Rapport sur l'enquête d'intérêt public concernant une plainte déposée par le président au sujet du décès de M. Robert Dziekanski qui était sous la garde de la GRC

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Le 8 décembre 2009

Contexte

M. Robert Dziekanski est décédé pendant qu'il était sous la garde de membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), tôt le matin du 14 octobre 2007, dans la zone d'arrivée des vols internationaux de l'aéroport international de Vancouver (YVR). Les circonstances ayant mené à la mort de M. Dziekanski ont causé une douleur intense et un lourd chagrin à sa famille et ont suscité un grand intérêt et de vives préoccupations chez le public.

La Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP ou Commission) a commencé à s'intéresser à l'incident de l'aéroport international de Vancouver le 15 octobre 2007, quand elle a envoyé un observateur indépendant participer à l'enquête criminelle de la GRC sur les événements entourant le décès de M. Dziekanski. À titre de président de la Commission, j'ai donc déposé une plainte le 8 novembre 2007 visant l'examen des deux aspects de l'incident qui relèvent de la compétence de la Commission, soit la pertinence de la réponse de la GRC aux plaintes relatives au comportement de M. Dziekanski à l'aéroport international de Vancouver et l'enquête de la police sur le décès de M. Dziekanski.

Un troisième élément d'enquête a ultérieurement été ajouté pour répondre à la plainte de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique (BCCLA) au sujet des renseignements inexacts fournis aux médias et du fait que la GRC a tardé à retourner la vidéo de M. Pritchard.

Le 15 octobre 2009, j'ai présenté mon rapport provisoire sur l'enquête d'intérêt public au commissaire de la GRC.

Principales Conslusions clés tirées de l'enquête d'intérêt public de la Commission et du rapport provisoire

En général, j'ai trouvé que la conduite des membres qui sont intervenus est loin de correspondre à celle à laquelle la population canadienne s'attend de la part des membres de la GRC et d'être conforme aux politiques de la GRC. Les membres ont montré qu'ils n'avaient pas réellement tenté de désamorcer la situation et qu'ils ne sont pas intervenus en adoptant une approche mesurée, coordonnée et appropriée. Le fait que le membre le plus expérimenté n'a pas pris le contrôle de la situation, n'a pas communiqué avec les membres plus jeunes et inexpérimentés et ne les a pas dirigés a eu une incidence négative tout au long de l'interaction avec M. Dziekanski.

Je n'accepte pas la version des événements présentée par les membres de la GRC qui sont intervenus à la suite des plaintes au sujet de M. Dziekanski. Les déclarations fournies par les membres donnent peu de détails sur les événements et sur les processus de réflexion des membres dans le feu de l'action. Lorsqu'on les compare à la vidéo d'un témoin, les récits des membres ne constituent pas des déclarations crédibles des événements qui se sont réellement passés. Le fait que les membres se sont réunis avant de fournir les déclarations m'incite à remettre davantage en question leur version des événements.

Une question étroitement liée à l'incident est l'utilisation d'une arme à impulsions (AI), aussi connue sous le nom de TASER®, par un membre de la GRC pendant l'arrestation de M. Dziekanski. L'AI est une arme à feu prohibée en vertu de la réglementation associée au Code criminel du CanadaNote de bas de page 1. Avant l'incident, le débat sur la pertinence générale du recours à l'AI par la police avait lieu depuis un certain temps (et la Commission avait déjà formulé des commentaires à ce sujet, comme cela est indiqué ci-dessous), mais l'utilisation particulière d'une AI au cours de l'incident en cause a suscité beaucoup d'attention de l'utilisation appropriée de l'AI et de sa nature en tant qu'arme.

En général, même si j'ai constaté que l'enquête de l'équipe de l'IHIT était impartiale, j'ai constaté un certain nombre de problèmes liés aux processus d'enquête de cette équipe. J'ai aussi constaté certains problèmes dans les communiqués aux médias de la GRC concernant l'incident. La GRC doit élaborer une stratégie des médias et des communications spécifique aux enquêtes concernant des décès de détenus qui tienne compte de la nécessité de faire des mises à jour régulières, significatives et opportunes à l'intention des médias et du public. De plus, la stratégie des médias et des communications devrait comprendre un aperçu accessible par le public précisant les mesures à prendre et les délais prévus pour chacune d'elles.

Conclusions et recommandations de la Commission

À la suite de mon enquête, j'ai formulé un certain nombre de conclusions et de recommandations qui, selon moi, aideront la GRC à créer ou à examiner des politiques et à améliorer ses cours de formation afin de garantir qu'une situation tragique comme le décès de M. Dziekanski ne se reproduira pas.

Conclusions du rapport final de la CPP

  1. Conclusion
    Les membres de la GRC ayant participé à l'arrestation de M. Dziekanski agissaient dans le cadre légal de leurs fonctions respectives et en vertu de l'autorisation légale appropriée.
  2. Conclusion
    À la lumière des renseignements dont disposaient les membres de la GRC qui sont intervenus au cours de l'incident en cause, la décision de s'approcher de M. Dziekanski afin de donner suite aux plaintes n'était pas déraisonnable. Un voyageur ou un employé à l'aéroport international de Vancouver aurait pu, à tout moment, se retrouver face à M. Dziekanski. Comme le montrent les multiples appels au service 911, il incombait aux membres de la GRC de garantir un milieu sûr pour le public et les employés utilisant les installations de l'aéroport et de mettre fin aux troubles causés par M. Dziekanski.
  3. Conclusion
    Pour que l'intervention auprès de M. Dziekanski soit faite selon une approche coordonnée, le caporal Robinson aurait dû prendre le contrôle et diriger les autres membres afin que chacun soit au courant de l'intervention projetée et que chacun communique avec les autres pendant le déroulement des événements.
  4. Conclusion
    Avant d'utiliser l'AI, le gendarme Millington aurait dû lancer l'avertissement requis à M. Dziekanski, la mise en garde, comme l'exige la politique de la GRC, et ce, même si M. Dziekanski semblait ne pas comprendre l'anglais.
  5. Conclusion
    Comme les membres présents de la GRC n'ont pas tenté, de façon valable, de communiquer avec M. Dziekanski afin de clarifier les renseignements relatifs à la situation de ce dernier ou de communiquer entre eux, l'utilisation de l'AI par le gendarme Millington était prématurée et inappropriée dans les circonstances.
  6. Conclusion
    Le gendarme Millington a utilisé l'AI à de multiples reprises contre M. Dziekanski alors qu'il ne savait pas si ces utilisations ultérieures étaient nécessaires pour maîtriser M. Dziekanski.
  7. Conclusion
    L'utilisation répétée de l'AI contre M. Dziekanski tandis qu'aucun effort important n'a été déployé pour déterminer l'effet de l'arme sur M. Dziekanski était une utilisation inappropriée de l'AI.
  8. Conclusion
    Le caporal Robinson n'a pas surveillé adéquatement la respiration et le rythme cardiaque de M. Dziekanski.
  9. Conclusion
    Le caporal Robinson ne connaissant pas les compétences en secourisme de M. Enchelmaier, il n'aurait pas dû l'autoriser à prodiguer les premiers soins ou à surveiller activement l'état de M. Dziekanski. Les membres de la GRC auraient dû se charger eux-mêmes de cette tâche. Le caporal Robinson n'a donc pas prodigué les soins médicaux adéquats à M. Dziekanski.
  10. Conclusion
    On aurait dû enlever les menottes à M. Dziekanski lorsque les membres ont reconnu qu'il était inconscient et en détresse et qu'il ne représentait pas une menace immédiate pour les membres. À tout le moins, on aurait dû les enlever immédiatement dès la première demande du personnel médical.
  11. Conclusion
    Le défaut du caporal Robinson de prendre les commandes sur les lieux, de communiquer avec les membres plus jeunes et inexpérimentés et de leur donner des ordres a eu des répercussions négatives sur l'interaction avec M. Dziekanski.
  12. Conclusion
    Je n'admets pas l'exactitude des versions des événements présentées par les membres en cause parce que j'estime que l'exposé et l'exactitude des souvenirs des membres comprennent des divergences importantes et significatives lorsqu'on les compare aux éléments de preuve autrement incontestés sur la bande vidéo. Dans leur déclaration, les membres ont répondu à de nombreuses questions en mentionnant qu'ils ne pouvaient pas se rappeler en détail les événements qui se sont déroulés. Le fait que les membres se sont réunis ensemble et avec le RRF avant de fournir les déclarations m'incite à remettre davantage en question leur version des événements.
  13. Conclusion
    La conduite des membres qui sont intervenus est loin de correspondre à celle à laquelle la population canadienne s'attend de la part des membres de la GRC et d'être conforme aux politiques de la GRC. Les membres ont montré qu'ils n'avaient pas réellement tenté de désamorcer la situation et qu'ils ne sont pas intervenus en adoptant une approche mesurée, coordonnée et appropriée.
  14. Conclusion
    Les membres n'ont pas adéquatement suivi les principes de leur formation sur le modèle CAPRA et le MIGI lorsqu'ils ont évalué le comportement de M. Dziekanski et, par conséquent, le risque qu'il présentait. L'intervention était donc supérieure au niveau requis et acceptable, contrairement au MIGI et au modèle CAPRA de la GRC.
  15. Conclusion
    Comme la GRC classifie l'AI comme une arme intermédiaire et qu'elle fournit à ses membres une formation appropriée pour l'utilisation de l'AI, dans les situations représentant une faible menace parce qu'il s'agit d'un moyen de maîtriser un sujet qui est relativement moins dommageable, les membres qui sont intervenus n'ont pas pleinement apprécié la nature de l'AI en tant qu'arme, et ils y ont eu recours trop tôt.
  16. Conclusion
    Même si l'IHIT a retenu les services d'un expert en recours à la force, cet expert n'a pas fourni une orientation adéquate concernant les questions qu'il devait prendre en considération, la portée de son travail ou le mandat qu'on lui avait donné.
  17. Conclusion
    Le caporal Robinson, en tant que membre en cause dans l'incident, n'aurait pas dû être autorisé à assister à la séance d'information de l'IHIT au Détachement de Richmond le 14 octobre 2007. Le sergent Attew a omis de s'assurer que seuls les membres compétents de la GRC étaient présents à la séance d'information.
  18. Conclusion
    Il était inapproprié que les membres de la GRC qui sont intervenus se retrouvent seuls au bureau du sous-détachement à l'aéroport international de Vancouver après le décès de M. Dziekanski.
  19. Conclusion
    Le RRF n'aurait pas dû être autorisé à avoir une rencontre individuelle avec le gendarme Millington avant l'enquêteur de l'IHIT.
  20. Conclusion
    Ne serait-ce que par souci d'équité à l'égard des membres qui sont intervenus et afin de leur donner l'occasion d'expliquer les divergences importantes et facilement visibles entre leur version des événements et la vidéo, il aurait été approprié de fournir à ces membres l'occasion de visionner la vidéo de M. Pritchard avant de recueillir leurs déclarations.
  21. Conclusion
    Les membres qui sont intervenus dans le cadre de l'incident en cause n'ont pas pris des notes comme il se doit de l'incident mettant en cause M. Dziekanski.
  22. Conclusion
    Il n'y a pas eu préjugé ou partialité à l'égard des membres de la GRC en cause dans le cadre de l'enquête de l'IHIT sur le décès de M. Dziekanski.
  23. Conclusion
    La GRC aurait dû communiquer aux médias certains renseignements qui auraient servi à clarifier l'information relative au décès de M. Dziekanski et à rectifier les renseignements erronés fournis auparavant, et ce, sans compromettre l'enquête de l'IHIT.

Recommandations du rapport final de la CPP

  1. Recommandation
    Que la GRC examine le programme d'évaluation de la qualité des AI actuellement en vigueur et détermine s'il convient de l'étoffer afin de garantir un degré élevé de confiance à l'égard de l'utilisation des AI en service.
  2. Recommandation
    Que la GRC continue de participer à la recherche indépendante actuelle sur l'utilisation et l'effet de l'AI et qu'elle se tienne au courant à cet égard.
  3. Recommandation
    Nonobstant le fait que la GRC a modifié sa politique (en janvier 2009) de manière à ce que l'AI soit utilisée en réponse à une menace à la sécurité d'un membre de la GRC ou d'un membre du public selon l'évaluation par un membre de toutes les circonstances, la GRC doit préciser, à l'intention de ses membres et du public, les circonstances appropriées justifiant l'utilisation de l'AI et le seuil de menace servant à déterminer la pertinence de cette utilisation.
  4. Recommandation
    Que la GRC envisage d'examiner sa formation visant à garantir que ses membres connaissent bien la nature potentiellement dangereuse de l'arme et à faire en sorte que la formation donnée aux membres les aide à évaluer adéquatement les situations justifiant l'utilisation de l'AI en tenant compte du degré de douleur infligé au sujet et le résultat que pourrait avoir une telle utilisation.
  5. Recommandation
    Que la GRC envisage la conception et la mise en œuvre d'une formation à l'intention de ses membres sur les techniques de communication avec les personnes qui ne peuvent pas communiquer verbalement avec eux.
  6. Recommandation
    La GRC doit :
    1. Modifier son formulaire rapport sur l'utilisation d'une arme à impulsions (AI) (formulaire 3996) de manière à ce que les renseignements relatifs à un test d'étincelles soient saisis dans le cadre du processus de déclaration de l'utilisation d'une AI (ou inclure cette exigence dans la future base de données du formulaire Comportement du sujet/Intervention de l'agent);
    2. Modifier son Manuel des opérations afin d'insister sur l'importance du test d'étincelles et d'indiquer clairement que le test est obligatoire pour confirmer le fonctionnement adéquat de l'AI.
  7. Recommandation
    Que les procédures de formation et d'orientation des détachements de la GRC comprennent un examen détaillé des installations médicales et de l'équipement médical.
  8. Recommandation
    Que la GRC examine ses processus et critères relativement à la tenue d'une enquête interne concernant la conduite de ses membres afin d'en garantir l'application uniforme à l'échelle du pays.
  9. Recommandation
    Je réitère ma recommandation tirée de mon rapport intitulé La police enquêtant sur la police (août 2009) : que les enquêtes sur les membres de la GRC impliquant des cas de décès, de blessure grave ou d'agression sexuelle soient confiées à un service de police externe ou à un organisme d'enquête criminelle provincial aux fins d'enquête. La GRC ne participe aucunement à l'enquête. Toutefois, si la GRC continue d'enquêter sur de telles affaires, je recommande alors que la GRC mette en œuvre des directives claires en matière de politique selon lesquelles toutes les enquêtes portant sur un décès ou des lésions corporelles graves et auxquelles participent des membres de la GRC enquêtant sur d'autres agents de police soient de nature criminelle jusqu'à preuve du contraire.
  10. Recommandation
    Si le protocole relatif à la présence du RRF doit être maintenu, la GRC doit officialiser le rôle du RRF en fournissant une orientation et des politiques claires visant à garantir que le RRF connaît les limites de sa participation et les protocoles exigés relativement à une telle présence et que, dans tous les cas, le RRF ne rencontre pas seul à seul un membre en cause avant qu'il soit interrogé par un enquêteur.
  11. Recommandation
    Je réitère ma recommandation formulée dans la décision relative à l'affaire Ian Bush (novembre 2007) : [q]ue la GRC élabore une politique où elle précisera l'exigence même, le moment auquel y satisfaire et l'usage qui sera fait de la déclaration par obligation de rendre compte que doivent produire les membres de la GRC.
  12. Recommandation
    Que la GRC examine ses procédures et politiques opérationnelles afin de garantir que, particulièrement dans les cas graves pour lesquels les membres enquêtent sur les actes d'autres membres, des processus soient prévus pour sensibiliser l'enquêteur à la nature et à l'ampleur des détails requis pendant les entrevues.
  13. Recommandation
    À la lumière de la nature persistante de la question, la GRC doit prendre des mesures pour que les membres soient conscients de l'importance de prendre des notes et encourager les superviseurs à examiner régulièrement les notes prises par leurs subalternes afin de garantir la qualité de ces documents.
  14. Recommandation
    Étant donné la prolifération des appareils d'enregistrement, on prévoit que les incidents dans le cadre desquels les membres de la GRC chercheront à obtenir des enregistrements vidéo ou audio privés se produiront probablement plus fréquemment à l'avenir. Que la police saisisse un enregistrement vidéo ou audio d'un événement ou qu'elle l'obtienne sur consentement d'un membre du public, la police doit savoir en vertu de quel pouvoir elle peut obtenir l'enregistrement vidéo ou audio et en informer le public. Je recommande que la GRC fournisse à ses membres des précisions sur la procédure relative à l'obtention d'enregistrements vidéo ou audio d'un événement.
  15. Recommandation
    Je réitère ma recommandation formulée dans la décision relative à Ian Bush : [q]ue la GRC élabore une stratégie des médias et des communications spécifique aux enquêtes sur des fusillades impliquant des policiers qui tienne compte de la nécessité de faire des mises à jour régulières, significatives et opportunes à l'intention des médias et du public. De plus, la stratégie des médias et des communications devrait comprendre un aperçu accessible par le public précisant les étapes suivantes et les délais prévus pour chacune d'elles. Ma recommandation s'applique également à toutes les enquêtes sur les décès sous garde.
  16. Recommandation
    Que la GRC effectue immédiatement un examen de ses politiques et de sa formation afin que les membres reçoivent la formation nécessaire pour être en mesure de reconnaître les risques inhérents à l'asphyxie positionnelle et les signes de celle-ci et de prendre des mesures pour atténuer ces risques.

Enquête d'intérêt public de la Commission et rapport provisoire

Les faits liés à l'incident sont bien connus du grand public. Après son arrivée à Vancouver de Pologne, le 13 octobre 2007, M. Dziekanski est resté dans l'aire sécurisée de la zone d'arrivée des vols internationaux de l'aéroport international de Vancouver pendant de nombreuses heures. Tôt le 14 octobre, M. Dziekanski a commencé à présenter un comportement irrationnel et a endommagé un ordinateur et une chaise appartenant à l'aéroport. Une série de plaintes au 911 concernant un homme qui se comportait de manière étrange dans la zone d'arrivée des vols internationaux de l'aéroport a donné lieu à l'intervention de la GRC. Après une très brève interaction, une arme à impulsions a été utilisée à l'endroit de M. Dziekanski, qui a ensuite été détenu. Il est décédé peu après.

Les critères officiels de l'enquête étaient les suivants :

  • 1. Si les membres de la GRC qui sont intervenus au cours de l'incident en cause, le 14 octobre 2007, soit du premier contact avec M. Robert Dziekanski jusqu'au décès de ce dernier, ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne l'arrestation et le traitement de personnes détenues, y compris toutes lignes directrices de la GRC ayant trait au traitement de personnes qui ne peuvent pas communiquer dans l'une ou l'autre des langues officielles du Canada, et si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices sont adéquates.
  • 2. Si les membres de la GRC qui ont participé à l'enquête criminelle portant sur la conduite des membres en cause ont agi conformément à toutes les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences obligatoires appropriées pour ce type d'enquêtes; si ces politiques, ces procédures et ces lignes directrices sont adéquates et, enfin, si l'enquête en question a été menée de façon adéquate et en temps opportun.
  • 3a. Le 13 novembre 2007, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique (BCCLA) a présenté une plainte du public en vertu de la partie VII de la Loi sur la GRC concernant les renseignements inexacts fournis aux médias et le fait que la GRC a tardé à retourner la vidéo de M. Pritchard. Selon la BCCLA, ces mesures constituent un manquement à la politique de la GRC et une inconduite professionnelle de la part des membres de la GRC en cause.
  • 3b. La BCCLA n'était pas satisfaite de l'enquête subséquente de la GRC sur sa plainte. Dans une lettre datée du 19 mars 2009, envoyée par la BCCLA à la suite de la décision du président d'enquêter sur les problèmes liés aux déclarations aux médias de la GRC, on a demandé à la Commission d'examiner l'enquête de la GRC portant sur la plainte de la BCCLA associée aux déclarations aux médias de la GRC. Le président a accepté la demande, et le rapport sur l'examen a été intégré au rapport provisoire.

Les conclusions et les recommandations que j'ai formulées dans mon rapport provisoire daté du 15 octobre 2009 (annexe 1) figurent ci-dessus. Voici les faits saillants du rapport :

Première allégation : Pertinence de la conduite des membres dans le cadre de leur interaction avec M. Dziekanski

Première interaction de la GRC avec M. Dziekanski

Quatre membres de la GRC étaient de service à l'aéroport international de Vancouver au moment de l'incident :

  • Le caporal Benjamin Robinson était le membre présent le plus expérimenté et il était également le chef de quart. À la date de l'incident, le caporal Robinson comptait approximativement 11 années de service au sein de la police.
  • Le gendarme Kwesi Millington comptait un peu moins de deux années et demie de service et était le seul des quatre membres à être muni d'une AI ce soir-là (modèle X26E).
  • Le gendarme Gerry Rundel comptait approximativement deux années de service et était affecté à l'aéroport international de Vancouver depuis octobre 2006 environ.
  • Le gendarme Bill Bentley comptait approximativement une année et demie de service. Il a commencé à travailler à l'aéroport international de Vancouver en septembre 2007.

À la suite d'une série d'appels au 911, les quatre membres de la GRC en service à l'aéroport international de Vancouver ont répondu à des plaintes au sujet d'un homme (qu'on sait maintenant être M. Dziekanski) qui se comportait de manière étrange dans la zone d'arrivée des vols internationaux. À l'heure où ils se sont présenté à l'extérieur des portes sécurisées de la zone d'arrivée des vols internationaux, les quatre membres de la GRC avaient été informés du fait qu'un homme âgé d'approximativement 50 ans (on a appris plus tard que M. Dziekanski avait 40 ans), que l'on pensait en état d'ébriété (ce qui plus tard s'est révélé faux), se comportait de manière étrange en jetant des bagages dans tous les sens et en lançant des chaises à travers les vitres (ce qui plus tard s'est révélé faux). L'homme a de plus été décrit comme ayant des cheveux foncés et portant un manteau blanc.

À l'arrivée des quatre membres, les responsables de la sécurité à l'aéroport international de Vancouver leur ont indiqué que M. Dziekanski était la personne au comportement agité et qu'il ne parlait pas l'anglais. Lorsque les membres sont entrés dans la zone sécurisée, ils pouvaient voir l'ordinateur démoli sur le plancher ainsi qu'une petite table brisée contre la vitre (en réalité, il n'y a pas eu de vitre fracassée). La vidéo de M. Pritchard et les déclarations des témoins confirment que, à leur arrivée, les membres de la GRC ont reçu des renseignements de base des responsables de la sécurité de l'aéroport international de Vancouver et d'autres témoins pendant qu'ils se dirigeaient vers M. Dziekanski et qu'ils ont sauté par-dessus une petite barrière de retenue.

Les membres de la GRC ne pouvaient pas savoir que M. Dziekanski avait voyagé pendant de nombreuses heures et que, apparemment, il n'avait rien mangé et il avait consommé très peu de liquides, pas plus qu'ils auraient pu évaluer l'état d'esprit de M. Dziekanski ou sa frustration possible du fait qu'il ne voyait pas sa mère contrairement à ce qu'il avait sans doute prévu pour son arrivée au Canada.

À la lumière des renseignements dont disposaient les membres de la GRC qui sont intervenus au cours de l'incident en cause, la décision de s'approcher de M. Dziekanski afin de donner suite aux plaintes n'était pas déraisonnable. Comme le montrent les multiples appels au service 911, il incombait aux membres de la GRC de garantir un milieu sûr pour le public et les employés utilisant les installations de l'aéroport et de mettre fin aux troubles causés par M. Dziekanski. Les membres de la GRC agissaient dans le cadre légal de leurs fonctions respectives et en vertu de l'autorisation légale appropriée.

Cependant, j'ai remarqué qu'aucun membre ne s'est arrêté pour obtenir des renseignements utiles ou pour confirmer auprès des témoins présents les renseignements qui avaient été fournis sur les ondes de la police concernant la nature des gestes posés par M. Dziekanski (comme l'allégation selon laquelle M. Dziekanski avait lancé des meubles à travers la vitre, ce qui plus tard s'est révélé faux, ou le degré de violence en cause).

Décision d'utiliser une arme à impulsions

Moins de 25 secondes après le début de l'interaction, le gendarme Kwesi Millington a décidé d'utiliser l'arme à impulsions (AI) qu'il avait sur lui pendant ce quart. Après de multiples décharges de l'AI à l'endroit de M. Dziekanski et une échauffourée mettant en cause les quatre membres de la GRC, M. Dziekanski a été maîtrisé et menotté. Il est décédé peu après pendant qu'il était sous la garde des membres de la GRC.

Je suis convaincu que les membres de la GRC qui sont intervenus n'avaient pas l'intention de tuer ni de blesser M. Dziekanski. Tout au long de mon enquête, cependant, j'ai remarqué un certain nombre de problèmes liés à la façon dont les membres de la GRC ont répondu aux plaintes concernant M. Dziekanski.

Même si les membres de la GRC ont reçu une formation selon laquelle l'arme à impulsions est un moyen mortel de maîtriser une personne, qui peut être utilisée afin d'éviter que les agents de police ou que la personne visée par l'utilisation de l'arme se blessent, et conformément au modèle de résolution de problèmes CAPRA (le modèle utilisé par la GRC pour former ses membres à analyser les risques durant des situations d'interventions policières), les membres qui sont intervenus devaient faire preuve de jugement avant d'utiliser l'arme à impulsions. Les membres avaient le temps de confirmer les événements auprès des témoins, d'envisager un repositionnement tactique ou de tenter de désamorcer la situation, par exemple en continuant à faire des gestes et en ayant un comportement non menaçant pour M. Dziekanski. Malheureusement, l'arme à impulsions a été utilisée avant toute tentative valable de désescalade.

Diverses justifications opérationnelles ont été avancées quant aux raisons pour lesquelles le gendarme Millington ne pouvait pas prendre plus de temps pour évaluer la situation, notamment le fait que M. Dziekanski était armé (une agrafeuse ouverte) et que l'on risquait de perdre la cible que représentait M. Dziekanski pour le gendarme Millington si M. Dziekanski bondissait sur un des intervenants. J'estime qu'il est difficile d'admettre que ces faits soient réalistes dans les circonstances.

La vidéo de M. Pritchard, examinée à la lumière du rapport sur les données téléchargées de l'AI, montre que M. Dziekanski s'est écroulé sur le plancher et qu'il se tordait de douleur à la fin de la première décharge de cinq secondes de l'AI. Voilà qui soulève la question de la nécessité d'utiliser de nouveau l'AI. Après la première décharge de l'AI, on peut voir les membres debout autour de M. Dziekanski. Après une pause de une seconde, l'AI est utilisée une deuxième fois pendant cinq secondes. Ce n'est qu'à la fin de la deuxième utilisation que l'on peut voir que le caporal Robinson est le premier membre à intervenir pour maîtriser M. Dziekanski. À ce moment-là, M. Dziekanski a subi une douleur intense pendant environ dix secondes au total sans que la police tente de le maîtriser.

Après la deuxième utilisation, les membres de la GRC ont dû affronter M. Dziekanski qui a commencé à se débattre. Plutôt que d'attendre de voir les autres membres tenter de maîtriser M. Dziekanski pour déterminer si une troisième décharge était nécessaire, le gendarme Millington a, après un délai de deux secondes, de nouveau utilisé l'AI pendant cinq secondes

À la fin de la troisième utilisation en mode sonde, le gendarme Millington a retiré la cartouche de l'AI et, quatre secondes plus tard, a utilisé l'AI en mode paralysant dans le dos de M. Dziekanski, pendant neuf secondes. Après un délai d'une seconde, le gendarme Millington a encore une fois utilisé l'AI contre M. Dziekanski en mode paralysant pendant six secondes encore.

Aucun effort digne de ce nom n'a été fait pour désamorcer la situation (même si je reconnais que, même si des efforts en ce sens avaient été faits, l'utilisation de l'arme à impulsions aurait peut-être, au bout du compte, été nécessaire). La rapidité à laquelle la décision d'utiliser l'arme à impulsions a été prise n'est pas appropriée dans la situation. J'ai aussi constaté que la décision d'utiliser l'arme à impulsions à plusieurs reprises contre M. Dziekanski sans prendre le temps de déterminer les effets que l'arme avait sur lui était inappropriée et contraire au principe selon lequel il faut utiliser le moins de force possible pour procéder à une arrestation.

Je comprends que les événements étaient, au moment où ils se sont produits, stressants pour tous ceux qui sont intervenus et je ne m'attends pas à ce que les agents de police prennent le temps de prendre des décisions communes quand il y a si peu de temps pour le faire et que la situation exige une intervention immédiate. Cela étant dit, M. Dziekanski était entouré dans un espace réduit. Si le gendarme Millington avait pris quelques secondes de plus pour examiner les options qui s'offraient à lui, la dynamique de la situation aurait pu changer, et le résultat aurait pu être différent.

Trois des quatre membres de la GRC qui sont intervenus comptaient deux ans de service dans les forces de l'ordre. Le membre le plus expérimenté (caporal Robinson) n'a pas pris le contrôle de l'intervention afin de veiller à ce que les gestes posés par les membres de la GRC qui intervenaient soient appropriés. Même si les événements se sont produits rapidement, le fait que les membres n'ont pas pris le temps de communiquer entre eux durant les événements est venu s'ajouter au fait que le caporal n'a pas pris le contrôle de la situation.

Mise en garde applicable à l'AI et communication avec M. Dziekanski

La politique opérationnelle de la GRC qui était en vigueur à l'époque exigeait que, dans la mesure du possible, les membres doivent lancer l'avertissement suivant : « Police, ne bougez plus, sinon vous allez recevoir une décharge électrique de 50 000 volts! ». Cet avertissement, ou mise en garde comme l'appelle la politique de la GRC, n'a pas été donné par le gendarme Millington. Les enquêteurs de l'IHIT ne lui ont pas demandé, lorsqu'il a fourni sa déclaration après l'événement, pourquoi il n'avait pas lancé la mise en garde. Toutefois, dans son rapport sur l'utilisation d'une arme à impulsions (formulaire 3996), le gendarme Millington a indiqué que l'avertissement n'a pas été donné. La raison mentionnée était la suivante :

[Traduction]

Le membre a dit à l'homme de s'immobiliser et de placer les mains sur le bureau à côté. L'homme ne comprenait pas l'anglais, alors la communication verbale était difficile.

Au cours de son témoignage à l'enquête Braidwood, le gendarme Millington a déclaré qu'il était d'avis qu'il n'avait pas le temps de lancer la mise en garde à M. Dziekanski avant de se servir de l'AI.

Ayant visionné la vidéo de l'événement, je ne vois pas pourquoi la mise en garde n'aurait pas pu être donnée. Les membres avaient encerclé M. Dziekanski à ce moment-là, et même si on devinait, d'après la vidéo, que des mesures visant à faire face à la situation étaient sur le point d'être prises, le gendarme Millington aurait eu le temps de lancer la mise en garde avant d'utiliser l'AI.

Au moins, lancer la mise en garde aurait attiré l'attention de M. Dziekanski sur le fait qu'une arme était pointée vers lui et aurait confirmé au gendarme Millington et aux autres personnes présentes que M. Dziekanski était conscient de la présence d'une arme (qu'il se soit rendu compte ou non du fait qu'il s'agissait d'une AI). D'après ce que j'ai vu dans la vidéo de M. Pritchard, je ne crois pas que M. Dziekanski a réellement regardé le gendarme Millington avant que l'AI ne soit déployée. S'il avait compris qu'une arme était pointée vers lui, la situation aurait pu être désamorcée, ce qui aurait évité la nécessité de recourir à l'arme. Inversement, si l'AI s'était, au bout du compte, révélée nécessaire, on aurait au moins tenté d'utiliser d'autres moyens pour régler la situation.

J'ai constaté que, avant d'utiliser l'AI, le gendarme Millington aurait dû lancer l'avertissement requis à M. Dziekanski, comme l'exige la politique de la GRC, et ce, même si M. Dziekanski semblait ne pas comprendre l'anglais. Je recommande que la GRC envisage la conception et la mise en œuvre d'une formation à l'intention de ses membres sur les techniques de communication avec les personnes qui ne peuvent pas communiquer verbalement avec eux.

Après l'utilisation de l'AI

Après l'utilisation de l'AI et l'arrestation de M. Dziekanski, les membres de la GRC n'ont pas surveillé adéquatement M. Dziekanski. Même si le membre le plus expérimenté de la GRC en service a pris le pouls de M. Dziekanski et surveillé sa respiration, il ne l'a pas fait régulièrement. Un membre de la sécurité de l'aéroport international de Vancouver a lui-même décidé de contrôler les signes vitaux de M. Dziekanski.

Les membres de la GRC ont arrêté et menotté M. Dziekanski et, compte tenu du devoir de diligence à l'égard des personnes sous garde, ils étaient responsables de surveiller physiquement M. Dziekanski et de veiller à son bien-être. Par conséquent, ce sont les membres de la GRC qui auraient dû, en fait, surveiller M. Dziekanski en attendant l'arrivée du personnel médical qualifié. De plus, puisque les membres de la GRC ne connaissaient pas les qualifications du membre de la sécurité de l'aéroport international de Vancouver, ils n'auraient pas dû lui permettre de fournir des premiers soins ou de contrôler activement l'état de M. Dziekanski.

L'appel initial des agents de police en cause pour obtenir un soutien médical correspondait à une intervention habituelle (code 1), mais elle est rapidement passée au code 3 (intervention d'urgence) lorsque M. Dziekanski s'est évanoui. Selon les déclarations des témoins et des intervenants, avant l'arrivée du personnel des services d'incendie et de sauvetage et d'ambulance, le teint de M. Dziekanski tournait au bleu. Il aurait dû être de plus en plus évident pour les membres présents que M. Dziekanski était en détresse.

Les membres du personnel des services d'incendie et de sauvetage de Richmond ont indiqué avoir demandé, à plusieurs reprises, que les menottes soient enlevées, comme l'ont fait les membres du personnel du service d'ambulance de la C.-B. à leur arrivée. La raison invoquée par les membres de la GRC pour ne pas avoir enlevé les menottes était la préoccupation liée à la sécurité des personnes présentes dans l'éventualité où M. Dziekanski cherchait à les tromper ou s'il reprenait conscience et manifestait un comportement combatif. À ma connaissance, aucun élément de preuve ne laisse présumer qu'il y aurait lieu de soupçonner que M. Dziekanski était en train de feindre ou d'essayer de les tromper. Par conséquent, j'ai déterminé que les menottes de M. Dziekanski auraient dû être enlevées quand les membres ont constaté qu'il était inconscient et en détresse et qu'il ne représentait plus une menace pour eux.

Caractère adéquat de la politique de la GRC

Le public s'attend à ce que les premiers intervenants et les personnes procédant à l'enquête ultérieure reçoivent une formation et des directives suffisantes pour qu'ils soient au courant des lois et des politiques applicables et qu'ils s'y conforment. Le public s'attend également à ce que les documents directeurs et les politiques soient raisonnables. Par conséquent, le rapport porte aussi sur le caractère adéquat des politiques de la GRC au moment de l'incident.

Caractère approprié de l'utilisation de l'AI

L'AI est une arme à feu prohibée en vertu du Code criminel. La Commission maintient fermement sa position : utilisée adéquatement, l'AI peut se révéler un outil efficace pour la GRC. La Commission a également maintenu que l'AI cause une douleur intense, qu'elle peut exacerber un état sous-jacent et qu'elle a été utilisée dans des situations où il n'est pas justifié de le faire et qui contreviennent à la politique de la GRC.

Je me demande si les policiers sont conscients de la nature et de l'intensité de la douleur infligée. Comme on le souligne dans le présent rapport, les membres semblent ne pas s'être demandé si l'application d'une technique de contrainte par la douleur était justifiée dans cette situation. Au moment du décès de M. Dziekanski, le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI) (le cadre qu'utilisent les agents de la GRC pour évaluer et gérer les risques grâce à une intervention justifiable et raisonnable) classait l'AI comme une option de recours à la force dont le degré était intermédiaire et donc d'un type équivalent à celui de l'aérosol capsique.

La GRC semble admettre que l'AI est une option fiable et moins dommageable pour maîtriser les personnes qui sont visées par les paramètres de l'utilisation acceptable de l'AI. En appui à cette position, la GRC invoque souvent les études financées par Taser International qui abondent en en ce sens. La Commission a noté diverses questions liées à la recherche méthodologique financée par Taser International.

Étant donné les blessures causées par l'utilisation de l'AI, il incombe aux services de police de démontrer que l'AI est une option valable dans les situations particulières où elle est utilisée. La justification de son utilisation doit inclure une appréciation de la nature de l'AI, c.-à-d. que le niveau de douleur infligé et le risque de lésions corporelles graves ou de décès pour la personne étaient appropriés et nécessaires dans une situation donnée.

Nonobstant le fait que la GRC a modifié sa politique (en janvier 2009) de manière à ce que l'AI soit utilisée en réponse à une menace à la sécurité d'un membre de la GRC ou d'un membre du public selon l'évaluation par un membre de toutes les circonstances, la GRC doit préciser, à l'intention de ses membres et du public, les circonstances appropriées justifiant l'utilisation de l'AI et le seuil de menace servant à déterminer la pertinence de cette utilisation.

La GRC devrait aussi envisager d'examiner sa formation visant à garantir que ses membres connaissent bien la nature potentiellement dangereuse de l'arme et à faire en sorte que la formation donnée aux membres les aide à évaluer adéquatement les situations justifiant l'utilisation de l'AI en tenant compte du degré de douleur infligé au sujet et le résultat que pourrait avoir une telle utilisation.

Mais au-delà de ce qui précède se trouve la question du contrôle de la qualité. Même si les AI font actuellement l'objet d'examens indépendants dans le cadre d'une vérification interne de la GRC, j'ai constaté que le processus de la GRC est un contrôle de la qualité dont le niveau est inadéquat. Par conséquent, je recommande que la GRC examine le programme d'évaluation de la qualité des AI actuellement en vigueur et détermine s'il convient de l'étoffer afin de garantir un degré élevé de confiance à l'égard de l'utilisation des AI en service.

Asphyxie positionnelle

Deux pathologistes ont mentionné le fait que M. Dziekanski a été placé en position ventrale au moment où il a été maîtrisé et qu'il est possible que le fait de se trouver dans cette position, combinée à un état d'agitation élevée, puisse entraîner la mort. D'après mon examen de la vidéo de l'arrestation de M. Dziekanski, je note que le caporal Robinson semble avoir appliqué une pression sur la partie supérieure du corps de M. Dziekanski pendant 40 secondes approximativement pendant que ce dernier se débattait et se trouvait en position ventrale.

Tandis que l'asphyxie positionnelle ne joue pas un rôle concluant ou déterminant dans la cause du décès, et d'après les commentaires des pathologistes dans l'affaire en cause, je crois que cette asphyxie peut survenir indépendamment d'autres facteurs contributifs comme le délire. La GRC devrait effectuer immédiatement un examen de ses politiques et de sa formation afin que les membres reçoivent la formation nécessaire pour être en mesure de reconnaître les risques inhérents à l'asphyxie positionnelle et les signes de celle-ci et de prendre des mesures pour atténuer ces risques.

Deuxième allégation : Caractère adéquat de l'enquête

Enquête de la GRC

À la suite du décès de M. Dziekanski, une enquête a été réalisée par le Groupe intégré des enquêtes sur les homicides (IHIT). Dans les heures qui ont suivi le début de l'enquête de l'IHIT, un membre de mon effectif a participé à l'enquête en tant qu'observateur indépendant. Le but de l'observateur indépendant est de surveiller l'enquête afin de déceler tout préjugé ou toute partialité, mais pas d'évaluer la véracité des déclarations ni de soupeser les éléments de preuve. L'observateur indépendant, qui a observé l'enquête de l'IHIT durant les premières semaines, n'a trouvé aucun problème à déclarer.

L'IHIT est responsable des enquêtes sur les homicides, sur les morts par balle impliquant des membres de la police et sur les décès sous garde qui se produisent dans les régions du Lower Mainland sous responsabilité de la GRC, et des services de police d'Abbotsford, de New Westminster et de Port Moody. Même si les équipes de l'IHIT sont considérées comme « intégrées » (c.-à-d. des enquêteurs des quatre services de police participent aux enquêtes), l'équipe qui a enquêté sur le décès de M. Dziekanski était composée uniquement de membres de la GRC.

Pouvoir de mener une enquête

Je suis préoccupé par le fait que la nature de l'enquête n'était pas évidente aux yeux des enquêteurs, c.-à-d. s'ils menaient une enquête criminelle ou une enquête en vertu de la Coroner's Act de la C.-B. Je réitère ma recommandation tirée de mon rapport intitulé La police enquêtant sur la police (août 2009) : que les enquêtes sur les membres de la GRC impliquant des cas de décès, de blessure grave ou d'agression sexuelle soient confiées à un service de police externe ou à un organisme d'enquête criminelle provincial aux fins d'enquête. La GRC ne participe aucunement à l'enquête. Toutefois, si la GRC continue d'enquêter sur de telles affaires, je recommande alors que la GRC mette en œuvre des directives claires en matière de politique selon lesquelles toutes les enquêtes portant sur un décès ou des lésions corporelles graves et auxquelles participent des membres de la GRC enquêtant sur d'autres agents de police soient de nature criminelle jusqu'à preuve du contraire.

Présence d'un membre en cause à la séance d'informationde l'IHIT

Le 14 octobre 2007, une séance d'information de l'IHIT a eu lieu au Détachement de Richmond, en présence de l'équipe d'enquête de l'IHIT et des agents des relations avec les médias (ARM). Mon enquête a révélé que, à un certain moment durant la séance d'information, le caporal Robinson, un des membres en cause, était présent et a relaté aux membres de l'IHIT sa perception des événements.

Le caporal Robinson, en tant que membre en cause, n'aurait pas dû avoir le droit de participer à la séance d'information de l'IHIT qui a été organisée au Détachement de Richmond le 14 octobre 2007. Le sergent d'état-major (alors sergent) Attew, chef d'équipe de l'IHIT à l'époque, a déclaré qu'il n'était pas au courant du fait que le caporal Robinson était un des quatre membres impliqués sinon il n'aurait pas autorisé le caporal Robinson à être présent. La responsabilité de garantir l'intégrité de l'enquête est demeurée celle de l'officier supérieur de l'IHIT à la séance d'information. En tant que chef d'équipe à l'époque, il s'agissait du sergent d'état-major Attew.

Déclarations des membres et participation du représentant des relations fonctionnelles (RRF)

Dans le cadre de leurs fonctions, les membres de la police sont tenus de préparer des documents où ils consignent leur participation à des événements qui se produisent dans le contexte de leur emploi et de fournir ces documents à leur employeur. D'après les renseignements dont dispose la Commission, de nombreux membres de la GRC sont d'avis qu'il existe une règle non écrite selon laquelle les membres fourniront ce qu'on appelle une déclaration par obligation de rendre compte après un incident. De telles déclarations sont parfois recueillies à la suite d'une réunion entre le représentant des relations fonctionnelles (RRF)Note de bas de page 2 et le membre en cause.

Les exigences de l'obligation de rendre compte doivent être claires pour tous les membres de la GRC, mais ce n'est actuellement pas le cas à l'échelle du pays pour la GRC. Par conséquent, je réitère ma recommandation formulée dans la décision relative à l'affaire Ian Bush (novembre 2007) que la GRC élabore une politique où elle précisera l'exigence même, le moment auquel y satisfaire et l'usage qui sera fait de la déclaration par obligation de rendre compte que doivent produire les membres de la GRC.

Les enquêteurs de l'IHIT ont qualifié la déclaration d'un des membres en cause de « déclaration par obligation de rendre compte ». Il s'agissait d'une déclaration du gendarme Millington recueillie par le caporal D. Brassington au bureau du sous-détachement de la GRC à l'aéroport international de Vancouver dans les heures suivant l'incident. D'après le résumé figurant dans le rapport à l'avocat de la Couronne, lorsque le caporal Brassington est arrivé, tous les membres qui sont intervenus étaient ensemble dans le bureau annexe, avec le RRF, le caporal Ingles. Ce dernier a indiqué au caporal Brassington qu'il avait parlé avec le gendarme Millington.

D'après les commentaires du caporal Ingles, il me semble que, selon lui, le rôle du RRF est de filtrer les renseignements entre le membre en cause et les enquêteurs. Cette pratique présente de multiples pièges potentiels. Les enquêteurs, particulièrement au début d'une enquête, ont besoin de faits qui ne sont pas modifiés ou influencés. L'enquêteur doit être en mesure de mener l'entrevue auprès du membre en cause sans que le RRF ait d'abord pu discuter des faits de la situation avec le membre.

Outre les préoccupations liées à la présence du RRF avant que les enquêteurs n'interrogent ou ne recueillent les déclarations des témoins de la police, je suis préoccupé par le fait que, apparemment, tous les membres en cause étaient ensemble après le décès de M. Dziekanski afin de rencontrer le RRF. Selon la pratique de base en matière d'enquête, il faut séparer les témoins pour éviter toute possibilité de complicité ou d'apparence de complicité.

Les membres qui sont intervenus n'auraient pas dû se rencontrer seuls après l'incident, et le RRF n'aurait pas dû avoir le droit de rencontrer seul le gendarme Millington avant l'enquêteur de l'IHIT. Si le protocole de la participation du RRF doit être maintenu, la GRC devrait officialiser le rôle du RRF afin de fournir une politique et une orientation claires pour s'assurer que le RRF connaît les limites de sa participation ainsi que les protocoles requis en ce qui a trait à de telles interactions et, dans tous les cas, le RRF ne devrait pas rencontrer seul un membre visé avant qu'il soit interrogé par un enquêteur.

Approche de l'IHIT à l'égard des entrevues auprès des membres

Il m'apparaît que les enquêteurs de l'IHIT n'ont pas mené les entrevues auprès des membres en cause ou les civils selon un ensemble coordonné de questions à poser pour que les mêmes aspects soient examinés avec chaque personne. Cela ne signifie pas pour autant que les enquêteurs de l'IHIT auraient dû mener chaque entrevue en posant les mêmes questions, mais il aurait été utile de coordonner la nature des questions à poser à chaque témoin. Les déclarations obtenues ne représentent pas ce que l'on pourrait qualifier d'approche coordonnée.

Ma préoccupation est que les enquêteurs ont peut-être travaillé en ne tenant pas compte des détails que les autres ont obtenus, et la coordination des renseignements peut avoir fait en sorte que les questions qu'il fallait poser ne l'ont pas été. Par conséquent, je recommande que la GRC examine ses procédures et politiques opérationnelles afin de garantir que, particulièrement dans les cas graves pour lesquels les membres enquêtent sur les actes d'autres membres, des processus soient prévus pour sensibiliser l'enquêteur à la nature et à l'ampleur des détails requis pendant les entrevues.

Je suis aussi préoccupé par le fait que les enquêteurs n'ont pas montré la vidéo de M. Pritchard aux membres qui sont intervenus après s'être rendu compte que les déclarations initiales des membres entraient en contradiction avec l'élément de preuve vidéo. Même si c'était uniquement afin d'être juste envers les membres qui sont intervenus et de leur donner l'occasion de réagir aux différences importantes et évidentes entre leur version des événements et la vidéo, il aurait été approprié de permettre aux membres qui sont intervenus de voir la vidéo de M. Pritchard avant de faire d'autres déclarations.

Notes des membres qui sont intervenus

J'ai examiné les notes prises par chacun des membres qui sont intervenus dans le cadre de l'incident en cause au sujet de son interaction avec M. Dziekanski et du décès de ce dernier. La qualité, l'exhaustivité et le contenu de ces notes sont bien en deçà de la norme attendue des membres de la police. Au mieux, les notes fournissent un très mince aperçu de l'incident. Je constate que, pendant son témoignage à l'enquête Braidwood, le sergent d'état-major Douglas Wright (sergent d'état-major responsable du sous-détachement à Richmond affecté à l'aéroport international de Vancouver) a indiqué qu'il avait vivement conseillé au caporal Benjamin Robinson de prendre « d'excellentes notes » au sujet de l'incident, mais que, ultimement, ces notes n'étaient pas à la hauteur de ce qu'il avait escompté.

En fait, j'établis une distinction entre la prise de notes sur le terrain et l'utilisation de divers formulaires de rapport que les membres de la GRC doivent remplir. Même si la politique de la GRC exige que, dans certains cas, des rapports électroniques soient préparés avant la fin du quart, s'il n'y a pas de prise de notes adéquate sur le terrain, la fiabilité des données employées dans les documents de rapport obligatoire doit être considérée comme étant suspecte. De plus, la Commission a examiné de nombreux cas où les formulaires de rapport électroniques ne sont pas remplis en temps opportun. Dans ces cas, faute de notes ponctuelles, complètes prises au moment de l'incident, la fiabilité du dossier écrit sera sérieusement amoindrie.

La question de la prise de notes qui n'est pas à la hauteur s'est présentée dans un certain nombre de décisions précédentes de la Commission. Jusqu'à présent, la Commission n'a pas vu d'amélioration liée à la prise de notes. La GRC devrait prendre des mesures afin de garantir que les membres sont au courant de l'importance de la prise de notes et les superviseurs devraient être encouragés à examiner régulièrement les notes prises par leurs subalternes afin de garantir la qualité de ces documents.

Code de déontologie — enquête interne

La GRC pouvait lancer une enquête interne sur les actes des membres qui sont intervenus et les agents des relations avec les médias, à la suite de l'enquête de l'IHIT sur le décès de M. Dziekanski, mais d'une manière indépendante de celle-ci, afin d'établir si une mesure disciplinaire était justifiée. À part la confirmation qu'aucune autre enquête de ce type n'a été entreprise, je n'ai reçu aucun autre renseignement de la GRC me permettant d'évaluer le caractère adéquat de cette décision ou de déterminer si l'enjeu a été abordé au sein de la GRC.

En dépit des recommandations que je pourrais formuler à cette étape-ci concernant l'examen de la décision de ne pas tenir une telle enquête, le résultat est sans importance puisque l'on ne peut convoquer une audience relative aux mesures disciplinaires concernant une contravention au Code de déontologie censément commise par un membre plus d'une année après que la contravention et l'identité de ce membre ont été portés à la connaissance du commandant divisionnaire de la région où sert le membre auquel on reproche sa conduite. Cette période de un an est maintenant écoulée.

À la lumière de ce qui a été dit, je recommande que la GRC examine ses processus et critères relativement à la tenue d'une enquête interne concernant la conduite de ses membres afin d'en garantir l'application uniforme à l'échelle du pays.

Allégation 3a : Rapidité à laquelle la vidéo de M. Pritchard lui a été remise

La vidéo de l'incident filmé par M. Paul Pritchard à l'aéroport international de Vancouver concernant M. Dziekanski lui a été censément « empruntée » par un enquêteur de l'IHIT, la nuit de l'incident. D'après les documents présentés par M. Pritchard alors qu'il tentait de récupérer la vidéo, il s'est fait dire que la GRC devait faire une copie de la vidéo et qu'elle lui serait retournée dans les 48 heures. On l'a par la suite informé qu'il pourrait s'écouler de un an et demi à plus de deux ans (approximativement) avant que la vidéo lui soit rendue parce qu'elle servirait à l'enquête du coroner.

M. Pritchard a intenté une poursuite judiciaire pour récupérer sa vidéo, qui lui a finalement été retournée. Étant donné que la vidéo n'a pas été initialement saisie à M. Pritchard, mais qu'elle a été obtenue avec son consentement et son accord, la GRC n'avait pas le pouvoir de conserver la vidéo lorsque M. Pritchard a demandé qu'elle lui soit rendue. Si la vidéo était considérée comme étant saisie, ce fait aurait dû être clairement communiqué à M. Pritchard. D'une façon ou d'une autre, M. Pritchard ne savait pas ce qu'il en était de son bien.

Étant donné la prolifération des appareils d'enregistrement, on prévoit que les incidents dans le cadre desquels les membres de la GRC chercheront à obtenir des enregistrements vidéo ou audio privés se produiront probablement plus fréquemment à l'avenir. Que la police saisisse un enregistrement vidéo ou audio d'un événement ou qu'elle l'obtienne sur consentement d'un membre du public, la police doit savoir en vertu de quel pouvoir elle peut obtenir l'enregistrement vidéo ou audio et en informer le public. Je recommande que la GRC fournisse à ses membres des précisions sur la procédure relative à l'obtention d'enregistrements vidéo ou audio d'un événement.

Allégation 3b : Caractère adéquat des communiqués aux médias

Les renseignements fournis aux médias par la GRC, surtout dans les premiers jours de l'enquête, sont problématiques. J'ai souligné un certain nombre d'exemples de renseignements erronés fournis sciemment aux médias par la GRC. Cependant, la GRC a décidé de ne pas corriger ces erreurs connues.

Cela, selon moi, est une erreur de la part de la GRC. Puisque des corrections auraient pu être apportées sans compromettre l'intégrité de l'enquête, cela aurait dû être fait. Le fait de corriger des inexactitudes relativement simples comme le nombre de membres présents ou le nombre de fois où l'AI a été utilisée n'aurait pas compromis la position de la GRC à l'égard d'une enquête criminelle sur les événements. Le défaut de prendre de telles mesures perpétue les préoccupations selon lesquelles la police ne mène pas d'enquête transparente et impartiale à l'égard de ses membres.

Il est essentiel que la GRC élabore une stratégie visant les médias et une stratégie de communication propres aux enquêtes sur des décès sous garde qui tiennent compte de la nécessité de faire des mises à jour régulières, significatives et opportunes à l'intention des médias et du public. De plus, la stratégie des médias et des communications devrait comprendre un aperçu accessible par le public précisant les étapes suivantes et les délais prévus pour chacune d'elles.

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