équipe de membres de la GRC d'une autre région. Le Commissaire affirme « que des politiques et des pratiques appropriées doivent être mises en place pour pouvoir mener des enquêtes indépendantes sur des allégations concernant des membres ou des employés de la GRC ». Il s'agit là d'un énoncé de principe généralisé ni plus ni moins, dénué de tout engagement et fondement qui sauraient me convaincre que des mesures adéquates seront prises pour régler le problème.

Le Commissaire indique que l'élaboration d'une politique est en cours mais il ne fournit aucune précision à ce sujet. Cette réponse ne démontre pas que la GRC agit de façon proactive pour combler les lacunes que soulève le rapport intérimaire. Je ne suis pas convaincu que l'examen des politiques, pratique courante que l'on cite comme étant la solution à cette recommandation ainsi qu'à plusieurs autres, peut répondre à juste titre aux préoccupations de la CPP sans l'orientation précise du Commissaire.

Les enquêtes que mène la GRC sur ses membres préoccupent fortement le public. L'attention des médias et le débat public que suscitent les enquêtes de nature délicate et de grande envergure qui ont des répercussions sur la confiance de la population dans la GRC rappellent l'importance d'une mobilisation pour élaborer des politiques et des méthodes qui garantissent et laissent entrevoir la perception d'impartialité, de transparence et de responsabilité. Bon nombre de préoccupations ayant trait aux enquêtes de la GRC à l'étude prennent racine dans le besoin d'un mécanisme de responsabilité et de transparence adéquat pour maintenir la confiance de la population quant à l'intégrité du processus d'enquête.

Le Commissaire fait aussi référence au projet pilote d'observateur indépendant à la Division E. Il s'agit d'un effort collectif entre la CPP et la GRC dont l'objectif est d'assurer l'impartialité de certaines enquêtes de nature délicate ou qui retiennent l'attention du public. Le projet n'est qu'un mécanisme de transition, en attendant que des modifications législatives soient apportées en vue d'améliorer le cadre de responsabilité qui garantit l'impartialité et la transparence.

Conclusion

Ayant soigneusement examiné et analysé les éléments de preuve, et ayant considéré l'avis du Commissaire, je conclus mon rapport et présente les recommandations énoncées dans le rapport intérimaire.

  1. La CPP recommande que le Commissaire et les commandants de la GRC fassent en sorte qu'un mécanisme soit en place pour définir les enquêtes délicates et de grande envergure.
  2. La CPP recommande que des mécanismes de réponse et de responsabilité appropriés soient en place au niveau des officiers supérieurs pour surveiller constamment les progrès de toute enquête de nature délicate ou de grande envergure et assurer la transparence et l'impartialité à la population.
  3. La CPP recommande qu'une évaluation et un suivi soient effectués pour déterminer les besoins actuels de la Division J de la GRC en matière de ressources pour veiller à ce que toute enquête de nature délicate et de grande envergure soit menée sans interruption, en temps opportun et de manière professionnelle.
  4. La CPP recommande que le commandant et les officiers supérieurs de la GRC qui se trouvent dans une province où le filtrage de pré-inculpation doit être effectué s'assurent que les membres comprennent bien leur rôle et celui de la Couronne dans l'administration de la justice de manière à conserver leur indépendance.
  5. La CPP recommande que la GRC examine, modifie et applique la politique sur le calepin de l'enquêteur et toutes les politiques liées à la prise de notes et à la rédaction de rapports et s'assure que tous les officiers s'y plient et qu'ils reçoivent constamment la formation nécessaire, en vertu des directives.
  6. La CPP recommande que la GRC examine la politique sur la conservation des calepins utilisée par les autres services de police de manière à connaître les meilleures pratiques adoptées dans tout le pays, surtout en ce qui concerne les calepins des officiers qui prennent leur retraite, qui sont mutés ou qui démissionnent de leur propre chef.
  7. La CPP recommande que les problèmes liés à la prise de notes, à la documentation et la rédaction de rapports soient abordés de diverses façons, entre autres, par la formation, la révision des politiques et la surveillance interne.
  8. La CPP recommande que toute enquête sur des allégations qui ont des répercussions sur la confiance de la population dans la GRC devrait être confiée à un autre service de police, ou au moins à une équipe de membres de la GRC d'une autre région ou d'une autre province possédant l'expérience nécessaire et qui ne connaît pas le membre qui fait l'objet de l'enquête, pour limiter la perception de parti pris et maintenir la confiance de la population dans la GRC.
  9. La CPP recommande que la GRC améliore ses stratégies en matière de communication interne et externe pour intégrer les communications actives par l'entremise des technologies modernes aux enquêtes de nature délicate ou de grande envergure et montrer à la population que la GRC fait réellement preuve de transparence et de responsabilité.

La GRC doit adopter de sérieuses mesures pour répondre aux préoccupations du rapport intérimaire; autrement, la situation qui a suscité l'attention du public dans ce cas-ci risque de se reproduire. La CPP surveillera de près les mesures correctives que la GRC prendra afin d'assurer que cette dernière répond aux besoins et comble les lacunes de manière efficace. La CPP rendra compte de ces questions au Ministre et tiendra le public au courant des dispositions que la GRC aura prises au fil du temps en réponse à mes recommandations.

Paul E. Kennedy
Président
Commission des plaints du public contre la GRC
C.P. 3423, succursale D
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4

Date de modification :