Réponse de la commissaire de la GRC

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Le 25 février 2021

Madame Michelaine Lahaie
Présidente
Commission civile d'examen et de traitement des plaintes
relatives à la GRC
C.P. 1722, succursale « B »
Ottawa (Ontario) K1P 0B3

Madame Lahaie,

J'accuse réception du rapport intérimaire de la Commission suivant l'enquête d'intérêt public sur l'incident de recours à la force survenu à Coquitlam, et mettant en cause M. Myung Lee et Mme Kap Su Lee, numéro de dossier PC-2016-2613.

J'ai achevé mon examen des conclusions et des recommandations énoncées dans le rapport intérimaire de la Commission.

Je souscris à la conclusion selon laquelle les gendarmes Abboub et Fortin n'ont pas réglé effacement les préoccupations relatives à la mise en sécurité de la boîte de scrutin, semant ainsi l'émoi au sein du groupe.

Je souscris à la recommandation qui consiste à demander aux gendarmes Abboub et Fortin de lire le présent rapport pour se sensibiliser à l'importance de recourir à des techniques adéquates de résolution de problèmes lorsqu'ils répondent à des demandes de service. Je verrai à ce que ce soit fait.

Je ne suis pas d'accord avec la conclusion selon laquelle les gendarmes Abboub et Fortin n'ont pas correctement exercé le pouvoir légal de procéder aux arrestations, rendant ainsi les arrestations déraisonnables.

La gendarme Abboub avait des motifs de procéder à l'arrestation de Mme Lee pour différentes infractions, dont voie de fait contre un agent de la paix, voies de fait et entrave à un agent de la paix.

La gendarme Abboub a exposé les motifs de l'arrestation de Mme Lee dans sa déclaration au Service de police de New Westminster. La gendarme Abboub se rappelle avoir vu Mme Lee suivre le gendarme Fortin qui escortait son époux, M. Lee, à l'extérieur de la salle de réunion. La gendarme Abboub a vu Mme Lee tenir un verre d'eau au-dessus de sa tête. Craignant qu'elle le lance au gendarme Fortin, la gendarme Abboub lui a demandé deux fois de poser le verre, avant de le lui retirer. Une fois le verre au sol, Mme Lee a voulu bousculer la gendarme Abboub pour atteindre le gendarme Fortin. C'est alors que la gendarme Abboub a mis Mme Lee en arrestation pour entrave à un agent de la paix, dans le but de l'empêcher d'agresser le gendarme Fortin ou de nuire à l'arrestation de M. Lee par le gendarme Fortin.

Dans son analyse, la Commission a examiné la jurisprudence pertinente, afin de voir comment l'infraction d'entrave est prouvée devant les tribunaux. Ces cas de jurisprudence exposent les éléments de l'infraction, c'est-à-dire qu'il doit y avoir entrave, l'agent de la paix doit être en fonction au moment de l'entrave, et la personne doit faire sciemment entrave. Pour étayer encore davantage l'analyse, la Commission cite une décision sur une question d'entrave expliquée par le juge Dunnigan, qui figure dans les documents de référence.

La Commission a conclu que les gestes de Mme Lee étaient une nuisance pour les membres et qu'aucune activité criminelle sous-jacente n'avait été commise. Cette interprétation limitée ne tient pas compte de tous les faits ni de la perception de la gendarme Abboub. Lorsque les éléments de l'entrave sont appliqués à cet incident, il est évident que les gendarmes Abboub et Fortin exécutaient légitimement leurs fonctions. Dans cette situation énergique et instable, la gendarme Abboub a cru que Mme Lee allait lancer un verre au gendarme Fortin et nuire à l'arrestation de M. Lee. Le verre aurait pu blesser sérieusement le gendarme Fortin, qui n'était pas conscient de la menace. Les gestes de Mme Lee n'étaient pas qu'une simple nuisance, mais bien une infraction criminelle. Pour empêcher Mme Lee de commettre une agression à l'aide du verre et de nuire à l'arrestation de M. Lee, la gendarme Abboub devait intervenir fermement. Au vu des circonstances, son arrestation était justifiée.

De plus, je ne suis pas d'accord avec la conclusion que l'arrestation de M. Lee par le gendarme Fortin était déraisonnable. Dans le dossier d'incident, le gendarme Fortin résume sa participation. Il décrit comment, avec l'aide des organisateurs, la séance a été levée et les participants invités à partir. La décision a été prise de demander au personnel de l'hôtel de mettre la boîte de scrutin contestée en sécurité. Selon le gendarme Fortin, cette décision a semé le désordre, et Mme Lee s'est approchée du gardien de sécurité pour apposer ses initiales sur la boîte de scrutin. M. Lee a aussi tenté de s'approcher de la boîte de scrutin, même si les policiers l'avaient déjà invité à quitter les lieux. Le gendarme Fortin a écrit qu'il avait posé sa main sur le dos de M. Lee pour tenter doucement de le faire avancer. M. Lee a alors ralenti et fait des commentaires que le gendarme Fortin n'a pas saisis, mais puisqu'il était clair que M. Lee ne se conformait pas et que la foule était agitée, le gendarme Fortin a arrêté M. Lee pour avoir troublé la paix. Les gestes du gendarme Fortin concordent avec les résultats de l'enquête du Service de police de New Westminster.

Le Service de police de New Westminster a interrogé plusieurs témoins dans le cadre de son enquête externe sur cet incident. Certains ont dit que M. Lee avait troublé la paix par ses cris et son refus de partir. Un témoin a dit que M. Lee avait « foncé » sur le gardien de sécurité qui tenait la boîte de scrutin. Le gardien de sécurité était peut-être le plus près de l'interaction entre M. Lee et le gendarme Fortin. Le gardien de sécurité a dit avoir entendu les policiers demander à tout le monde de sortir. Lorsqu'il s'est dirigé vers la sortie avec la boîte de scrutin, M. Lee l'a suivi en criant. Le gendarme Fortin a invité M. Lee à partir calmement. M. Lee a ignoré le gendarme Fortin, puis a été arrêté.

Selon un témoin, les policiers ont ordonné à M. et Mme Lee de ne pas s'interposer, sans quoi ils seraient arrêtés. De multiples témoins ont dit que M. et Mme Lee refusaient de se plier aux directives des policiers. Les renseignements contenus dans les documents justificatifs soulignent le comportement de M. Lee; par exemple, il continuait de crier et cherchait à bloquer le gardien de sécurité, ce qui lui a valu une arrestation en règle.

Les membres n'ont peut-être pas exposé les motifs de l'arrestation, mais cela ne veut pas dire qu'ils n'avaient pas de motifs raisonnables et probables d'arrêter M. et Mme Lee. Au paragraphe 43 de son rapport, la Commission écrit : « Mme Lee a certainement tenté d'empêcher [le gardien de sécurité] de quitter la pièce ». Au paragraphe 51, elle indique que « M. Lee criait et hurlait à ce moment-là... ». Les entraves et les cris ont pu déranger d'autres personnes présentes, à part les policiers.

C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec la conclusion que, puisque les arrestations étaient injustifiées, la force utilisée pour procéder aux arrestations était nécessairement injustifiée. L'expert en recours à la force du Service de police de New Westminster a écrit ce qui suit au sujet de la première interaction du gendarme Fortin avec M. Lee :

« Je crois que le gendarme Fortin a appliqué à cette situation le niveau d'intervention approprié, et qu'il a d'abord tenté d'utiliser des techniques de communication, avant de devoir exercer un léger contrôle physique. Le gendarme Fortin aurait pu utiliser un niveau de force plus élevé, étant donné le comportement de M. Lee, mais il en a décidé autrement. »

L'expert en recours à la force conclut que, à tout moment pendant cet événement, les gendarmes Fortin et Abboub ont correctement observé le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents, afin d'arrêter et de contrôler M. et Mme Lee. L'expert écrit ceci :

« J'estime que les membres ont tenu compte de l'âge des sujets, et que c'est pour cela qu'ils n'ont pas appliqué un niveau de force plus élevé qui aurait été justifié et qui aurait mis fin plus rapidement à l'incident. Je crois que tous les agents ont fait preuve d'une retenue considérable en s'en tenant à un léger contrôle physique pendant tout l'incident. La situation était dynamique et de nombreux curieux filmaient les policiers, leur criaient des choses et contribuaient à la situation précaire. »

Même si je ne suis pas accord avec la conclusion, je souscris en général à la recommandation de rappeler aux gendarmes Abboub et Fortin l'importance de formuler clairement les motifs des arrestations. Je verrai à ce que ce soit fait.

Je ne suis pas d'accord avec la conclusion qu'il était déraisonnable, dans les circonstances, d'escorter M. et Mme Lee en empruntant les escaliers plutôt que l'ascenseur.

Dans son rapport, la Commission écrit que la raison pour laquelle M. et Mme Lee ont été escortés à l'extérieur en passant par les escaliers, plutôt que par un ascenseur à proximité, n'est pas claire.

La Commission déclare que « Les membres savaient qu'il y avait un ascenseur à proximité, puisqu'ils l'avaient pris pour monter à la salle de réunion où le scrutin avait lieu. » Cette déclaration est inexacte. Le gardien de sécurité de l'hôtel, M. [C.], a affirmé dans sa déclaration au Service de police de New Westminster qu'il avait escorté les deux premiers membres jusqu'à la salle de réunion du deuxième étage en passant par les escaliers. C'est ce que montre l'enregistrement de la caméra de sécurité du hall de l'hôtel.

À l'arrivée du gendarme Fortin, la caméra de sécurité le capte lorsqu'il monte les escaliers. Les gendarmes Fortin et Abboub connaissaient peut-être – ou non – l'existence de l'ascenseur à proximité; cependant, les documents justificatifs indiquent clairement qu'ils ont accédé au deuxième étage par les escaliers.

Il se peut aussi que l'ascenseur n'ait pas été une option en raison du nombre de personnes qui l'utilisaient. Le gendarme Gibson se rappelle avoir vu des gens quitter le deuxième étage par l'ascenseur, et M. [C.] dit avoir dirigé des personnes vers l'ascenseur. Dans leurs déclarations au Service de police de New Westminster, Mme [C.], M. [Ch.], M. [S.], M. [H.] et Mme [H.] ont tous déclaré avoir pris l'ascenseur pour gagner le hall de l'hôtel.

La caméra de sécurité de l'hôtel montre un grand groupe de personnes qui sort de l'ascenseur, moins de deux minutes après qu'on voit apparaître les gendarmes Fortin et Abboub avec M. Lee. Si les membres savaient que l'ascenseur se trouvait là, il n'aurait pas été judicieux de ramener M. Lee vers une foule, compte tenu du déroulement des événements.

Après qu'on lui ait demandé d'emporter la boîte de scrutin, M. [C.] l'a sortie de la salle de réunion en passant par les escaliers menant au hall de l'hôtel. M. et Mme Lee ont suivi M. [C.] dans cette direction. Lorsque le gendarme Fortin a décidé d'arrêter M. Lee, ils étaient devant les escaliers ou à proximité. Pendant cette interaction, M. Lee a résisté au gendarme Fortin, et ils ont glissé et déboulé quelques marches jusqu'au premier palier. L'arrestation de M. Lee s'est poursuivie dans les escaliers, les gendarmes Fortin et Abboub essayant de le maîtriser. Dans les circonstances, il était raisonnable de contrôler M. Lee et de l'escorter jusqu'aux bas des escaliers, vers le hall. Il aurait été déraisonnable de remonter avec lui pour descendre par l'ascenseur.

Je n'appuie pas la recommandation qui consiste à demander à un expert en recours à la force de communiquer des directives opérationnelles aux gendarmes Abboub et Fortin en ce qui concerne l'intervention en cause et la décision de sortir par les escaliers.

Comme je l'ai signalé plus tôt, un expert indépendant en recours à la force a conclu que les gendarmes Fortin et Abboub avaient correctement appliqué le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents, et les a félicités de leur retenue dans une situation instable.

J'approuve la conclusion selon laquelle les gendarmes Abboub, Fortin et Gibson n'ont pas documenté la prise de mesures raisonnables pour veiller au bien-être de la petite-fille de M. et Mme Lee.

Je souscris à la conclusion que la politique de la GRC sur le bien-être des enfants dont les parents ou les gardiens sont arrêtés ne fournit pas de directives adéquates dans ce cas-ci.

J'approuve la recommandation voulant que les gendarmes Abboub et Fortin reçoivent des directives opérationnelles sur l'importance des mesures à prendre après l'arrestation des personnes qui s'occupent d'un enfant. Je verrai à ce que ce soit fait.

Je souscris à la recommandation qui appelle la GRC à revoir ses politiques relatives au bien-être des enfants dont les parents ou les gardiens sont mis en arrestation ou autrement indisposés. À la lumière de cette recommandation, je demanderai la révision et la modification du chapitre 18.1 - « Arrestation et détention » du Manuel des opérations. Je verrai à ce que ce soit fait.

Je souscris à la conclusion que le gendarme Fortin n'avait pas le pouvoir légal de prendre et d'endommager le téléphone cellulaire avec lequel Mme [Y.] prenait des photos.

Je souscris à la recommandation que la GRC s'excuse auprès de Mme [Y.], au nom du gendarme Fortin, d'avoir jeté son téléphone cellulaire au sol. Je verrai à ce que ce soit fait.

Je souscris à la recommandation que la GRC offre de rembourser à Mme [Y.] les dommages à son téléphone cellulaire. Toute offre de remboursement sera fondée sur la pièce justificative du remplacement du téléphone cellulaire ou sur un calcul raisonnable des prix actuels d'un produit similaire. Je demanderai l'ouverture d'un dossier de réclamation à l'unité des réclamations de la Division « E », qui communiquera avec Mme [Y.] pour recueillir les renseignements nécessaires, puis révisera, quantifiera et évaluera la réclamation.

J'approuve la recommandation voulant que le gendarme Fortin reçoive des directives opérationnelles sur le traitement qu'il a réservé au téléphone cellulaire de Mme [Y.]. Je verrai à ce que ce soit fait.

En terminant, je tiens à signaler à la Commission que, dans cette affaire, j'admets que le temps que la GRC a mis à répondre au rapport intérimaire de la Commission n'est pas idéal. Quoi qu'il en soit, je vous assure que, comme toujours, nous accordons une grande valeur aux travaux de la Commission, et que mon personnel et moi-même travaillons assidûment à y répondre de façon constructive.

La GRC estime que toutes les plaintes du public sont importantes, et elle entend répondre à tous les rapports intérimaires, éliminer les retards et satisfaire aux normes de service prévues à notre protocole d'entente, tout en évaluant à fond et correctement chacun des rapports.

J'ai bien hâte de recevoir votre rapport final sur cette affaire.

Je vous prie de recevoir, Madame Lahaie, mes plus cordiales salutations.

Brenda Lucki,
commissaire

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