Rapport produit à la suite d'une enquête d'intérêt public sur la conduite de membres de la GRC en Nouvelle-Écosse en lien avec l'affaire concernant Nicole (Ryan) Doucet

Format PDF [420Ko]

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
Paragraphe 45.43(1)

Plaignant
L'honorable Ross Landry
Procureur général et ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse

no de dossier : PC- 2013-0388

Aperçu

Madame Nicole Doucet était mariée à M. Michael Ryan. Ils se sont séparés en 2007. En mars 2008, Mme Doucet a été accusée d'avoir conseillé la perpétration d'une infraction qui n'a pas été commise, soit pour avoir tenté d'embaucher une personne pour tuer M. Ryan. La personne qu'elle avait tenté d'embaucher était un agent d'infiltration de la GRC.

Lors du procès, Mme Doucet a invoqué la défense de contrainte, affirmant qu'elle avait enduré des années de violence de la part de M. Ryan. Le Tribunal de la Nouvelle-Écosse a accepté ces arguments de défense. Le juge Farrar a indiqué qu'il acceptait l'affirmation selon laquelle Mme Doucet avait été maltraitée et qu'il en concluait que la défense de contrainte s'appliquait dans ces circonstances. On a interjeté appel de cette décision devant la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse. La Couronne a interjeté appel devant la Cour suprême du Canada de la décision prise par la Cour d'appel de confirmer la décision du tribunal.

Le 18 janvier 2013, la Cour suprême du Canada a établi que la défense de contrainte ne s'appliquait pas à la situation de Mme Doucet. La majorité des juges a conclu qu'en raison du besoin de précisions sur les paramètres de la défense de contrainte, ainsi que des conséquences des procédures juridiques sur Mme Doucet, l'arrêt des procédures était justifié. Dans son jugement, la Cour suprême a indiqué ce qui suit :

Il est aussi troublant de constater, à la lumière du dossier, que les autorités compétentes ont semblé démontrer un plus grand empressement à intervenir pour protéger M. Ryan qu'à réagir à la demande de [Mme Doucet] lorsqu'elle sollicitait leur aide pour mettre un terme au règne de terreur que lui imposait son époux.

Après la publication de cette décision, la Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) a reçu une lettre au sujet de l'incident de la part de l'honorable Ross Landry, procureur général et ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse. Compte tenu des préoccupations du public au sujet du traitement par la GRC de l'affaire concernant Mme Doucet, la Commission était d'avis qu'il existe des motifs raisonnables d'enquêter sur les circonstances entourant cette affaire.

Enquête d'intérêt public

La Commission a reçu la lettre du ministre Landry le 5 février 2013. Dans sa lettre, il affirme que selon ce qu'il a entendu de la part des Néo-Écossais et des groupes de la société civile, « [Traduction] un examen indépendant qui apaiserait les préoccupations et les doutes concernant les actes de la GRC serait profitable à la fois à l'organisation et au grand public. »

Le 11 février 2013, la Commission a avisé le ministre de la Sécurité publique et le commissaire de la GRC qu'elle effectuerait une enquête d'intérêt public à ce sujet, conformément au paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (ci-après « la Loi sur la GRC »).

Dans le présent rapport, on examine les actes et la conduite des membres de la GRC en ce qui a trait à leurs interventions auprès de Mme Doucet et de M. Ryan avant mars 2008.

Examen des faits liés aux événements par la Commission

Il est important de noter que la Commission des plaintes du public contre la GRC est un organisme du gouvernement fédéral distinct et indépendant de la GRC. Lorsqu'elle examine une plainte, la Commission ne prend la défense ni du plaignant ni des membres de la GRC. Il incombe au président intérimaire de la Commission de formuler des conclusions après un examen objectif des renseignements disponibles et, s'il y a lieu, de recommander à la GRC des façons de corriger ou d'améliorer la conduite de ses membres. En outre, un des principaux objectifs de la Commission est d'assurer l'impartialité et l'intégrité des enquêtes portant sur des membres de la GRC.

Mes conclusions, exposées en détail ci-dessous, sont fondées sur un examen attentif des documents suivants : le rapport d'enquête préparé en avril 2011 par le sergent Jeff Holmes, commandant du détachement de la GRC de Meteghan et les documents à l'appui; le rapport d'enquête préparé par la caporale Tracy Phillips du quartier général de la Division « H », y compris les témoignages, les notes, les courriels et les rapports; les documents pertinents divulgués par la Division « H », y compris les notes de service, les courriels et les notes des membres de la GRC, les dossiers opérationnels de la GRC, les documents du tribunal; les évaluations psychologiques; les enregistrements audio; les dossiers d'emploi; les témoignages des membres; les lois pertinentes et les politiques applicables de la GRC.

L'enquête menée par l'enquêteuse de la Commission comprend les entrevues avec M. Ryan, Mme Doucet, le caporal Christian Thibaudeau, le gendarme Alexandre Garault et le gendarme Jonathan Racicot. La Commission souligne que la Division « H » de la GRC a offert toute sa coopération à la Commission tout au long du processus d'enquête d'intérêt public. En outre, la GRC a fourni à la Commission l'accès à tous les documents contenus dans le dossier d'enquête initial et à tous les documents cernés dans le cadre de l'enquête d'intérêt public.Note de bas de page 1

Un résumé de mes conclusions se trouve à l'annexe A.

Contexte

Le 5 février 2013, la Commission a reçu une lettre de l'honorable Ross Landry, procureur général et ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse, en lien avec une décision de la Cour suprême rendue le 18 janvier 2013 ordonnant l'arrêt des procédures dans l'affaire R. c. Nicole (Ryan) DoucetNote de bas de page 2 dans le cadre de laquelle Mme Doucet était accusée, en vertu de l'alinéa 464a) du Code criminel du Canada, d'avoir conseillé la perpétration d'une infraction qui n'a pas été commise, et ce, pour avoir tenté d'embaucher une personne pour tuer son mari, M. Michael Ryan. La personne embauchée par Mme Doucet était un agent d'infiltration de la GRC.

Après la publication de la décision de la Cour suprême du Canada, une quantité importante de critiques ont ciblé la Division « H » de la GRC, accusant les membres d'avoir omis de protéger Mme Doucet contre M. Ryan. Tout au long de son procès, Mme Doucet a affirmé qu'elle avait communiqué avec la GRC à au moins neuf occasions distinctes pour tenter d'obtenir de l'aide en lien avec son conjoint, M. Ryan, qui selon elle, était violent. Mme Doucet allègue que les membres de la GRC ont refusé de l'aider et se sont entêtés à lui dire qu'ils n'interviendraient pas dans des affaires qu'ils qualifiaient de nature civile

À la lumière des préoccupations qu'ont entraînées les commentaires de la Cour suprême, la GRC a mené un examen interne des dossiers concernant Mme Doucet et M. Ryan. Selon cet examen, Mme Doucet, M. Ryan ou tous les deux ont eu des contacts avec la GRC à plus de 25 occasions. Ce rapport a été fourni au ministre Landry, qui a demandé à la Commission de réaliser un examen indépendant, en raison des préoccupations des Néo-Écossais.

Contexte familial

M. Ryan et Mme Doucet se sont rencontrés en Ontario en 1990. Mme Doucet était étudiante dans un cours que donnait M. Ryan. Le couple a entretenu une relation à distance avant de se marier en 1992. À ce moment, Mme Doucet vivait toujours en Nouvelle-Écosse, où elle étudiait à l'université, alors que M. Ryan était membre des Forces canadiennes en déploiement dans différentes villes de l'Ontario, de l'Alberta et du Nouveau-Brunswick, puis en Bosnie en 1999. Après son retour de Bosnie, M. Ryan a été posté en Nouvelle-Écosse jusqu'à sa libération du service en janvier 2004. M. Ryan et Mme Doucet ont eu un enfant en 2000.

Au cours de leur mariage, Mme Doucet et M. Ryan ont rarement vécu ensemble, mais se sont souvent rendu visite. En 1997, Mme Doucet souhaitait acheter une maison à Little Brook, en Nouvelle-Écosse. M. Ryan n'était pas d'accord avec cet achat parce que, à son avis, la maison nécessitait trop de réparations. Tout de même, sans en informer M. Ryan, Mme Doucet a acheté la maison avec son père. Cette habitation est par la suite devenue la résidence familiale (ci-après la « résidence familiale ») depuis laquelle les parties exploitaient une petite ferme. Les disputes entre Mme Doucet et sa famille au sujet de la propriété de la maison et des éléments entourant l'achat étaient fréquentes. Après sa libération du service des forces armées, M. Ryan a vécu dans la résidence familiale avec Mme Doucet et leur enfant. D'autres habitations ont été achetées en 2003 et en 2007 en tant qu'immeubles à revenu.

Principalement en raison de conflits continus au sujet de la résidence familiale, les relations entre la famille de Mme Doucet et le couple Ryan étaient tenduesNote de bas de page 3 En décembre 2006, Mme Doucet et M. Ryan ont appris que les titres de propriété de la maison qui avaient été au nom du père de Mme Doucet (soit la moitié de la résidence) avaient été transférés à deux des sœurs de Mme Doucet. Peu après, Mme Doucet a transféré sa part de la propriété à M. Ryan.

Selon M. Ryan, les parties se sont séparées à l'amiable en décembre 2006. M. Ryan affirme que les tensions avec la famille de Mme Doucet ont entraîné cette séparation. Selon M. Ryan, il y avait de graves conflits entre les membres de la famille, et la plupart de ces conflits concernaient la résidence familiale. Au début de 2006, Mme Doucet a été accusée (mais non inculpée) d'avoir tenté de renverser sa sœur avec sa voiture. Par la suite, Mme Doucet a affirmé avoir été menacée par son père. On a communiqué avec la GRC en ce qui a trait à la situation. En 2007, la mère de Mme Doucet a entamé des procédures civiles contre Mme Doucet et M. Ryan, alléguant que des fonds avaient été retirés d'un compte bancaire conjoint entre Mme Doucet et sa mère.

Selon Mme Doucet, les parties ne se sont séparées qu'en septembre 2007. Par contre, M. Ryan affirme qu'ils s'étaient séparés en décembre 2006, mais qu'ils n'avaient commencé à discuter des procédures de divorce qu'en octobre 2007. M. Ryan affirme qu'il a déclaré à Mme Doucet qu'il voulait entreprendre les procédures judiciaires aux environs d'octobre 2007, alors que Mme Doucet affirme qu'elle a dit à M. Ryan qu'elle voulait divorcer au cours de l'été 2007.

Après la séparation, Mme Doucet a conservé la garde complète de leur enfant, alors que M. Ryan a déménagé dans l'un des immeubles à revenu à Kentville, en Nouvelle-Écosse. Au début de l'été 2007, M. Ryan a entamé une relation avec sa conjointe actuelle. Mme Doucet et lui ont commencé à vendre leur équipement agricole.

M. Ryan affirme qu'au cours de cette période, Mme Doucet est devenue de plus en plus agitée, ce qu'il a attribué au stress lié aux conflits familiaux. Selon M. Ryan, au cours de la première semaine de septembre 2006, Mme Doucet a appris que sa mère avait dit à la GRC que Mme Doucet souffrait de problèmes de santé mentale. Cela a beaucoup troublé Mme Doucet. Selon M. Ryan, Mme Doucet a commencé à boire de grandes quantités de boissons gazeuses et s'est mise à fumer continuellement. M. Ryan affirme que, en octobre 2007, Mme Doucet prenait de doubles doses d'antidépresseurs, et qu'elle lui a demandé de prendre la garde de leur enfant, ce que M. Ryan a fait. L'enfant est demeuré avec M. Ryan pendant une semaine seulement, car Mme Doucet a demandé à ce qu'elle retourne chez elle. M. Ryan a accepté pour éviter un litige.

M. Ryan nie que leur relation était violente. Mme Doucet, par contre, a affirmé que la violence a commencé quand M. Ryan vivait à Edmonton, en Alberta, au début des années 90. Mme Doucet a affirmé qu'elle n'a pas alerté la police lors des incidents de violence familiale précédant le mois de novembre  2007.

Arrestation de mars 2008

Le 28 mars 2008, M. Ryan a reçu un appel téléphonique du caporal Thibaudeau du détachement de la GRC de Meteghan, l'informant que Mme Doucet avait été arrêtée le soir précédent après une enquête de la GRC qui a révélé que Mme Doucet tentait d'embaucher quelqu'un pour assassiner M. Ryan. L'enquête a révélé que Mme Doucet n'en était pas à sa première tentative d'embaucher une personne pour tuer M. Ryan.

M. Ryan est persuadé que Mme Doucet a embauché quelqu'un pour le tuer parce qu'il était en partie propriétaire de la résidence de Little Brook. Mme Doucet a affirmé au cours de son procès qu'elle était sous la contrainte en raison d'années de violence, et que cela l'avait forcée à agir comme elle l'avait fait.

Le processus judiciaire

Mme Doucet a été arrêtée le 27 mars 2008. Le jugement a été rendu le 25 mars 2010. Mme Doucet a eu recours à la défense juridique de la contrainte, affirmant qu'elle n'avait pas eu le choix d'agir comme elle l'avait fait parce que M. Ryan avait été violent avec elle pendant des années. Au tribunal, Mme Doucet a affirmé qu'au cours des années, M. Ryan l'avait poussée, l'avait étranglée, l'avait insultée, avait menacé de la tuer et de tuer leur enfant, l'avait agressée sexuellement, avait pointé un fusil à sa tempe et avait tué des animaux domestiques. Mme Doucet a également affirmé que M. Ryan était contrôlant et manipulateur. Le juge Farrar de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a accepté la prémisse selon laquelle Mme Doucet avait été victime de violence, et en a conclu que la défense de la contrainte s'appliquait aux circonstances. Cependant, ni M. Ryan, ni tout autre agent de la GRC n'ont été appelés à témoigner.

La Couronne en a appelé de la décision. La Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a rejeté l'appel, et la Couronne en a appelé devant la Cour suprême du Canada.

Le 18 janvier 2013, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement selon lequel la défense de la contrainte ne s'appliquait pas à Mme Doucet, dans ces circonstances. Toutefois, la majorité des juges a conclu que, en raison du besoin de précisions sur la défense de contrainte, ainsi que des conséquences des procédures juridiques sur Mme Doucet, l'arrêt des procédures était justifié. De plus, selon le jugement :

Il est aussi troublant de constater, à la lumière du dossier, que les autorités compétentes ont semblé démontrer un plus grand empressement à intervenir pour protéger M. Ryan qu'à réagir à la demande de [Mme Doucet] lorsqu'elle sollicitait leur aide pour mettre un terme au règne de terreur que lui imposait son époux.

Enquêtes internes de la GRC

En avril 2011, le sergent Holmes, commandant du détachement de la GRC de Meteghan, a mené une enquête interne sur les interactions entre la GRC et Mme Doucet. Au cours de l'enquête, le sergent Holmes a discuté avec les membres du détachement de Meteghan au cours de la période visée, soit avec la gendarme Michel-Poitras, le gendarme Garault, le gendarme Paskal, le gendarme Racicot, le gendarme Pascal Boudreau, le sergent Lacroix et l'adjointe du détachement. Aucun membre ne se souvenait de situations, à l'exception des occasions indiquées ci-dessus, où Mme Doucet avait tenté de transmettre des renseignements à la GRC au sujet de sa relation avec M. Ryan.

Une autre enquête a été menée au début de 2013 à la demande du ministre provincial de la Justice, après que la Cour suprême a rendu son jugement. Cette enquête a permis d'établir que la GRC n'avait pas reçu de renseignements selon lesquels Mme Doucet était victime de violence familiale dans la mesure décrite au cours du procès.

Analyse

ALLÉGATION : La GRC n'a pas respecté ses obligations et a omis de répondre aux plaintes de Mme Doucet au sujet de son conjoint, M. Michael Ryan, avant le 13 mars 2008.

Introduction

Un certain nombre de membres de la GRC ont enquêté sur des plaintes liées à Mme Doucet ou à M. Ryan au fil des ans, ou ont joué un rôle dans leurs dossiers. La Commission a relevé que les membres suivants ont participé aux situations pertinentes :

  • le sergent d'état-major Michael Lacroix, alors sergent et responsable du détachement de Meteghan;
  • le caporal Christian Thibaudeau (maintenant à la retraite) du détachement de Meteghan;
  • le gendarme Jonathan Racicot, alors au détachement de Meteghan;
  • le gendarme Alexandre Garault, alors au détachement de Meteghan;
  • la gendarme Anne-Marie Michel-Poitras, alors au détachement de Meteghan;
  • le gendarme Victor Paskal, alors au détachement de Meteghan;
  • le caporal Dan Dionne du détachement de New Minas.

La Commission a examiné la conduite de chacun de ces membres, et a interrogé les membres lorsque des renseignements additionnels étaient requis. Tous les membres, sauf un, ont fourni un témoignage semblable à ce qui se trouve dans les dossiers opérationnels de la GRC, au cours des entrevues menées lors de l'enquête de la Commission, et lors des enquêtes internes effectuées par la GRC.

La Commission note qu'un membre, le gendarme Garault, a soulevé des préoccupations en ce qui a trait à l'impartialité du caporal Thibaudeau en lien avec Mme Doucet. Le gendarme Garault a affirmé à la caporale Phillips qu'il était d'avis que le caporal Thibaudeau aurait pu être partial en ce qui a trait à M. Ryan, compte tenu de son expérience personnelle relative aux problèmes liés à la garde d'enfants. Le caporal Thibaudeau a catégoriquement nié cette allégation. Le gendarme Garault a aussi affirmé à l'enquêteuse qu'il avait des problèmes de relations de travail avec le caporal Thibaudeau lorsqu'ils travaillaient ensemble.

La Commission prend très au sérieux les plaintes relatives aux conflits d'intérêts et à la partialité, et elle aborde cette question dès le début, étant donné que le caporal Thibaudeau a participé activement au dossier et qu'il a fourni à la Commission des renseignements importants à ce sujet. Par conséquent, elle a examiné soigneusement les échanges que le caporal Thibaudeau aurait pu avoir avec M. Ryan et a évalué la relation entre les parties. Selon M. Ryan et le caporal Thibaudeau, ils se sont d'abord rencontrés en raison de voies de fait sur M. Ryan en décembre 2007.

Le caporal Thibaudeau n'a pas dissimulé ses sentiments dans les cas où il est question de la garde des enfants. Le caporal Thibaudeau a affirmé :

[Traduction]
Parce que, vous savez. Une chose, mon point faible, vraiment, c'est pourquoi on refuse à un enfant de rendre visite à ses parents seulement parce que ses parents ne s'entendent pas. Et j'y ai toujours cru. Et il y a probablement une situation, bien, une situation, là, où les choses s'annonçaient pour devenir très difficiles, une très mauvaise situation. Comme après que Michael Ryan se soit fait battre. Bon. Nous avions des informations de certaines sources selon lesquelles la nuit du 17 décembre, trois personnes avaient l'intention d'aller tuer Michael Ryan avec une barre de fer. Bon. Nous avions des renseignements confidentiels que c'était bien leur intention. Ils allaient vraiment là pour le tuer. D'accord. Et il y avait une tierce partie là. D'accord? Alors, après ça, qu'est-ce qu'un policier peut faire? Il faut laisser l'enfant entre les mains d'une mère qui est, qui a de graves problèmes mentaux parce que, à ce moment-là, elle ne sait plus à quel saint se vouer, elle ne peut pas tenir une conversation intelligente pendant plus de 45 secondes parce qu'elle s'énerve et ne tient pas en place, d'accord, et elle a de graves problèmes émotifs qui l'empêchent d'avoir une simple conversation normale avec une autre personne.

Le caporal Thibaudeau a affirmé qu'il n'est pas inhabituel qu'il communique avec un procureur pour tenter de faire modifier des conditions afin de permettre à un parent de voir son enfant. C'est pour cette raison que le caporal Thibaudeau a communiqué avec le procureur responsable de ce dossier pour demander si l'on pouvait modifier les conditions d'accès entre M. Ryan et son enfant. Je suis d'avis que cette démarche n'est ni déraisonnable, ni inhabituelle. Il n'est pas anormal que des membres de la GRC entretiennent des relations professionnelles étroites avec les procureurs et que des policiers leur fassent des recommandations. En soi, cela n'est ni inadéquat, ni déraisonnable.

Dans son témoignage à la Commission, le gendarme Garault a confondu certains faits et semblait être principalement motivé par le fait qu'il n'aimait pas le caporal Thibaudeau, son ancien superviseur. Le gendarme Garault a déclaré ce qui suit à son sujet :

Puis comme je te disais, il était pas grand fan de grand de mes idées, puis il était souvent sur notre « case » là. Il était pas... Je vais être honnête avec toi. Le gars était pas tout là, puis c'est ça que c'est. Je vais dire les affaires comme que c'est, là. C'est ça qui est mon... c'est mon opinion à moi, anyway.

[...]

C'est pas... Je vais être honnête avec toi, là, on s'aimait vraiment pas là.

Le gendarme Garault a expliqué qu'il croyait que le caporal Thibaudeau était jaloux de lui parce qu'il était marié avec la gendarme Michel-Poitras et que la collectivité les aimait bien. Le gendarme Garault a indiqué que le caporal Thibaudeau était contrôlant, et qu'ils avaient eu plusieurs disputes.

On a demandé au gendarme Garault s'il croyait que le caporal Thibaudeau avait refusé d'agir pour protéger Mme Doucet :

ENQUÊTEUSE : OK. Donc si je comprends ce que vous me dites, vous vous aviez des inquiétudes qu'il y avait de la violence conjugale. Il y avait de l'action policière qui aurait dû arriver, mais votre caporal a dit...

GENDARME GARAULT : C'est pas mal ça que c'est.

ENQUÊTEUSE : C'est ça que c'est arrivé.

GENDARME GARAULT : Um-hum.

ENQUÊTEUSE : Donc... donc lui, il a refusé d'agir.

GENDARME GARAULT : Oui.

[...]

ENQUÊTEUSE : OK, vous vous entendiez pas. Ça l'arrive, on travaille avec des gens avec qui on s'entend pas. Mais est-ce que vous avez des raisons de croire... est-ce que vous me dites aujourd'hui que vous avez des raisons de croire que le caporal Thibaudeau effectivement n'aurait pas pris au sérieux des plaintes de Mme Doucet par rapport à de la violence conjugale? Vous avez dit par exemple qu'il a refusé votre demande pour un « panic button », il a refusé de déposer des accusations par rapport au message texte que M. Ryan avait envoyé à Mme Doucet.

GENDARME GARAULT : Oui.

Lorsqu'on a insisté au sujet des rapports précis dans lesquels le caporal Thibaudeau avait refusé d'agir, le seul exemple que le gendarme Garault a pu donner concernait un incident où il avait été allégué que M. Ryan avait manqué à un engagement de ne pas communiquer avec Mme Doucet, ce dont il sera question plus loin dans le présent rapport, et une occasion où il souhaitait obtenir un « bouton panique » pour Mme Doucet. Ces deux incidents ont eu lieu le même jour et sont liés.

Le gendarme Racicot, qui travaillait avec les deux membres, ne semble pas être d'accord avec le gendarme Garault. Le gendarme Racicot a indiqué ce qui suit :

ENQUÊTEUSE : Si je vous dis que le gendarme Garault était inquiet...

JONATHAN RACICOT : Oui.

ENQUÊTEUSE : ... pour la sécurité de Mme Doucet.

JONATHAN RACICOT : OK, je suis étonné, oui, parce que je me souviens pas qu'il m'ait jamais fait part de cette inquiétude là.

ENQUÊTEUSE : OK. Le gendarme Garault nous dit qu'il aurait soulevé par exemple durant l'incident du panic button au caporal Thibaudeau des inquiétudes quant à la sécurité de Mme Doucet mais que le caporal Thibaudeau aurait refusé de le laisser agir pour protéger Mme Doucet. Est-ce que ça, ça vous soulève des souvenirs?

JONATHAN RACICOT : Non, pas du tout.

ENQUÊTEUSE : OK.

JONATHAN RACICOT : Donc ce que vous me dites c'est que le caporal Garault...

ENQUÊTEUSE : Constable Garault.

JONATHAN RACICOT : Euh, le caporal. Le gendarme Garault dit qu'il y avait des inquiétudes face à la sécurité de Mme Ryan puis du panic button. Puis que y'a pas... il a amené, il a soulevé cette inquiétude-là au caporal Thibaudeau puis que lui a décidé de rien faire avec ça. C'est des nouvelles pour moi.

ENQUÊTEUSE : OK.

JONATHAN RACICOT : C'est nouveau. J'ai jamais entendu parler de ça. Puis comme je vous dis, même depuis le début, la sécurité de Mme Ryan, mais de toute la communauté entière, je veux dire c'est notre travail d'assurer la sécurité des gens. Puis à aucun moment moi j'aurais négligé quoique ce soit face à la sécurité de qui que ce soit. Que ce soit Mme Ryan ou n'importe qui d'autre, que ce soit un enfant, un homme ou une femme, n'importe quel âge, n'importe qui, c'est notre devoir.

ENQUÊTEUSE : OK, mais des fois il arrive qu'il y a des membres qui sont peut-être moins diligents que vous, des choses comme ça. Donc c'est pour ça que je vous soulève la question. Est-ce que vous savez, par exemple, que le caporal Thibaudeau aurait dit, vous savez, assez, c'est assez, je veux pas gérer Mme Ryan?

JONATHAN RACICOT : Non.

ENQUÊTEUSE : Ses plaintes sont non fondées?

JONATHAN RACICOT : Non.

ENQUÊTEUSE : Non? Bon.

JONATHAN RACICOT : Jamais.

Je n'ai aucune raison de ne pas croire le gendarme Racicot ou le caporal Thibaudeau. Les deux membres ont fourni des témoignages clairs, sans détour, et constants à la Commission. Les deux membres semblaient crédibles. En fait, les arguments du gendarme Garault ne sont pas soutenus, ni par les autres membres, ni par l'information au dossier. Il n'y a pas de renseignement au dossier ou recueilli au cours de l'enquête qui pourrait soulever un doute ou motiver une allégation selon laquelle le caporal Thibaudeau aurait agi de façon partiale. Par conséquent, j'en conclus que le caporal Thibaudeau était impartial, et qu'il n'a pas offert de traitement préférentiel à M. Ryan. Il y a peut-être des litiges qui ne sont pas liés au présent dossier entre le gendarme Garault et le caporal Thibaudeau, mais aucune des allégations du gendarme Garault au sujet du caporal Thibaudeau n'est appuyée par des faits.

Examen des dossiers pertinents

Le nombre de fois où la GRC a été appelée pour aider Mme Doucet, M. Ryan, ou les deux, est incertain. Mme Doucet a affirmé à plusieurs reprises qu'elle avait demandé l'aide de la GRC à neuf occasions distinctes. Toutefois, Mme Doucet n'était pas en mesure d'énoncer chacune de ces occasions lorsqu'on le lui a demandé.

La GRC a fourni à la Commission un résumé de tous les dossiers où M. Ryan, Mme Doucet ou les deux étaient en cause, en lien avec leurs problèmes interpersonnels. La GRC a également fourni à la Commission les dossiers opérationnels complets. Il y a plus de 25 dossiers où au moins l'une des deux parties était en cause. Les dossiers suivants sont pertinents pour la question qui nous intéresse.

1. Les 23 et 24 novembre 2007

Selon M. Ryan, il y avait des tensions entre les parties dans la période qui a précédé l'incident de novembre 2007. Les courriels échangés entre les parties montrent qu'elles étaient en instance de séparation, et que Mme Doucet semblait anxieuse et en colère parce que M. Ryan avait une nouvelle amie de cœur.

M. Ryan affirme que, le vendredi 23 novembre 2007, il a appelé Mme Doucet et lui a demandé de prendre des dispositions pour qu'il puisse voir sa fille pendant le weekend. Mme Doucet a refusé de lui permettre d'aller chercher leur fille. Selon M. Ryan, Mme Doucet a commencé à jurer contre lui, et elle lui a dit qu'il ne pouvait pas voir sa fille et qu'il devait lui donner quelques semaines pour se calmer. Puis Mme Doucet a raccroché le téléphone.

M. Ryan et son amie de cœur du moment, Mme Shannon Huntley, étaient préoccupés par le comportement de Mme Doucet. M. Ryan a affirmé avoir appelé Mme Doucet une trentaine de fois. Elle n'a pas répondu, et il a laissé deux messages sur sa boîte vocale. M. Ryan a affirmé avoir dit à Mme Doucet qu'il appellerait les Services sociaux ou la GRC parce qu'il était préoccupé par la façon dont elle prenait soin de leur enfant. M. Ryan prétend que Mme Doucet ne nourrissait pas leur enfant adéquatement, qu'elle allait se coucher dès son retour à la maison, et qu'elle ne prenait pas bien soin de leur enfant. Mme Huntley a confirmé que M. Ryan et elle apportaient de la nourriture à la maison de Mme Doucet.

L'après-midi du 23 novembre 2007, Mme Doucet a déclaré à la gendarme Michel-Poitras que M. Ryan prévoyait se rendre à la résidence familiale pour prendre leur fille et quelques effets personnels. Mme Doucet a affirmé que M. Ryan était énervé. Mme Doucet a également affirmé que M. Ryan avait des antécédents de violence, qu'elle craignait pour sa sécurité, que M. Ryan avait accès à des armes à feu, qu'il était militaire et qu'il était énervé en raison de leur séparation. La gendarme Michel-Poitras a enregistré la plainte et a expliqué à Mme Doucet ce qu'elle devait faire si M. Ryan se rendait à la maison.

Plus tard au cours de la soirée, les membres de la GRC ont reçu un appel de la part d'une amie de Mme Doucet pour les informer du fait que M. Ryan se trouvait à l'extérieur de la résidence de Mme Doucet. Des membres se sont rendus sur les lieux, et Mme Doucet a indiqué au gendarme Racicot que M. Ryan avait menacé de brûler la maison, qu'il l'avait appelée à plusieurs reprises, et qu'elle croyait avoir vu son camion faire des allers-retours dans la rue. Mme Doucet a aussi indiqué qu'elle avait peur de M. Ryan.

M. Ryan affirme qu'il a reçu un appel du gendarme Racicot, à partir du domicile de Mme Doucet, vers 19 h 30, lui demandant des détails sur ses allées et venues. M. Ryan a affirmé qu'il était à la maison, à Kentville. Quelques minutes plus tard, M. Ryan a reçu un autre appel, cette fois du détachement de la GRC de New Minas. Le caporal Dionne a demandé à M. Ryan d'ouvrir sa porte pour montrer qu'il était à la maison, ce que M. Ryan a fini par faire. M. Ryan a été avisé que Mme Doucet demandait que l'on dépose des accusations contre lui.

Le gendarme Racicot a expliqué que, ce soir-là, Mme Doucet semblait préoccupée et nerveuse. Le gendarme Racicot avait écouté les messages que M. Ryan avait laissés sur la boîte vocale de Mme Doucet, et ceux-ci ne contenaient aucune menace. Dans son premier message, M. Ryan a affirmé que si Mme Doucet ne voulait pas lui parler, que c'était correct et qu'il n'allait pas la rappeler. Le gendarme Racicot indique que le deuxième message était « plus sec ». M. Ryan disait alors qu'il allait continuer d'appeler jusqu'à ce que Mme Doucet réponde au téléphone. Mme Doucet a déclaré au gendarme Racicot que M. Ryan avait menacé de brûler la maison. Le gendarme Racicot a affirmé que les membres ont escorté Mme Doucet en lieu sûr pour la soirée et qu'il a appelé M. Ryan, qui lui a dit qu'il se trouvait chez lui, à Kentville. Le gendarme Racicot a aussi demandé de l'aide du détachement de New Minas pour vérifier que M. Ryan se trouvait bien chez lui. Des membres du détachement de la GRC de New Minas se sont rendus à la maison pour confirmer que M. Ryan s'y trouvait.

Le lendemain, le gendarme Racicot a pris la déclaration de Mme Doucet. Celle-ci a affirmé au gendarme Racicot que M. Ryan était violent. Elle a affirmé qu'il ne l'avait jamais frappée, mais qu'il était agressif verbalement et manipulateur. Elle a affirmé ce qui suit :

[Traduction]
On se sépare, et il était temps de parler, euh, de ce qu'on allait faire financièrement et de ce genre de chose, et, euh, il... on ne s'entend pas, on ne peut pas s'entendre sur quoi que ce soit, euh, il manigance beaucoup et il obtient toujours ce qu'il veut, et j'ai toujours dit oui, oui, oui, et je n'ai jamais eu le choix. Ça marche comme il le veut, ou pas du tout. Et j'ai dit que j'en avais assez et, euh, je sais ce que je veux et je ne changerai pas d'avis. Et il n'est pas d'accord avec ça, alors il a dit qu'il, euh, qu'il brûlerait la maison et qu'il ruinerait ma réputation dans la communauté. Et il allait appeler la police pour leur dire que je n'étais pas une bonne mère.

Lorsqu'on lui a posé plus de questions sur sa conversation avec M. Ryan, Mme Doucet a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

Bien, on a parlé quelques fois, euh, et il a dit qu'il me ruinerait, il a dit qu'il brûlerait la maison, et qu'il prendrait tout ce que j'ai. [...] il brûlera la maison, et il brûlera les trois maisons s'il le doit [...] Je ne vais rien te payer et tu n'auras rien, absolument rien. Et l'argent qui était dans le compte est dans un coffret de sûreté, et tu n'y toucheras pas, et tu ne peux pas presser un citron sec. Et tu peux avoir tous les avocats que tu veux, tu n'auras rien parce qu'ils ne trouveront rien. [...] Les trois maisons sont à son nom.

Il s'agit des seules menaces indiquées par Mme Doucet au cours de son témoignage. Elle a toutefois indiqué qu'elle avait peur de M. Ryan. Elle a affirmé qu'il avait eu des épisodes de rage au volant et qu'il avait tendance à briser des objets dans la maison lorsqu'il était fâché. Mme Doucet a admis ne pas avoir vu le véhicule de M. Ryan près de chez elle, mais qu'elle avait présumé que c'était lui. Mme Doucet a affirmé que M. Ryan lui avait fait croire qu'elle avait des problèmes de santé mentale, et qu'elle ne pouvait s'entendre avec personne.

M. Ryan s'est rendu au détachement de New Minas le lendemain, où le caporal Dionne l'a arrêté pour profération de menaces, puis l'a libéré à condition de s'engager à ne pas communiquer avec Mme Doucet, ni avec leur fille. On a effectué une évaluation du risque de violence familiale selon laquelle le dossier était « à risque élevé ». Des membres du détachement de New Minas ont accompagné M. Ryan à son domicile pour saisir ses armes à feu enregistrées.

Mme Doucet a été aiguillée vers les Services aux victimes et vers les Services d'aide à l'enfance. L'enquête criminelle s'est poursuivie. Le gendarme Racicot a communiqué avec la police militaire en raison de préoccupations au sujet du comportement de M. Ryan et du fait qu'il avait accès à des armes à feu. M. Ryan était moniteur de tir au sein des Forces canadiennes.

Lorsqu'elle examine une plainte sur des enquêtes criminelles qui sont perçues comme étant inadéquates, la Commission se penche sur les mesures prises pendant l'enquête. La politique de la GRC exige que les membres mènent une enquête criminelle en fonction des ressources disponibles et des priorités et qu'ils fassent preuve du discernement appropriéNote de bas de page 4. Les membres de la GRC doivent suivre toutes les pistes raisonnables et faire appel à des ressources additionnelles au besoin.

Dans le cadre d'une enquête convenable sur un crime, voici ce que doit faire notamment un membre :

  • a) Examiner toutes les pistes connues rapidement et efficacement.
  • b) Faire des entrevues auprès de l'ensemble des sources et des suspects possibles rapidement et efficacement.
  • c) Demander tous les examens et les rapports médicolégaux appropriés pour examiner les éléments de preuve matérielle et consulter d'autres experts ayant des connaissances spécialisées.
  • d) Respecter les politiques pertinentes de la GRC et se reporter à d'autres documents policiers techniques connexes, au besoin.
  • e) Gérer efficacement le dossier du cas, en veillant à ce que des notes bien écrites soutiennent les mesures prises dans le cadre de l'enquête et toute poursuite subséquente.

Le principal objectif d'une enquête criminelle est de recueillir suffisamment de renseignements pour appuyer les motifs raisonnables de croire que certaines personnes ont commis une infraction.

Selon la politique opérationnelle nationale de la GRC, les membres doivent enquêter sur toutes les plaintes de violence dans les relations et enregistrer tous les renseignements à ce sujetNote de bas de page 5. Bien que les membres ont toujours un pouvoir discrétionnaire, dans le cas de la violence familiale, la portée de ce pouvoir est très restreinteNote de bas de page 6. De plus, les cas de violence familiale doivent être traités en prioritéNote de bas de page 7, et les membres de la GRC ont le devoir de déposer des accusations recommandées s'il y a infraction prévue au Code criminelNote de bas de page 8. La politique de la GRC en ce qui a trait aux membres devant traiter des plaintes de violence dans les relations démontre à quel point les allégations sont prises au sérieux, et met en valeur les besoins en matière de prévention, d'application de la loi, de sécurité des victimes et de sécurité publique.

L'évaluation du risque de violence familiale indiquée ci-dessus tient compte de la présence d'armes ou de l'accès à celles-ci, du recours aux menaces impliquant des armes ou des tentatives de suicide, d'un changement dans l'état de la relation (y compris une séparation, la menace d'une séparation ou des procédures juridiques concernant la famille), de la consommation excessive de drogue ou d'alcool, de l'augmentation de la fréquence ou de la gravité de la violence, de la violence à l'extérieur de la relation, de la destruction d'objets personnels chers, de la jalousie ou la tentative de maîtriser les activités d'un partenaire, des accusations d'infidélité, des énoncés tels que « si tu n'es pas à moi, tu ne seras à personne », des menaces homicidaires ou suicidaires, de la violence à l'endroit des enfants ou d'animaux domestiques, de la violence sexuelle, de la grossesse et la violence au cours de la grossesse, des antécédents de troubles mentaux, des antécédents d'intervention de la police auprès des parties.

De pair avec ce qui précède, les principaux fournisseurs de services du district de Meteghan-Digby, ce qui comprend la GRC, pouvaient utiliser le cadre de coordination des cas à risque élevé pour les situations de violence familiale. Ce cadre a été mis en place pour encourager l'adoption d'une approche de collaboration entre les différents intervenants, et la GRC s'y est engagée à soutenir une initiative du ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse visant à prévenir la violence familiale. Les énoncés suivants y sont inclus :

[Traduction]

Le détachement de la GRC de Meteghan-Digby considère que son rôle lors des appels liés à la violence conjugale ou par un partenaire intime est essentiel et qu'il exige que les agents répondant aux appels rétablissent la paix et appliquent la loi. Pour veiller à ce que ce rôle soit rempli, les agents doivent effectuer une enquête préliminaire complète sur l'incident avant de quitter la scène.

[...]

L'agent chargé de l'enquête doit demander la vérification des dossiers à savoir s'il y a des antécédents de violence familiale associés aux noms, dates de naissance et adresses de toutes les personnes touchées. [...]

Il faut prendre les déclarations de tous les témoins et de tous les plaignants, même si aucune accusation n'est déposée ou traitée par un tribunal. [Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

[...]

Finalement, il faut remplir un formulaire d'évaluation pour toutes les enquêtes relatives à la violence entre conjoints ou partenaires intimes.

L'enquêteur doit établir si le cas répond aux caractéristiques associées à la désignation « à risque élevé ». L'agent doit évaluer la situation en fonction de l'enquête préliminaire complète terminée et du formulaire d'évaluation du risque. Si l'enquêteur juge qu'il y a un risque élevé de mortalité, il doit consulter le sous-officier de son unité.

Voici les passages pertinents des directives de la GRC en vigueur en 2007 au sujet de la violence familiale :

[Traduction]

Lors de l'application des stratégies [pour répondre aux cas de violence familiale], les membres de la GRC doivent constamment être conscients des principes suivants :

  1. Toute personne a le droit de vivre sans violence.
  2. L'intervention en cas de violence familiale est prioritaire dans le système judiciaire.
  3. La sécurité de la victime est la principale préoccupation lors de l'intervention en cas de violence familiale.
  4. Pour briser le cycle de violence, il faut adopter une approche coordonnée et multidisciplinaire dans laquelle les organismes de justice jouent un rôle fondamental.

[...]

Dans le but d'intervenir immédiatement et dans le cadre d'une solution à long terme, la GRC a adopté la politique du ministère de la Justice et du Service des poursuites pénales qui favorise l'arrestation et les poursuites, alors que tous les membres de l'appareil juridique doivent reconnaître et traiter les cas de violence familiale de façon appropriée. Les policiers doivent également intervenir immédiatement dans tous les cas de violence familiale et se déplacer sur le champ pour faire respecter les ordonnances de bonne conduite et les ordonnances de non-communication.

[...]

Les lignes directrices suivantes s'appliquent aux questions relatives à la violence familiale :

  1. Envoi immédiat de policiers dans tous les cas rapportés de violence familiale.
  2. Intervention policière dans tous les cas de violence familiale et enquêtes complètes en la matière.
  3. On encourage tous les membres à travailler en équipe dans le détachement et à avoir recours aux ressources appropriées de la GRC, notamment : entrevues sur la violence faite aux enfants, identification, bénévoles des services aux victimes, sous-officier de section à titre de superviseur et de vérificateur, et les officiers commandants ayant la responsabilité générale de veiller à ce que les cas de violence familiale soient traités dans le cadre du processus d'examen de la direction.
  4. Il faut prendre toutes les mesures nécessaires sur place, y compris recueillir les éléments de preuve, pour ne pas avoir à compter uniquement sur le témoignage de la victime.
  5. La sécurité des victimes et des enfants est l'élément le plus important et comprend l'aiguillage immédiat vers les services d'aide aux victimes, les escortes pour récupérer des effets personnels de façon sécuritaire, la communication continue avec les victimes au sujet de l'état et des allées et venues de l'agresseur.
  6. Aiguillage des victimes vers les services aux victimes [...]
  7. Des accusations doivent être déposées dans tous les cas où des éléments de preuve appuient de telles mesures, même si telle n'est pas la volonté de la victime. Si aucune accusation n'est déposée, il faut remplir un rapport indiquant les raisons pour lesquelles il n'y a pas eu d'accusation.
  8. L'arrestation et le retrait de l'auteur présumé du domicile, s'il y a des motifs de croire que l'infraction se poursuivra ou se répétera, ou s'il y a d'autres motifs de le faire.

[...]

Selon ces lignes directrices, la violence constitue toute forme de violence ou de menace de violence perpétrée par un conjoint, un ex-conjoint ou un partenaire dans une relation, qu'il soit marié, conjoint de fait ou en fréquentation. Cela comprend les menaces sur le plan physique, émotionnel ou économique, y compris les menaces à l'endroit des enfants, d'amis, d'animaux domestiques et de biens, ainsi que le harcèlement, la persécution et toute autre forme de violence.

Le caporal Thibaudeau, qui était superviseur pendant la période visée par ce dossier, est d'avis que la politique de la GRC sur la violence dans les relations a été respectée. Il a également indiqué qu'il avait eu une conversation avec Mme Doucet quelques semaines avant l'incident. Le caporal Thibaudeau a affirmé que Mme Doucet lui avait confié qu'elle avait peur de son mari, mais elle n'avait pas été en mesure d'expliquer pourquoi et s'était limitée à affirmer qu'il était beaucoup plus massif qu'elle et qu'il était dans l'armée. Selon le caporal Thibaudeau, cela ne constituait pas des motifs suffisants pour procéder à une arrestation. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait tenté d'obtenir davantage d'informations de la part de Mme Doucet, le caporal Thibaudeau a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

THIBAUDEAU : [...] C'est une conversation au comptoir parce qu'elle ne voulait pas venir à l'intérieur pour faire une déclaration. D'accord. Alors, non. Est-ce qu'il a menacé de vous tuer? Non. Est-ce qu'il a déjà fait quelque chose : violence, viol, agression, menaces, menaces de mort ou de violence à votre endroit? Non, non, non. J'ai juste peur de lui. D'accord. Puis, je lui ai expliqué que, voyez-vous, bien, nous avons besoin de bonnes raisons pour faire quelque chose. Et voici les raisons. Je lui ai donné tous les motifs dont nous avons besoin selon la politique sur la violence familiale, le Code criminel et la politique de la GRC pour que la GRC intervienne activement dans ce type d'enquête. Ironiquement, une semaine ou deux plus tard, elle vient au bureau pour faire une déposition à Jonathan Racicot, ce qui a mené à l'arrestation de Michael Ryan.

Il convient d'indiquer que la Commission est d'avis que le caporal Thibaudeau est crédible, que ses déclarations étaient conformes au contenu des dossiers de la GRC et aux déclarations du gendarme Racicot et de M. Ryan. L'évaluation du caporal Thibaudeau semble raisonnable : quelques semaines avant l'incident du 23 novembre 2007, Mme Doucet a fait une déclaration n'offrant aucun motif raisonnable de croire qu'une infraction criminelle avait été commise. Elle a nié avoir été victime de violence familiale et a refusé l'offre d'une ordonnance de protection. Mme Doucet n'a fait qu'exprimer de la peur à l'endroit de M. Ryan et, malgré qu'on l'ait encouragé à le faire, elle ne pouvait donner au membre aucun renseignement répondant aux critères des motifs raisonnables de croire qu'une infraction ait été commise et qui aurait pu justifier une arrestation ou le début d'une enquête en vertu du Code criminel.

Il convient de signaler qu'au cours de l'entrevue dans le cadre de l'enquête d'intérêt public, Mme Doucet a affirmé qu'elle n'avait pas appelé la police le 23 novembre 2007, mais qu'une amie avait appelé, plus tard, ce soir-là. Selon Mme Doucet, elle n'a pas parlé aux policiers ce soir-là, et elle n'a pas été en mesure de discuter avec un membre de la GRC avant le lendemain.

[Traduction]

ENQUÊTEUSE : C'est vous... Vous avez dit, vous savez, « C'est mon ex-mari, ou mon mari à ce moment-là. Il m'a menacée, il brûlerait la maison », alors les policiers vous auraient posé des questions à ce sujet.

NICOLE DOUCET : Je ne crois pas qu'ils ont fait ça ce soir-là.

ENQUÊTEUSE : Vous ne croyez pas qu'ils l'ont fait. Bon.

Mme Doucet a également nié que la GRC avait fait quoi que ce soit pour la protéger le lendemain :

[Traduction]

ENQUÊTEUSE : Bon, et ensuite, qu'est-ce qui s'est passé?

NICOLE DOUCET : Alors on est retournés à la maison.

ENQUÊTEUSE : Savez-vous... est-ce que la GRC vous a dit ce qu'elle comptait faire?

NICOLE DOUCET : Non.

ENQUÊTEUSE : Ils ne vous ont pas dit ce qu'ils allaient faire?

NICOLE DOUCET : Non.

ENQUÊTEUSE : Est-ce qu'ils vous ont communiqué, par la suite, ce qu'ils ont fait?

NICOLE DOUCET : Ils n'ont rien fait. Ils m'ont juste posé des questions...

ENQUÊTEUSE : Bon, alors après que vous ayez fait votre déclaration, ils vous ont posé des questions, vous leur avez donné des informations, est-ce qu'ils vous ont dit qu'ils allaient arrêter Mike Ryan?

NICOLE DOUCET : Non.

ENQUÊTEUSE : Ils ne vous ont pas dit qu'ils allaient l'arrêter... Vous savez qu'ils ont arrêté Mike Ryan? Ils ne l'ont pas arrêté? Vous ne le savez pas?

NICOLE DOUCET : Je ne le sais pas.

ENQUÊTEUSE : Bon, vous ne le savez pas. Vous ne savez pas ce qui est arrivé. Vous ne savez pas ce que la GRC a fait après ça.

NICOLE DOUCET : Je le sais... Je sais qu'ils sont allés confisquer les armes de la maison.

ENQUÊTEUSE : D'accord. C'est... bon.

NICOLE DOUCET : C'est tout ce que je sais.

ENQUÊTEUSE : C'est tout ce que vous savez.

NICOLE DOUCET : Oui.

ENQUÊTEUSE : D'accord. Avez-vous fait un suivi auprès de la GRC? Avez-vous dit « Jonathan, qu'allez-vous faire à propos de ça? »

NICOLE DOUCET : Là, vous voulez dire, dans les jours qui ont suivi?

ENQUÊTEUSE : Oui.

NICOLE DOUCET : Non.

Comme indiqué précédemment, M. Ryan a été arrêté et Mme Doucet a été aiguillée vers les Services aux victimes. Les dossiers de la GRC, les déclarations des membres et les documents judiciaires pertinents démontrent que M. Ryan a été arrêté et que Mme Doucet avait été informée des mesures prises par la GRC. Dans son entrevue, par la suite, Mme Doucet a convenu qu'elle avait été aiguillée vers les Services aux victimes.

Bien que Mme Doucet maintienne que la GRC ne l'a pas protégée, cette déclaration au sujet de cet incident en particulier n'est pas fondée sur des faits, et mine la crédibilité et la fiabilité de Mme Doucet. Malgré ce qu'elle a affirmé, lorsque le gendarme Racicot est intervenu, il lui a parlé à elle et à ses amis qui se trouvaient avec elle à son domicile. Il est intervenu immédiatement et conformément à la politique de la GRC en aiguillant Mme Doucet vers les Services aux victimes, en veillant à ce qu'elle puisse demeurer à un endroit sécuritaire, et en vérifiant que M. Ryan ne se trouvait pas dans les environs. Il a enregistré l'incident dans le rapport d'incident de façon claire et détaillée. Je suis d'avis que le gendarme Racicot a mené une enquête raisonnable, qu'il a répondu aux préoccupations soulevées par Mme Doucet, et qu'il s'est muni de toutes les ressources nécessaires pour veiller à la protection de Mme Doucet et pour mener une enquête raisonnable au sujet de sa plainte contre M. Ryan.

L'avocat de Mme Doucet a soulevé, notamment, que les policiers n'avaient pas mené une enquête suffisamment complète au sujet des actes de M. Ryan. En fait, au cours de l'enquête de la Commission, l'avocat de Mme Doucet a affirmé que la GRC avait cru tout ce que M. Ryan avait dit, probablement parce qu'il était dans l'armée et qu'il jouissait de plus de respect pour cette raison.

[Traduction]
AVOCAT DE MME DOUCET : D'accord? C'est l'incident où il a dit « non, non, j'étais à la maison. » Bon?

ENQUÊTEUSE : Et vous croyez qu'ils l'ont cru sans vérifier.

AVOCAT DE MME DOUCET : Ils ont simplement, ils l'ont cru sans vérifier. Ils ne poursuivent pas leur enquête.

ENQUÊTEUSE : Est-ce que vous... Désolé, mais bon, juste parce que je veux bien comprendre, vous dites que lorsqu'ils ont appelé, elle avait appelé parce qu'elle pensait qu'il était passé en véhicule devant leur maison, il a dit « Non, je suis à la maison », vous dites que la GRC n'a pas vraiment vérifié s'il était à la maison.

AVOCAT DE MME DOUCET : Mm-hmm.

ENQUÊTEUSE : D'accord.

AVOCAT DE MME DOUCET : D'accord? Et je dis simplement que je crois, sincèrement...

ENQUÊTEUSE : Avez-vous demandé cela... Désolé, l'avez-vous demandé à la GRC?

AVOCAT DE MME DOUCET : Ils n'ont jamais témoigné. Ils n'ont jamais donné de preuve. C'est l'autre chose.

ENQUÊTEUSE : Alors, comment savez-vous qu'ils n'ont jamais vérifié s'il était à la maison?

AVOCAT DE MME DOUCET : J'ai lu les rapports.

ENQUÊTEUSE : D'accord.

AVOCAT DE MME DOUCET : D'accord? Il dit qu'il était à la maison. Bon? Et ils l'ont juste accepté. Et alors je crois qu'il y a eu une lacune parce que, parfois, les policiers, selon mes 42 années d'expérience, tiennent trop de choses pour acquises, et ils ne mènent pas leur enquête jusqu'au bout. Et quand il s'agit de violence familiale, et vous savez que dans ce pays, les cas sont à la hausse, et qu'on en sait plus à ce sujet, nous découvrons que des femmes, en particulier dans la situation de Nicole, se trouvent dans une situation où elles n'ont personne vers qui se tourner.

Comme il a été indiqué ci-dessus, le rapport d'incident préparé par le gendarme Racicot indique clairement qu'il avait demandé la participation du détachement de New Minas et qu'au moins un membre, le caporal Dionne, a vérifié si M. Ryan était à la maison en lui demandant de sortir de chez lui. M. Ryan l'a également affirmé dans sa déclaration à la Commission.

Les accusations portées contre M. Ryan ont été rejetées, parce que le procureur de la Couronne a conclu qu'il n'existait pas de probabilité raisonnable de condamnation. Mme Doucet et son avocat sont d'avis que les accusations n'auraient pas dû être rejetées. Bien que la conduite du procureur de la Couronne ne relève pas de la Commission, Mme Doucet et son avocat attribue la décision du procureur à l'intervention de la GRC :

[Traduction]

AVOCAT DE MME DOUCET : D'accord. Premièrement, je crois qu'ils ont déposé des accusations, ils auraient dû poursuivre le processus devant le tribunal.

ENQUÊTEUSE : Que voulez-vous dire?

AVOCAT DE MME DOUCET : Il n'y a pas de raison... Les accusations de menaces. Il n'y avait pas de raison...

ENQUÊTEUSE : Contre Mike Ryan.

AVOCAT DE MME DOUCET : ... Contre Mike Ryan, pourquoi les avoir laissé tomber, sauf en raison du fait que Nicole a été accusée de complot en vue de commettre un meurtre?

ENQUÊTEUSE : Mais ça... La GRC n'a pas laissé tomber les accusations. C'est la Couronne.

AVOCAT DE MME DOUCET : Ils se sont consultés.

ENQUÊTEUSE : D'accord, alors vous croyez que la GRC a influencé le processus.

AVOCAT DE MME DOUCET : Ce n'est pas ce que je dis. Je suis sûr que le procureur et la GRC se sont consultés, parce que c'est normalement le cas avant l'abandon de poursuites.

ENQUÊTEUSE : D'accord.

Bien que l'on décèle un sous-entendu selon lequel la GRC aurait influencé la décision de ne pas déposer les accusations, le gendarme Racicot a affirmé, au cours de l'enquête de la Commission, que cela n'a pas été le cas :

JONATHAN RACICOT : [...] Ensuite, ça, ça se déroule le 1er mai. [Traduction] L'auteur a parlé au procureur qui m'a informé qu'il n'y avait pas de probabilité réaliste de condamnation, et que l'affaire serait rejetée. L'auteur a communiqué avec Michael Ryan pour lui dire la même chose. La prochaine date du procès est le 12 mai 2008, pour la conclusion.

Donc je peux en conclure que le 1er mai 2008, la Couronne, Roslyn Mitchi(ph), me contacte et m'informe qu'il n'y a pas [Traduction] de probabilité réaliste de condamnation.

ENQUÊTEUSE : Donc c'est pas vous qui avez contacté la Couronne pour leur dire de pas procéder avec des (inaudible).

JONATHAN RACICOT : Non, non. Non. De la façon que ça se serait déroulé, c'est que c'est la Couronne qui me contacte pour m'informer qu'il y a pas... [Traduction] La condamnation est improbable.

[Les passages en romain étaient en anglais dans la citation originale.]

Selon Mme Doucet, les accusations ont été abandonnées, mais personne ne lui a dit pourquoi. La caporale Phillips a discuté avec le procureur de la Couronne, qui a affirmé que la décision de ne pas poursuivre les accusations était fondée sur l'ensemble de la preuve : elle n'était pas suffisamment solide pour qu'il existe une probabilité raisonnable de condamnation. Ayant examiné les dossiers de l'enquête interne de la GRC, je suis convaincu que ceux-ci démontrent que la décision de retirer les accusations était fondée sur l'ensemble de la preuve que détenait le procureur de la Couronne, et rien d'autre.

Conclusion no 1 : La GRC a mené une enquête raisonnable à la suite de la plainte déposée par Mme Doucet le 23 novembre  2007 selon laquelle M. Ryan l'avait menacée.

Conclusion no 2 : Les mesures prises par la GRC lors de l'intervention du 23 novembre  2007 étaient conformes à ses politiques relatives aux cas liés à la violence familiale.

Conclusion no 3 : Rien ne porte à croire que la GRC a influencé la décision du procureur de la Couronne de ne pas poursuivre M. Ryan.

Conclusion no 4 : Il était raisonnable pour la GRC d'aiguiller Mme Doucet vers les Services aux victimes après l'incident du 23 novembre  2007.

2. Le 6 décembre 2007

Le 6 décembre 2007, M. Ryan a appelé la GRC pour indiquer que le chien de la famille avait été laissé à l'extérieur de la résidence familiale, au froid, sans nourriture ni eau. M. Ryan avait peur que le chien meure s'il était laissé à l'extérieur toute la nuit. Le gendarme Racicot a communiqué avec Mme Doucet, qui l'a informé que si M. Ryan voulait le chien, il pouvait l'avoir. Le gendarme Racicot a confié le chien à un chenil pour la nuit, parce que M. Ryan ne pouvait pas aller le chercher ce jour-là.

Le dossier a depuis été supprimé selon les normes de la GRC sur les périodes de rétention, toutefois, un rapport d'incident se trouvant dans un dossier distinct contient suffisamment de renseignements pour que la Commission puisse évaluer l'allégation. Selon le registre de l'appel, la GRC n'a pris aucune mesure supplémentaire, et il n'y avait pas d'indication selon laquelle des commentaires ont été formulés au gendarme Racicot au sujet de la violence familiale. Également, au cours de son entrevue, Mme Doucet n'a pas indiqué qu'elle avait alerté la GRC en ce qui a trait à la violence familiale au cours de cet incident.

Je suis d'avis que les mesures prises pour intervenir lors de la demande d'aide au sujet du chien étaient raisonnables.

Conclusion no 5 : Au cours de l'incident du 6 décembre 2007, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

3. Le 16 décembre 2007

Le 16 décembre 2007, deux incidents sont survenus et deux appels à la GRC ont été faits à une heure d'intervalle.

Lors du premier appel, M. Ryan a demandé que sa belle-famille soit expulsée de la propriété familiale, située à Little Brook, et accusée d'intrusion. Lors du second appel, la belle-famille de M. Ryan a accusé ce dernier d'avoir retiré des accessoires fixes de la demeure. Deux membres de sa belle-famille, des sœurs de Mme Doucet, étaient copropriétaires de la propriété; M. Ryan était le troisième copropriétaire. On a confié le dossier à la gendarme Michel-Poitras, qui a renvoyé les parties vers leurs avocats respectifs, car elle a jugé qu'il s'agissait d'une affaire civile.

Comme l'a souligné la Commission dans des cas antérieurs, les différends de nature civile ou les questions liées aux biens immobiliers sont extrêmement difficiles à gérer selon une perspective policière. Les policiers sont souvent pris au milieu d'un différend dans lequel l'une des parties ou les deux parties essaient de se servir d'eux pour obtenir un avantage tactique. Dans les situations d'urgence, les policiers doivent intervenir rapidement pour réduire les risques pour la sécurité publique et leur propre sécurité. Dans les situations non urgentes, les policiers doivent prendre garde de ne pas intervenir sans le vouloir dans des affaires qui auraient intérêt à être réglées par les parties et leurs avocats respectifs devant les tribunaux.

Dans le cas présent, rien n'indique que l'on ait informé la GRC de questions de nature criminelle; aussi, la gendarme Michel-Poitras a déterminé qu'il s'agissait d'une affaire civile et a renvoyé les parties vers leurs avocats respectifs. Après avoir examiné minutieusement le dossier, je conclus qu'il s'agissait d'une évaluation raisonnable de la situation, puisque trois des personnes en cause étaient copropriétaires de la propriété.

Conclusion no 6 : La GRC a posé un jugement raisonnable lorsqu'elle a déterminé que l'incident signalé le 16 décembre 2007 constituait une affaire civile; sa participation à l'affaire était donc adéquate.

4. Le 17 décembre 2007

À la suite de l'incident du 23 novembre 2007, Mme Doucet a quitté la résidence familiale. La maison est demeurée vide. Le 17 décembre 2007, M. Ryan appelé la GRC pour savoir s'il lui était possible d'aller chercher certains de ses effets personnels à la résidence. La GRC lui a dit qu'il ne violerait pas son engagement en se rendant à la résidence, puisque Mme Doucet n'y résidait plus. M. Ryan a avisé Mme Doucet de son intention de se rendre à la résidence. Peu de temps après son arrivée, le père, la sœur et le beau-frère de Mme Doucet se sont rendus à la résidence, armés de tuyaux métalliques. D'après l'information contenue dans le dossier, le père de Mme Doucet a attaqué M. Ryan, qui s'est vu infliger des blessures graves. L'agression a été interrompue lorsque Mme Huntley est sortie du véhicule en vue d'intervenir. Mme Huntley a également composé le 9-1-1.

Le père de Mme Doucet a été reconnu coupable de voies de fait à la suite de l'incident.

Mme Doucet ne se trouvait pas à la résidence au moment de l'incident, mais elle s'y est rendue plus tard, pendant que la police et les services médicaux d'urgence étaient sur les lieux. Voici ce qu'elle a déclaré à l'enquêteuse de la Commission concernant l'incident :

[Traduction]

ENQUÊTEUSE : [...] Nous parlions en fait de l'incident de décembre 2007, impliquant votre père et Mike Ryan. Pouvez-vous m'expliquer brièvement ce qui s'est passé?

NICOLE DOUCET : Bien, je n'étais pas là.

ENQUÊTEUSE : Donc, vous ne savez pas ce qui s'est passé?

NICOLE DOUCET : Je ne sais pas. Non.

ENQUÊTEUSE : Ok. Alors, vous m'avez dit...

NICOLE DOUCET : Je sais que je me suis rendue à la maison, mais je ne sais pas comment ni pourquoi. L'ambulance était là.

ENQUÊTEUSE : Vous ne savez pas pourquoi vous vous êtes rendue à la résidence?

NICOLE DOUCET : Non. Et...

ENQUÊTEUSE : Laissez-moi voir si je comprends bien. Nous savons, grâce aux procédures judiciaires et tout ça, qu'il y a eu une bagarre ou quelque chose du genre.

NICOLE DOUCET : Oui.

ENQUÊTEUSE : Lorsque vous êtes arrivée, il y avait une ambulance. Est-ce que... Est-ce que... Vous rappelez-vous pourquoi vous vous êtes rendue à la résidence ce jour-là?

NICOLE DOUCET : Non.

ENQUÊTEUSE : Ok.

NICOLE DOUCET : Non.

On comprend mal que Mme Doucet affirme ne pas savoir ce qui est arrivé pendant cet incident, étant donné que trois membres de sa famille ont été accusés de voies de fait contre M. Ryan et que son père a été reconnu coupable de l'infraction. Il est aussi difficile de comprendre pourquoi Mme Doucet affirme ne pas savoir pour quelle raison elle s'est rendue sur les lieux. Compte tenu de la gravité de l'incident, le fait que Mme Doucet affirme ignorer ce qui s'est passé ou les circonstances entourant l'incident met en doute la crédibilité de tous ses souvenirs concernant les autres incidents.

La Commission a examiné attentivement l'enquête menée par la GRC dans ce dossier. Une fois de plus, rien n'indique que de l'information à propos d'incidents de violence familiale à l'encontre de Mme Doucet ait été transmise à la GRC.

De plus, les documents contenus dans le dossier indiquent que, plusieurs jours après cet incident, le 20 décembre 2007, Mme Doucet a fait une demande pour qu'un nouvel engagement de ne pas troubler l'ordre public soit pris à l'endroit de M. Ryan en raison de l'incident de novembre 2007. Mme Doucet a de nouveau fait les allégations suivantes : M. Ryan avait menacé de la détruire et de l'accuser de maltraiter leur fille auprès des services sociaux; Mme Doucet et sa fille se cachaient depuis cet incident; la police militaire lui avait dit d'obtenir un engagement de ne pas troubler l'ordre public et M. Ryan avait accès à diverses armes à son lieu travail. La demande d'engagement à ne pas troubler l'ordre public indique aussi que le conflit au sujet de l'ancienne résidence familiale se poursuivait. Au bout du compte, la demande d'engagement à ne pas troubler l'ordre public n'a pas été entendue, car Mme Doucet a choisi de ne pas y donner suite.

Conclusion no 7 : Pendant l'incident du 17 décembre 2007, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

5. Le 2 janvier 2008

Les documents mis à ma disposition indiquent que, le 2 janvier 2008, M. Ryan a appelé la GRC pour se plaindre du fait que Mme Doucet était entrée en communication avec lui, alors qu'il était assujetti à un engagement de ne pas communiquer avec elle. Le gendarme Taylor, avec qui M. Ryan s'est entretenu, lui a dit que ce n'était pas une violation de la part de Mme Doucet, puisque ce n'était pas elle qui était assujettie à l'engagement.

Lorsqu'on lui a demandé pour quelle raison elle communiquait avec M. Ryan alors qu'il était interdit à ce dernier d'entrer en contact avec elle, Mme Doucet a déclaré qu'elle avait appelé la mère de M. Ryan et avait parlé à la sœur de ce dernier parce qu'elle voulait obtenir d'elles qu'elles corroborent son affirmation selon laquelle M. Ryan était un homme violent, afin qu'elle puisse présenter des éléments de preuve devant le tribunal de la famille. Mme Doucet a affirmé que la famille de M. Ryan l'avait traitée de « folle ».

Rien n'indique que Mme Doucet ait fourni de l'information au sujet de problèmes de violence familiale pendant cet incident.

Conclusion no 8 : Pendant l'incident du 2 janvier 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

6. Le 12 janvier 2008

Le 12 janvier 2008, la GRC a reçu un appel du père, de la sœur et du beau-frère de Mme Doucet, qui se trouvaient à la résidence familiale et qui désiraient porter plainte contre M. Ryan, qu'ils accusaient de s'être introduit par effraction dans la résidence. Les parties étaient en désaccord concernant des objets qui avaient été retirés de la résidence. Il convient de noter qu'avant de se rendre à la résidence familiale, M. Ryan a appelé la GRC pour l'informer du fait qu'il s'y rendrait pour récupérer certains biens et pour s'assurer qu'il ne manquerait pas à ses engagements. Puisque Mme Doucet n'habitait plus la résidence depuis novembre 2007, la GRC a avisé M. Ryan qu'il ne violerait aucun engagement en se rendant à la résidence familiale.

La GRC a jugé qu'il s'agissait d'une affaire civile. Comme pour les incidents précédents, je conclus qu'il était raisonnable pour la GRC de considérer que les problèmes liés à la propriété constituaient une affaire civile. Rien ne laisse croire que d'autres renseignements concernant des problèmes de violence familiale ont été transmis à la GRC.

Conclusion no 9 : La GRC a posé un jugement raisonnable lorsqu'elle a déterminé que l'incident signalé le 12 janvier 2008 constituait une affaire civile; sa participation à l'affaire était donc raisonnable.

Conclusion no 10 : Pendant l'incident du 12 janvier 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

7. Le 18 janvier 2008

Le 18 janvier 2008, M. Ryan s'est plaint à la GRC, affirmant que Mme Doucet dérobait son courrier et qu'elle s'était emparée de certains de ses dossiers médicaux personnels. La GRC a déterminé qu'elle ne pouvait pas porter des accusations de vol contre Mme Doucet, puisqu'elle avait accès à la boîte aux lettres et qu'elle n'avait pas ouvert le courrier de M. Ryan. Selon les dossiers de la GRC, Mme Doucet n'a fourni aucun renseignement indiquant qu'elle était victime de violence familiale de la part de M. Ryan.

En ce qui concerne cet incident, Mme Doucet allègue que la gendarme Michel-Poitras est venue chez elle et y est restée pendant deux ou trois heures. Mme Doucet affirme qu'elle a parlé tout le long, mais ne se souvient pas de ce qu'elle a dit :

ENQUÊTEUSE : [Traduction] Ok. Est-ce que vous lui avez signalé la situation?... Vous dites qu'elle est restée chez vous et que vous avez parlé ensemble pendant deux ou trois heures. Est-ce que vous lui avez fait part d'incidents de violence dans votre relation?

NICOLE DOUCET : [Traduction] Bien, nous avons parlé. Je ne sais pas ce que j'ai dit.

ENQUÊTEUSE : [Traduction] Vous ne savez pas?

[...]

ENQUÊTEUSE : Mais est-ce que vous lui... est-ce que vous lui racontez des instances de violence, des instances particulières pour qu'elle puisse agir?

NICOLE DOUCET : J'ai aucune idée...

ENQUÊTEUSE : Vous en souvenez pas.

NICOLE DOUCET : ...qu'est-ce... Bien, je sais évidemment que je lui disais quelque chose, parce qu'elle continuait à me dire « J'étais entraînée pour l'abus. Je comprends. Je comprends ta situation. » [Traduction] Bien, si tu comprends...?

ENQUÊTEUSE : [Traduction] Donc, vous dites que la gendarme Poitras n'a rien... elle n'a rien fait?

NICOLE DOUCET : [Traduction] Elle n'a rien fait.

[Les passages en romain étaient en anglais dans la citation originale.]

Mme Doucet ne peut pas se souvenir de ce qu'elle a dit à la gendarme Michel-Poitras. Rien n'indique que Mme Doucet a communiqué à la gendarme Michel-Poitras de nouveaux renseignements qui auraient constitué des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence. Dans sa déclaration, Mme Doucet a souvent affirmé qu'elle ne se souvenait pas de conversations ou d'événements importants. Par conséquent, et comme pour les incidents antérieurs, la crédibilité de cette déclaration est limitée.

Conclusion no 11 : Pendant l'incident du 18 janvier 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

8. Le 28 janvier 2008

Le 28 janvier 2008, Mme Doucet a signalé au gendarme Garault que M. Ryan lui avait envoyé un message texte indiquant : [Traduction] « Je peux parler à [nom de leur fille]? ». L'enquête a révélé que les parties devaient comparaître devant le tribunal de la famille le jour suivant pour autoriser M. Ryan à rendre visite à sa fille, qu'il n'avait pas vue depuis l'incident du 23 novembre 2007.

Mme Doucet a allégué que c'était la deuxième fois que M. Ryan communiquait avec elle, ce qui constituait une violation des conditions de l'engagement de ce dernier. D'après Mme Doucet, la première communication a eu lieu le 17 décembre 2007, date à laquelle M. Ryan lui a envoyé un message texte indiquant que, si elle n'allait pas chercher son chien, il le tuerait.

Comme je l'ai mentionné antérieurement, la GRC était au courant de cet incident, car Mme Doucet et M. Ryan l'avaient tous deux signalé.

Le gendarme Garault a recueilli la déclaration de Mme Doucet. Lorsqu'il lui a demandé si elle se sentait en sécurité, voici ce qu'elle a répondu :

Q : Te sens-tu en sécurité ici?

R. : Non

Q. : Peux-tu m'expliquer pourquoi?

R. : Non, parce que je connais Mike, je connais ses rages. Tout à coup, il prend fou et violent, et on ne s'est jamais quand ou pourquoi, C'est comme un éclair. Il est très violent. Il y a toujours été violent, mais personne veux dire ou faire quelque chose. Il a toujours eu des problèmes de anger management, mais il se moque quand le monde dit cela de lui. et il me dit qu'il n'a pas de problème. Il s'organise tout le temps. Il planifie les choses et les incidents, pour mettre les autres dans de la merde. [sic]

Q. : Est-ce qu'il y a eu d'autres incidents avec Mike qui n'ont pas été rapportés à la police?

R. : Il a toujours été violent, c'est tout ce que je peux dire.

Pendant l'enquête de la Commission, on a interrogé le gendarme Garault à propos de cette déclaration. Il a indiqué que, selon lui, Mme Doucet faisait allusion à des incidents connus de la police et n'avait pas révélé de nouveaux incidents ou soulevé de nouvelles préoccupations. Par conséquent, il avait conclu qu'il n'y avait pas lieu de faire enquête. Comme il est indiqué, lorsque le gendarme a insisté sur certains points, Mme Doucet n'a pas pu fournir plus de détails.

Aucune accusation n'a été portée contre M. Ryan pour ce message texte. Après avoir mené une enquête et consulté le procureur de la Couronne, le caporal Thibaudeau a décidé de donner un avertissement à M. Ryan plutôt que de déposer des accusations contre lui pour violation de son engagement.

Les policiers sont autorisés à décider d'enquêter ou non lorsqu'on soupçonne des actes répréhensibles, notamment des infractions au Code criminel, et cela suppose nécessairement l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Dans une plainte semblable à celle-ci, où c'est l'exercice du jugement ou du pouvoir discrétionnaire qui est remis en question, la Commission n'a pas à déterminer si une autre personne aurait agi différemment. Elle doit plutôt déterminer si le jugement ou le pouvoir discrétionnaire en question a été exercé déraisonnablement ou de façon inappropriée. 

La Commission reçoit souvent des plaintes du public selon lesquelles des membres ont manqué à leur devoir en ne portant pas d'accusation alors qu'il semblait y avoir, du moins, certains motifs de le faire. La police ne dépose pas d'accusation dans tous les cas, et c'est tout à fait normal. La détermination des accusations à porter exige l'utilisation légitime du pouvoir discrétionnaire par les policiers. Cependant, l'utilisation de ce pouvoir discrétionnaire n'est pas sans entraves. Pour exercer raisonnablement ce pouvoir discrétionnaire, le policier se doit de tenir compte de tous les facteurs en présence, de faire preuve de bon sens et de se conformer aux valeurs et aux normes professionnelles de la GRC.

Comme je l'ai mentionné ci-dessus, le caporal Thibaudeau a consulté le procureur de la Couronne, qui a convenu que la police pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire et décider de ne pas déposer des accusations dans cette affaire. Il s'agissait d'une violation relativement mineure, aucune menace n'avait été proférée et la communication avait eu lieu par message texte. Dans ce contexte, la GRC était intervenue activement dans le conflit familial et était au courant de la situation. Le caporal Thibaudeau maintient catégoriquement qu'il a accordé à ce cas une attention bien plus grande qu'à la plupart des cas, étant donné le degré de conflit entre les parties et l'information dont disposait la GRC à leur sujet. Je n'ai aucune raison de ne pas croire le caporal, qui a continuellement fourni à la Commission de l'information précise, détaillée et sans équivoque.

Par conséquent, je conclus que la décision de ne pas porter des accusations constituait un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire de la police dans les circonstances. En outre, Mme Doucet n'a pas été en mesure de fournir des renseignements qui constitueraient pour la GRC des motifs de croire qu'elle était victime de violence familiale, même lorsqu'on l'a exhorté à maintes reprises à fournir des détails.

Conclusion no 12 : La GRC a mené une enquête raisonnable à la suite de la plainte déposée par Mme Doucet le 28 janvier 2008.

Conclusion no 13 : Le caporal Thibaudeau a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable lorsqu'il a décidé de ne pas déposer des accusations en lien avec l'incident du 28 janvier 2008.

Conclusion no 14 : Pendant l'incident du 28 janvier 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait d'autres motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Pendant son entretien avec le gendarme Garault, lors de l'incident du 28 janvier 2008, Mme Doucet a demandé qu'on lui fournisse un « bouton d'alarme ». L'information contenue au dossier indique que, le 11 janvier 2008, une travailleuse des Services aux victimes a communiqué avec le gendarme Racicot pour voir s'il était possible de fournir un « bouton d'alarme » à Mme Doucet. Ce dernier a refusé de donner suite à la demande, car il considérait que le niveau de menace était faible. Il a déclaré dans son entrevue que, au moment de l'incident, il n'était pas au courant de l'existence d'un tel outil. Le gendarme Racicot a indiqué qu'il aurait consulté le caporal Thibaudeau à ce sujet.

D'après le rapport d'incident rédigé par le gendarme Garault : [Traduction] « Le gend. GARAULT allait présenter une demande écrite aux Services aux victimes pour le "bouton d'alarme", mais le cap. THIBAUDEAU lui a dit qu'il n'appuierait pas une telle demande. » La demande concernant le bouton d'alarme n'a jamais été accordée.

Le gendarme Garault a affirmé qu'il n'avait jamais fait de demande pour un bouton d'alarme avant cet incident et qu'il n'en a pas fait depuis. Il a indiqué qu'il ignorait si un tel outil existait.

Selon le caporal Thibaudeau, le « bouton d'alarme » était un outil relativement nouveau dont on se servait à l'époque dans les cas de violence familiale. Il a expliqué que l'outil était utilisé dans des cas « extrêmes ». À l'époque, l'outil était fourni dans le cadre d'un programme provincial. D'après la description qu'en a faite le caporal Thibaudeau, le « bouton d'alarme » utilisé à l'époque s'apparentait à un téléphone sans fil connecté au 9-1-1. Le caporal Thibaudeau a affirmé qu'il avait refusé la demande de bouton d'alarme, parce qu'il estimait que ce n'était pas justifié dans ce cas. Il a indiqué qu'il avait assisté récemment à une réunion au cours de laquelle on avait présenté les dispositifs et que, à sa connaissance, seuls deux ou trois dispositifs étaient utilisés en Nouvelle-Écosse à l'époque. Il a expliqué que les dispositifs étaient fournis dans des cas où, par exemple, il y avait de longs antécédents de violence causant des lésions corporelles. À l'époque, d'après l'information qui lui avait été fournie, la GRC n'était au courant que d'un seul incident de violence familiale au sein de la famille Ryan, celui du 23 novembre 2007, lors duquel M. Ryan aurait menacé de mettre le feu à la résidence familiale.

Par conséquent, je conclus qu'il était raisonnable de la part du caporal Thibaudeau de déterminer que Mme Doucet n'était pas admissible à recevoir un « bouton d'alarme » ou autre dispositif du genre.

Conclusion no 15 : Le caporal Thibaudeau a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable lorsqu'il a refusé de donner suite à la demande de janvier 2008 concernant le bouton d'alarme pour Mme Doucet.

9. Le 31 janvier 2008

Le 31 janvier 2008, Mme Doucet a appelé la GRC pour signaler qu'elle avait vu M. Ryan conduire sur l'autoroute et qu'elle craignait qu'il se rende à l'école de leur fille. La GRC a fait enquête. Le sergent Lacroix s'est rendu à l'école de l'enfant et a confirmé que M. Ryan ne s'y trouvait pas.

Je conclus que la GRC est intervenue de façon raisonnable à la suite de la plainte de Mme Doucet. La seule information dont disposait la GRC était que Mme Doucet avait vu M. Ryan conduire sur l'autoroute. Le sergent Lacroix a fait preuve de diligence raisonnable en vérifiant que M. Ryan n'était pas à l'école; une fois cette vérification réalisée, aucune autre mesure n'était requise.

Conclusion no 16 : Le sergent Lacroix a mené une enquête raisonnable à la suite de la plainte déposée par Mme Doucet le 31 janvier 2008.

10. Le 8 février 2008

 À l'époque, le véhicule que conduisait Mme Doucet était loué au nom de M. Ryan. D'après la correspondance entre les parties, M. Ryan voulait récupérer le véhicule, mais Mme Doucet ne le lui avait pas retourné.

Par conséquent, le 8 février 2008, M. Ryan s'est rendu au lieu de travail de Mme Doucet, une école, pour y récupérer le véhicule loué. Le directeur de l'école, qui était au courant du conflit entre les parties, a averti la GRC de la présence de M. Ryan à l'école. Le directeur adjoint de l'école a confirmé qu'il n'y avait eu aucun incident de menaces ou de violence; Mme Doucet avait simplement informé le personnel de l'école que M. Ryan était un militaire et qu'il avait accès à des armes à feu.

Après avoir obtenu de plus amples renseignements, le caporal Thibaudeau a déterminé qu'il s'agissait d'une affaire civile et a renvoyé les parties vers leurs avocats respectifs.

Selon Mme Doucet, le sergent Lacroix a refusé de prendre sa plainte au sérieux :

NICOLE DOUCET : Sergent Lacroix, c'était comme...

ENQUÊTEUSE : Vous lui parliez, au Sergent Lacroix?

NICOLE DOUCET : Oui, je lui parlais, puis il faisait tout simplement...

ENQUÊTEUSE : Quand est-ce que... dans quelle circonstance vous avez parlé au Sergent Lacroix?

[...]

NICOLE DOUCET : Bien, Mike avait [sic] venu à l'école pour chercher la voiture, parce que c'est une lease. Ça fait Mike avait venu à l'école, et puis avait décidé qu'il voulait la voiture, et puis il est venu à l'école, et puis... [Traduction] On a appelé la police, parce que l'école savait que j'avais peur, la police savait... je ne sais pas ce qu'elle savait. Elle savait que j'avais peur et que je n'étais pas en sécurité. Alors on a appelé la police, et nous... Je ne suis sortie qu'après que tout soit terminé. M. Lacroix s'est assis avec MarcNote de bas de page 9, et il a dit « Si les choses... » – Marc est... il était le directeur adjoint... – Lacroix a dit quelque chose... mais... « C'est un soldat, c'est un soldat, monsieur. » Et puis Marc a répondu, « Oui, mais peut-être que vous devriez faire attention! C'est peut-être cela que vous devriez être en train regarder à! » Et puis Sergent Lacroix, c'est, « Bien, il nous protège! C'est un soldat canadien! » Puis, Marc... [Traduction] Marc s'est juste assis dans sa chaise, et il n'y avait pas moyen de communiquer avec lui. Il a dit... « Bien, c'est un soldat. » Et M. Thibaudeau [sic], il agissait exactement pareil. Il me disait « Madame, fais attention qu'est-ce que tu dis! Madame! » Et chaque fois que j'allais le voir, il me disait « Madame, fais attention qu'est-ce que tu dis! C'est un soldat! » Alors, on dirait que... je ne pouvais pas... je ne pouvais pas leur parler. Et Lacroix, je me souviens lui avoir parlé chez mes parents, chez mon père, et je lui ai dit « Je vous en prie, je vous en prie, faites votre travail! Protégez [l'enfant]! Je vous en prie! C'est un homme violent. Protégez [l'enfant], je vous en prie. Ce n'est qu'une enfant. Une enfant. » Et c'est ça...

[Les passages en romain étaient en anglais dans la citation originale.]

Je constate que, pendant l'entrevue menée par la Commission, Mme Doucet a souvent affirmé qu'elle avait demandé que la GRC la protège de M. Ryan. Lorsqu'on lui a demandé quels renseignements elle avait fournis à la GRC, elle se contentait de répondre qu'elle avait besoin d'aide. Mme Doucet a soutenu qu'elle avait demandé la protection de la GRC à maintes reprises, mais que les membres, pour toute réponse, lui demandaient quelles mesures elle voulait qu'ils prennent. Elle ne pouvait pas fournir une réponse claire à cette question.

Il est difficile pour la Commission de juger de la véracité de propos tenus pendant une conversation privée. Je remarque, cependant, que rien n'indique, dans l'information dont je dispose, que la GRC a accordé un traitement spécial à M. Ryan du fait qu'il était militaire. En fait, lorsqu'on lui a posé directement la question, le gendarme Racicot a paru surpris par cette insinuation et a déclaré que cette idée ne lui était jamais venue à l'esprit. Je n'ai aucune raison de ne pas croire le gendarme Racicot, car la déclaration qu'il a faite à la Commission était précise, crédible et cohérente. De plus, les rapports qu'il a rédigés à l'époque étaient clairs et détaillés et décrivaient chaque incident au cours duquel il était intervenu, ce qui a permis à la Commission d'examiner rigoureusement sa conduite.

Dans ce cas-ci, il n'y a aucun motif raisonnable de croire que Mme Doucet se trouvait en danger et il n'y a eu aucun contact entre les parties. Mme Doucet s'était dite quand même inquiète, parce qu'il y avait une tempête cette journée-là et que, d'après elle, M. Ryan s'emportait chaque fois qu'il y avait une tempête.

Je reconnais les inquiétudes de Mme Doucet, mais je conclus que la GRC a mené une enquête raisonnable dans cette affaire. Il n'y avait pas lieu d'ouvrir une enquête criminelle, et la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence de la part de M. Ryan.

Conclusion no 17 : La GRC a mené une enquête raisonnable à la suite de la plainte déposée le 8 février 2008 et a déterminé qu'il s'agissait d'une affaire civile.

Conclusion no 18 : Pendant l'incident du 8 février 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait d'autres motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

11. Le 13 mars 2008 – plainte déposée par la sœur de Mme Doucet

Le 13 mars 2008, la sœur de Mme Doucet a appelé le 9-1-1 pour signaler une introduction par effraction à la résidence familiale. Elle a affirmé que M. Ryan s'était introduit par effraction dans la résidence familiale et avait retiré le système de chauffage. Le gendarme Paskal a répondu à l'appel, a jugé qu'il s'agissait d'une affaire civile et en a informé la sœur de Mme Doucet. Il convient de noter que Mme Doucet n'habitait pas la résidence à ce moment-là, et aucun engagement n'empêchait M. Ryan de s'y rendre. De plus, à cette époque, M. Ryan était toujours copropriétaire de la résidence. Par conséquent, les éléments de l'infraction d'introduction par effraction n'étaient pas satisfaits.

Comme je l'ai mentionné précédemment, la GRC ne doit pas intervenir outre mesure dans les affaires civiles. Rien n'indique que la GRC ait reçu ce jour-là de l'information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 19 : Le gendarme Paskal a posé un jugement raisonnable lorsqu'il a déterminé que la plainte déposée par la sœur de Mme Doucet le 13 mars 2008 constituait une affaire civile et qu'il a refusé d'intervenir plus avant.


Conclusion no 20 : Pendant l'incident du 13 mars 2008 où la sœur de Mme Doucet était en cause, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait d'autres motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.
12. Le 13 mars 2008 – plainte de M. Ryan

Également le 13 mars 2008, M. Ryan a appelé la GRC pour se plaindre de la présence de Mme Doucet à sa résidence, située à Kentville. Lorsqu'il s'est entretenu avec le gendarme Garault, M. Ryan a dit craindre que Mme Doucet essaie de le prendre au piège pour le forcer à violer les conditions de son engagement.

Le gendarme Garault a informé M. Ryan qu'il pouvait faire une demande pour obtenir un engagement de ne pas troubler l'ordre public à l'endroit de Mme Doucet et que l'on pourrait envisager de déposer une plainte pour harcèlement criminel si la situation se reproduisait.

Lors de l'enquête d'intérêt public, Mme Doucet a admis s'être rendue à Kentville, mais elle a soutenu que c'était à la demande de sa fille.

Conclusion no 21 : Le gendarme Garault n'a reçu aucune information à la suite de la plainte déposée par M. Ryan le 13 mars 2008 qui constituerait des motifs raisonnables de croire qu'une infraction avait été commise.

Allégations de violence familiale

Ce n'est pas le mandat de la Commission d'établir si Mme Doucet a été ou non victime de violence dans sa relation avec M. Ryan. Le rôle de la Commission consiste à déterminer si la GRC a répondu de façon raisonnable aux demandes d'aide de Mme Doucet, si elle disposait ou aurait dû disposer de renseignements qui l'auraient amenée à soupçonner que Mme Doucet était victime de violence et si la protection qu'elle a accordée à cette dernière était insuffisante à quelque égard que ce soit. C'est dans ce but que je vais résumer l'information dont disposait la GRC et présenter, de façon plus générale, l'état de la relation entre les parties.

Un examen des dossiers de la GRC a permis de constater que les noms de Mme Doucet ou de M. Ryan, ou les deux noms apparaissaient à environ 25 reprises. Bien que seuls les dossiers susmentionnés aient été étudiés en détail dans le présent rapport, la Commission a examiné toutes les occurrences afin de confirmer qu'elles n'étaient pas liées à la présente affaire. Par exemple, un des dossiers portait sur une plainte au criminel déposée par la sœur de Mme Doucet, qui a accusé cette dernière d'avoir tenté de la renverser avec sa voiture. Un autre dossier portait sur une plainte déposée par Mme Doucet contre son père pour profération de menaces.

L'examen des dossiers de la GRC ne permet pas de conclure que les membres de la GRC avaient reçu de l'information ou disposait d'information qui, à première vue, leur aurait permis de déterminer que Mme Doucet était victime de violence de la part de son mari. Tous les membres de la GRC rencontrés par la Commission maintiennent catégoriquement qu'ils ont, à maintes reprises, tenté d'amener Mme Doucet à révéler de l'information à ce sujet et essayé en vain d'établir le fondement de ses craintes. Mme Doucet a elle-même admis qu'elle n'avait pas révélé à la GRC qu'elle était victime de violence :

[Traduction]

ENQUÊTEUSE : Ce matin-là. Ok. Qu'est-ce qui est arrivé quand vous êtes allée au détachement ce matin-là?

NICOLE DOUCET : Ils m'ont posé des questions. J'avais peur. J'avais peur. J'avais peur. Ils m'ont demandé de remplir un questionnaireNote de bas de page 10. Après ça, ils m'ont dit que, d'après le questionnaire, je montrais des signes et des symptômes d'avoir été maltraitée.

ENQUÊTEUSE : C'est la police qui vous a dit ça?

NICOLE DOUCET : Oui, Jonathan m'a dit ça. Et moi, bien sûr, je ne voulais pas admettre ça [qu'elle avait été victime de violence] alors je l'ai nié.

Mme Doucet a aussi affirmé qu'elle n'avait jamais signalé à la police des incidents d'agressions au moyen d'armes à feu, incidents qu'elle a mentionnés pendant son procès.

[Traduction]

ENQUÊTEUSE : Vous avez dit que Mike Ryan vous avait menacé avec des armes à feu.

NICOLE DOUCET : Oui.

ENQUÊTEUSE : Combien de fois est-ce que c'est arrivé?

NICOLE DOUCET : Quelques fois... la dernière fois, c'était dans la chambre à coucher. À la table qui se trouve en haut. Une fois, c'est arrivé à la table de la salle à manger et dehors, vers... juste après l'Halloween.

ENQUÊTEUSE : Est-ce que vous avez signalé ces incidents à la police?

NICOLE DOUCET : Non.

ENQUÊTEUSE : Avez-vous, à quelque moment que ce soit, signalé ces incidents à la police?

NICOLE DOUCET : Non.

Lorsque l'enquêteuse a insisté sur le sujet, Mme Doucet a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

ENQUÊTEUSE : Quand vous êtes allée voir la police pour faire votre déclaration, avez-vous raconté à la police tous les incidents dont vous aviez été victime au cours des dernières années? Avez-vous parlé des armes à feu, des...

NICOLE DOUCET : Non.

ENQUÊTEUSE : Vous n'en avez pas parlé. Ok.

NICOLE DOUCET : J'ai parlé, en long et en large, et je ne sais plus trop ce que je leur ai dit, mais... je ne voulais pas qu'ils pensent que je suis stupide.

ENQUÊTEUSE : D'accord. Donc, vous n'en avez pas parlé à la police parce que vous ne vouliez pas qu'ils pensent que vous étiez stupide.

NICOLE DOUCET : Stupide, gênée, honteuse.

Après l'arrestation de M. Ryan en novembre 2007, on a aiguillé Mme Doucet vers les Services aux victimes. En ce qui concerne ses interactions avec cet organisme, elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

ENQUÊTEUSE : Ok, mais vous affirmez que M. Ryan vous agressait physiquement.

NICOLE DOUCET : Oui.

ENQUÊTEUSE : Ok. Est-ce que vous lui avez dit, à Nancy, aux Services aux victimes?

NICOLE DOUCET : J'ai parlé, encore et encore, j'ai radoté, j'ai parlé de long en large, je ne sais plus trop ce que je lui ai dit exactement, j'ai parlé à tant de personnes que je ne me souviens plus ce que j'ai dit à chacune. Mais je sais que j'ai parlé et parlé et parlé [...]

Elle a également déclaré :

[Traduction]
NICOLE DOUCET : Elle était assise dans une pièce comme celle-ci, et nous avons parlé.

ENQUÊTEUSE : Parlé de quoi?

NICOLE DOUCET : J'avais besoin d'aide.

ENQUÊTEUSE : Quel genre d'aide?

NICOLE DOUCET : De l'aide! J'avais peur. J'avais besoin d'aide. C'est là qu'elle a suggéré... ça s'appelle un bouton d'alarme. Elle a téléphoné... J'avais besoin d'aide psychologique. Alors elle a fait une demande pour que j'aie de l'aide psychologique, et j'ai reçu une lettre, quelques semaines plus tard, qui indiquait que le gouvernement ne me fournirait pas une aide psychologique par les Services aux victimes, parce qu'on ne m'avait pas agressée physiquement.

Bien que l'avocat de Mme Doucet ait indiqué qu'il aurait aimé qu'il y ait une meilleure collaboration entre la GRC et les Services aux victimes, les documents mis à ma disposition appuient la proposition selon laquelle la GRC a fourni aux Services aux victimes tous les renseignements dont ils avaient besoin pour intervenir auprès de Mme Doucet. Cette dernière est d'avis que l'on aurait dû lui offrir une plus grande protection, mais rien dans ce qu'elle ou ce que d'autres parties en cause ont rapporté n'indique qu'elle aurait divulgué à quiconque qu'elle était victime de violence.

Lorsqu'on lui a demandé si elle avait signalé la violence dont elle était victime à la police militaire, Mme Doucet a répondu [Traduction] « Je ne sais pas. » Dans un rapport de la police militaire examiné par la Commission, il est indiqué que Mme Doucet a fait 14 allégations contre M. Ryan, selon lesquelles il aurait notamment volé des biens militaires et utilisé de l'équipement militaire à des fins personnelles. Mme Doucet a également informé la police militaire que des accusations avaient été déposées contre M. Ryan pour profération de menaces à son endroit, mais, d'après le dossier, elle n'a pas mentionné d'autres cas de violence. Dans un autre rapport, daté du 8 janvier 2008, il est indiqué qu'elle a de nouveau communiqué avec la police militaire pour se plaindre du fait que M. Ryan [Traduction] « lui compliquait la vie » et qu'il avait communiqué avec les Services sociaux pour l'accuser de ne pas prendre bien soin de leur fille. Mme Doucet a aussi signalé que M. Ryan et Mme Huntley entretenaient une relation amoureuse. Elle a communiqué une fois de plus avec la police militaire le 26 février 2008 pour signaler que M. Ryan cultivait de la marijuana sur la base militaire et qu'il avait volé du bois d'œuvre. Ces documents ne contiennent aucune information indiquant que Mme Doucet aurait informé la police militaire, en 2007 ou en 2008, du fait qu'elle était victime de violence familiale.

On a également demandé à Mme Doucet pour quelle raison elle n'avait pas signalé la violence dont elle était victime lors de la procédure devant le tribunal de la famille, lorsqu'une psychologue a réalisé une évaluation familiale :

[Traduction]

ENQUÊTEUSE : Donc... dans le rapport, elle mentionne à un moment donné que vous ne lui avez jamais fait part d'incidents de violence familiale.
NICOLE DOUCET : Non.

ENQUÊTEUSE : Vous ne lui en avez jamais parlé.

NICOLE DOUCET : Non.

ENQUÊTEUSE : D'accord. Pourquoi?

NICOLE DOUCET : Parce que je ne voulais pas qu'elle le sache. Je ne voulais pas que qui que ce soit le sache. Et...

ENQUÊTEUSE : Mais quand est-ce que cette évaluation ou cette étude à la maison a eu lieu?

NICOLE DOUCET : Ça devait être en 2008. J'ai été arrêtée en mars.

ENQUÊTEUSE : Donc, c'était après votre arrestation?

NICOLE DOUCET : Oui.

ENQUÊTEUSE : Mais pourquoi est-ce que vous ne vouliez pas qu'elle le sache? Vous alliez en parler durant votre procès de toute façon.

NICOLE DOUCET : Parce que, par exemple, si on vous dit « avez-vous déjà été agressé physiquement? » Qu'est-ce que vous répondez? Est-ce qu'il m'a déjà frappée au visage? C'est comme ça que je le comprends. Ok? Non. Il ne m'a jamais frappée à coups de poing, encore et encore, comme il frappe les gars avec qui il... Mike, s'est déjà battu. C'est ce qu'il fait. Il donne plein de coups de poing. Moi, je n'ai pas subi ça. Ok? Jamais. Il m'a prise à la gorge. Il m'a tenue de force contre le mur, m'a immobilisé les bras. Mais je n'y ai jamais pensé. Il m'a menacée d'une arme à feu? Est-ce ça, c'est de l'agression physique? Mais il n'y a pas de contact physique. Et l'agression sexuelle. Comment est-ce que je peux quantifier... on est marié. On vit ensemble. Comment... Qu'est-ce qui est considéré? Et je n'aime pas... je n'aime pas parler de ça. Qu'est-ce qui est considéré comme une agression? Quand Mike me dit : « La dernière fois, tu m'as donné l'impression que je te violais. Pourquoi est-ce que tu ne me parles pas? » Ou quand il me dit : « Ha, ha, ha, ha, t'aimes la manière brutale. » Est-ce que c'est de l'agression sexuelle? Hein? Quand on doit faire une fellation et que ça ne nous tente pas, est-ce que c'est de l'agression sexuelle? Est-ce que quelqu'un m'y force physiquement? Non, mais je le fais parce que j'ai peur. Quand on parle de ces choses là, il faut prouver ce qu'on dit. Et je ne peux rien prouver. Et c'est ce qu'on m'a toujours dit, que je ne pouvais rien prouver. Et c'est vrai! Je ne peux pas vous le prouver. Et pour le procès, eh bien, c'est pour ça que je ne voulais pas que le monde le sache, je ne voulais pas aller en cour. Comment est-ce que je m'y prends, pour prouver ça? Est-ce que quelqu'un va vraiment m'écouter si j'en parle? On va me dire que je suis conne, que je suis niaiseuse. Que je suis censée être une femme instruite! Que j'ai l'air bien! Et moi, je ne peux pas... Il m'a immobilisée contre le mur, m'a prise à la gorge, mais qu'est-ce que ça veut dire aux termes de la loi? Comment est-ce qu'on appelle ça? Comment est-ce que je peux... je suis en vie, il ne m'a pas tuée.

ENQUÊTEUSE : Est-ce que c'est pour ça que vous n'en avez pas parlé à la police, parce que vous ne saviez pas comment définir ce que vous aviez vécu? Ou est-ce que c'est parce que vous pensiez qu'on ne vous croirait pas?

NICOLE DOUCET : Non! C'est parce que je ne voulais pas... Parce que je n'ai pas de preuves et je sais qu'il faut des preuves. Sans preuve, ils ne peuvent rien faire. Alors, à quoi ça sert d'en parler? On m'a toujours dit que je ne pouvais rien prouver, et c'est vrai.

La Commission a également examiné certains documents soumis pendant les procédures concernant le divorce et la garde de l'enfant. Mme Doucet n'avait alors soulevé aucune inquiétude en ce qui concerne le caractère violent de M. Ryan ni signalé aucun cas de violence; d'après ce qui est consigné dans les documents, ses préoccupations relativement au fait de confier la garde de l'enfant à M. Ryan découlaient du fait qu'il n'était pas le principal fournisseur de soins.

Dans les documents relatifs au tribunal de la famille, on retrouve le rapport du 23 mars 2009, préparé par une psychologue qui, par suite de l'ordonnance du tribunal, a réalisé une évaluation pour déterminer les besoins de l'enfant. Dans ce rapport, il est indiqué ce qui suit :

[Traduction]
Mme Doucet a affirmé que M. Ryan n'avait jamais blessé physiquement [l'enfant]. Elle a cependant signalé qu'il avait menacé de blesser [l'enfant], mais cette allégation n'a pas été prouvée. L'information fournie par Mme Doucet en ce qui concerne M. Ryan n'est pas cohérente (p. ex., en ce qui a trait à la violence physique dont elle aurait ou non été victime) et les inquiétudes qu'elle nourrit à son endroit croissent au fil du temps.

Le rapport contient aussi un résumé de l'évaluation psychiatrique ordonnée par le tribunal subie par Mme Doucet à la suite de son arrestation. Dans celle-ci, il est indiqué :

[Traduction]
Mme Doucet a affirmé qu'elle n'avait pas été victime de violence physique ou de menaces de mort de la part de M. Ryan, mais qu'elle avait peur de le devenir. Parallèlement, elle a indiqué qu'elle voulait qu'il soit tué avant le 1er avril 2008, parce qu'elle ne voulait pas le voir lors de la prochaine comparution devant le tribunal.

Toutefois, Mme Doucet a fait part de certaines de ses craintes liées à la violence familiale à un agent de protection à l'enfance du ministère des Services communautaires dans le comté de Digby, mais a uniquement mentionné le fait que l'enfant avait été témoin des excès de colère de son père et qu'elle avait vu ce dernier lancer des objets. Enfin, lorsque l'agent d'infiltration de la GRC s'est entretenu avec Mme Doucet, il lui a demandé si elle avait subi des mauvais traitements de la part de M. Ryan, ce à quoi elle a répondu par la négative. Lorsque le policier lui a demandé pourquoi elle voulait supprimer M. Ryan, Mme Doucet a affirmé que c'était « à cause de tout ce qu'il avait pris et détruit », faisant référence à son « attitude ».

Après avoir passé en revue toute l'information fournie par chacun des organismes et celle relative aux processus judiciaires énoncés ci-dessus, il m'apparaît évident que Mme Doucet n'a, à aucun moment, divulgué de l'information qui indiquerait qu'elle était victime de violence. Elle admet elle-même qu'elle n'a pas signalé les problèmes de violence familiale dont elle aurait été victime. Néanmoins, elle soutient que sa situation aurait dû être apparente. La déclaration suivante est en grande partie représentative de l'opinion de Mme Doucet au sujet du rôle qu'a joué la police dans son arrestation pour complot en vue de commettre un meurtre :

[Traduction] S'ils se sont aperçus que j'étais impliquée dans un complot pour commettre un meurtre, pourquoi est-ce que personne ne m'a dit : « Nicole, calme-toi. Il y a quelque chose qui ne va pas. » Ils n'arrêtaient pas de me dire que quelque chose n'allait pas. « Madame, t'as besoin de l'aide psychologique. Madame, vas-tu à psychologue? Madame, peut-être tu devrais aller voir un psychologue. » Ils savaient donc que j'avais un problème psychologique. Mais je suis docile. Je leur dis même s'il vous plaît et merci! Je suis polie! Respectueuse. Pourquoi est-ce qu'ils ne m'ont pas juste demandé : « Nicole, sais-tu ce que tu fais? Les gens disent que tu essaies d'embaucher un tueur à gages. Il y a forcément quelque chose qui ne va pas. Qu'est-ce qui se passe? » Je ne sais pas si ça aurait changé grand-chose. Je ne sais pas. Je ne sais pas, peut-être que s'il y avait eu une sonnette d'alarme, j'aurais pu m'en sortir. S'ils avaient dit : « Nicole, qu'est-ce que... », s'ils m'avaient demandé « de quoi as-tu besoin? ».

[Les passages en romain étaient en anglais dans la citation originale.]

Mme Doucet ne planifiait pas un délit mineur; il s'agissait d'au moins sa deuxième tentative d'engager une personne pour tuer son mari. Il aurait été tout à fait déraisonnable que les policiers tentent de la réconforter plutôt que de lancer une enquête criminelle.

Les attentes de Mme Doucet concernant la GRC sont irréalistes à presque tous les égards. Sur plusieurs années, elle s'est plainte à maintes reprises à la police pour diverses raisons, a interagi avec les Services aux victimes, s'est battue devant les tribunaux pour la garde de son enfant et a fait appel à la police militaire. Rien n'indique qu'elle ait, à quelque moment que ce soit, informé un de ces organismes du fait qu'elle était victime de violence. Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, je conclus que la protection accordée par la GRC à Mme Doucet n'était pas déraisonnable, puisque l'organisation n'était pas ni n'aurait pu être au courant des allégations de violence familiale de cette dernière.

Conclusion no 22 : La protection accordée par la GRC à Mme Doucet n'était pas déraisonnable, puisque l'organisation n'était pas ni n'aurait pu être au courant des allégations de violence familiale de cette dernière.

La dernière préoccupation soulevée par Mme Doucet et son avocat concernait la formation sur la violence familiale reçue par les membres en cause. L'avocat de Mme Doucet a aussi déclaré qu'il aurait aimé que les policiers connaissent mieux le syndrome de la femme battue. Pendant mon examen, je n'ai constaté aucune lacune ni aucun manque de connaissances sur le sujet de la part des membres rencontrés. En fait, ces derniers ont tous affiché une bonne connaissance de la politique sur la violence dans les relations de la GRC et ont reconnu, de manière constante, l'importance de protéger les victimes de violence familiale.

Conclusion no 23 : Les membres en cause ont affiché une connaissance raisonnable de la politique sur la violence dans les relations de la GRC, laquelle a été observée en tout temps.

Conclusion

La Commission reconnaît que la violence familiale et, plus précisément, le syndrome de la femme battue constituent des enjeux complexes dont les membres doivent être au fait. Malgré cela, dans le cas de Mme Doucet, la GRC n'a reçu aucune information qui aurait permis à un de ses membres de croire que Mme Doucet était victime de violence ou que sa vie était en danger. En outre, cette dernière n'a fourni aucune information à l'appui de laquelle une enquête criminelle aurait pu être lancée. S'il est vrai que la GRC est intervenue activement auprès de la famille, la plupart des interactions concernaient des affaires civiles liées à la résidence familiale et toutes découlaient de la relation conflictuelle qui semblait exister entre les diverses parties en 2007 et 2008.

La seule plainte présentée à la GRC concernant des menaces a été traitée en conséquence par l'organisation. Qui plus est, comme elle l'a elle-même admis à plusieurs reprises, Mme Doucet n'a signalé aucun incident de violence familiale à la GRC. Même si la Commission reconnaît que Mme Doucet aurait aimé que la GRC en fasse davantage pour assurer sa protection et celle de son enfant, on ne peut s'attendre à ce que les membres soient au courant d'incidents dont ni eux ni personne n'ont été informés et pour lesquels il n'existe aucune preuve physique apparente. La suggestion selon laquelle la GRC aurait dû être au fait de la situation présumée de Mme Doucet est déraisonnable.

Comme je l'ai mentionné précédemment, le mandat de la Commission n'est pas de déterminer si Mme Doucet a été victime de violence de la part de M. Ryan; l'objectif du présent rapport n'est pas non plus de jeter le blâme sur l'une ou l'autre des parties pour leur comportement respectif. L'enquête de la Commission, conformément à son mandat législatif, a pour but d'évaluer la conduite des membres de la GRC durant leurs interactions avec Mme Doucet. L'objectif de la Commission était de déterminer si la GRC avait failli à son devoir de protéger Mme Doucet ou d'observer sa politique relative à la violence familiale ou si elle avait fait preuve d'une quelconque négligence qui aurait amené le corps policier à ignorer une victime qui avait besoin d'aide.

Je conclus qu'il ne s'agit pas ici d'une situation où la GRC a refusé de venir en aide aux parties; la GRC est intervenue activement dans les conflits familiaux. L'examen réalisé par la Commission me permet de conclure que la conduite de la GRC était raisonnable lors de chacune de ses interactions avec Mme Doucet et sa famille et que la GRC a accordé une protection raisonnable à Mme Doucet.

Conformément au paragraphe 45.43(3) de la Loi sur la GRC, je présente respectueusement mon Rapport sur l'enquête d'intérêt public.

Le président intérimaire,
Ian McPhail, c. r.

Annexe A – Résumé des conclusions

Conclusion no 1 : La GRC a mené une enquête raisonnable à la suite de la plainte déposée par Mme Doucet le 23 novembre  2007 selon laquelle M. Ryan l'avait menacée.

Conclusion no 2 : Les mesures prises par la GRC lors de l'intervention du 23 novembre  2007 étaient conformes à ses politiques relatives aux cas liés à la violence familiale.

Conclusion no 3 : Rien ne porte à croire que la GRC a influencé la décision du procureur de la Couronne de ne pas poursuivre M. Ryan.

Conclusion no 4 : Il était raisonnable pour la GRC d'aiguiller Mme Doucet vers les Services aux victimes après l'incident du 23 novembre  2007.

Conclusion no 5 : Au cours de l'incident du 6 décembre 2007, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 6 : La GRC a posé un jugement raisonnable lorsqu'elle a déterminé que l'incident signalé le 16 décembre 2007 constituait une affaire civile; sa participation à l'affaire était donc adéquate.

Conclusion no 7 : Pendant l'incident du 17 décembre 2007, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 8 : Pendant l'incident du 2 janvier 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 9 : La GRC a posé un jugement raisonnable lorsqu'elle a déterminé que l'incident signalé le 12 janvier 2008 constituait une affaire civile; sa participation à l'affaire était donc adéquate.

Conclusion no 10 : Pendant l'incident du 12 janvier 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 11 : Pendant l'incident du 18 janvier 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait des motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 12 : La GRC a mené une enquête raisonnable à la suite de la plainte déposée par Mme Doucet le 28 janvier 2008.

Conclusion no 13 : Le caporal Thibaudeau a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable lorsqu'il a décidé de ne pas déposer des accusations en lien avec l'incident du 28 janvier 2008.

Conclusion no 14 : Pendant l'incident du 28 janvier 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait d'autres motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 15 : Le caporal Thibaudeau a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable lors qu'il a refusé de donner suite à la demande de janvier 2008 concernant le bouton d'alarme pour Mme Doucet.

Conclusion no 16 : Le sergent Lacroix a mené une enquête raisonnable à la suite de la plainte déposée par Mme Doucet le 31 janvier 2008.

Conclusion no 17 : La GRC a mené une enquête raisonnable à la suite de la plainte déposée le 8 février 2008 et a déterminé qu'il s'agissait d'une affaire civile.

Conclusion no 18 : Pendant l'incident du 8 février 2008, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait d'autres motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 19 : Le gendarme Paskal a posé un jugement raisonnable lorsqu'il a déterminé que la plainte déposée par la sœur de Mme Doucet le 13 mars 2008 constituait une affaire civile et qu'il a refusé d'intervenir plus avant.

Conclusion no 20 : Pendant l'incident du 13 mars 2008 où la sœur de Mme Doucet était en cause, la GRC n'a reçu aucune information qui constituerait d'autres motifs raisonnables de croire que Mme Doucet était victime de violence familiale.

Conclusion no 21 : Le gendarme Garault n'a reçu aucune information à la suite de la plainte déposée par M. Ryan le 13 mars 2008 qui constituerait des motifs raisonnables de croire qu'une infraction avait été commise.

Conclusion no 22 : La protection accordée par la GRC à Mme Doucet n'était pas déraisonnable, puisque l'organisation n'était pas ni n'aurait pu être au courant des allégations de violence familiale de cette dernière.

Conclusion no 23 : Les membres en cause ont affiché une connaissance raisonnable de la politique sur la violence dans les relations de la GRC, laquelle a été observée en tout temps.

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