ARCHIVÉ - Rapport du président sur une enquête d'intérêt public – Fête du Canada 2008

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Loi sur la GRC paragraphe 45.43(3)

Plaignants : British Columbia Civil Liberties Association

Version expurgée

Traduction

Table of Contents


Aperçu

En prévision des célébrations de la fête du Canada de 2008, le détachement de la GRC de West Shore, en Colombie-Britannique, a élaboré en collaboration avec le service de police de Victoria (SPV), d'autres services de police et BC Transit un plan opérationnel pour faire face aux incidents qui se produisent le jour de la fête du Canada depuis quelques années. Les objectifs de ce plan étaient d'intervenir de façon proactive face à ce qui est devenu une fête civique marquée par une consommation excessive d'alcool et d'actes de vandalisme de la part de certains participants. Une femme, Mme A, s'est plainte d'avoir été fouillée sans motifs valables par des membres de la GRC de West Shore le 1er juillet2008.

Le 8 juillet 2008, la British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA) a déposé une plainte (annexe A [Format PDF, 397 Ko]) auprès de la Commission et auprès du Bureau du commissaire aux plaintes contre la police (BCPP) de la Colombie-Britannique en mentionnant ce qui suit :

[Traduction]

Selon un témoin, la police municipale et la GRC ont fouillé, de façon aléatoire et sans leur consentement, des personnes pour trouver de l'alcool. Ces fouilles ont été effectuées à plusieurs endroits dans toute la ville de Victoria, mais il semble que les transports publics et les points de correspondance aient été ciblés. Un grand nombre, sinon la totalité, des autobus qui se rendaient dans le centre-ville de Victoria auraient été arrêtés et les passagers auraient été obligés de descendre des autobus pour être soumis à des fouilles obligatoires. Toutes les boissons alcoolisées, y compris les contenants non ouverts, auraient été saisies.

Dans sa plainte, la BCCLA a ajouté a) que [Traduction] « les services de police du Canada n'ont pas l'autorité légale de faire des fouilles aléatoires ou obligatoires comme celles qui ont été effectuées à Victoria » et b) que [Traduction] « les services de police du Canada ne peuvent pas saisir de biens sans autorité légale; même s'il est interdit de consommer de l'alcool dans un endroit public, aucune loi n'interdit aux citoyens de transporter des contenants d'alcool non ouverts ».

Après avoir examiné la plainte, j'en suis venu à la conclusion qu'en raison des questions d'ordre public en cause, il était utile dans l'intérêt public de demander à la Commission de mener une « enquête d'intérêt public » en vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC. Cela signifie que la plainte sera examinée en première instance par la Commission et non pas par la GRC.

Pour les raisons énoncées dans les paragraphes qui suivent, j'estime que, même si le but de la police dans le cas qui nous occupe était louable, malheureusement, il semble que dans la plupart des cas, comme celui de Mme A, les fouilles ont été effectuées sans consentement véritable et, par conséquent, n'étaient pas autorisées par la Liquor Control and Licensing ActNote de bas de page 1, la British Columbia Transit ActNote de bas de page 2 et le Transit Conduct and Safety RegulationNote de bas de page 3 de la Colombie-Britannique ou en vertu des pouvoirs généraux conférés par la common law à la police. Si ces fouilles devaient contribuer à assurer la sécurité nécessaire pour que cette fête civique se poursuive à l'avenir, il faut qu'elles aient lieu sous couvert d'une certaine autorité législative pouvant être justifiée au regard de la Charte canadienne des droits et libertés(la Charte). J'ai aussi constaté que les membres de la GRC n'avaient pas conservé de notes détaillées de leur participation aux événements de la fête du Canada.

À la lumière de mes conclusions, je recommande que, tant que les mesures législatives requises n'auront pas été mises en place, la participation de la GRC aux stratégies de prévention et d'interdiction précoce de boissons alcoolisées ne se limite qu'à la présence policière, et que des fouilles soient effectuées uniquement quand les membres de la GRC ont les motifs requis en vertu des lois applicables. En outre, je recommande que, conformément à la politique, les membres de la GRC prennent des notes ponctuelles et documentent minutieusement leurs actions.

Enquête sur la plainte menée par la Commission

Il importe de mentionner que la Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) est un organisme fédéral distinct et indépendant de la GRC. Quand elle enquête sur une plainte, la Commission n'agit pas en qualité d'avocat du plaignant ni de membres de la GRC. Son rôle consiste plutôt à enquêter de façon indépendante et à tirer des conclusions à l'issue d'un examen objectif des renseignements dont elle dispose.

Il convient de noter qu'étant donné la participation du SPV et d'autres services de police municipaux, la plainte de la BCCLA a aussi été déposée auprès du BCPP. Mon mandat me permet évidemment de commenter la conduite des membres de la GRC et de formuler des conclusions et des recommandations à cet égard à l'attention du commissaire de la GRC. Après des échanges avec le BCPP et la commission de police de Victoria (CPV), il a été décidé que, pour assurer l'uniformité des examens de la GRC et du SPV et des recommandations qui en découleront, une approche harmonisée (entre la Commission, le BCPP et la CPV) serait préférable à une approche décentralisée.

Il a aussi été convenu qu'une approche harmonisée, qui reconnaît la Commission comme étant un « organisme public » en vertu de l'article 63.1 de la Police Act de la Colombie-Britannique, me permettrait de résumer les faits et de donner à la CPV une opinion concernant la légalité des actions du SPV pour qu'elle les examine et prenne les mesures qu'elle juge appropriées. Il va sans dire que toute décision concernant le bien-fondé des politiques et des procédures du SPV sera prise uniquement en vertu des dispositions applicables de la Police Act de la Colombie-Britannique.

Il a été convenu qu'un ancien agent de police supérieur (non membre de la GRC) mènerait une enquête au nom de la Commission, du BCPP et de la CPV. En conséquence, la CPV, conformément à l'article 63.1 de la Police Act de la Colombie-Britannique, a chargé la Commission d'enquêter sur la plainte et de lui rendre compte en vertu des dispositions de la Police Act. La lettre ordonnait notamment à la Commission d'effectuer un examen détaillé des politiques et des procédures utilisées par le SPV lors des événements de la fête du Canada; de rassembler, avec l'aide d'un membre du SPV, les politiques, le plan opérationnel et tout autre document pertinent du SPV concernant les activités de la fête du Canada et de mener, si elle le jugeait utile et nécessaire, des entrevues avec des membres du SPVNote de bas de page 4.

L'enquête menée par l'enquêteur de la Commission comportait un examen de tous les documents pertinents, y compris les politiques des services de police et les documents de planification pertinents concernant les événements de la fête du Canada, des entrevues avec des témoins, des entrevues avec des membres de la GRC et du SPV ainsi qu'un examen de l'exécution des politiques et des plans opérationnels concernant les fouilles et les saisies. En outre, en raison des implications juridiques des fouilles effectuées par la police durant les célébrations de la fête du Canada, un conseil juridique complet (annexe B) a été obtenu concernant l'examen des sacs que transportaient les piétons et les passagers des autobus – l'objet de la plainte déposée par la BCCLA.

Mes conclusions et mes recommandations concernant la participation de la GRC aux événements de la fête du Canada à Victoria, en Colombie-Britannique, sont fondées sur un examen approfondi des éléments suivants : la plainte de la BCCLA concernant les événements du 1er juillet 2008; la déclaration d'un témoin de ces événements; le plan opérationnel de la GRC et les documents connexes (annexe C [Format PDF, 23 Ko]); le plan d'opérations du SPV en prévision de la participation de la GRC; les articles pertinents de la Liquor Control and Licensing Act de la Colombie-Britannique; la correspondance de BC Transit concernant la coordination avec le détachement de la GRC de West Shore et les registres des autobus; le rapport d'enquête préparé par l'enquêteur de la Commission; le conseil juridique ainsi que tous les autres documents pertinents. J'aimerais remercier la GRC de son entière coopération dans la tenue de cette enquête d'intérêt public.

Faits

On sait que les spectacles de feux d'artifices qui ont lieu à Victoria le jour de la fête du Canada sont traditionnellement marqués par une consommation excessive d'alcool, qui donne lieu à des voies de fait, à des blessures, à du vandalisme et à des dommages. Pour lutter contre ce phénomène, le SPV a élaboré, en collaboration avec la GRC et d'autres services de police municipaux, une stratégie d'interdiction précoce des boissons alcoolisées fondée notamment sur la fouille des sacs et sacs à dos susceptibles de contenir ce type de boissons.

Le détachement de la GRC de West Shore a été chargé d'aider le SPV à empêcher les personnes en possession de boissons alcoolisées et en état d'ébriété de monter à bord des autobus en direction du centre-ville pour limiter les problèmes liés à l'alcool à Victoria, pour empêcher que des autobus soient endommagés et que des passagers soient ennuyés et pour des raisons de sécurité.

Le plan d'opérations du SPV pour cet événement faisait appel à la participation de plusieurs policiers de Victoria et des collectivités environnantes, dont 14 membres du détachement de la GRC de West Shore. Le plan d'opérations du SPV comportait un programme de prévention à volets multiples qui comprenait trois zones d'application. La première était constituée des banlieues de la ville de Victoria; les services de police des régions périphériques étaient chargés de fouiller les passagers des transports publics afin d'empêcher les personnes qui consommaient de l'alcool et étaient en état d'ébriété de monter à bord des autobus qui se dirigeaient vers le centre-ville de Victoria. Le détachement de la GRC de West Shore a accepté d'effectuer cette tâche et un plan opérationnel a été élaboré pour atteindre cet objectif. La tâche de maintenir l'ordre aux points d'interdiction (la deuxième zone d'application) et dans la ville de Victoria (la troisième zone d'application) a été confiée au SPV, qui travaillait en collaboration avec une unité mixte de la police routière de la GRC et de la police municipale, des services de police autres que la GRC et BC Transit.

Le détachement de la GRC de West Shore était responsable des terminus d'autobus de Langford. Ces terminus sont situés au centre récréatif Juan de Fuca et au centre-ville de West Shore. Il était aussi responsable de ses propres parcs et des lieux où avaient lieu les célébrations de la fête du Canada. Le détachement de la GRC de West Shore fournit des services de police dans quatre collectivités, soit Colwood, Highlands, Langford et Metchosin, ainsi que dans deux collectivités autochtones, soit les Premières nations de Songhees et d'Esquimalt. Les membres de la GRC ont été chargés de vérifier les personnes qui montaient à bord des autobus pour empêcher les personnes en possession de boissons alcoolisées ou en état d'ébriété d'y monter.

Mme A a été témoin des événements du 1er juillet 2008, au point de correspondance du centre-ville de West Shore et, plus tard, dans la ville de Victoria. Durant son entrevue avec l'enquêteur de la Commission, elle a mentionné qu'elle allait assister à un concert extérieur dans le centre-ville de Victoria. C'était la première fois qu'elle participait aux célébrations de la fête du Canada à Victoria. La première rencontre de Mme A avec la police a eu lieu au point de correspondance du centre-ville de West Shore, où elle s'était rendue pour prendre l'autobus no 8034 sur le trajet 11.

Vers 18 h ce jour-là, Mme A s'apprêtait à monter à bord de l'autobus quand elle a été arrêtée par deux membres de la GRC de sexe masculin qui lui ont demandé de regarder dans le sac qu'elle transportait. Mme A a acquiescé à leur demande et elle est montée à bord de l'autobus après la fouille de son sac. Au cours de cette période, elle a vu des membres de la GRC fouiller les sacs et les sacs à dos d'une vingtaine d'autres personnes qui attendaient de monter à bord d'un autobus. Mme A a vu quelques bières sur des bancs et, selon elle, ces bières avaient été saisies; elle a donné à l'enquêteur de la Commission une photo sur laquelle on peut voir ce qui semble être des personnes qui sont en train de se faire fouiller avant de monter à bord de l'autobus et des bières sur un banc de la ville. Mme A a indiqué qu'elle n'a pas entendu les conversations entre les membres de la GRC et les personnes qui se faisaient fouiller et qu'elle n'a pas vu non plus quoi que ce soit donnant à penser qu'il y avait confrontation.

À ce moment-là, Mme A n'était pas préoccupée outre mesure par les fouilles qui avaient été effectuées par les membres de la GRC. Elle a expliqué que ce qui l'a dérangée, c'est d'avoir été fouillée à deux autres reprises pendant qu'elle était dans l'autobus et dans le centre-ville de Victoria par des membres du SPV. Mme A a exprimé son mécontentement et ses préoccupations du fait qu'elle a été fouillée à trois reprises, alors qu'elle était seule, qu'elle n'avait pas consommé d'alcool et qu'elle agissait en tout point comme un citoyen respectueux des loisNote de bas de page 5.

L'enquêteur de la Commission a aussi interrogé le gestionnaire par intérim des opérations de BC Transit, qui était responsable des opérations de BC Transit le 1er juillet 2008. Il y avait huit superviseurs des transports en poste ce jour-là et ils étaient affectés à divers postes de contrôle des autobus. Le gestionnaire par intérim a expliqué que les conducteurs d'autobus qui éprouvaient des problèmes avec des passagers pouvaient en informer leur superviseur pour que la police vienne régler le problème. Selon les registres de BC Transit, on a fait appel une fois aux services du détachement de la GRC de West Shore pour faire sortir un groupe d'hommes ivres d'un autobus. Entre quinze et vingt autobus ont été mis hors service durant cet événement parce qu'ils étaient endommagés ou éclaboussés de vomissures. Quand on lui a demandé comment les conducteurs se sentaient ce jour-là, il a répondu qu'ils étaient très nerveux, car cet événement était devenu une fin de semaine pour faire la fête et que le comportement des gens était par conséquent imprévisible. Il a précisé que le contraste avec la Journée de la Colombie-Britannique (le 4 août 2008) était très remarquable, car BC Transit n'aurait eu pratiquement aucun problème de désordre public à l'occasion de ce congé.

Le gestionnaire par intérim a fourni une copie des affiches posées dans les autobus pour la fête du Canada. Ces affiches avertissaient les passagers en ces termes : [Traduction] « Pour assurer la sécurité de tous le 1er juillet, nous rappelons aux passagers que la consommation de boissons alcoolisées ou la possession de contenants d'alcool ouverts à bord des autobus n'est pas tolérée. À la demande de BC Transit, la police surveillera tous les autobus qui entreront au centre-ville pour faire appliquer ce règlement de sécurité. » (Annexe D [Format PDF, 1.79 Mo])

Le gestionnaire par intérim a aussi fourni une copie de la lettre que le vice-président, Services à la clientèle et secrétaire général de BC Transit, a envoyée à tous les services de police affectés au maintien de l'ordre le jour de la fête du Canada. Dans cette lettre, il décrit la position de BC Transit concernant les personnes qui consomment de l'alcool dans les autobus et se conduisent par conséquent de façon inappropriée et il demande à la police de l'aider à faire respecter ce règlement lorsque les passagers montent à bord des autobus.

Le plan opérationnel de la GRC et les documents connexes indiquent que le but de la participation de la GRC était d'empêcher que des boissons alcoolisées soient emportées dans le centre-ville de Victoria et d'empêcher les personnes en état d'ébriété et les fauteurs de troubles d'endommager les transports publics et d'interagir avec les autres passagers.

Cet objectif se reflète dans le plan d'opérations du SPV, dont les membres du détachement de la GRC de West Shore étaient une composante, en ce sens qu'ils étaient le premier « front » d'interdiction des boissons alcoolisées lors des célébrations de la fête du Canada. Le plan du SPV était le résultat d'une réunion de collaborateurs, et de l'expérience des événements survenus lors des autres fêtes du Canada, et comportait trois « fronts » autour de la zone du centre-ville. Le premier front se situait aux terminus d'autobus dans les banlieues, où les policiers étaient chargés de surveiller les personnes en possession de sacs ou de sacs à dos qui montaient à bord des autobus pour empêcher les personnes en état d'ébriété d'y monter. Le deuxième front était constitué d'endroits désignés où les conducteurs d'autobus pouvaient s'arrêter pour obtenir de l'aide si des passagers causaient des problèmes. Le troisième front était composé d'une série de patrouilles de surveillance à vélo et à pied, chargées de surveiller les lieux entourés de barricades où avaient lieu les feux d'artifice et le centre-ville de Victoria.

Le plan opérationnel de la GRC faisait appel à l'aide et aux services de prévention des services de police voisins. Il visait également à assurer le maintien de l'ordre aux endroits où des célébrations avaient lieu et qui relevaient de la compétence du détachement. On peut y lire ce qui suit :

[Traduction]

L'an dernier, le détachement de West Shore a travaillé fort pour empêcher les jeunes en état d'ébriété et les fauteurs de troubles de monter à bord des autobus de BC Transit. Par le passé, il y a eu de nombreux problèmes avec les jeunes et l'alcool, en particulier quand ils arrivaient au centre-ville de Victoria. Les efforts que nous avons déployés l'an dernier nous ont valu des louanges de la part de BC Transit et du service de police de Victoria. Le détachement de West Shore a l'intention de continuer à offrir des services de police préventifs de grande qualité et à aider les services de police voisins. Parallèlement à ces activités de prévention, les membres du détachement de West Shore vont patrouiller les plages [...] pour s'assurer que la nuit demeure propice aux activités familiales.

Le 23 septembre 2008, durant une conversation téléphonique avec l'enquêteur de la Commission, un sergent d'état-major de la GRC a mentionné que les courriels envoyés aux membres de la GRC n'exigeaient pas de compte rendu concernant l'élimination des boissons alcoolisées ou les interactions avec les citoyens. Des rapports indiquent que la plupart des boissons alcoolisées saisies étaient en possession de jeunes et qu'elles ont été éliminées sur place. La GRC n'a reçu aucune plainte de citoyens concernant des boissons alcoolisées saisies lors de cet événement.

Lors d'autres échanges écrits entre l'enquêteur de la Commission et le sergent d'état-major, ce dernier a indiqué qu'on s'attendait à ce que les membres de la GRC soient capables d'énoncer les motifs pour lesquels ils effectuaient les fouilles.

Le sergent d'état-major a aussi informé l'enquêteur de la Commission que toutes les boissons alcoolisées saisies avaient sans doute été éliminées sur place et qu'il était improbable que des notes aient été prises concernant la destruction de ces boissons. Il a mentionné avoir été informé que presque toutes les saisies de boissons alcoolisées impliquaient des mineurs, qui ne peuvent en avoir en leur possession selon la Liquor Control and Licensing Act. Il a aussi informé l'enquêteur de la Commission qu'à ce jour, le détachement de la GRC n'avait pas reçu de demandes pour le retour de boissons alcoolisées saisies le jour de la fête du CanadaNote de bas de page 6.

Outre ces questions écrites, un rapport présenté par trois membres de la GRC sur leurs activités le jour de la fête du Canada révèle qu'il y a eu peu de contacts dans les stations d'autobus, mais beaucoup de saisies de boissons alcoolisées et de marijuana à d'autres endroits en plein air. Le rapport comporte les renseignements suivants : jeunes en train de boire dans un parc de planche à roulettes, élimination de rhum et de bière; 20 bières trouvées dans un stationnement de Langford et éliminées; bouteille de rhum de 26 onces saisie sur une femme de 18 ans et éliminée; femme en train d'écrire des graffitis sur le pont à Langford Lake; sac à dos contenant une demi-livre de marijuana trouvé à Langford Lake; élimination de 12 bières trouvées en possession de jeunes sur la plage; jeune surpris à fumer de la marijuana, élimination du matériel; vérification aux arrêts d'autobus, présence de passagers agités mais aucun problème.

Exception faite de ce rapport, le seul autre « rapport » de la GRC est une note d'information, remise à la Commission le 23 juillet 2008, dans laquelle sont décrites les actions du détachement de West Shore le 1er juillet 2008. Dans cette note d'information, on indique que deux terminus d'autobus étaient ciblés au début de la soirée au moment où les gens se rendaient à Victoria et, plus tard, au moment de leur retour. La consommation de boissons alcoolisées était courante dans les derniers trajets. On y mentionne également que certaines personnes ont fait l'objet d'une vérification lorsqu'elles sont montées à bord des autobus et que des fouilles de sacs à dos, qualifiées de fouilles consenties, ont été effectuées. Selon la note d'information de la GRC, aucun autobus n'a été vidé et fouillé et aucune fouille systématique n'a été effectuée sur les passagers. Une petite quantité de bouteilles d'alcool ouvertes ont été vidées sur place. La journée a été décrite comme une journée sans incident du point de vue de la police. Il convient de mentionner qu'une note du registre de BC Transit indique qu'à 21 h 14, au point de correspondance de Langford, sept personnes ont été sorties d'un autobus par la GRC et que des boissons alcoolisées ont été saisies.

Les documents de la GRC ont été demandés pour déterminer si des boissons alcoolisées avaient été saisies et déposées dans la salle des pièces à conviction ou si les infractions à la Liquor Control and Licensing Act avaient fait l'objet de poursuites. Il n'y avait apparemment aucun rapport au dossier concernant ces deux questions.

Analyse

Il convient de noter d'entrée de jeu qu'aucun autre plaignant ou témoin ne s'est adressé à la Commission concernant les actions des membres de la GRC le jour de la fête du Canada. L'absence d'autre plaignant ou témoin jumelée à l'absence de notes prises par les membres a rendu difficile l'évaluation de la façon dont les fouilles ont réellement été effectuées et les motifs qui ont incité les membres de la GRC à effectuer ces fouilles et à saisir des boissons alcoolisées.

Cela dit, les questions les plus importantes dont il faut tenir compte concernent les dispositions législatives en vertu desquelles les membres de la GRC ont effectué ces fouilles.

Absence de prise de notes

Avant d'aborder les questions susmentionnées, j'aimerais commenter l'absence de prise de notes par les membres de la GRC durant l'opération qu'elle a menée conjointement avec le SPV. Le paragraphe 7.1.2 de la section 100.5 du Manuel des opérations de la GRC de la division E (Colombie-Britannique) mentionne qu'un membre qui demande à un citoyen de consentir à détruire de l'alcool (de vider une bouteille de bière, p. ex.) doit noter ce fait ainsi que le nom du citoyen et la marque de l'alcool dans son carnet de notes. Un courriel a été envoyé à tous les membres du détachement de West Shore pour leur demander des renseignements sur les saisies. Trois membres ont présenté un rapport, mais aucun des autres membres qui étaient en poste ce jour-là n'a fourni de rapport, ce qui laisse croire que personne n'avait pris de notes. Cette situation est de toute évidence contraire à la politique de la GRC et aux bonnes pratiques policières.

Conclusion : L'absence de prise de notes par les membres du détachement de la GRC de West Shore est contraire à la politique de la GRC.

Recommandation : Je recommande qu'à l'avenir, les membres de la GRC documentent de façon appropriée tous les cas où des boissons alcoolisées sont saisies et détruites.

Autorité légale de faire des fouilles et des saisies de boissons alcoolisées

Dans sa plainte, la BCCLA indique a) que [Traduction] « les services de police du Canada n'ont pas l'autorité légale de faire des fouilles aléatoires ou obligatoires comme celles qui ont été effectuées à Victoria » et b) que [Traduction] « les services de police du Canada ne peuvent pas saisir de biens sans autorité légale; même s'il est interdit de consommer de l'alcool dans un endroit public, aucune loi n'interdit aux citoyens de transporter des contenants d'alcool non ouverts. »

Comme nous l'avons déjà mentionné, la GRC était une composante du plan d'opérations du SPV. Ce plan faisait appel à une approche à plusieurs volets, soit des vérifications à des stations de transport en commun, aux postes de contrôle des arrêts d'autobus, à des barrages routiers autour de l'arrière-port, ainsi que des patrouilles cyclistes et pédestres, afin de maximiser l'interdiction de consommer de l'alcool. À chaque palier, les personnes devaient faire l'objet d'une vérification, et leurs sacs ou sacs à dos devaient être examinés visuellement, ou manuellement, ou les deux.

Pour mieux comprendre les questions juridiques entourant les fouilles effectuées par la GRC, la Commission a fait appel aux services d'un avocat très expérimenté, qui a été chargé de préparer un conseil juridique axé sur l'examen des sacs transportés par les piétons et les passagers des autobus, soit l'objet de la plainte formulée par la BCCLA. L'analyse présentée ci-après repose sur ce conseil juridique. J'inviterais néanmoins le lecteur à consulter le conseil juridique complet.

L'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) accorde à chacun le « droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives ». L'examen visuel ou manuel du contenu des sacs ou des sacs à dos constitue une « fouille » aux termes de la Charte. Les personnes ont des expectatives raisonnables en matière de vie privée pour ce qui est du contenu des sacs qu'elles transportent, lesquels peuvent contenir un certain nombre d'articles personnels de nature délicate.

La Cour suprême du Canada a posé clairement qu'une fouille ne sera pas « abusive » si et seulement si a) elle est autorisée par la loi, b) la loi n'a rien d'abusif et c) la fouille n'a pas été effectuée d'une manière abusiveNote de bas de page 7. Pour qu'elle soit « autorisée par la loi », une fouille ou une perquisition doit être autorisée par une loi ou une règle de common law particulière, elle doit être effectuée conformément aux exigences procédurales et substantielles que la loi prescrit et l'étendue de la fouille ou perquisition doit être limitée au secteur et aux objets à l'égard desquels elle est autorisée par la loiNote de bas de page 8.

En conséquence, les justifications légales possibles pour les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada à Victoria sont : a) le consentement, b) la Liquor Control and Licensing Act, c) la volonté de BC Transit (pour les fouilles dans les autobus) et d) les pouvoirs généraux de la police.

i) Le consentement et les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada

L'analyse des fouilles avec consentement repose sur l'idée qu'en donnant son consentement à une fouille, on renonce à son droit, au regard de l'article 8 de la Charte, d'être protégé contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Une personne détenue (ou arrêtée) a le droit d'être informée du droit qui lui est conféré par l'article 10 de la Charte d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Une personne détenue qui n'a pas été informée de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat ne peut pas consentir validement à faire l'objet d'une fouilleNote de bas de page 9.

Les tribunaux ont reconnu de façon uniforme qu'une demande formulée par la police comporte au moins un élément d'autorité et, dans certaines circonstances, également un élément de contrainte. Le fait d'acquiescer à une demande relative à une fouille ou à une perquisition présentée par la police, ou le fait d'obtempérer, ou le défaut de s'y opposer ou de la refuser, ne vaut pas un consentement à faire l'objet d'une fouille. Le consentement à une fouille doit être donné de façon éclairée, sachant que l'on est en droit de le refuser. Bien que le policier ne soit pas expressément tenu d'informer la personne de son droit de refuser le consentement, tout défaut de le faire risque d'entraîner une conclusion d'absence de consentement.

Toutes les personnes dont le sac a été fouillé, comme Mme A, ont été arrêtées afin de déterminer si le sac en cause contenait des boissons alcoolisées. Le fait d'arrêter quelqu'un pour fouiller son sac revient à « détenir » cette personne. Un « détenu» » ne peut donner un consentement valide à la fouille qu'une fois qu'il a été informé de son droit à l'assistance d'un avocat et, si le détenu le souhaite, qu'il a exercé ce droit en parlant à un avocatNote de bas de page 10. Mme A n'a pas été informée de son droit à l'assistance d'un avocat. Pour ce seul motif, les fouilles des sacs ne constituaient pas des fouilles avec consentement.

De plus, le but du plan d'opérations du SPV et du plan opérationnel de la GRC, c'est-à-dire l'interdiction précoce des boissons alcoolisées, semble être inconciliable avec le fait de veiller à ce que le citoyen sache qu'il a le droit de ne pas être fouillé. La nécessité de contrôler la consommation excessive d'alcool et le vandalisme, ce dont les médias ont parlé abondamment, et l'utilisation des postes de contrôle, feraient conclure au citoyen ordinaire que la fouille était nécessaire – peut-être justement nécessaire, mais nécessaire quand même. L'impression qui est donnée est que toutes les personnes qui se dirigent vers le lieu doivent être fouillées et que c'est là ce qui est imposé par le plan d'opérations du SPV et le plan opérationnel de la GRC pour atteindre ses objectifs. Afin de réfuter cette impression et d'offrir le véritable choix de ne pas être fouillé, il faudrait dire quelque chose comme [Traduction] « Les personnes qui se portent volontaires pour être fouillées seront fouillées, et les autres ne le seront pas, et tout le monde aura le droit d'avancer », ce qui irait tout à fait à l'encontre de l'efficacité des postes de contrôle.

Si l'on veut, comme on l'indique à la page 10 du plan d'opérations du SPV [Traduction] « conserver la faveur des gens normaux », il faut les persuader d'acquiescer aux fouilles ou aux perquisitions, ce qui semble avoir été obtenu dans la plupart des cas. Pour que le plan d'opérations du SPV aboutisse, les policiers ont dû persuader tout le monde de consentir à être fouillé et fouiller tous les gens, sauf ceux qui « s'y sont vivement opposés », comme on l'indique à la page 12 du plan d'opérations. Toutefois, il ne s'agit pas là de la bonne technique pour avoir une fouille avec consentement. On peut douter que bon nombre des personnes dont le sac a été fouillé aient cru qu'elles avaient effectivement le choix de ne pas consentir à la fouille. En tout cas, aucun consentement à une fouille n'a été donné par Mme A, qui a été fouillée aux arrêts d'autobus. En effet, il semble y avoir un conflit total entre les véritables consentements à une fouille et toutes les procédures de contrôle, au point qu'il est impossible d'invoquer le consentement comme fondement à ces fouilles ou perquisitions.

Conclusion : Mme A n'a pas donné son consentement à la fouille de son sac par les membres de la GRC.

Conclusion : Il y a une forte possibilité que les personnes dont le sac a été fouillé par les membres de la GRC n'aient pas donné de véritable consentement à cette fouille.

ii) La Liquor Control and Licensing Act de la Colombie-Britannique et les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada

La Liquor Control and Licensing Act (la Loi) interdit, entre autres : de consommer des boissons alcoolisées dans un endroit public (article 40); d'être en état d'ébriété dans un endroit public (article 41); de conduire un véhicule automobile contenant des boissons alcoolisées à moins qu'elles ne soient dans un contenant qui n'est pas ouvert et qu'elles n'aient un sceau intact (article 44); qu'un mineur soit en possession de boissons alcoolisées ou qu'elles lui soient fournies (article 34).

La Loi n'interdit pas de posséder des boissons alcoolisées si elles sont dans un contenant scellé dans un endroit public; en fait, elle n'interdit pas la possession de boissons alcoolisées se trouvant dans un contenant non scellé dans un endroit public qui n'est pas un véhicule automobile.

Le sergent d'état-major de la GRC qui s'est entretenu avec l'enquêteur de la Commission a indiqué que la GRC s'est fondée sur la Loi pour justifier sa recherche de boissons alcoolisées. Le pouvoir d'exécuter une perquisition sans mandat en vue de trouver des boissons alcoolisées illégales se trouve à l'article 67 de la Loi selon lequel :

[Traduction]

(1) L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire que des boissons alcoolisées sont illégalement possédées ou conservées, où que ce soit ou sur qui que ce soit, ou qu'elles le sont à des fins illégales, peut, sous réserve du paragraphe (2), pénétrer ou perquisitionner, ou les deux, là où il soupçonne que se trouvent des boissons alcoolisées et les saisir et les enlever, s'il en trouve, ainsi que les emballages où elles sont conservées.

Le paragraphe (2) autorise un agent de la paix à fouiller toute personne et à pénétrer et à perquisitionner où que ce soit, sauf dans une résidence, à cette fin et sans mandat.

Appliquée à une fouille de la personne, cette disposition exige que l'agent de la paix ait des motifs raisonnables de croire que la personne possède ou conserve sur elle illégalement, ou à des fins illégales, des boissons alcoolisées. Par conséquent, avant de procéder à la fouille, l'agent doit subjectivement croire, et doit avoir objectivement des motifs raisonnables de croire a) que la personne a des boissons sur elle et b) que leur possession par un adulte vise des fins illégales.

Les motifs doivent être ciblés sur le sujet de la fouille ou de la perquisition. Il ne suffit pas de croire que certaines personnes, ou bon nombre d'entre elles ou toutes les personnes d'un groupe particulier, possèdent des boissons alcoolisées à des fins illégitimes.

Conformément à l'article 67, le pouvoir de saisir des boissons alcoolisées, une fois qu'elles ont été ouvertes, est limité d'une manière analogue au cas où l'agent de la paix a des motifs raisonnables de croire à une possession illégale ou à des fins illégales de boissons alcoolisées.

Dès lors qu'un agent de la paix saisit des boissons alcoolisées, qu'elles soient immédiatement détruites ou conservées, l'article 72 de la Loi exige que le chef de police ou l'agent responsable du détachement en fasse immédiatement la déclaration au directeur général de la Liquor Control and Licensing Branch. L'article 70 autorise le propriétaire des boissons alcoolisées à les réclamer, et le directeur général peut ordonner que les boissons alcoolisées soient retournées ou exiger du corps de police qui a effectué la saisie d'indemniser le propriétaire.

Pour justifier les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada conformément à l'article  67 de la Loi, il faudrait examiner minutieusement chaque fouille ou perquisition en tenant compte de ces normes.

Le premier point à trancher porte sur les motifs objectifs qui permettent de croire que la personne était en possession de boissons alcoolisées. Le simple fait qu'une personne transporte un sac, un sac à dos ou un sac à main pouvant contenir des bouteilles ou des cannettes ne signifie pas que la personne est susceptible d'en transporter. Le fait de transporter un sac ou un sac à dos dans un autobus de transport public, ou aux environs d'une activité où de l'alcool est consommé en grandes quantités, ne constitue pas des motifs raisonnables de croire que la personne y transporte de l'alcool. L'ajout d'un troisième élément, soit le fait que de l'alcool ait déjà été consommé de toute évidence ce soir-là, pourrait suffire à convaincre un tribunal qu'il existait des motifs raisonnables de croire que le sac ou le sac à dos contenait d'autres boissons alcoolisées. Il semble probable que, dans le cas d'un grand nombre de fouilles effectuées à Victoria, il n'y ait pas eu de motifs raisonnables et probables de croire que la personne était en possession de boissons alcoolisées.

Comme la possession de boissons alcoolisées par un mineur constitue une infraction, l'article 67 autorise la fouille du sac ou du sac à dos d'un mineur mais seulement s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est en possession de boissons alcoolisées.

Dans les cas où il existait des motifs raisonnables de croire qu'un adulte était en possession de boissons alcoolisées, existait-il aussi des motifs raisonnables de croire que la possession visait une fin illégale? La simple possession de boissons alcoolisées dans un lieu public ne constitue pas une infraction. La « fin illégale » doit être l'intention de la personne de consommer les boissons alcoolisées dans un lieu public et, en pareil cas, le membre de la GRC doit avoir des motifs suffisants de croire que la personne transporte ces boissons. Quant au contexte, cette activité, qui est réputée pour la consommation d'alcool excessive qu'y font certains participants, se déroule dans un lieu public, un jour férié où les magasins d'alcool sont fermés, mais où les magasins de bière et de vin, ainsi que les bars, sont ouverts.

Avant que le sac ne soit ouvert, il n'existe pas de motif de croire qu'une cannette ou une bouteille qui s'y trouve est ouverte, et non scellée. À cette étape, en évaluant les motifs qui permettent de croire que le contenu sera consommé dans un lieu public, l'agent doit agir en présumant que la cannette ou la bouteille est scellée.

Une fois que le sac de l'adulte a été fouillé, et que des boissons alcoolisées y ont été trouvées, pour qu'il y ait un droit de saisie conformément à l'article 67 de la Loi, il faut aussi que l'agent de la paix ait des motifs raisonnables de croire qu'elles sont en la possession de la personne pour la fin illégale de consommation dans un lieu public. Logiquement, si ces motifs existaient avant que le sac soit ouvert, ils seront tout aussi solides une fois que des boissons alcoolisées auront été trouvées, voire même encore plus, s'il s'avère que leurs contenants sont ouverts. Toutefois, si les motifs n'existaient pas avant que le sac soit ouvert, la fouille n'est pas autorisée aux termes de l'article 67 de la Loi, et le fait de trouver les boissons alcoolisées n'y change rien.

Rien dans le plan d'opérations du SPV ou dans le plan opérationnel de la GRC ne dit que les agents devaient tenir ou aient tenu de registre des boissons alcoolisées saisies, comme l'impose l'article 72 de la Loi. Quand on leur a demandé de produire leurs rapports ou leurs notes, seuls trois membres de la GRC ont été en mesure de le faire. En l'absence d'un tel registre, la GRC n'est pas à même de se défendre contre toute demande d'indemnisation, y compris celles qui pourraient être produites si les saisies devaient être jugées illégales par la suite. J'ai déjà commenté l'absence de prise de notes par les membres de la GRC et je ne répéterai pas mes commentaires.

Dans les circonstances de la fête du Canada, il semble de plus en plus probable que des boissons alcoolisées soient transportées à des fins illégales à mesure que l'on se rapproche des lieux de l'activité et aussi s'il est évident que la personne a déjà consommé. Certaines des fouilles effectuées à Victoria étaient vraisemblablement autorisées au sens de la Loi, mais l'article 67 ne justifie pas les fouilles de vérification qu'il fallait faire pour que le plan d'opérations du SPV et le plan opérationnel de la GRC soient bien mis en œuvre.

Dans le cas de Mme A, il est important de noter qu'au moment où les membres de la GRC lui ont demandé d'ouvrir le sac qu'elle portait avant de monter à bord de l'autobus, celle-ci n'avait pas bu, était seule et se comportait de façon normale. En conséquence, j'estime que les membres de la GRC n'avaient pas de motifs, en vertu de la Liquor Control and Licensing Act, de fouiller le sac de Mme A.

Conclusion : Les membres de la GRC n'avaient pas de motifs, en vertu de la Liquor Control and Licensing Act, de fouiller le sac de Mme A.

iii) La British Columbia Transit Act (et son règlement) et les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada

Les autobus de Victoria, en Colombie-Britannique, offrent un service de transport en commun sous l'autorité de la British Columbia Transit ActNote de bas de page 11.

Le Transit Conduct and Safety Regulation, B.C. Reg. 377/85, prévoit ce qui suit :

[Traduction]

6(1) Lorsque British Columbia Transit adopte des règles ou appose des affiches sur les véhicules de transport ou d'autres biens du réseau de transport, à des fins de sécurité ou de maintien de l'ordre ou pour la commodité des personnes lorsqu'elles se trouvent à bord d'un véhicule de transport ou d'autres biens du réseau de transport, ou y montent ou en descendent, un employé du réseau de transport peut exiger, comme condition pour permettre à toute personne de monter ou de demeurer à bord du véhicule de transport ou du bien du réseau de transport, que cette personne obéisse aux affiches ou se conforme aux règles.

Le défaut pour une personne d'obéir ou de se conformer peut donner lieu à un refus de l'autoriser à monter dans un véhicule de transport, ou à un ordre d'en descendre (paragraphe 6(2)), et la personne commet une infraction aux dispositions de l'article 9 si elle refuse d'obtempérer.

Ce règlement permet à un employé du réseau de transport de refuser l'utilisation du véhicule à toute personne qui désobéit à une affiche ou omet de se conformer aux règles adoptées par BC Transit.

Le pouvoir qu'a l'employé du réseau de transport de refuser à une personne l'utilisation d'un véhicule de transport est lié au fait que celle-ci a désobéi à une affiche ou a omis de se conformer aux règles. Le défaut d'obéissance ou de conformité doit être établi avant que l'employé puisse prendre cette mesure.

Le règlement n'autorise pas l'employé du réseau de transport à fouiller le passager ou le passager éventuel afin de déterminer si la personne désobéit ou ne se conforme pas. Il ne confère pas le pouvoir de fouiller les sacs des passagers.

De plus, les affiches qui étaient posées conformément à ce règlement rappelaient aux clients que [Traduction] « la consommation de boissons alcoolisées ou les emballages ouverts de boissons alcoolisées ne sont pas tolérés dans les autobus ». Il est utile de noter que ce qui est ainsi interdit est la consommation de boissons alcoolisées ou le transport d'emballages ouverts de boissons alcoolisées à bord des autobus, et non pas le transport d'emballages fermés ou scellés de boissons alcoolisées à bord des autobus. Par conséquent, une personne qui transporte des boissons alcoolisées dans des emballages qui n'ont pas été ouverts, et qui ne les consomme pas, ne désobéit pas à la consigne affichée. Même si ce règlement autorisait une fouille, il n'autoriserait pas une fouille pour trouver toute boisson alcoolisée, mais seulement pour trouver des boissons alcoolisées dont l'emballage soit ouvert.

Le plan d'opérations du SPV ne dit pas clairement et sans ambiguïté si les emballages non ouverts de boissons alcoolisées doivent ou non être saisis aux arrêts d'autobus. À la page 14, le plan dit que [Traduction] « 3. Les adultes [...] qui sont en possession de boissons alcoolisées dans des emballages non ouverts [...] seront autorisés à avancer sans que leurs boissons alcoolisées soient saisies » et aussi [Traduction] « 5. En règle générale, il est interdit à toute personne qui a en sa possession des boissons alcoolisées de demeurer à bord de l'autobus, mais il est possible d'exercer un pouvoir discrétionnaire dans le cas d'aînés, etc. »

La British Columbia Transit Act et le Transit Conduct and Safety Regulation n'autorisent pas la fouille des sacs de passagers aux arrêts d'autobus, que ce soit d'entrée de jeu ou aux postes de contrôle établis, là où les conducteurs du réseau de transport s'arrêtaient parce qu'ils estimaient avoir besoin d'aide.

Conclusion : La British Columbia Transit Act et le Transit Conduct and Safety Regulation n'autorisent pas la fouille des sacs de passagers aux arrêts d'autobus, comme la fouille du sac de Mme A, que ce soit d'entrée de jeu ou aux postes de contrôle établis, là où les conducteurs du réseau de transport s'arrêtaient parce qu'ils estimaient avoir besoin d'aide.

iv) Les pouvoirs généraux de la police et les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada

La déclaration charnière sur les devoirs et les pouvoirs de la police en common law se trouve dans l'arrêt de la Court of Criminal Appeal d'Angleterre, dans l'affaire R. v. Waterfield, [1964] Q.B. 164, savoir que, si la conduite de l'officier de police constitue de prime abord une atteinte illégale à la liberté personnelle ou à la propriété,

[...] il y a lieu de rechercher a) si cette conduite entre dans le cadre général d'un devoir imposé par une loi ou reconnu par la common law et b) si cette conduite, bien que dans le cadre général d'un tel devoir, a comporté un emploi injustifiable du pouvoir relié à ce devoir.

Le critère de l'arrêt Waterfield, comme on a fini par l'appeler, a été appliqué à de nombreuses reprises par la Cour suprême du Canada et d'autres tribunaux canadiensNote de bas de page 12.

Comme les pouvoirs de la police sont fondés sur ses obligations, l'analyse doit commencer par l'examen des obligations de la police qui sont imposées par la loi ou qui sont reconnues en common law. Les principales obligations sont extrêmement générales. Selon la common law, les obligations principales des agents de police visent « le maintien de la paix, la prévention du crime et la protection de la vie des personnes et des biens »Note de bas de page 13.

Les obligations de common law qui consistent à maintenir la paix et à prévenir le crime sont préservées dans les lois fédérales. Selon l'alinéa 18a) de la Loi sur la GRC,les fonctions des membres de la GRC qui ont qualité d'agent de la paix sont notamment

de remplir toutes les fonctions des agents de la paix en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, ainsi que l'arrestation des criminels, des contrevenants et des autres personnes pouvant être légalement mises sous garde.

Le principe de l'arrêt Waterfield peut seulement appuyer la conduite légale de la police. Le devoir de maintenir la paix et de protéger la vie et les biens ne confère pas aux policiers tous les pouvoirs qu'ils souhaiteraient avoir pour mener à bien leur tâche. Plus particulièrement, le pouvoir qui leur est conféré en common law de fouiller des personnes et leurs effets personnels, ainsi que certains lieux, est limité. La portée des pouvoirs de fouille conférés en common law se limite à l'atteinte minimale exigée par le critère du « raisonnablement nécessaire ». Il faut pour cela évaluer l'importance et la nécessité du motif sous-jacent à l'atteinte, et établir un juste équilibre entre ce motif et la nature et la portée de l'atteinte.

La majorité des pouvoirs conférés en common law, visant à détenir une personne et à la fouiller, et ayant été jugés justifiés, font intervenir des cas d'urgence ou de violence présumée, ou les deux à la fois, et se limitent à une réponse modérée à la menace. L'interception d'automobiles au hasard se justifie par l'hécatombe sur les autoroutes et dans les rues en raison de la présence de conducteurs ayant des facultés affaiblies et de véhicules non sécuritaires.

Le sac ou le sac à dos d'une personne a des chances de contenir des effets personnels, notamment des objets très intimes. En conséquence, tout examen visant à dévoiler le contenu d'un sac porte gravement atteinte au droit à la vie privée de la personne à qui il appartient. Bien qu'elle constitue une intrusion moins grave que la fouille d'une personne, la fouille d'un sac demeure très envahissante, tout comme le fait de dévoiler par la fouille les effets personnels contenus dans le sac.

Dans la recherche d'un équilibre entre les motifs des fouilles et leur portée, les fouilles effectuées au cours des célébrations de la fête du Canada, à Victoria, ne sont pas justifiées en vertu des pouvoirs conférés aux policiers en common law. Puisque aucun fondement législatif ne vient appuyer ce type de fouilles, elles ne sont donc pas justifiées en vertu du principe de l'arrêt Waterfield.

La Charte et les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada

Comme l'a souligné le juge Binnie dans l'arrêt Clayton,le critère du « raisonnablement nécessaire » qui a été dégagé dans l'arrêt Waterfield est une norme inférieure à celui de la Charte. Par conséquent, certaines fouilles qui sont justifiées en vertu du critère de l'arrêt Waterfield ne le sont pas au regard de la Charte.Toutefois, toute fouille qui est injustifiée en vertu du critère de l'arrêt Waterfield l'est également au regard de la Charte. Par conséquent, selon l'analyse qui précède, les fouilles effectuées au cours des célébrations de la fête du Canada, à Victoria, violent la Charte.

À supposer qu'une fête civique sécuritaire, en l'espèce, la fête qui marque la fondation du pays, soit une préoccupation « urgente et réelle » dans une société libre et démocratique, je dois me poser la question suivante : quel rôle jouent les fouilles pour atteindre cet objectif, et quelles incidences ces fouilles ont-elles sur les droits constitutionnels?

L'inspection de tous les sacs aux arrêts d'autobus et aux points d'accès au site visait à atteindre l'objectif établi. Cependant, les inspections effectuées aux arrêts d'autobus ont fait en sorte que d'autres personnes utilisant le transport en commun et n'ayant pas participé à cette fête et n'agissant pas illégalement ont été fouillées.

D'après le plan d'opérations du SPV et le plan opérationnel de la GRC, les fouilles effectuées au cours des célébrations de la fête du Canada, à Victoria, bien qu'elles aient été conçues pour viser une fête civique, semblent beaucoup plus générales que ne le permettent les considérations liées à la Charte ou à la common law et elles n'ont pas eu une incidence minimale sur le droit constitutionnel à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

Conclusion : Le plan d'opérations du SPV et le plan opérationnel de la GRC, bien qu'ils aient été conçus pour viser une fête civique, semblent beaucoup plus généraux que ne le permettent les considérations liées à la Charte ou à la common law et ils n'ont pas eu une incidence minimale sur le droit constitutionnel à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

Conclusion

Les fêtes civiques, comme celles de la fête du Canada à Victoria, constituent des célébrations communautaires importantes qui devraient être encouragées. Malheureusement, une minorité de participants a fait que ces activités soient l'occasion de s'enivrer, ce qui a conduit à du chahut, à des bagarres et à du vandalisme. En conséquence, un certain nombre d'activités de cet ordre ont été annulées en Colombie-Britannique au cours des dernières années et ne sont plus du tout célébrées. La survie des autres activités, notamment la fête du Canada à Victoria, dépend de l'élaboration de moyens qui permettent de réduire la fréquence de l'ivresse et ses conséquences, de manière à protéger la sécurité et la jouissance de la majorité des participants.

Les feux d'artifice de la fête du Canada à Victoria attirent une foule de quelque 45 000 personnes, notamment des familles. Le fait que la grande majorité de celles-ci apprécient les feux se traduit par le nombre de participants, et leur adhésion aux mesures prises pour en faire une activité sécuritaire et agréable se traduit par leur consentement à subir les fouilles. En fait, la plainte de Mme A ne portait pas sur le fait que son sac ait été fouillé, mais sur le fait qu'il l'ait été à trois reprises.

La Liquor Control and Licensing Act habilite les policiers à arrêter les personnes en état d'ébriété dans un lieu public (paragraphe 41(2)), à fouiller les personnes qui consomment des boissons alcoolisées dans un lieu public (articles 67 et paragraphe 40(1)) et à fouiller un mineur s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est en possession de boissons alcoolisées (article 67 et paragraphe 34(3)). La stratégie élaborée à Victoria complète ces dispositions – qui, comme telles, se sont montrées inadéquates au cours des dernières années – avec la fouille des sacs suffisamment grands pour contenir des cannettes ou des bouteilles de boissons alcoolisées aux stations du réseau de transport en commun, aux postes de contrôle des autobus et aux barrages situés près de l'arrière-port, ainsi que par des patrouilles de surveillance à vélo et à pied.

En 2008, l'interdiction précoce des boissons alcoolisées a été une réussite sur le plan opérationnel. Les fouilles de sacs ont permis d'intercepter une très grande quantité de boissons alcoolisées qui, autrement, auraient été consommées au cours des festivités des feux d'artifice ce jour-là, ce qui a permis de réduire les cas d'ivresse et les comportements violents dans l'assistance. Bon nombre des fouilles ont été effectuées dans le cadre d'un processus de vérification au hasard, sans motif spécifique lié à la personne. Malheureusement, pour l'instant, ces fouilles des sacs ne sont justifiées légalement que si l'agent qui les faites a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise et que le sac en contient des preuves.

Pour permettre à la GRC de continuer à procéder ainsi, avec succès, pour prévenir la perturbation de la célébration civique causée par la consommation excessive de boissons alcoolisées par un nombre relativement petit de personnes, il est nécessaire que le gouvernement provincial, la ville de Victoria et BC Transit, ou l'un ou plusieurs d'entre eux, prévoient un fondement législatif conforme à la Charte pour l'action de la police.

Je recommande que, tant que les mesures législatives requises n'auront pas été mises en place, la participation de la GRC aux stratégies de prévention et d'interdiction précoce de boissons alcoolisées ne se qu'à la présence policière, et que des fouilles soient effectuées uniquement quand les membres de la GRC ont les motifs requis en vertu des lois applicables. En outre, je recommande encore une fois que les membres de la GRC prennent des notes et documentent leurs actions.

Recommandation : Je recommande que, tant que les mesures législatives requises n'auront pas été mises en place, la participation de la GRC aux stratégies de prévention et d'interdiction précoce de boissons alcoolisées ne se limite qu'à la présence policière, et que des fouilles soient effectuées uniquement quand les membres de la GRC ont les motifs requis en vertu des lois applicables. En outre, je recommande encore une fois que les membres de la GRC prennent des notes complètes et ponctuelles pour documenter leurs actions.

Conformément au paragraphe 45.43(3) de la Loi sur la GRC, je soumets respectueusement mon rapport sur une enquête d'intérêt public.

Le président,

Paul E. Kennedy

Annexe B : Conseil juridique – Fouilles à Victoria le jour de la fête du Canada pour trouver des boissons alcoolisées

I. Aperçu

Les spectacles de feux d'artifice qui ont lieu à Victoria, le jour de la fête du Canada, sont traditionnellement marqués par une consommation excessive d'alcool qui donne lieu à des voies de fait et à des blessures, ainsi qu'à du vandalisme et à des dommages. Pour lutter contre ce phénomène, la police a élaboré une stratégie d'interdiction précoce des boissons alcoolisées qui passe par la fouille des sacs et sacs à dos pouvant contenir des boissons alcoolisées. Malheureusement, en général, ces fouilles ne constituaient pas de véritables fouilles avec consentement et elles n'étaient pas autorisées par la Liquor Control and Licensing Act etla British Columbia Transit Act, et leurs règlements d'application, ou par les pouvoirs généraux de la police en vertu de la common law. Si ces fouilles doivent contribuer à assurer la sécurité nécessaire pour que cette fête civique continue à l'avenir, il faut qu'elles aient lieu sous couvert d'une certaine autorité législative pouvant être justifiée au regard de la Charte canadienne des droits et libertés.

II. Portée du présent conseil

Le présent conseil vise surtout l'examen des sacs que transportent les piétons et les passagers des autobus, ce qui fait l'objet de la plainte déposée par la B.C. Civil Liberties Association. Il ne tient pas compte d'autres activités qui se produisent le jour de la fête du Canada, comme les barrages routiers, ou les fouilles de voitures de tourisme ou de bâtiments à moteur.

De plus, l'activité était une fête civique au cours de laquelle la consommation excessive d'alcool posait problème. D'autres occasions spéciales, comme des manifestations, où il existe le spectre de la violence, que ce soit de la part de manifestants ou de leurs adversaires, et des défilés avec des dignitaires pouvant avoir besoin de protection, soulèvent des considérations différentes qui demandent une analyse distincte.

III. L'examen des sacs, une fouille au sens de la Charte

Le plan d'opérations a prévu quatre paliers d'examen, savoir, à des stations de transport en commun, aux postes de contrôle des arrêts d'autobus, à des barrages routiers autour de l'arrière-port, ainsi que par des patrouilles cyclistes et pédestres, afin de maximiser l'interdiction de consommer de l'alcool. À chaque palier, les personnes devaient faire l'objet d'une vérification, et leurs sacs ou sacs à dos devaient être examinés visuellement, ou manuellement, ou les deux.

L'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés accorde à chacun le « droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives ». Le droit en matière de fouilles, de perquisitions et de saisies, qui est conféré par la Charte, a été élaboré dans des affaires où la « fouille ou la perquisition » avait permis de voir des éléments de preuve incriminants. Une « fouille ou une perquisition », effectuée conformément à l'article 8 de la Charte, constitue une intrusion par la police (ou par un autre acteur de l'État) par rapport à ce qui constitue les « expectatives raisonnables en matière de vie privée » d'une personne : arrêt Hunter c. Southam, [1984] 2 R.C.S. 145, à la p. 159.

L'examen visuel ou manuel du contenu des sacs ou des sacs à dos constitue une « fouille » aux termes de la Charte. Les personnes ont des expectatives raisonnables en matière de vie privée pour ce qui est du contenu des sacs qu'elles transportent, lesquels peuvent contenir un certain nombre d'articles personnels de nature délicate. Peu importe que le policier n'ait que l'intention de saisir tout article de contrebande qu'il trouve, sans vouloir porter des accusations. L'examen constitue l'intrusion et la fouille, et les articles sont saisis, même si ce que révèle la « fouille » ne change rien à l'intention qu'avait le policier et qu'aucune accusation ne soit portée.

La Cour suprême du Canada a posé clairement qu'une fouille ne sera pas « abusive » si et seulement si a) elle est autorisée par la loi, b) la loi n'a rien d'abusif et c) la fouille n'a pas été effectuée d'une manière abusive : arrêt R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, à la p. 278. Pour qu'elle soit « autorisée par la loi », une fouille ou une perquisition doit être autorisée par une loi ou une règle de common law particulière, elle doit être effectuée conformément aux exigences procédurales et substantielles que la loi prescrit et l'étendue de la fouille ou perquisition doit être limitée au secteur et aux objets à l'égard desquels elle est autorisée par la loi : arrêt R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S 51, à la p. 60.

Par conséquent, la police doit avoir une justification légale pour fouiller les sacs afin d'y trouver des articles de contrebande, comme des armes, de la drogue, des boissons alcoolisées illégales ou de la pornographie juvénile.

Les justifications légales possibles pour les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada à Victoria sont : a) le consentement, b) la Liquor Control and Licensing Act, c) la volonté de British Columbia Transit (pour les fouilles dans les autobus) et d) les pouvoirs généraux de la police.

IV. Le Consentement

A. Le droit concernant les fouilles avec consentement

L'analyse des fouilles avec consentement repose sur l'idée qu'en donnant son consentement à une fouille, on renonce à son droit, au regard de l'article 8 de la Charte, d'être protégé contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Les tribunaux appliquent un critère rigoureux lorsqu'il s'agit de renoncer à un droit constitutionnel.

Une personne détenue (ou arrêtée) a le droit d'être informée du droit qui lui est conféré par l'article 10 de la Charte d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Une personne détenue qui n'a pas été informée de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat ne peut pas consentir validement à faire l'objet d'une fouille : arrêt R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140, aux pages 1146 et 1147.

Les tribunaux ont reconnu de façon uniforme qu'une demande formulée par la police comporte au moins un élément d'autorité et, dans certaines circonstances, également un élément de contrainte. Le fait d'acquiescer à une demande relative à une fouille ou à une perquisition présentée par la police, ou le fait d'obtempérer, ou le défaut de s'y opposer ou de la refuser, ne vaut pas un consentement à faire l'objet d'une fouille.

Il s'agit de savoir si la personne a donné son consentement volontairement, en toute connaissance de cause. Le résumé le plus détaillé des exigences relatives à une fouille avec consentement émane de M. le juge Doherty, de la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. c. Wills (1992), 70 C.C.C. (3d) 529, à la p. 546, savoir que la Couronne doit établir, suivant la prépondérance des probabilités, les éléments suivants :

[TRADUCTION]

  • (i) il y a un consentement, exprès ou tacite;
  • (ii) la personne consentante pouvait donner le consentement;
  • (iii) le consentement était volontaire au sens que la personne consentante savait ce que qu'elle faisait et connaissait l'importance de son acte et l'utilisation que la police pouvait faire du consentement, et il ne découlait pas de l'oppression ou de la contrainte policière ou d'un autre comportement extérieur qui niait la liberté de choisir de permettre ou non à la police d'adopter le comportement demandé;
  • (iv) la personne consentante connaissait la nature du comportement policier auquel il lui était demandé de consentir;
  • (v) la personne consentante connaissait son droit de refuser de permettre à la police d'adopter le comportement demandé,
  • (vi) la personne consentante connaissait les conséquences possibles de son consentement.

Le consentement à une fouille doit être donné de façon éclairée, sachant que l'on est en droit de le refuser. Bien que le policier ne soit pas expressément tenu d'informer la personne de son droit de refuser le consentement, tout défaut de le faire risque d'entraîner une conclusion d'absence de consentement. M. le juge Doherty a déclaré ce qui suit dans l'arrêt R. c. Lewis (1998), 122 C.C.C. (3d) 481 (C.A. Ont.), au paragraphe 12 : 

[TRADUCTION]

Il est bien établi qu'une personne ne peut pas donner un consentement réel à une fouille à moins qu'elle ne soit informée de son droit de refuser d'y consentir... Si la police ne dit pas à une personne qu'elle a le droit de refuser de consentir à la fouille, il existe un risque très réel pour la police que tout consentement apparent qui soit donné soit jugé comme n'étant pas un consentement du tout aux fins de l'article 8.

Si la personne dont le consentement est demandé est en état d'ébriété, ou si sa compréhension ou son jugement est affaibli, il est alors plus difficile, et non pas moins difficile, d'établir la validité d'un consentement apparent : arrêt R. c. Young (1997), 116 C.C.C. (3d) 350 (C.A. Ont.).

B. Application aux fouilles effectuées à Victoria

Toutes les personnes dont le sac a été fouillé ont été arrêtées afin de déterminer si le sac en cause contenait des boissons alcoolisées. Le fait d'arrêter quelqu'un pour fouiller son sac revient à « détenir » cette personne. La Cour suprême du Canada a conclu, dans l'arrêt R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145, qu'un détenu ne peut donner un consentement valide à la fouille qu'une fois qu'il a été informé de son droit à l'assistance d'un avocat et, si le détenu le souhaite, qu'il a exercé ce droit en parlant à un avocat. Il semble évident qu'aucune personne dont le sac a été fouillé n'a été informée de son droit à l'assistance d'un avocat. Pour ce seul motif, les fouilles des sacs ne constituaient pas des fouilles avec consentement.

De plus, le but du plan d'opérations, c'est-à-dire l'interdiction précoce des boissons alcoolisées, semble être inconciliable avec le fait de veiller à ce que le citoyen sache qu'il a le droit de ne pas être fouillé. La nécessité de contrôler la consommation excessive d'alcool et le vandalisme, ce dont les médias ont parlé abondamment, et l'utilisation des postes de contrôle, feraient conclure au citoyen ordinaire que la fouille était nécessaire – peut-être justement nécessaire, mais nécessaire quand même. L'impression qui est donnée est que toutes les personnes qui se dirigent vers le lieu doivent être fouillées et que c'est là ce qui est imposé par le plan d'opérations pour atteindre ses objectifs. Afin de réfuter cette impression et d'offrir le véritable choix de ne pas être fouillé, il faudrait dire quelque chose comme [TRADUCTION] « Les personnes qui se portent volontaires pour être fouillées seront fouillées, et les autres ne le seront pas, et tout le monde aura le droit d'avancer », ce qui irait tout à fait à l'encontre de l'efficacité des postes de contrôle.

Si l'on veut, comme le dit le plan d'opérations [TRADUCTION] « [c]onserver la faveur des gens normaux » (à la p. 10), il faut les persuader d'acquiescer aux fouilles ou aux perquisitions, ce qui semble avoir été obtenu dans la plupart des cas. Pour que le plan d'opérations aboutisse, les policiers ont dû persuader tout le monde de consentir à être fouillé et fouiller tous les gens, sauf ceux qui s'y sont vivement opposés (Voir le plan d'opérations, à la p. 12). Toutefois, il ne s'agit pas là de la bonne technique pour avoir une fouille avec consentement. On peut douter que bon nombre des personnes dont le sac a été fouillé aient cru qu'elles avaient effectivement le choix de ne pas consentir à la fouille. En tout cas, aucun consentement à une fouille n'a été donné par l'un ou l'autre des témoins, tous deux ayant été fouillés à des arrêts d'autobus et l'un d'entre eux l'ayant également été par des policiers itinérants.

En effet, il semble y avoir un conflit total entre les véritables consentements à une fouille et toutes les procédures de contrôle, au point qu'il est impossible d'invoquer le consentement comme fondement à ces fouilles ou perquisitions.

V. La Liquor control and Licensing Act

A. Les articles pertinents de la Loi et leur interprétation

La Liquor Control and Licensing Act interdit, entre autres :

  • de consommer des boissons alcoolisées dans un endroit public (art. 40)
  • d'être en état d'ébriété dans un endroit public (art. 41)
  • de conduire un véhicule automobile contenant des boissons alcoolisées à moins qu'elles ne soient dans un contenant qui n'est pas ouvert et qu'elles n'aient un sceau intact (art. 44)
  • qu'un mineur soit en possession de boissons alcoolisées ou qu'elles lui soient fournies (art. 34)

Par « boissons alcoolisées », on entend aussi la bière.

La Loi n'interdit pas de posséder des boissons alcoolisées si elles sont dans un contenant scellé dans un endroit public; en fait, elle n'interdit pas la possession de boissons alcoolisées se trouvant dans un contenant non scellé dans un endroit public qui n'est pas un véhicule automobile. L'infraction consiste dans la consommation de boissons alcoolisées dans un endroit public.

Selon le paragraphe 74(3) de la Loi, c'est à la personne qui est accusée de posséder illégitimement des boissons alcoolisées de prouver qu'elle a le droit de les avoir en sa possession. Bien que ce paragraphe n'ait pas fait l'objet d'une contestation constitutionnelle à partir de décisions sur d'autres dispositions visant l'« inversion du fardeau de la preuve », il semblerait exiger seulement que la personne accusée ait soulevé un doute raisonnable de possession à des fins illégitimes : arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; arrêt R. c. Laba, [1994] 3 R.C.S. 965.

Le pouvoir d'exécuter une perquisition sans mandat en vue de trouver des boissons alcoolisées illégales se trouve à l'article 67 de la Liquor Control and Licensing Act selon lequel :

[TRADUCTION]

(1) L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire que des boissons alcoolisées sont illégalement possédées ou conservées, où que ce soit ou sur qui que ce soit, ou qu'elles le sont à des fins illégales, peut, sous réserve du paragraphe (2), pénétrer ou perquisitionner, ou les deux, là où il soupçonne que se trouvent des boissons alcoolisées et les saisir et les enlever, s'il en trouve, ainsi que les emballages où elles sont conservées.

Le paragraphe (2) autorise un agent de la paix à fouiller toute personne et à pénétrer et à perquisitionner où que ce soit, sauf dans une résidence, à cette fin et sans mandat.

Appliquée à une fouille de la personne, cette disposition exige que l'agent de la paix ait des motifs raisonnables de croire que la personne possède ou conserve sur elle illégalement, ou à des fins illégales, des boissons alcoolisées. Par conséquent, avant de procéder à la fouille, l'agent doit subjectivement croire, et doit avoir objectivement des motifs raisonnables de croire a) que la personne a des boissons sur elle et b) que leur possession par un adulte vise des fins illégales.

Les motifs doivent être ciblés sur le sujet de la fouille ou de la perquisition. Il ne suffit pas de croire que certaines personnes, ou bon nombre d'entre elles ou toutes les personnes d'un groupe particulier, possèdent des boissons alcoolisées à des fins illégitimes; il s'agit de savoir s'il y a des motifs suffisants de croire que la personne doit être fouillée. L'arrêt rendu par madame la juge Daphne Smith de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l'affaire R. c. Campbell 2002 BCSC 553 est riche en enseignements. À la plage Crescent, endroit bien connu comme lieu de rassemblement des jeunes où se consomment de l'alcool et des drogues, un groupe de jeunes se tenaient près d'une automobile stationnée tard un soir d'été. Des patrouilleurs ont établi que l'un d'eux était mineur et qu'il avait un flasque de vodka qu'il buvait. Un jeune adulte qui se tenait à quelque 15 à 20 pieds plus loin avait refusé de laisser fouiller son sac à dos. Madame la juge Smith a statué que la fouille du sac à dos, conformément à l'article 67, n'était pas valide du fait qu'il n'existait aucun motif objectif de croire que cette personne enfreignait la Liquor Control and Licensing Act,que ce soit pour possession de boissons alcoolisées (du fait qu'il était majeur) ou pour fourniture de boissons alcoolisées à un mineur.

La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a examiné l'article 67, dans l'arrêt R. c. Ellrodt (1998), 130 C.C.C. (3d) 97. Cette affaire visait une perquisition dans un camion qui avait été arrêté pour excès de vitesse. Par terre, à l'arrière, il y avait un carton de six bières dont une bouteille était décapsulée. Décidant que ces faits ne permettaient pas d'établir des motifs raisonnables et probables de croire à la présence d'emballages ouverts de boissons alcoolisées dans le véhicule et ne justifiaient pas une fouille du véhicule en quête d'autres bouteilles ouvertes, madame la juge Ryan a déclaré ceci :

[TRADUCTION]

[24]...Le véhicule a été stoppé sur la route au cours de l'après-midi; il n'y avait pas de signes de mauvaise conduite du véhicule ou d'autres symptômes de comportements liés à l'ébriété; la bouteille ouverte était vide, à toutes fins utiles; il n'y avait pas d'odeur d'alcool dans le véhicule. Dans les circonstances de l'espèce, la présence d'une bouteille de bière, contenant le quart d'un pouce de bière, à l'arrière d'un véhicule conduit par deux jeunes hommes ne constituait pas un fondement factuel suffisant pour déduire que des emballages ouverts de boissons alcoolisées se trouvaient dans le véhicule.

Conformément à l'article 67, le pouvoir de saisir des boissons alcoolisées, une fois qu'elles ont été ouvertes, est limité d'une manière analogue au cas où l'agent de la paix a des motifs raisonnables de croire à une possession illégale ou à des fins illégales de boissons alcoolisées.

Dès lors qu'un agent de la paix saisit des boissons alcoolisées, qu'elles soient immédiatement détruites ou conservées, l'art. 72 de la Liquor Control and Licensing Act exige que le chef de police ou l'agent responsable du détachement en fasse immédiatement la déclaration au directeur général de la Liquor Control and Licensing Branch. L'article 70 autorise le propriétaire des boissons alcoolisées à les réclamer, et le directeur général peut ordonner que les boissons alcoolisées soient retournées ou exiger du corps de police qui a effectué la saisie d'indemniser le propriétaire.

B. Application aux fouilles effectuées à Victoria

Pour justifier les fouilles effectuées le jour de la fête du Canada conformément à l'art. 67 de la Liquor Control and Licensing Act, il faudrait examiner minutieusement chaque fouille ou perquisition en tenant compte de ces normes.

Le premier point à trancher porte sur les motifs objectifs qui permettent de croire que la personne était en possession de boissons alcoolisées. Le simple fait qu'une personne transporte un sac, un sac à dos ou un sac à main pouvant contenir des bouteilles ou des cannettes ne signifie pas que la personne est susceptible d'en transporter. Le fait de transporter un sac ou un sac à dos dans un autobus de transport public, ou aux environs d'une activité où de l'alcool est consommé en grandes quantités, ne constitue pas des motifs raisonnables de croire que la personne y transporte de l'alcool. L'ajout d'un troisième élément, soit le fait que de l'alcool ait déjà été consommé de toute évidence ce soir-là, pourrait suffire à convaincre un tribunal qu'il existait des motifs raisonnables de croire que le sac ou le sac à dos contenait d'autres boissons alcoolisées. Il semble probable que, dans le cas d'un grand nombre de fouilles effectuées à Victoria, il n'y ait pas eu de motifs raisonnables et probables de croire que la personne était en possession de boissons alcoolisées.

Comme la possession de boissons alcoolisées par un mineur constitue une infraction, l'art. 67 autorise la fouille du sac ou du sac à dos d'un mineur mais seulement s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est en possession de boissons alcoolisées.

Dans les cas où il existait des motifs raisonnables de croire qu'un adulte était en possession de boissons alcoolisées, existait-il aussi des motifs raisonnables de croire que la possession visait une fin illégale? La simple possession de boissons alcoolisées dans un lieu public ne constitue pas une infraction. La « fin illégale » doit être l'intention de la personne de consommer les boissons alcoolisées dans un lieu public, s'il existe des motifs suffisants de croire que la personne transporte ces boissons. Quant au contexte, cette activité, qui est réputée pour la consommation d'alcool excessive qu'y font certains participants, se déroule dans un lieu public, un jour férié où les magasins d'alcool sont fermés, mais où les magasins de bière et de vin, ainsi que les bars, sont ouverts.

Avant que le sac ne soit ouvert, il n'existe pas de motif de croire qu'une cannette ou une bouteille qui s'y trouve est ouverte, et non scellée. À cette étape, en évaluant les motifs qui permettent de croire que le contenu sera consommé dans un lieu public, l'agent doit agir en présumant que la cannette ou la bouteille est scellée.

Une fois que le sac de l'adulte a été fouillé, et que des boissons alcoolisées y ont été trouvées, pour qu'il y ait un droit de saisie conformément à l'art. 67, il faut aussi que l'agent de la paix ait des motifs raisonnables de croire qu'elles sont en la possession de la personne pour la fin illégale de consommation dans un lieu public. Logiquement, si ces motifs existaient avant que le sac soit ouvert, ils seront tout aussi solides une fois que des boissons alcoolisées auront été trouvées, voire même encore plus, s'il s'avère que leurs contenants sont ouverts. Toutefois, si les motifs n'existaient pas avant que le sac soit ouvert, la fouille n'est pas autorisée aux termes de l'art. 67, et le fait de trouver les boissons alcoolisées n'y change rien.

Rien dans le plan d'opérations ou dans le rapport d'enquête ne dit que les agents devaient tenir ou aient tenu de registre des boissons alcoolisées saisies, comme l'impose l'art. 72 de la Liquor Control and Licensing Act.En l'absence d'un tel registre, le corps de police n'est pas à même de se défendre contre toute demande d'indemnisation, y compris celles qui pourraient être produites si les saisies devaient être jugées illégales par la suite.

Dans les circonstances de la fête du Canada, il semble de plus en plus probable que des boissons alcoolisées soient transportées à des fins illégales à mesure que l'on se rapproche des lieux de l'activité et aussi s'il est évident que la personne a déjà consommé. Très peu des fouilles effectuées à Victoria étaient vraisemblablement autorisées au sens de la Liquor Control and Licensing Act, mais l'art. 67 ne justifie pas les fouilles de vérification qu'il faut faire pour que le plan d'opérations soit bien mis en œuvre.

VI. British Columbia Transit

A. La British Columbia Transit Act et son règlement d'application

Les autobus de Victoria offrent un service de transport en commun sous l'autorité de la British Columbia Transit Act, R.S.B.C. 1996, c. 38.

Le Transit Conduct and Safety Regulation, B.C. Reg. 377/85, prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

6(1) Lorsque British Columbia Transit adopte des règles ou appose des affiches sur les véhicules de transport ou d'autres biens du réseau de transport, à des fins de sécurité ou de maintien de l'ordre ou pour la commodité des personnes lorsqu'elles se trouvent à bord d'un véhicule de transport ou d'autres biens du réseau de transport, ou y montent ou en descendent, un employé du réseau de transport peut exiger, comme condition pour permettre à toute personne de monter ou de demeurer à bord du véhicule de transport ou du bien du réseau de transport, que cette personne obéisse aux affiches ou se conforme aux règles.

Le défaut pour une personne d'obéir ou de se conformer peut donner lieu à un refus de l'autoriser à monter dans un véhicule de transport, ou à un ordre d'en descendre (par. 6(2)), et la personne commet une infraction aux dispositions de l'art. 9 si elle refuse d'obtempérer.

Ce règlement permet à un employé du réseau de transport de refuser l'utilisation du véhicule à toute personne qui désobéit à une affiche ou omet de se conformer aux règles adoptées par British Columbia Transit.

B. Application aux fouilles effectuées à Victoria

Le pouvoir qu'a l'employé du réseau de transport de refuser à une personne l'utilisation d'un véhicule de transport est lié au fait que celle-ci a désobéi à une affiche ou a omis de se conformer aux règles. Le défaut d'obéissance ou de conformité doit être établi avant que l'employé puisse prendre cette mesure.

Le règlement n'autorise pas l'employé du réseau de transport à fouiller le passager ou le passager éventuel afin de déterminer si la personne désobéit ou ne se conforme pas. Il ne confère pas le pouvoir de fouiller les sacs des passagers.

De plus, les affiches qui étaient posées conformément à ce règlement rappelaient aux clients que [TRADUCTION] « la consommation de boissons alcoolisées ou les emballages ouverts de boissons alcoolisées ne sont pas tolérés dans les autobus ». Il est utile de noter que ce qui est ainsi interdit est la consommation de boissons alcoolisées ou le transport d'emballages ouverts de boissons alcoolisées à bord des autobus, et non pas le transport d'emballages fermés ou scellés de boissons alcoolisées à bord des autobus. Par conséquent, une personne qui transporte des boissons alcoolisées dans des emballages qui n'ont pas été ouverts, et qui ne les consomme pas, ne désobéit pas à la consigne affichée. Même si ce règlement autorisait une fouille, il n'autoriserait pas une fouille pour trouver toute boisson alcoolisée, mais seulement pour trouver des boissons alcoolisées dont l'emballage soit ouvert.

Le plan d'opérations ne dit pas clairement et sans ambiguïté si les emballages non ouverts de boissons alcoolisées doivent ou non être saisis aux arrêts d'autobus. À la page 14, le plan dit que [TRADUCTION] « 3. Les adultes [...] qui sont en possession de boissons alcoolisées dans des emballages non ouverts [...] seront autorisés à avancer sans que leurs boissons alcoolisées soient saisies » et aussi [TRADUCTION] « 5. En règle générale, il est interdit à toute personne qui a en sa possession des boissons alcoolisées de demeurer à bord de l'autobus, mais il est possible d'exercer un pouvoir discrétionnaire dans le cas d'aînés, etc. »

La British Columbia Transit Act et le Transit Conduct and Safety Regulation n'autorisent pas la fouille des sacs de passagers aux arrêts d'autobus, que ce soit d'entrée de jeu ou aux postes de contrôle établis, là où les conducteurs du réseau de transport s'arrêtaient parce qu'ils estimaient avoir besoin d'aide.

VII. Pouvoirs généraux de la police

A. Le critère de l'arrêt Waterfield

La déclaration charnière sur les devoirs et les pouvoirs de la police en common law se trouve dans l'arrêt de la Court of Criminal Appeal d'Angleterre, dans l'affaire R. v. Waterfield, [1964] Q.B. 164, savoir que, si la conduite de l'officier de police constitue de prime abord une atteinte illégale à la liberté personnelle ou à la propriété,

[...] il y a lieu de rechercher a) si cette conduite entre dans le cadre général d'un devoir imposé par une loi ou reconnu par la common law et b) si cette conduite, bien que dans le cadre général d'un tel devoir, a comporté un emploi injustifiable du pouvoir relié à ce devoir.

Le critère de l'arrêt Waterfield, comme on a fini par l'appeler, a été appliqué à de nombreuses reprises par la Cour suprême du Canada et d'autres tribunaux canadiens. Au par. 22 de l'arrêt R. c. Clayton, [2007] 2 R.C.S 725, la juge Abella a approuvé la déclaration lapidaire qui suit relativement à l'enquête à effectuer lorsque l'on s'appuie sur le pouvoir de la police en common law pour justifier que la conduite policière porte atteinte aux libertés individuelles :

Premièrement, la poursuite doit démontrer que le policier a agi dans l'exercice d'une fonction légitime. Deuxièmement, après avoir démontré que le policier a agi dans l'exercice de sa fonction, la poursuite doit établir que l'acte reproché équivaut à un exercice justifiable du pouvoir policier lié à cette fonction.

B. Obligations de la police selon la loi et en common law

Les pouvoirs de la police sont fondés sur ses obligations. L'analyse doit commencer par l'examen des obligations de la police qui sont imposées par la loi ou qui sont reconnues en common law. Les principales obligations sont extrêmement générales.

Selon la common law, les obligations principales des agents de police visent « le maintien de la paix, la prévention du crime et la protection de la vie des personnes et des biens » : arrêt Dedman c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 2, aux par. 11 et 32; arrêt R. c. Mann, [2004] 3 R.C.S. 59, au par. 26; arrêt Clayton, au par. 69; arrêt R. c. Kang-Brown, [2008] 1 R.C.S. 456, au par. 151.

Ces obligations ont été acceptées comme étant le fondement des pouvoirs policiers en common law en ce qui concerne les actes suivants :

  • interdire l'accès au public à une zone avoisinant un hôtel où un dignitaire étranger en visite au pays (qui avait déjà été assailli dans une autre ville canadienne peu de temps auparavant) faisait une apparition (arrêt Knowlton c. R., [1974] R.C.S. 443);
  • préserver les éléments de preuve (arrêt Waterfield);
  • organiser un barrage policier pour vérifier tous les véhicules qui sortent d'un stationnement où la présence de personnes armées a été signalée par un appel d'urgence au 911(Clayton);
  • arrêter au hasard des véhicules à moteur (arrêt Dedman);
  • entrer par la force dans une maison pour répondre à un appel d'urgence au 911 (R. c. Godoy, [1999] 1 R.C.S. 311);
  • fouiller un individu mis en état d'arrestation (arrêt Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158);
  • fouiller une personne détenue aux fins d'enquêtes (arrêts Mann; Clayton);
  • fouiller une personne personnellement visée par des soupçons raisonnables, en utilisant des moyens, comme le recours à des chiens renifleurs aptes à détecter les drogues, qui ont un caractère peut envahissant et permettent seulement de révéler la présence d'articles interdits (arrêt Kang-Brown).

Les obligations de common law qui consistent à maintenir la paix et à prévenir le crime sont préservées dans les lois provinciales et fédérales. Selon l'alinéa 18a) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada,L.R.C. 1985, ch. R-10, les fonctions des membres de la GRC qui ont qualité d'agent de la paix sont notamment

de remplir toutes les fonctions des agents de la paix en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, ainsi que l'arrestation des criminels, des contrevenants et des autres personnes pouvant être légalement mises sous garde.

De la même manière, le par. 7(2) de la Police Act, R.S.B.C. 1996, c. 367, de la Colombie-Britannique prévoit que

[TRADUCTION]

[l]a force de police provinciale doit, sous la direction du commissaire, remplir les obligations et fonctions relatives au maintien de la paix, à la prévention du crime et aux infractions à la loi, ainsi qu'à l'administration de la justice, qui lui sont attribuées, ou que le commissaire attribue généralement aux agents de la paix, conformément aux règlements ou à une loi.

Le par. 34(2) impose la même obligation à chaque service de police municipal sous la direction du chef de police.

Le par. 10(1) prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Sous réserve des restrictions précisées dans l'affectation et aux règlements, un agent provincial, un gendarme auxiliaire, un agent désigné ou un agent provincial spécial a, lorsqu'il remplit les fonctions de son affectation, compétence dans toute la Colombie-Britannique pour exercer et exécuter les pouvoirs, fonctions, privilèges et responsabilités qui relèvent du droit d'un agent de police ou d'un agent de la paix, ou que ce dernier est tenu d'exercer ou d'exécuter en droit ou conformément à une loi.

Comme nous l'avons signalé, l'obligation de la police de faire appliquer les lois offre un autre fondement à son action. Ainsi, les lois qui autorisent spécifiquement les barrages policiers et l'arrêt au hasard des véhicules à moteur pour vérifier la sécurité et le respect de la loi en matière de sobriété des conducteurs emportent l'obligation de les faire appliquer : arrêt R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1257; arrêt R. c. Orbanski,[2005] 2 R.C.S. 3.

Le principe de l'arrêt Waterfield peut seulement appuyer la conduite légale de la police. Le juge Dickson, qui est devenu plus tard juge en chef, a expliqué l'exigence relative au caractère légal dans son avis dissident, à la p. 718 de l'affaire Renvoi sur l'écoute électronique, [1984] 2 R.C.S. 697 :

De plus, le critère énoncé dans l'arrêt Waterfield n'est d'aucune utilité lorsque la police a commis une intrusion pour mettre en place un appareil d'écoute. Je ne puis accepter qu'une conduite illégale en soi, adoptée tout en sachant parfaitement qu'elle peut être illégale, puisse jamais s'inscrire dans le cadre général du devoir d'un policier. Comme le reconnaît lord Edmund-Davies dans l'arrêt Morris v. Beardmore, précité [[1980]2 All E.R. 753], à la p. 759 :

Je dois reconnaître avec égards qu'à mon avis il est inconcevable qu'on puisse dire d'un policier qu'il agit dans l'exécution de son devoir lorsqu'il commet un acte illégal, et ce, peu importe que son infraction soit criminelle ou simplement civile.

(Voir aussi l'arrêt Dedman, au par. 15, le juge en chef Dickson, dissident quant au résultat; et l'arrêt Clayton, au par. 22)

C. Évaluation du caractère justifié de l'utilisation des pouvoirs

(i) Le deuxième volet du critère de l'arrêt Waterfield

À supposer que la conduite de la police entre dans la portée générale d'une obligation, il s'agit ensuite de savoir s'il y a un recours injustifié aux pouvoirs associés à cette obligation. Les devoirs que la société impose aux agents de police excèdent les pouvoirs qu'elle leur donne pour exécuter ces mêmes devoirs; la police a des devoirs étendus mais des pouvoirs limités : arrêt Clayton, au par. 68; arrêt Dedman, au par. 12. Il faut examiner si la police a le pouvoir de faire ce qu'elle a fait et si sa conduite a outrepassé les limites appropriées de ce pouvoir.

La norme à appliquer dans le cadre du deuxième volet du critère de l'arrêt Waterfield est le critère du « raisonnablement nécessaire », énoncé par le juge Le Dain, à la p. 35 de l'arrêt Dedman :

L'atteinte à la liberté doit être nécessaire à l'accomplissement du devoir particulier de la police et elle doit être raisonnable, compte tenu de la nature de la liberté entravée et de l'importance de l'objet public poursuivi par cette atteinte.

Comme l'a déclaré le juge Iacobucci au par. 39 de l'arrêt Mann, les facteurs motivant l'évaluation comprennent :

[...] le devoir dont s'acquitte le policier, la mesure dans laquelle l'atteinte à la liberté individuelle est nécessaire à l'accomplissement de ce devoir, l'importance que présente l'accomplissement de ce devoir pour l'intérêt public, la nature de la liberté à laquelle on porte atteinte, ainsi que la nature et l'étendue de l'atteinte.

Les facteurs pertinents ont été décrits d'une manière quelque peu différente par la juge Abella, qui s'exprimait au nom de la majorité, au par. 31 de l'arrêt Clayton, en traitant du pouvoir de détenir et de procéder à une fouille sans arrestation :

L'examen tiendra compte de la nature de la situation, y compris la gravité de l'infraction, des renseignements sur le suspect ou sur le crime dont disposaient les policiers et de la mesure dans laquelle la détention était raisonnablement adaptée à ces éléments, notamment en ce qui a trait à l'emplacement et au moment. Il faut donc mettre en balance l'importance du risque pour la sécurité du public en général ou d'une personne en particulier avec le droit à la liberté des citoyens, pour déterminer si l'interception n'a porté atteinte à la liberté que dans la mesure qui était raisonnablement nécessaire.

Toutes ces formulations du critère de l'arrêt Waterfield, qui soupèsent les motifs pour porter atteinte à la liberté par rapport à la portée de l'atteinte, insistent sur la nécessité de minimiser cette atteinte.

(ii) L'importance des lois

Pour certains membres de la Cour suprême, le critère du « raisonnablement nécessaire » qui est exprimé dans l'arrêt Waterfield n'est pas facile à appliquer pour restreindre les pouvoirs de la police à l'époque de la Charte. Les juges LeBel et Fish ont ainsi fait connaître leur réserve au par. 81 de l'arrêt Orbanski :

L'adoption d'une règle restreignant des droits énoncés à la Charte sur la base de ce qui revient à un argument utilitaire fondé sur les besoins des enquêtes policières, par l'élaboration de pouvoirs policiers en common law, tend à conférer une portée potentiellement incontrôlable à la doctrine élaborée dans les arrêts Waterfield et Dedman [...].

La réticence qu'ont les tribunaux à élaborer des pouvoirs policiers en common law à l'époque de la Chartea été soulignée dans l'arrêt Kang-Brown, qui mettait en cause le recours par la police à des chiens renifleurs qui permettent de détecter des drogues. Quatre membres de la Cour suprême du Canada, soit les juges LeBel, Fish, Abella et Charron, ont soutenu, dans ce contexte, que tout élargissement des pouvoirs que la common law confère aux policiers devrait être effectué par le Parlement et être justifié sur le plan constitutionnel devant les tribunaux. M. le juge Rice, de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, a exprimé la position prédominante au par. 23 de l'arrêt R. c. Boudreau (2001), 151 C.C.C. (3d) 530 :

[TRADUCTION]

Dans notre démocratie, l'atteinte aux activités légales des citoyens doit passer par l'édiction de lois appropriées qui autorisent les pouvoirs policiers, comme dans l'arrêt R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1257, 25 C.C.C. (3d) 22. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que les pouvoirs en common law doivent être invoqués et ils doivent être fondés sur des faits clairs et convaincants.

(iii) Examen fondé sur la Charte

Dans l'arrêt Clayton, le juge Binnie s'est rallié aux juges LeBel et Fish et, s'exprimant au nom des trois juges, a déclaré (aux par. 58 et 78) que le critère du « raisonnablement nécessaire » ne trouve pas sa source dans la Charte, mais qu'il fixe une norme moins élevée qui ne saurait se substituer à l'examen plus rigoureux que commande la Charte. Formulé ainsi, l'examen fondé sur la Charte des pouvoirs en common law ne peut être contredit. La Cour suprême a clairement déclaré que la common law, tout comme les lois, doivent être conformes à la Charte, et elle a précisé la common law dans des domaines comme les fouilles à nu accessoires à une arrestation (arrêt R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679) et les perquisitions dans les bureaux d'avocats (arrêts Lavallée, Rackel & Heintz et autres c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 209), de manière à la rendre conforme à la Charte.

Le juge Binnie a proposé (aux par. 59 et 60 de l'arrêt Clayton) que l'examen fondé sur la Charte des pouvoirs policiers en common law comporte quatre questions :

[...] Premièrement, le pouvoir policier allégué existe-t-il en common law? Deuxièmement, dans l'affirmative, autorise-t-il l'atteinte aux droits garantis par la Charte, y compris l'attente raisonnable d'une personne en matière de vie privée (art. 8) ou son exercice donne-t-il lieu à une détention arbitraire (art. 9)?  Troisièmement, le cas échéant, la règle de droit (issue en l'occurrence de la common law) qui autorise l'atteinte constitue-t-elle une limite raisonnable dont la justification puisse se démontrer suivant l'article premier de la Charte?

[...]

Si l'existence du pouvoir policier est jugée constitutionnelle, une quatrième question pourrait se poser dans une affaire donnée : le pouvoir ainsi établi a-t-il été exercé raisonnablement eu égard à « l'ensemble des circonstances »?

En ce qui concerne la troisième question, l'examen fondé sur la Charte exige que toute atteinte à un droit garanti par la Charte respecte, selon les mots de l'article premier, « une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ». Le critère justifiant une loi qui autorise une atteinte à un droit garanti par la Charte est énoncé dans l'arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, aux p. 138 à 140, et modifié par les arrêts Dagenais c. C.B.C., [1994] 3 R.C.S. 835, aux p. 887 à 889, et Thomson Newspapers c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877, aux p. 967 à 970. Il peut être résumé comme suit :

  • (1) L'objectif de la règle de droit est-il suffisamment important pour justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution? Se rapporte-t-il à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique?
  • (2) Les moyens ont-ils un lien rationnel avec cet objectif? Sont-ils soigneusement conçus pour atteindre l'objectif? Sont-ils arbitraires, inéquitables, fondés sur des considérations irrationnelles?
  • (3) Les moyens sont-ils de nature à porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté, en réalisant son objectif?
  • (4) Les effets bénéfiques de la limitation du droit ou de la liberté l'emportent-ils sur les effets préjudiciables?

Une règle de droit qui porte atteinte à un droit garanti par la Charte ne peut être justifiée que si son objectif se rapporte à une préoccupation urgente et réelle, si les moyens utilisés ont un lien rationnel avec cet objectif, si son atteinte au droit garanti par la Charte est minimale et si l'ensemble de ses avantages l'emportent sur ses effets préjudiciables. En ce qui concerne les fouilles, perquisitions et saisies, cet examen est normalement fait, non pas au regard de l'article premier, mais en déterminant si les fouilles, perquisitions ou saisies sont « déraisonnables ».

D. Application du critère de l'arrêt Waterfield jusqu'à ce jour

Il est utile de comparer les cas où des tribunaux canadiens, et surtout la Cour suprême du Canada, ont conclu que l'exercice des pouvoirs policiers était justifié conformément au principe de l'arrêt Waterfield, et ceux où ils ont conclu qu'il était injustifié.

(i) Exercice des pouvoirs justifié

La première exigence pour la justification est la légalité. La common law exige que la police agisse en toute légalité quand elle s'acquitte de ses devoirs : arrêt Renvoi sur l'écoute électronique, à la p. 718; arrêt Dedman, au par. 15; arrêt Clayton, au par. 22.

L'entrée par la force dans une maison pour répondre à un appel d'urgence au 911 afin de s'assurer de la santé et de la sécurité du sujet de l'appel de détresse est justifiée en common law : arrêt Godoy, aux par. 15 à 22.

Un barrage policier bien circonscrit visant à vérifier tous les véhicules qui sortent d'un stationnement, immédiatement après la réception d'un appel d'urgence au 911 signalant que des armes à feu y étaient exhibées, est justifié en common law : arrêt Clayton.La Cour a insisté sur le fait que la police a raisonnablement cru que des armes à feu prohibées étaient présentes dans un lieu public, créant un risque réel de préjudice corporel grave pour le public, et que le délai de réaction, la délimitation géographique de l'intervention et les moyens employés étaient adaptés.

Un individu mis en état d'arrestation et son entourage immédiat peuvent être fouillés, à la recherche d'armes ou d'éléments de preuve de l'infraction pour laquelle l'individu est arrêté : arrêt Cloutier.

Le policier qui détient une personne à des fins d'enquête et qui a des motifs raisonnables de croire que sa sécurité ou celle d'autrui est menacée peut, en common law, soumettre la personne qu'il détient à une fouille par palpation préventive à la recherche d'armes : arrêt Mann, aux par. 37 à 45.

Il est justifié de restreindre l'accès du public à certaines voies publiques dans le voisinage immédiat d'un hôtel où un dignitaire étranger en visite au pays (qui avait déjà été assailli dans une autre ville canadienne peu de temps auparavant) est sur le point de se présenter, pour empêcher d'autres affronts : arrêt Knowlton.

Il a été jugé justifiable en common law d'arrêter au hasard des véhicules à moteur pour vérifier la sobriété des conducteurs, et ce, au regard de la Charte :arrêt Dedman, et les vérifications de routine effectuées au hasard sur les routes autorisées par la loi ont été confirmées au regard de la Charte : arrêt Ladouceur. Dans chaque affaire, la Cour suprême a été partagée presque également, et les juges majoritaires ont insisté sur l'importance de décourager et de détecter la conduite avec facultés affaiblies, sur la nécessité d'effectuer des arrêts au hasard afin de détecter efficacement les conducteurs aux facultés affaiblies, sur la réglementation et le contrôle de la conduite automobile pour des motifs de sécurité, sur la publicité entourant les programmes de barrages policiers et sur l'entrave brève et mineure causée aux automobilistes innocents.

Dans l'arrêt Kang-Brown, la Cour suprême a examiné le recours de la police à des chiens renifleurs qui permettent de détecter les drogues en tant qu'élément du pouvoir d'enquêter et de prévenir le crime. Cinq juges ont affirmé que la common law autorise les chiens renifleurs lorsque la police a des soupçons raisonnables précis, à cause de l'atteinte minime portée, de la recherche ciblée d'articles interdits et de la grande fiabilité dont fait montre un chien dressé et bien utilisé. Les quatre autres membres de la Cour ont estimé qu'il n'existe pas de pouvoir de cet ordre en common law et que seul le Parlement pourrait l'autoriser; par ailleurs, les motifs raisonnables constituent le critère minimal de tout pouvoir d'effectuer une fouille en common law.

(ii) Exercice des pouvoirs non justifié

Les actes illégaux ne sauraient pas faire dûment partie de l'exécution des obligations de la police et ne sont pas justifiés en common law : arrêt Renvoi sur l'écoute électronique, à la p. 718; arrêt Dedman, au par. 15;arrêt Clayton, au par. 22.

L'exercice des pouvoirs n'est justifié que si la conduite reste dans les limites appropriées du pouvoir. Ainsi, le pouvoir d'entrer dans des lieux en réponse à un appel d'urgence au 911 est limité à la protection de la vie et de la sécurité et n'autorise pas à fouiller autrement les lieux (arrêt Godoy, au par. 22); la fouille accessoire à une arrestation doit avoir pour fins la sécurité et la recherche d'éléments de preuve liés à l'arrestation, et aucune autre fin (arrêt R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51) ou portée plus générale (arrêt R. c. Belnavis (1996), 107 C.C.C. (3d) 195 (C.A. Ont.), aux p. 212 à 214); et la fouille par palpation préventive d'un détenu doit être fondée sur des motifs raisonnables de croire qu'il existe un risque pour la sécurité et ne doit pas être plus envahissante que ce qui est raisonnablement requis pour découvrir la présence d'armes (arrêt Mann, aux par. 40 et 41).

Les quatre juges minoritaires dans l'arrêt Kang-Brown ont estimé que les motifs raisonnables constituent le critère minimal justifiant tout pouvoir policier d'effectuer une fouille.

Les juges dissidents des arrêts Dedman et Ladouceur étaient d'avis que la police n'avait pas, en vertu de la common law, le pouvoir d'arrêter un véhicule et de détenir son conducteur.

Dans l'arrêt R. c. Lindsay (1999), 141 C.C.C. (3d) 526, des fouilles de sécurité pour trouver des armes ou des objets dangereux avaient été menées sur toutes les personnes (sauf le personnel du tribunal, les shérifs, les policiers, les avocats et les autres personnes possédant déjà une attestation de sécurité) qui entraient dans un palais de justice; on avait utilisé un détecteur de métal ou recouru à l'inspection visuelle du contenu des poches et à l'examen manuel ou fluoroscopique des porte-documents et autres effets personnels. Si le détecteur se mettait à sonner et qu'il était nécessaire de procéder à l'examen visuel de ce qui l'avait déclenché, une deuxième fouille avait été effectuée en privé par une personne du même sexe, en ayant au préalable obtenu l'autorisation de la personne visée par la fouille, qui pouvait autrement choisir de quitter le palais de justice, sauf s'il avait déjà été établi qu'elle transportait une arme. Malgré le [TRADUCTION] « fait notoire que la sécurité dans les établissements hébergeant des tribunaux soit un sujet de préoccupation réel et parfois urgent », la Cour d'appel du Manitoba a jugé (au par. 39) qu'en l'absence de fondement législatif, le programme de sécurité du périmètre

[TRADUCTION]

[...] ne peut demeurer en place puisque son application fait partie de la portée générale du devoir d'un shérif ou d'un agent de la paix reconnu en common law. La mise en œuvre, par le Bureau du shérif de Justice Manitoba, d'un programme assujettissant toute personne du public tenue de se présenter devant les tribunaux (par exemple, une partie ou un témoin à une procédure civile ou criminelle ou une personne ayant un autre dossier à faire entendre) ou souhaitant le faire (pour quelque motif que ce soit), à une fouille arbitraire et envahissante, dépasse de loin les pouvoirs conférés en common law aux agents de la paix, pouvoirs consistant à maintenir la paix, à prévenir le crime et à protéger la vie et les biens. Ce programme contrevient au premier volet du critère de l'arrêt Waterfield.

 E. Application aux fouilles effectuées à Victoria

(i) Le critère de l'arrêt Waterfield

Le devoir de maintenir la paix et de protéger la vie et les biens ne confère pas aux policiers tous les pouvoirs qu'ils souhaiteraient avoir pour mener à bien leur tâche. Plus particulièrement, le pouvoir qui leur est conféré en common law de fouiller des personnes et leurs effets personnels, ainsi que certains lieux, est limité. La portée des pouvoirs de fouille conférés en common law se limite à l'atteinte minimale exigée par le critère du « raisonnablement nécessaire ». Il faut pour cela évaluer l'importance et la nécessité du motif sous-jacent à l'atteinte, et établir un juste équilibre entre ce motif et la nature et la portée de l'atteinte.

La plupart des pouvoirs conférés en common law, visant à détenir une personne et à la fouiller, et ayant été jugés justifiés, font intervenir des cas d'urgence ou de violence présumée, ou les deux à la fois, et se limitent à une réponse modérée à la menace. L'interception d'automobiles au hasard se justifie par l'hécatombe sur les autoroutes et dans les rues en raison de la présence de conducteurs ayant des facultés affaiblies et de véhicules non sécuritaires.

Sans vouloir réduire l'importance de la violence qui s'est produite au cours de précédentes célébrations de la fête du Canada à Victoria, les bagarres entre gens éméchés, les blessures, le vandalisme et les dommages ne sont pas comparables au danger que représentent les fusils et autres armes dont il est question dans les arrêts Clayton et Mann.Même le danger pouvant survenir dans un palais de justice, où les préoccupations en matière de sécurité sont manifestes, ne favorisait pas le recours, dans l'arrêt Lindsay, au pouvoir conféré en common law d'effectuer des vérifications à l'image de celles faites dans les aéroports. Les problèmes recensés au cours des célébrations de la fête du Canada à Victoria sont comparativement bénins par rapport à la gravité des motifs sous-jacents à l'utilisation du pouvoir conféré en common law de détenir une personne et de la fouiller de manière aléatoire ou sans motifs personnels précis.

Le sac ou le sac à dos d'une personne a des chances de contenir des effets personnels, notamment des objets très intimes. En conséquence, tout examen visant à dévoiler le contenu d'un sac porte gravement atteinte au droit à la vie privée de la personne à qui il appartient. Bien qu'elle constitue une intrusion moins grave que la fouille d'une personne, la fouille d'un sac demeure très envahissante, tout comme le fait de dévoiler par la fouille les effets personnels contenus dans le sac.

La portée des vérifications effectuées au cours de la fête du Canada, à Victoria, dépasse ce qui aurait été permis si la personne avait été détenue aux fins d'enquête (arrêt Mann). En réalité, le barrage policier dont il est question dans l'arrêt Clayton ne visait aucune fouille du véhicule ou de ses occupants, sauf si les policiers avaient eu des motifs précis pour procéder à cette fouille. La fouille du sac et du sac à dos constitue une atteinte relativement grave au droit à la vie privée de la personne à qui il appartient.

Dans la recherche d'un équilibre entre les motifs des fouilles et leur portée, les fouilles effectuées au cours des célébrations de la fête du Canada, à Victoria, ne sont pas justifiées en vertu des pouvoirs conférés aux policiers en common law. Ces fouilles sont moins justifiées et constituent une atteinte plus grande que les fouilles qui ont été faites au palais de justice, dans l'arrêt Lindsay,ou que la fouille par palpation préventive d'un détenu (arrêt Mann).

Puisque aucun fondement législatif ne vient appuyer ce type de fouilles, elles ne sont donc pas justifiées en vertu du principe de l'arrêt Waterfield.

(ii) La Charte

Comme l'a souligné le juge Binnie dans l'arrêt Clayton,le critère du « raisonnablement nécessaire » qui a été dégagé dans l'arrêt Waterfield est une norme inférieure à celui de la Charte. Par conséquent, certaines fouilles qui sont justifiées en vertu du critère de l'arrêt Waterfield ne le sont pas au regard de la Charte.Toutefois, toute fouille qui est injustifiée en vertu du critère de l'arrêt Waterfield l'est également au regard de la Charte. Par conséquent, selon l'analyse qui précède, les fouilles effectuées au cours des célébrations de la fête du Canada, à Victoria, violent la Charte.

À supposer qu'une fête civique sécuritaire, en l'espèce, la fête qui marque la fondation du pays, soit une préoccupation « urgente et réelle » dans une société libre et démocratique, quel rôle jouent les fouilles pour atteindre cet objectif, et quelles incidences ces fouilles ont-elles sur les droits constitutionnels?

Aucune des fouilles effectuées n'était fondée sur des motifs raisonnables ou des soupçons précis, à moins que ceux-ci n'aient aussi été présents. L'inspection de tous les sacs aux arrêts d'autobus et aux points d'accès au site visait à atteindre cet objectif, mais les inspections effectuées aux arrêts d'autobus ont fait en sorte que d'autres personnes utilisant le transport en commun et n'ayant pas participé à cette fête ont été fouillées. Les fouilles effectuées par les policiers itinérants étaient arbitraires, autrement dit, les personnes qui devaient faire l'objet d'une fouille semblaient avoir été choisies au hasard.

Toutes les fouilles consistaient en une inspection visuelle ou manuelle, ou les deux, du contenu des sacs et sacs à dos sans (dans la plupart des cas) tenir compte de la possibilité que des objets interdits puissent être trouvés.

D'après le plan d'opérations, les fouilles effectuées au cours des célébrations de la fête du Canada, à Victoria, bien qu'elles aient été conçues pour viser une fête civique, semblent beaucoup plus générales que ne le permettent les considérations liées à la Charte et elles n'ont pas eu une incidence minimale sur le droit constitutionnel à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

De plus, il semble qu'une importante quantité de boissons alcoolisées non décapsulées ait été saisie. Les boissons alcoolisées non ouvertes sont des objets interdits seulement si la personne qui les a en sa possession a l'intention de les consommer dans un endroit public. Toutefois, le plan d'opérations est vague, en ce qui concerne la saisie de boissons alcoolisées non ouvertes aux arrêts d'autobus, et il demande que toutes les boissons alcoolisées trouvées dans la zone d'exclusion soient saisies, sauf si elles sont en la possession d'un adulte sobre qui traverse la zone. Cela signifie que bon nombre des saisies effectuées n'étaient pas autorisées et violaient la Charte.

Bon nombre des fouilles, perquisitions et saisies effectuées au cours des célébrations de la fête du Canada, à Victoria, allaient à l'encontre de la Charte.

VIII. Une solution imposée par la Loi?

A. La nécessité d'un fondement législatif

Selon les commentaires formulés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Orbanski et Kang-Brown,il est évident que la reconnaissance par les tribunaux des pouvoirs conférés aux policiers en common law est limitée. Le juge Rice, dans l'arrêt Boudreau, a repris cette jurisprudence en déclarant que les policiers ne devaient se prévaloir des pouvoirs qui leur sont conférés en common law [TRADUCTION] « que dans des circonstances exceptionnelles et en se fondant sur des faits clairs et probants ».

L'arrêt Waterfield a été rendu en Angleterre dans les années 1960, soit bien avant l'entrée en vigueur de la Charte canadienne. Dans cet arrêt, il était reconnu que les devoirs des policiers pouvaient être imposés par la loi ou reconnus en common law. La réticence de la part de la Cour suprême à étoffer les pouvoirs conférés aux policiers en common law à l'époque de la Chartesignifie que ces pouvoirs ne seront probablement reconnus que dans des cas d'urgence ou dans des situations confirmées et que la principale source des pouvoirs conférés aux policiers sera incluse dans une loi particulière. Ainsi, le problème en matière de sécurité au palais de justice dont il est question dans l'arrêt Lindsay semble avoir été réglé par une ordonnance du tribunal.

En ce qui concerne les fouilles pour trouver des boissons alcoolisées, à Victoria, il y a trois compétences législatives possibles pour interdire la possession d'alcool et autoriser les fouilles visant à trouver ce type d'objets dans des cas précis et limités. Premièrement, l'assemblée législative provinciale pourrait ajouter un article sur les « activités spéciales » à la Liquor Control and Licensing Act.Deuxièmement, la ville de Victoria pourrait adopter un règlement. Troisièmement, British Columbia Transit pourrait modifier ses règlements et avis. De telles mesures législatives auraient pour effet de faire de la possession de boissons alcoolisées dans des cas précis et limités une infraction et elles permettraient de définir les pouvoirs de fouille accordés aux policiers dans ces situations.

L'infraction de possession simple, au cours d'une activité, permettrait d'éliminer la question de savoir si les cannettes et les bouteilles non ouvertes sont destinées à une consommation dans un lieu public; dans le contexte des feux d'artifice, cela pourrait être le cas, mais pas nécessairement. L'infraction de possession, avec une réserve pour les cas de possession avec une excuse légitime, devrait être plus facile à faire appliquer que la possession en vue de la consommation dans un lieu public.

Une loi qui permette la fouille fondée sur des motifs moins rigoureux que des motifs raisonnables précis doit être justifiée pour être jugée valable. Elle doit être liée de manière rationnelle à un objectif réel et urgent et avoir une incidence minimale sur le droit d'être protégé contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, et l'ensemble de ses avantages doit prévaloir sur ses points négatifs.

Il est nécessaire d'accorder aux policiers un pouvoir de fouille qui soit fondé sur des motifs moins rigoureux que des motifs raisonnables précis parce qu'il est souhaitable de prévenir les agressions, les bagarres, le vandalisme, les dommages et l'ivresse, au lieu d'essayer de découvrir l'identité des participants et de les arrêter après coup. Il n'y aura presque jamais de motifs raisonnables de croire qu'un sac ou un sac à dos précis contient des boissons alcoolisées; en conséquence, pour pouvoir interdire aux participants d'apporter des boissons alcoolisées là où se déroule l'activité, boissons qu'ils consommeront par la suite de manière abusive, il faut avoir la compétence nécessaire pour procéder à la fouille du sac ou du sac à dos sur le site de l'activité, et ce, avec des motifs moins rigoureux.

L'analyse complète de cette justification signifierait une comparaison de la faisabilité, de l'efficacité et du degré d'intrusion des vérifications sans motif de sacs et de sacs à dos avec les autres solutions possibles. Cette comparaison déborderait du cadre du présent conseil juridique, qui se limite à l'examen de la question des fouilles de sacs et de sacs à dos.

B. Exemples provenant d'autres ressorts

Les recherches effectuées dans la législation d'autres ressorts pour trouver des lois qui ont traité de problèmes soulevés dans des activités comme les célébrations de la fête du Canada et, surtout, des pouvoirs de fouille précis, ont permis de recenser seulement deux régimes législatifs de ce genre. Toute personne qui songerait à rédiger une loi à ce sujet aurait intérêt à faire davantage de recherches sur le sujet.

Les deux régimes législatifs recensés sont la Criminal Law (Consolidation) (Scotland) Act 1995 (c. 39) de la Grande-Bretagne et la Police Powers and Responsibilities Act 2000 du Queensland (des extraits sont joints aux présentes). Ces deux textes permettent l'annonce publique d'une activité spéciale, la constitution de l'infraction de possession d'un objet prohibé sur le site d'une activité ou de tentative d'entrer sur le site d'une activité avec ce type d'objet, et ils autorisent la fouille des personnes présentes sur le site d'une activité ou qui y entrent lorsque les policiers ont des motifs raisonnables de croire que la conduite de ces personnes pourrait constituer une infraction.

Conformément à la Criminal Law (Consolidation) (Scotland) Act 1995, le secrétaire d'État peut désigner un terrain de sport ou une manifestation sportive, ou une catégorie qui correspond à l'un ou à l'autre (art. 18). Le fait d'être en possession d'alcool sur un terrain désigné ou de tenter d'entrer sur ce terrain en possession d'alcool dans le cadre d'une manifestation sportive désignée (par. 20(2)) ou d'être en possession d'alcool dans un véhicule de transport en commun destiné essentiellement à transporter des passagers en direction et en provenance du site de la manifestation sportive désignée (al. 19(1)a)) constitue une infraction. Constitue aussi une infraction le fait d'être en possession d'un contenant contrôlé (aux termes de la loi) sur le terrain désigné ou de tenter d'y entrer dans le cadre d'une manifestation sportive désignée (par. 20(1)), ainsi que le fait d'être en possession d'un objet ou d'une substance contrôlé (aux termes de la loi), sans autorité légitime (par. 20(3), (4) et (6)). Un agent de police a le pouvoir, sans mandat, de procéder à la fouille d'une personne lorsqu'il a des motifs raisonnables de soupçonner que celle-ci est en train de commettre ou a commis une infraction (al. 21b)). Il peut également arrêter un véhicule pour y effectuer une fouille lorsqu'il a des motifs raisonnables de soupçonner qu'une infraction visée à l'article 19 a été commise ou est en train d'être commise (al. 21c)).

Cette loi constitue l'infraction de possession d'alcool au cours d'une activité désignée ou dans un véhicule de transport en commun destiné à transporter des passagers en direction et en provenance du site où se déroule l'activité. Le pouvoir de fouiller une personne impose que l'agent de police ait des motifs raisonnables précis de soupçonner qu'une personne est en train de commettre une infraction.

La Police Powers and Responsibilities Act 2000 du Queensland permet au ministre de déclarer qu'une activité est une activité spéciale s'il est convaincu, en s'appuyant sur des critères précis, que cette déclaration est nécessaire pour maintenir l'ordre public et la sécurité des personnes participant à l'activité et des autres personnes (art. 559). L'objet de la loi est d'énoncer les dispositions nécessaires à cette fin (art. 557). Il faut prévoir, dans le règlement afférent à la déclaration, entre autres, quels sont les objets prohibés, les restrictions d'accès au site et les conditions d'entrée sur le site (art. 558). Ces restrictions doivent être publiées (art. 560 et 562). Le fait d'apporter un objet prohibé sur le site d'une activité spéciale ou d'être en possession d'un tel objet sans motif raisonnable (art. 574) constitue une infraction. L'article 561 prévoit les conditions d'entrée sur le site d'une activité spéciale prescrites par la loi. La personne qui entre sur le site :

  • a) doit, si on le lui demande, autoriser la fouille de ses effets personnels;
  • b) doit, si on le lui demande, accepter d'être fouillée par palpation;
  • c) ne doit pas apporter un objet prohibé sur le site ou être en possession d'un tel objet.

Un policier peut demander à une personne qui entre sur le site de se soumettre à un examen ou de faire examiner ses effets personnels au moyen d'un appareil de détection électronique (art. 567) et d'accepter d'être fouillée par palpation (art. 569). Un policier peut demander à une personne qui entre sur le site d'autoriser la fouille de ses effets personnels ou des objets se trouvant dans ses vêtements, d'enlever ses vêtements de dessus et d'ouvrir un objet et d'en autoriser l'inspection, s'il le juge nécessaire en disant à la personne qui entre sur le site quel est le motif de cette inspection (art. 568).

Cette loi constitue l'infraction d'apporter un objet prohibé sur le site d'une activité spéciale ou d'être en possession d'un tel objet sans motif raisonnable. Les fouilles plus envahissantes que celles menées à l'aide d'un appareil de détection électronique et que les fouilles par palpation, notamment l'inspection des objets en possession de la personne qui entre sur le site, ne peuvent être effectuées que si le policier estime, de manière raisonnable, qu'elles sont nécessaires et qu'il dise à la personne entrant sur le site quel est le motif de cette fouille. Il faut également que le policier craigne précisément que la personne soit en train de commettre une infraction.

C. Les États-Unis

Le professeur Wayne R. LaFave, universitaire de renom aux États-Unis en matière de fouilles, perquisitions et saisies prévues dans la Constitution, s'interroge, dans son grand ouvrage intitulé Search and Seizure: A Treatise on the Fourth Amendment (4e éd.), à l'alinéa 10.7a), quant à savoir si les procédures de vérification utilisées au moment d'admettre le public sur le site d'une manifestation sportive, d'un concert rock, d'un spectacle de danse, ou de toute autre activité publique semblable, doivent être considérées comme une violation du droit garanti par le quatrième amendement, savoir [TRADUCTION] « le droit des gens de jouir de la sûreté de leur personne, de leur maison, de leurs documents et de leurs effets personnels, tel qu'il les prémunit contre les perquisitions et saisies déraisonnables [...] ». Même si aucune cause portant sur ce sujet n'a été entendue par la Cour suprême des États-Unis, la plupart des décisions auxquelles l'auteur fait renvoi portent que les procédures de vérification utilisées sont contraires à la Constitution. Les trois facteurs pris en compte par les tribunaux américains au moment d'évaluer ces procédures de vérification, qui constituent un pendant au processus canadien de justification prévu par la Charte, sont intéressants pour nous.

Le premier facteur pris en compte est la nécessité publique de procéder à la vérification, laquelle comporte deux volets, savoir la gravité du danger pour le public et l'imminence de ce danger. Bien qu'il soit incontesté que la possession d'armes et de bombes est de loin plus grave que la possession d'alcool et de drogues, la probabilité que ce danger survienne dans le cadre d'une activité publique sera souvent calculée en tenant compte des antécédents en matière de blessures, de troubles, de violence ou de dommages. Un dossier historique bien étayé constitue le meilleur moyen de mettre en évidence toute menace à la sécurité publique qui impose un processus de vérification.

Le deuxième facteur pris en compte est l'efficacité probable de la vérification dans la mesure où elle favorise l'intérêt public. Toute vérification inutile ou trop poussée pour être jugée efficace ne sera pas confirmée.

Le troisième facteur pris en compte, soit la nature de l'atteinte, comporte plusieurs aspects. Premièrement, toute personne prenant part à une activité devrait faire l'objet d'une vérification, sans que les inspecteurs n'aient le pouvoir discrétionnaire de choisir qui fera l'objet d'une fouille ou dans quelle mesure cette fouille sera effectuée. L'universalité élimine toute suggestion de discrimination entre les personnes qui entrent sur le site et la stigmatisation qui pourrait autrement être ressentie par les personnes sélectionnées pour la fouille. Deuxièmement, la publicité préalable, les avis clairs et les avertissements précis offrent à tous la possibilité de se préparer à la fouille et permettent à ceux qui sont réticents à se soumettre à une fouille de l'éviter. Troisièmement, la capacité d'une personne réticente de décider de partir sans être fouillée (même si elle peut tenter d'entrer par un autre accès par la suite) montre que la véritable fin de la vérification est la sécurité du public et non pas l'enquête criminelle.

L'arrêt Jensen c. Pontiac, 113 Mich. App. 341, 317 N.W.2d 619 (1982) est une des rares affaires citées par le professeur LaFave, où une fouille de vérification non fondée ait été confirmée. Après des incidents antérieurs dans lesquels des spectateurs avaient été mis en danger par le lancement d'objets, les usagers qui cherchaient à entrer dans un stade de football professionnel et qui portaient des sacs assez grands pour contenir des cannettes ou des bouteilles avaient été tenus de permettre l'inspection visuelle de ces sacs. Des avis ont été affichés pour en informer les usagers et leur proposer des solutions de rechange. Toute personne pénétrant dans le stade était fouillée. À l'entrée, des gardiens de sécurité en uniforme demandaient la permission d'inspecter les sacs visuellement et expliquaient les options offertes aux usagers. Les gardiens n'ordonnaient pas aux usagers de se soumettre à la fouille. En aucun temps, ils ne touchaient aux usagers ou à leurs biens; certains usagers ont été priés de déplacer des objets à l'intérieur du sac pour faciliter l'inspection visuelle. L'usager pouvait se débarrasser de tout contenant en le déposant dans un bac à ordures ou en le consignant à l'extérieur du stade avant d'y entrer. Si un usager refusait de se soumettre à une fouille ou de se débarrasser du contenant, l'entrée lui était refusée, et le prix de son billet lui était remboursé. La Cour d'appel du Michigan s'est dite convaincue que la mesure visait principalement la sécurité du public et non pas à faire appliquer les lois sur les boissons alcoolisées et les drogues et que le régime était raisonnable et n'enfreignait pas le quatrième amendement.

D. Le périmètre du site de l'activité

Le point crucial en ce qui concerne l'inspection des participants à la fête est l'entrée qui mène au site de l'activité. Les activités spéciales se tiennent souvent dans des stades encloisonnés où n'entrent que les personnes qui assistent à l'activité, et celles-ci doivent faire la file pour franchir une barrière. Le site des feux d'artifice, le jour de la fête du Canada à Victoria, est physiquement complexe. Il s'agit du secteur riverain autour de l'arrière-port, qui est accessible par un certain nombre de rues par voie terrestre et qui comporte des hôtels. Le fait que l'accès soit possible par des rues signifie que les « barrières » doivent être des barrages érigés à des intersections choisies qui sont désignées pour intercepter la plupart des personnes qui assistent aux feux d'artifice, sinon toutes.

Le site de Victoria est également complexe sur le plan opérationnel en raison de la présence d'hôtels, ce qui signifie que des personnes qui sont hébergées dans le secteur doivent passer par les barrages; elles peuvent avoir l'intention de consommer des boissons alcoolisées dont les emballages ne sont pas ouverts dans leur « foyer temporaire », et non pas dans un lieu public, et il serait peu souhaitable, du point de vue touristique, de les empêcher ou de les décourager de boire de l'alcool dans leurs chambres d'hôtel pendant les feux d'artifice, si elles souhaitent le faire.

Le fait de fouiller toutes les personnes qui entrent permet d'éviter les allégations de caractère arbitraire ou de discrimination pouvant découler du fait que des agents choisissent au hasard les personnes qui doivent être fouillées parmi la foule.

Le périmètre de la zone d'exclusion, et l'intérieur de celle-ci, sont les emplacements où les fouilles pour des motifs moins rigoureux que des motifs raisonnables ont le plus de chances d'être confirmées, du fait que la grande majorité des personnes qui y sont présentes assistent à l'activité et que les non-participants qui seront soumis à la fouille ne représentent qu'un plus petit nombre.

E. Arrêts d'autobus

Il est peu probable que les lois autorisant généralement les fouilles manuelles ou visuelles du contenu des sacs et sacs à dos à des emplacements périphériques, sans motifs, soient justifiées au regard de la Charte. L'atteinte à la vie privée du porteur est grave et, à mesure que s'accroît la distance avec le site de l'activité, de plus en plus de gens qui ne s'y rendent pas seraient visés par des fouilles. De plus, le fait que des magasins de bière et de vin sont ouverts au centre-ville de Victoria signifie que la personne qui se rend à l'activité peut remplacer les boissons alcoolisées saisies en périphérie avant d'atteindre le site de l'activité et ainsi contourner l'objet de la saisie. Il sera difficile de justifier le régime de fouille « multidimensionnel » et multiniveau, qui vise à empêcher que des boissons alcoolisées atteignent le site de l'activité.

Les fouilles dans le réseau de transport devraient être axées sur la protection des biens du réseau de transport. British Columbia Transit pourrait adopter des règles et mettre des affiches pour interdire la possession de boissons alcoolisées à bord des autobus, sur des trajets précis, au moment de l'activité spéciale, en se fondant sur des cas antérieurs de vandalisme, de vomissements et de dommages causés à ses autobus au cours des activités précédentes. Ces règles et affiches pourraient aussi autoriser les fouilles de passagers et de leurs effets sur place même, en spécifiant leur fondement. S'il existe des précédents de dommages disproportionnés aux véhicules pendant ces activités, tandis que la majorité écrasante des passagers assistaient à l'activité, surtout si les chauffeurs d'autobus avaient observé ou craint la consommation de boissons alcoolisées ou du « désordre » à bord des véhicules, cela pourrait fournir un motif suffisant pour atténuer la norme des « motifs raisonnables ».

L'approche adoptée depuis 2005 fait effectivement de la soumission à une fouille des sacs une condition pour voyager sur certaines lignes d'autobus. Si British Columbia Transit souhaite continuer avec cette méthode, comme complément au refus par ses chauffeurs de laisser monter des passagers qu'ils identifient comme étant en état d'ébriété, elle pourrait adopter une règle autorisant la fouille de passagers et de leurs effets, surtout des passagers qui semblent avoir bu de l'alcool, et afficher cette information pour les passagers. Les passagers qui ne semblent pas avoir bu de l'alcool seraient moins susceptibles de causer des dommages au véhicule.

F. Patrouilles de surveillance

Les lois qui interdisent la possession de boissons alcoolisées sans excuse légitime, à l'intérieur du site de l'activité défini, et qui habilitent à effectuer une fouille à cet égard à cet endroit, pour des motifs moins rigoureux que des motifs raisonnables, pourraient être justifiées au regard de la Charte,comme nous en avons déjà traité sous le titre « Le périmètre du site de l'activité », bien qu'à l'intérieur du site, une même personne puisse être successivement fouillée par des agents différents, alors que la fouille à l'entrée n'a lieu qu'une seule fois.

Il est toutefois peu probable que des lois autorisant la fouille des sacs par des patrouilles de surveillance, à l'extérieur du site de l'activité, pour des motifs moins rigoureux que des motifs raisonnables, soient, de l'avis des tribunaux, justifiables au regard de la Charte. Plus l'on s'éloigne du site, plus il est probable que la personne visée ne s'y rende pas, pas plus qu'elle n'en vienne. Même près du site, la présence de magasins de bière et de vin fait en sorte qu'une personne dont les boissons alcoolisées ont été saisies peut les remplacer en se rendant vers l'activité. La saisie ajoute un coût, qui peut décourager ou non la personne, mais sans l'empêcher de tenter d'entrer dans le secteur des feux d'artifice en y emportant des boissons alcoolisées.

IX. Conclusion

Les fêtes civiques, comme les feux d'artifice de la fête du Canada, constituent des célébrations communautaires importantes qui devraient être encouragées. Malheureusement, une minorité de participants a fait que ces activités soient l'occasion de s'enivrer, ce qui a conduit à du chahut, à des bagarres et à du vandalisme. En conséquence, un certain nombre d'activités de cet ordre ont été annulées en Colombie-Britannique au cours des dernières années et ne sont plus du tout célébrées. La survie des autres activités, notamment la fête du Canada à Victoria, dépend de l'élaboration de moyens qui permettent de réduire la fréquence de l'ivresse et ses conséquences, de manière à protéger la sécurité et la jouissance de la majorité des participants.

Les feux d'artifice de la fête du Canada à Victoria attirent une foule de quelque 45 000 personnes, notamment des familles. Le fait que la grande majorité de celles-ci apprécient les feux se traduit par le nombre de participants, et leur adhésion aux mesures prises pour en faire une activité sécuritaire et agréable se traduit par leur consentement à subir les fouilles. En fait, la plainte de l'un des témoins ne portait pas sur le fait que son sac ait été fouillé, mais sur le fait qu'il l'ait été à trois reprises.

La Liquor Control and Licensing Act habilite les policiers à arrêter les personnes en état d'ébriété dans un lieu public (par. 41(2)), à fouiller les personnes qui consomment des boissons alcoolisées dans un lieu public (art. 67 et par. 40(1)) et à fouiller un mineur s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est en possession de boissons alcoolisées (art. 67 et par. 34(3)). La stratégie élaborée à Victoria complète ces dispositions – qui, comme telles, se sont montrées inadéquates au cours des dernières années – avec la fouille des sacs suffisamment grands pour contenir des cannettes ou des bouteilles de boissons alcoolisées aux stations du réseau de transport en commun, aux postes de contrôle des autobus et aux barrages situés près de l'arrière-port, ainsi que par des patrouilles de surveillance à vélo et à pied.

En 2008, l'interdiction précoce des boissons alcoolisées a été une réussite sur le plan opérationnel. Les fouilles de sacs ont permis d'intercepter une très grande quantité de boissons alcoolisées qui, autrement, auraient été consommées au cours des festivités des feux d'artifice ce jour-là, ce qui a permis de réduire les cas d'ivresse et les comportements violents dans l'assistance. Bon nombre des fouilles ont été effectuées dans le cadre d'un processus de vérification au hasard, sans motif spécifique lié à la personne. Malheureusement, pour l'instant, ces fouilles des sacs ne sont justifiées légalement que si l'agent qui les fait a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise et que le sac en contient des preuves.

Pour permettre à la police de continuer à procéder ainsi, avec succès, pour prévenir la perturbation de la célébration civique causée par la consommation excessive de boissons alcoolisées par un nombre relativement petit de personnes, il est nécessaire que le gouvernement provincial, la ville de Victoria et British Columbia Transit, ou l'un ou plusieurs d'entre eux, prévoient un fondement législatif conforme à la Charte pour l'action de la police.

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