Rapport final à la suite d’une enquête d’intérêt public sur l’arrestation d’A. B.

(en vertu des paragraphes 45.66(1) et 45.76(3) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada)

Plaignant : A. B.Note de bas de page 1

Aperçu

L'enquête d'intérêt public portait sur la conduite du gendarme Josh Grafton, un maître‑chien de la GRC, qui a fait l'objet d'une plainte concernant son recours à la force pendant une arrestation. En 2015, des membres de la GRC ont participé à la surveillance et à la poursuite d'une camionnette volée. A. B. était le conducteur de la camionnette. Lorsque des véhicules de la police ont coincé la camionnette, A. B. a tenté de fuir à pied. Le gendarme Grafton a poursuivi A. B. avec un chien de police. Pendant son arrestation, A. B. a subi des fractures du crâne et une fracture de la mâchoire, en plus de souffrir de plaies par perforation et d'autres blessures.

Cette question est de grand intérêt pour le public pour plusieurs raisons.

À la suite de son enquête, la Commission a conclu que la force utilisée par le gendarme Grafton était déraisonnable et importante, et qu'elle a causé des blessures graves à A. B. La Commission a aussi conclu que le gendarme Grafton n'a pas fourni d'aide médicale de façon raisonnable à A. B.

Comme l'indique le rapport intérimaire de la Commission, celle‑ci a récemment conclu, dans une affaire distincte, que le gendarme Grafton a eu recours à une force déraisonnable lorsqu'il a frappé un suspect à plusieurs reprises et avec beaucoup de force, un peu comme ce qui a été conclu dans la présente affaire. En outre, la Commission a conclu que le gendarme Grafton a fait preuve d'une attitude inappropriée lorsqu'il a injurié et menacé le suspect à plusieurs reprises, alors que ce dernier était menotté et qu'il saignaitNote de bas de page 2.

En outre, le gendarme Grafton fait l'objet d'une autre enquête d'intérêt public de la Commission, en suspens dans l'attente du résultat de poursuites judiciaires contre lui, à la suite de l'enquête du Bureau des enquêtes indépendantes de la Colombie‑Britannique. Les allégations faites dans cette affaire sont semblables à celles faites dans l'affaire qui nous intéresseNote de bas de page 3.

Dans son rapport intérimaire, la Commission a recommandé que le gendarme Grafton n'exerce pas les fonctions de maître‑chien jusqu'à ce qu'il puisse démontrer une pleine compréhension des politiques et de la formation applicables à l'utilisation d'un chien policier pour appréhender un suspect. La commissaire de la GRC a accepté cette recommandation.

De nombreuses facettes du programme de formation des chiens de police de la GRC ainsi que les politiques connexes portant sur les chiens de police ont aussi été examinées dans cette affaire. La série de dossiers portant sur le gendarme Grafton a permis à la Commission d'examiner les politiques et la formation de la GRC de façon exhaustive.

Le résultat de ce processus a mené à des changements importants dans les politiques, les pratiques et la formation de la GRC. Ces changements visent à réduire le risque de blessures lors de l'utilisation d'un chien de police.

Historique des procédures et plainte

L'avocat d'A. B. a déposé une plainte auprès du Bureau des enquêtes indépendantes de la Colombie‑Britannique à la suite de l'arrestation de ce dernier en septembre 2015. Selon cette plainte, le gendarme Grafton a eu recours à une force excessive lorsqu'il a frappé A. B. à plusieurs reprises à la tête, fracturant sa mâchoire. Le Bureau a amorcé une enquête sur l'arrestation d'A. B.

Le 19 août 2016, la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (« la Commission ») a reçu une plainte du public qui reflétait la plainte qu'A. B. avait déposée devant le Bureau. Dans la plainte, A. B. a allégué que le gendarme Grafton a eu recours à une force excessive lorsqu'il l'a frappé à la tête à plusieurs reprises, lui fracturant la mâchoire.

Enquête d'intérêt public

Le 21 septembre 2016, la Commission a informé le commissaire de la GRC qu'elle mènerait une enquête d'intérêt public sur la plainte déposée par A. B. en vertu du paragraphe 45.66(1) de la Loi sur la GRCNote de bas de page 4. L'enquête visait à déterminer si :

  • le gendarme Grafton s'est conformé à toutes les exigences de formation, politiques, procédures et lignes directrices appropriées, ainsi qu'aux exigences législatives lorsqu'il a eu recours à la force pour appréhender A. BNote de bas de page 5;
  • les politiques, les procédures, la formation et les lignes directrices de la GRC portant sur de tels incidents sont suffisantes à l'échelle nationale.

Le directeur en chef civil du Bureau a conclu qu'au moins un membre de la GRC a peut‑être commis une infraction pendant l'incident pertinentNote de bas de page 6. Le Bureau des enquêtes indépendantes de la Colombie‑Britannique a présenté un rapport au procureur, qui a demandé au Service des poursuites de la Colombie‑Britannique de déterminer si des accusations devaient être portées au criminel contre les membres visés.

Le 5 juin 2018, la Commission a suspendu son enquête sur la plainte du public pour veiller à ce que l'enquête criminelle visant le gendarme Grafton ne soit pas compromise ou sérieusement minéeNote de bas de page 7. Le 2 mai 2019, le Service des poursuites de la Colombie‑Britannique a annoncé qu'aucune accusation ne serait approuvée contre le gendarme Grafton. Cela a permis à la Commission de reprendre son enquête d'intérêt public.

Procédure

La Commission est un organisme indépendant qui examine en toute impartialité les plaintes du public qui portent sur la conduite des membres de la GRC. Elle ne fait pas partie de la GRC.

Le gendarme Grafton a refusé de fournir une déclaration dans cette affaire. De plus, l'avocat d'A. B. n'a pas répondu aux demandes visant à organiser une autre entrevue avec son client. Des déclarations ont toutefois été obtenues auprès de toutes les parties au cours de l'enquête du Bureau, et celles‑ci ont été fournies à la Commission.

La Commission s'est fiée aux éléments de preuve suivants pour prendre sa décision :

  • dossier de la police sur l'incident initial
  • enquête du Bureau des enquêtes indépendantes de la Colombie‑Britannique portant sur l'incident
  • plainte du public
  • lois et politiques pertinentes
  • publications universitaires pertinentes
  • manuel du Programme de formation des maîtres‑chiens de la GRCNote de bas de page 8

Faits

En septembre 2015, une camionnette Ford F-250 a été volée en Colombie‑Britannique. Le lendemain, le gendarme Phil Charron a trouvé la camionnette volée et a amorcé une surveillance dans un camion de police banalisé de marque Chevrolet. Le véhicule volé est resté immobile pendant plusieurs heures. Un peu avant 17 h, le véhicule volé s'est mis en route et le gendarme Charron a demandé du renfort. Cinq membres de la GRC ont répondu à l'appel. Le gendarme Grafton, un membre des Services cynophiles, s'est joint à la surveillance dans un véhicule Suburban banalisé de marque Chevrolet avec son chien policier.

Le gendarme Charron a suivi la camionnette volée pendant environ 20 minutes. Il a déterminé qu'A. B. en était le conducteur. Un passager inconnu à ce moment se trouvait dans la camionnette. Selon les gendarmes Charron et Grafton, les criminels locaux connaissaient bien les véhicules banalisés de la GRC. Puisque la surveillance était menée dans un endroit éloigné et qu'il n'y avait que quelques véhicules sur la route, le gendarme Charron a supposé qu'A. B. l'identifierait facilement. Les membres du détachement local de la GRC connaissaient A. B., car il avait déjà volé des biens, échappé à la police et résisté à une arrestation.

La camionnette volée a reculé dans une entrée privée. Le gendarme Charron a immobilisé sa camionnette Chevrolet juste devant le véhicule volé et a allumé ses gyrophares. A. B. a reculé le camion et a traversé une barrière en métal, sur une propriété privée où se trouvait une maison. Le gendarme Grafton a alors violemment heurté la camionnette volée avec son VUS. Selon le gendarme Charron, cette manœuvre a permis de s'assurer qu'A. B. ne percuterait pas la maison avec la camionnette. Le gendarme Charron croyait qu'A. B. était prêt à se rendre. Ce dernier a soudainement reculé dans un arbre au moment où le gendarme Charron sortait de son véhicule.

Croyant que la camionnette volée constituait toujours une menace, le gendarme Charron est retourné dans son véhicule et a violemment percuté l'avant de la camionnette. Un bandana est tombé du visage du passager de la camionnette sous la force de l'impact. Le gendarme Charron a déterminé que le passager était C. D., une personne reconnue comme possédant des armes de poing et comme commettant des crimes violents. C. D. et A. B. sont sortis de la camionnette volée et ont pris la fuite dans des directions différentes. Le gendarme Grafton et son chien policier ont poursuivi A. B. dans un secteur où se trouvaient des arbres et des buissons.

Le gendarme Grafton a suivi A. B. dans les buissons sur environ un kilomètre. Il a déployé le chien policier pour appréhender A. B. alors que celui‑ci rampait sous une clôture près d'une route. A. B. a résisté alors que le chien policier l'a mordu. Le gendarme Grafton s'est approché d'A. B. et la frappé plusieurs fois sur la tête.

La gendarme Elizabeth Karl a transporté A. B. vers les cellules du détachement de Prince George. Une équipe des Services de santé d'urgence a amené A. B. à l'hôpital plus tard au cours de la journée.

Rapport intérimaire de la Commission

À la conclusion de son enquête, la Commission a publié un rapport intérimaire de 25 pages et a formulé six conclusions et neuf recommandations.

Notamment, la Commission a conclu que le gendarme Grafton a eu recours à une force déraisonnable lorsqu'il a violemment frappé A. B. à la tête à plusieurs reprises.

Dans son analyse, la Commission a indiqué que le fait qu'A. B. avait résisté à son arrestation alors que le chien policier du gendarme Grafton le mordait n'était pas contesté. Le gendarme Grafton s'est souvenu avoir été « surpris » par ce degré de résistance, et il a affirmé qu'il s'est inquiété de la possibilité qu'A. B. pouvait être « sous l'influence d'une drogue ». Il existait cependant un désaccord au sujet de ce qui s'est passé par la suite.

Le gendarme Grafton a expliqué qu'il avait frappé A. B. sur le côté de la tête pour l'étourdir. Le coup n'a eu aucun effet. Le gendarme Grafton ne voulait pas blesser sa main dominante, pour laquelle il avait été récemment opéré. Il a donc frappé deux fois A. B. au visage, avec le coude. A. B. est devenu désorienté, a relâché le chien‑policier et a cessé de résister.

Le gendarme Grafton l'a informé qu'il était en état d'arrestation, et il lui a demandé de se tourner sur le ventre tout en ayant les mains visibles. A. B. s'est rendu en disant « D'accord, c'est fini. Enlevez le chien. » Le gendarme Grafton a vu du renfort arriver sur la route et a ordonné à son chien policier de lâcher prise, ce qu'il a fait immédiatement.

Par contre, A. B. s'est rappelé qu'après qu'il ait résisté au chien policier, le gendarme Grafton lui a donné deux coups de pied au visage et lui a posé des questions sur des biens volés. A. B. recevait un coup de botte au visage chaque fois qu'il niait avoir volé quelque chose. Il se rappelait d'au moins quatre à six coups de pied qu'il avait reçus au visage, mais pas d'avoir vu la botte venir vers lui. Il se rappelait avoir été mordu par le chien policier pendant environ cinq minutes. Pendant son entrevue avec l'enquêteur du Bureau des enquêtes indépendantes, A. B. a eu de la difficulté à se souvenir des événements qui ont suivis son arrestation par le gendarme Grafton. A. B. ne se rappelait pas s'il avait été arrêté ou menotté, ou de la façon dont il s'était rendu jusqu'à la voiture de police. A. B. croyait qu'il avait perdu conscience lorsque le gendarme Grafton lui a donné des coups de pied au visage.

A. B. a par la suite reçu des traitements de la part d'un urgentologue et d'un chirurgien maxillo-facial. Ils ont conclu que les blessures faciales d'A. B. avaient été causées par un traumatisme contondant. Cependant, les médecins traitants d'A. B. n'ont pas pu déterminer si les blessures ont été causées par des bottes, des poings ou des coudes, parce que la nature des blessures ne révélait pas la forme de l'objet avec lequel A. B. avait été frappé.

Fait important, A. B. ne se rappelait pas avoir vu une botte venir vers lui. Il semble qu'il ait conclu qu'on lui donnait des coups de pied en se fondant sur la force de chaque impact. La Commission a conclu que selon la prépondérance des probabilités, le gendarme Grafton n'avait pas donné de coup de pied à A. B. (comme le croyait A. B.), mais qu'il avait frappé celui‑ci avec le poing, avant de lui donner deux coups de coude.

Les dossiers médicaux ont révélé la pleine mesure des blessures qu'A. B. a subies pendant son arrestation. Une chirurgie a été nécessaire en raison de fractures à l'orbite et à l'arche zygomatique droites, d'une fracture de Le Fort I et de fractures du palais dur ainsi qu'une fracture de la maxillaire droite, qui était déplacée et qui a nécessité l'installation d'une plaque et de vis. La mâchoire d'A. B. a été refermée avec du fil de fer, ce qui a nécessité une trachéotomie ouverte (une ouverture chirurgicale faite dans le cou et dans la trachée afin qu'une personne puisse respirer à l'aide d'un tube inséré dans l'ouverture). La Commission a conclu que ces graves blessures correspondaient à la description donnée par le gendarme Grafton de son recours à des « coups visant à étourdir » le suspect, mais qui ne l'auraient que désorienté.

A. B. a activement résisté à la morsure du chien policier. Comme indiqué ci‑dessus, le gendarme Grafton a expliqué qu'il était « surpris » du degré de résistance, et il s'est inquiété de la possibilité qu'A. B. soit « sous l'influence d'une drogue ». Cependant, selon l'examen de la Commission, le comportement d'A. B. n'était pas surprenant, puisqu'il se faisait mordre par un chien policier de grande taille.

Après avoir examiné la récente jurisprudence, la Commission a conclu que le fait qu'A. B. résistait au chien policier n'était pas, à lui seul, un motif suffisant pour justifier un recours à une force additionnelle sous la forme de techniques intenses de contrôle physique. Toute autre conclusion laisserait entendre qu'il est toujours acceptable qu'un policier frappe une personne alors qu'un chien policier la mord déjà, puisque la plupart des personnes raisonnables offriraient au moins une certaine résistance dans une telle situation.

Le gendarme Grafton a affirmé qu'il avait frappé A. B. « dans le but de l'étourdir », en plus de lui donner deux coups de coude afin de le désorienter. La preuve médicale montre qu'A. B. a été frappé violemment, une force suffisante pour provoquer de multiples fractures du crâne et pour fracturer sa mâchoire. Le gendarme Grafton n'a pas tenté de maîtriser A. B. avant de le frapper au visage.

Le gendarme Grafton a expliqué qu'il avait utilisé son coude, car il s'inquiétait de la possibilité de blesser sa main dominante. Il ne s'agissait pas d'une justification suffisante pour avoir recours à une force excessive. Si le gendarme Grafton croyait qu'il était physiquement incapable de recourir à la force conformément au Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents de la GRC (MIGI)Note de bas de page 9, il n'aurait pas dû participer à la poursuite et à l'arrestation d'A. B.

La Commission a toutefois analysé prudemment les gestes du gendarme Grafton dans le menu détail. Il aurait été raisonnable que le gendarme Grafton applique des techniques de contrôle physique modérées ou qu'il frappe A. B. dans le but de l'étourdir en réaction à sa résistance au chien policier. Cependant, la Commission a conclu que l'ampleur et la nature des blessures qu'A. B. a subies indiquent que la force appliquée lors de son arrestation était déraisonnable. La preuve médicale n'a pas permis d'établir si les blessures avaient été causées surtout par un coup de poing ou un coup de coude. Néanmoins, il est clair que le gendarme Grafton a violemment frappé A. B. à plusieurs reprises.
La Commission a aussi conclu que le gendarme Grafton n'a pas fourni d'aide médicale à A. B., en contravention aux politiques applicables. En outre, la Commission a conclu que le gendarme Grafton a démontré des lacunes importantes dans sa compréhension de la politique applicable aux maîtres‑chiens.

La Commission a aussi tiré des conclusions au sujet de la politique et de la formation de la GRC en ce qui a trait à l'utilisation de chiens policiers. Elle a conclu que la politique nationale de la GRC ne traitait pas adéquatement des normes applicables à l'utilisation d'un chien policier pour appréhender un suspect. La Commission a aussi conclu que le Programme de formation des maîtres‑chiens de la GRC ne traitait pas adéquatement des normes applicables à l'utilisation d'un chien policier pour appréhender un suspect. Enfin, la Commission a conclu qu'il était raisonnable que la formation et les exercices présentés aux maîtres‑chiens de la GRC étaient axés exclusivement sur la technique « mordre et retenir » (contrairement à la technique « encercler et japper », plus modérée, mais qui, selon les études, est moins efficace et peut mener à des morsures supplémentaires).

La Commission recommandait que le gendarme Grafton reçoive une formation sur l'utilisation d'un chien policier lors de l'arrestation d'un suspect, et que cette formation soit axée sur l'utilisation de force supplémentaire de la part du maître‑chien. La Commission a aussi recommandé que le gendarme Grafton reçoive une formation sur l'importance de prodiguer les premiers soins et de transporter le suspect vers un endroit où il pourra rencontrer un professionnel de la santé. Fait important, la Commission a recommandé que le gendarme Grafton n'effectue pas de tâches opérationnelles en tant que maître‑chien jusqu'à ce qu'il puisse démontrer une pleine compréhension de la politique et de la formation applicables à l'utilisation d'un chien policier lors de l'arrestation d'un suspect.

La Commission a aussi recommandé des modifications au Manuel des opérations national de la GRC portant sur l'utilisation de chiens policiers, ainsi que des changements au Programme de formation des maîtres‑chiens de la GRC.

La liste complète des conclusions et des recommandations se trouve à la fin du présent rapport.

Réponse de la commissaire

Conformément au paragraphe 45.76(2) de la Loi sur la GRC, la commissaire de la GRC doit fournir par écrit une réponse qui fait état de toute mesure additionnelle qui a été prise ou qui le sera à la lumière des conclusions et des recommandations formulées dans le rapport intérimaire de la Commission.

Le 26 octobre 2021, la Commission a reçu la réponse de la commissaire de la GRC, datée du 12 octobre 2021. Brenda Lucki, la commissaire de la GRC, a souscrit à toutes les conclusions de la Commission, et à toutes ses recommandations, sauf une (l'exception fait l'objet d'une discussion plus bas).

Dans sa réponse, la commissaire de la GRC a affirmé qu'elle avait aussi conclu que la gendarme Karl (qui a transporté A. B. vers les cellules du détachement) n'avait pas respecté le Manuel des opérations de la GRC en n'amenant pas A. B. à l'hôpital alors qu'il aurait dû être évident qu'il avait subi une blessure à la tête et qu'il se plaignait de douleurs à la poitrine. La commissaire de la GRC a affirmé qu'en plus de suivre les autres recommandations de la Commission (les huit recommandations qu'elle appuyait), elle ordonnerait que la gendarme Karl suive une formation sur l'importance d'offrir un transport vers un professionnel de la santé, comme l'exige le Manuel des opérations de la GRC.

La commissaire de la GRC a aussi affirmé qu'à la date de sa réponse, le gendarme Grafton ne remplissait pas de tâches opérationnelles en tant que maître‑chien. La commissaire de la GRC a indiqué qu'un plan de formation est en place pour assurer la conformité aux politiques liées à l'utilisation d'un maître‑chien, au cas où le gendarme Grafton souhaite recommencer à remplir des tâches opérationnelles.

Comme il est mentionné plus haut, il y avait une recommandation que la commissaire de la GRC n'appuyait pas. La Commission avait recommandé que le Manuel des opérations de la GRC soit modifié pour exiger que les maîtres‑chiens appliquent le MIGI de la GRC avant d'envisager le recours à la force en laissant un chien policier mordre un suspect. La politique nécessiterait que les membres de la GRC tiennent compte du fait qu'il est raisonnable que toute personne offre une résistance en raison de la douleur ou de la peur lorsqu'elle se fait mordre par un chien de grande taille. La commissaire de la GRC a expliqué qu'à la suite de consultations menées à l'interne, elle avait conclu que cette recommandation devrait être traitée comme un enjeu lié à la formation plutôt que de mener à une modification de la politique. Elle croyait que la politique nationale existante sur le recours à la force était suffisante, car elle obligeait tous les membres de la GRC, et pas seulement les maîtres‑chiens, à continuellement mettre leur évaluation du risque à jour avant d'avoir recours à la force.

La commissaire de la GRC a aussi expliqué que la plupart des maîtres‑chiens comprendront qu'un suspect puisse résister à la morsure d'un berger allemand de grande taille pour diverses raisons, dont la peur et le souhait de prévenir une blessure, ou dans le but de neutraliser l'animal afin d'échapper à l'arrestation. Elle était d'accord pour affirmer qu'une formation additionnelle sur la façon dont le MIGI peut aider les maîtres‑chiens à évaluer les facteurs tactiques serait appropriée. Donc, même si elle n'appuyait pas la recommandation de la Commission pour ce qui est de modifier la politique de la GRC, la commissaire de la GRC appuyait son inclusion dans la formation destinée aux maîtres‑chiens (ce que la Commission a aussi recommandé). La commissaire de la GRC a affirmé qu'elle ordonnerait au Comité des politiques sur le Programme national de services cynophiles de créer un exposé traitant du comportement du suspect et de la réaction du policier propre aux exigences liées aux maîtres‑chiens. L'exposé mettrait l'accent sur la compréhension du fait qu'il est normal qu'une personne offre une résistance en raison de la peur ou de la douleur lorsqu'un chien policier la mord.

La Commission croit que la position de la commissaire de la GRC constitue une mise en œuvre raisonnable de l'intention de la recommandation originale.

Conclusions et recommandations complètes de la Commission

À la lumière de ce qui précède, la Commission réitère ses conclusions et ses recommandations, à l'exception de la recommandation liée à une politique dont il est question plus haut et qu'elle a retirée en raison des explications et des gestes de la commissaire de la GRC.

Conclusions

  1. Le gendarme Grafton a eu recours à une force déraisonnable lorsqu'il a violemment frappé A. B. à la tête à plusieurs reprises.
  2. Le gendarme Grafton n'a pas fourni d'aide médicale à A. B., en contravention à la politique applicable.
  3. Le gendarme Grafton a démontré une lacune importante quant à sa compréhension de la politique applicable aux maîtres‑chiens.
  4. La politique nationale de la GRC ne traite pas adéquatement des normes applicables au recours à un chien policier lors de l'arrestation d'un suspect.
  5. Le Programme de formation des maîtres‑chiens de la GRC ne traite pas adéquatement des normes applicables au recours à un chien policier lors de l'arrestation d'un suspect.
  6. Il est raisonnable que la formation et les exercices offerts aux maitres‑chiens de la GRC soient axés exclusivement sur la technique « mordre et retenir ».

Recommandations

  1. Le gendarme Grafton devrait suivre une formation sur la façon dont le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents s'applique à l'utilisation d'un chien policier lors de l'arrestation d'un suspect, en mettant particulièrement l'accent sur le recours à une force additionnelle par le maître‑chien.
  2. Le gendarme Grafton devrait suivre une formation sur l'importance de prodiguer les premiers soins et de transporter le suspect vers un endroit où il pourra rencontrer un professionnel de la santé, conformément à la politique nationale sur les chiens policiers ainsi qu'à la politique générale nationale sur l'aide médicale.
  3. Le gendarme Grafton ne devrait pas exercer les fonctions de maître‑chien jusqu'à ce qu'il puisse démontrer une pleine compréhension des politiques et de la formation applicables à l'utilisation d'un chien policier pour appréhender un suspect.

Le chapitre 33.1. du Manuel des opérationsnational de la GRC devrait être modifié pour inclure les exigences suivantes :

  1. Dans la mesure du possible sur le plan tactique, les maîtres‑chiens doivent donner un avertissement verbal à voix haute avant d'utiliser le chien policier contre un suspect;
  2. Les maîtres‑chiens doivent s'assurer que les chiens policiers cessent de mordre dès qu'il est raisonnablement possible de le faire afin de minimiser les blessures du suspect.

 Le Programme de formation des maîtres‑chiens de la GRC, y compris les documents écrits connexes, devrait être modifié pour clairement :

  1. discuter de la nécessité de donner un avertissement verbal à voix haute avant d'utiliser le chien policier contre un suspect, dans la mesure du possible sur le plan tactique;
  2. obliger les maîtres‑chiens à s'assurer que les chiens policiers cessent de mordre dès qu'il est raisonnablement possible de le faire afin de minimiser les blessures du suspect;
  3. ordonner aux maîtres‑chiens de la GRC d'appliquer le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents en tenant compte du fait qu'il est raisonnable que toute personne offre une résistance en raison de la douleur ou de la peur lorsqu'elle se fait mordre par un chien de grande taille.

Conclusion

La Commission dépose son rapport final conformément au paragraphe 45.76(3) de la Loi sur la GRC. Par conséquent, la Commission a rempli son mandat dans le cadre de la présente affaire.

La présidente,

Michelaine Lahaie

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