Résumé – Plainte déposée par le président et enquête d'intérêt public – Mort sous garde de M. Clay Willey

Introduction

Le 21 juillet 2003, M. Clay Alvin Willey a été arrêté par des membres du détachement de la GRC de Prince George, en Colombie-Britannique. M. Willey s'était montré agressif envers les membres. Dans le cadre de l'arrestation, on l'a aspergé d'aérosol capsique et on lui a donné des coups de poing et des coups de pied avant de pouvoir lui passer les menottes. Même lorsque cela a été fait, l'altercation s'est poursuivie, et les membres n'ont eu d'autre choix que de lui attacher les jambes. Après avoir été amené au détachement, M. Willey continuait d'essayer de se défaire de ses entraves, ce qui a incité deux membres à utiliser leur arme à impulsions (AI)Note de bas de page 1 à son endroit. Peu après, on a décidé de transporter M. Willey à l'hôpital. M. Willey a subi un arrêt cardiaque dans l'ambulance et il est mort le lendemain matin.

Compte tenu des préoccupations constantes du public à l'égard du degré de force employé dans cet incident, la Commission des plaintes du public contre la GRC (la Commission) a exercé son pouvoir au nom du public et a décidé d'examiner les faits à l'origine des préoccupations du public. L'objectif de son rapport est d'examiner attentivement tous les faits de façon objective et de formuler des recommandations pour prévenir une tragédie semblable à l'avenir. La Commission a examiné les faits du cas en détail en vue de déterminer ce qui suit :

  1. si les policiers de la GRC impliqués dans l'arrestation et la détention de M. Willey, du premier contact jusqu'à la mort de celui-ci, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences obligatoires appropriées en ce qui concerne le recours à la force;
  2. si les politiques, les procédures et les lignes directrices actuelles de la GRC s'appliquant à de tels incidents sont adéquates;
  3. si les membres de la GRC qui ont participé à l'enquête sur l'arrestation et la mort de M. Willey ont mené une enquête rigoureuse et s'ils l'ont fait à l'abri de tout conflit d'intérêts réel ou perçu;
  4. s'il existe d'autres enregistrements vidéo, autres que ceux qui ont été compilés et examinés à l'enquête du coroner, et si un membre quelconque de la GRC a cherché à dissimuler des éléments de preuve, notamment des enregistrements vidéo, concernant l'arrestation de M. Willey, à truquer ces éléments de preuve ou à les modifier de quelque façon que ce soit.

Examen des faits par la Commission

Le lundi 21 juillet 2003, des membres du détachement de la GRC de Prince George ont été envoyés dans les environs de la 11e Avenue après que deux appels ont été effectués au 911. Au total, quatre unités s'y sont rendues. Un des plaignants a signalé qu'un homme était en possession d'un couteau et qu'il avait menacé son chien. À leur arrivée, les agents ont été dirigés vers la ruelle à l'arrière du Parkwood Mall, à proximité du garage aérien, et ils y ont trouvé Clay Alvin Willey.

M. Willey se comportait de façon agressive à l'endroit d'un gardien de sécurité du centre commercial. Les agents l'ont confronté, mais il n'a pas réagi à leurs ordres verbaux. Il n'était pas armé. On a projeté M. Willey au sol, et une violente altercation s'en est suivie. Il a fallu trois agents pour maîtriser M. Willey. Apparemment, il disposait d'une force incroyable et il ne réagissait pas aux techniques de maîtrise par la douleur. Les agents étaient d'avis que M. Willey avait consommé de la drogue. Dans le cadre de l'arrestation, on l'a aspergé d'aérosol capsique et on lui a donné deux coups de poing et deux coups de pied avant de pouvoir lui passer les menottes. Même lorsque cela a été fait, l'altercation s'est poursuivie, et les membres n'ont eu d'autre choix que de lui attacher les jambes. Pour y arriver, le seul dispositif accessible était une entrave dont l'utilisation avait été interdite par la GRC. L'agent ayant le plus d'ancienneté sur les lieux a pris la décision d'utiliser cette entrave pour assurer la sécurité des personnes sur place. À ce moment-là, on a également décidé d'amener M. Willey en cellule plutôt qu'à l'hôpital.

On a ensuite transporté M. Willey au pavillon cellulaire du détachement de la GRC de Prince George. À son arrivée, il a été pris en charge par trois agents qui n'avaient pas pris part à l'arrestation. Pour faire sortir M. Willey du véhicule de police où il se trouvait sur le siège arrière, on l'a tiré par les pieds. Il continuait d'essayer de se défaire des entraves. Son visage était en contact avec le plancher de béton tandis qu'on le tirait dans un couloir jusqu'à l'ascenseur. Les trois agents, dans leurs rapports écrits, ont indiqué qu'ils avaient transporté M. Willey jusqu'à l'ascenseur en soutenant la partie supérieure de son torse; cependant, la vidéo a plus tard révélé que ce n'était pas le cas.

Au deuxième étage, M. Willey a été tiré hors de l'ascenseur face contre terre, puis on l'a laissé sur le plancher. Il continuait d'essayer de se détacher, mais on ne lui a pas enlevé les menottes ni l'entrave. Les agents ont discuté avec M. Willey apparemment pour tenter de le calmer et pour qu'il arrête d'essayer de se défaire des menottes et de l'entrave, car on ne pouvait le placer en cellule s'il continuait à afficher ce comportement. On a appelé une ambulance pour que le personnel paramédical lui administre un sédatif. Avant l'arrivée de l'ambulance, deux agents ont simultanément activé leur AI et l'ont utilisée à l'endroit de M. Willey en mode paralysant afin de le réorienter. Les AI n'ont pas eu l'effet désiré, et M. Willey continuait d'essayer de détacher ses liens tandis qu'il était couché sur le plancher.

Peu après, les ambulanciers sont arrivés, mais ils ont été incapables de lui administrer un sédatif. On a alors décidé de l'amener à l'hôpital. Entre le détachement et l'hôpital, il a subi le premier d'une série d'arrêts cardiaques. Il est mort le matin suivant.

Questions clés dans le présent rapport

1. Intervention policière et recours à la force

À la lumière de l'enquête de la Commission, il est clair que les gendarmes Graham et Fowler exerçaient leurs fonctions quand ils ont commencé à interagir avec M. Willey. Ils enquêtaient en raison de troubles et ont aperçu M. Willey, qui présentait un comportement agressif et refusait de suivre leurs instructions. Il était raisonnable qu'ils croient que M. Willey troublait la paix, en violation de l'article 175 du Code criminel et qu'il pouvait être arrêté. Comme il affichait un comportement imprévisible et violent, il était nécessaire de l'immobiliser en utilisant la force physique. Il était raisonnable que les gendarmes Graham, Fowler et Rutten craignent pour leur sécurité physique et celle d'autrui, ce qui les a poussés à avoir recours à la force de façon conforme aux politiques de la GRC et aux lois. Le fait que le gendarme Rutten a utilisé l'aérosol capsique peut avoir été inopportun compte tenu du risque de contamination croisée, mais il pensait raisonnablement que cela aurait pu contribuer à maîtriser M. Willey et que, par conséquent, cela était approprié et raisonnable dans les circonstances.

Même lorsqu'on a réussi à menotter les poignets de M. Willey, la lutte n'était pas terminée. Le gendarme Graham a conclu raisonnablement qu'il devait lier les jambes de M. Willey. Il a examiné les solutions qui s'offraient à lui et a décidé d'utiliser une entrave servant à lier les pieds et les poings. L'entrave servant à lier les pieds et les poings est interdite par la GRC depuis mai 2002. Cependant, en juillet 2003, les agents de police de première ligne à Prince George n'avaient pas encore reçu l'entrave de remplacement ou été formés à cet égard, et la corde utilisée pour la technique des pieds et poings liés se trouvait encore dans les véhicules de la GRC. La décision du gendarme Graham d'utiliser la technique des pieds et poings liés était raisonnable, car aucune autre solution ne s'offrait à lui pour attacher les jambes de M. Willey et il craignait avec raison que ce dernier ne se lève et ne continue à résister.

Conclusion : Il était légitime pour les membres d'interagir avec M. Willey, et ils en avaient l'obligation en raison de leurs fonctions.

Conclusion : La force utilisée par les gendarmes Graham et Rutten pour arrêter et menotter M. Willey était raisonnable dans les circonstances.

Conclusion : L'utilisation d'aérosol capsique par le gendarme Rutten dans le cadre de l'altercation avec M. Willey dans le garage aérien était contre-indiquée, mais pas déraisonnable dans les circonstances.

Conclusions

  • Il était raisonnable pour le gendarme Graham d'utiliser la technique des pieds et poings liés dans les circonstances même si son utilisation avait été interdite par la GRC.
  • La GRC a omis de mettre en œuvre en temps opportun son changement de politique en ce qui concerne l'interdiction de l'utilisation de la technique des pieds et poings liés et l'utilisation approuvée de l'entrave RIPP Hobble.

Recommandation : La Commission réitère sa recommandation, énoncée dans son rapport concernant la mort de détenus sous la garde de la GRC à la suite de l'utilisation d'armes à impulsions (juillet 2010), selon laquelle la GRC devrait élaborer des protocoles clairs concernant l'utilisation du matériel de contrainte et l'interdiction de la technique des pieds et poings liés, de cette technique modifiée et de la prise par l'encolure et les diffuser à ses membres.

Conclusion : Les gendarmes Graham, Fowler et Rutten ont utilisé un degré de force approprié pour arrêter Clay Willey le 21 juillet 2003.

2. Recours à la force après l'arrestation initiale

M. Willey a été transporté de l'endroit où il a été arrêté jusqu'aux cellules du détachement de la GRC de Prince George. À son arrivée, les gendarmes Kevin O'Donnell, Glenn Caston, Jana Scott et John Edinger étaient présents. M. Willey continuait d'essayer de se défaire de ses entraves et ne communiquait pas (outre des grognements et d'autres sons incohérents). Un certain nombre de membres soupçonnaient que M. Willey avait consommé de la drogue. On l'a sorti du véhicule de police peu après l'arrivée. Les gendarmes Caston et O'Donnell ont mis leurs armes à feu dans les casiers verrouillés de la baie, conformément à la politique de la GRC et se sont affairés à sortir M. Willey du véhicule. La gendarme Scott est restée dans la baie de sécurité, son arme à feu à la main, tandis qu'on sortait M. Willey du véhicule. Le gendarme Edinger n'a pas mis, lui non plus, son arme en lieu sûr. Toutefois, le retrait de M. Willey du véhicule de police ne constituait pas une situation d'urgence justifiant le fait que le gendarme Edinger ne mette pas son arme à feu en lieu sûr. De plus, aucune explication fournie dans les déclarations des gendarmes Scott et O'Donnell ne justifiait la nécessité d'avoir une présence dominante pouvant être mortelle, ce qui autrement va à l'encontre des politiques de la GRC.

Conclusion : Les gendarmes Scott et Edinger n'ont pas mis leur arme à feu en lieu sûr à leur arrivée au détachement, comme l'exige la politique de la GRC, et n'étaient pas fondés à ne pas respecter cette politique.

Conclusion : La gendarme Scott a eu recours à un degré de force inapproprié en empoignant son arme à feu au moment où on sortait M. Willey du véhicule de police.

Quant à son retrait du véhicule de police, on a sorti M. Willey en le tirant par les pieds. Les gendarmes Caston et O'Donnell ont choisi de sortir M. Willey par les pieds, sans que quelqu'un ou quelque chose amortisse la chute quand on l'a tiré du siège arrière. Par conséquent, on a tiré M. Willey, et il est tombé, se cognant tout d'abord sur le cadre de porte puis heurtant ensuite le plancher de béton. Selon moi, leurs actes étaient déraisonnables.

On n'a pas plus fait attention quand on le tirait face contre terre et qu'il a heurté la partie surélevée en aluminium du seuil de la porte entre la baie de sécurité et le corridor qui mène à l'ascenseur. La façon dont M. Willey a été placé dans l'ascenseur ne montre aucune amélioration dans la façon dont il a été traité. Rien n'a été fait pour assurer un meilleur transfert, malgré le fait que quatre membres étaient présents. Les membres n'ont pas traité M. Willey avec la décence dont ils auraient dû faire preuve quand ils l'ont sorti du véhicule de police et transporté vers l'ascenseur.

Conclusion : Les gendarmes Caston et O'Donnell n'ont pas traité M. Willey avec le niveau de décence auquel on peut s'attendre des agents de police quand ils l'ont sorti du véhicule de police et l'ont transporté vers l'ascenseur.

b) Déploiement d'armes à impulsions

Aux termes du Code criminel, l'AI est une arme à feu interdite qui ne peut être utilisée que par des agents d'application de la loi. La Commission maintient fermement sa position : utilisée adéquatement, l'AI peut se révéler un outil efficace pour la GRC. La Commission a également maintenu que l'AI cause une douleur intense, qu'elle peut exacerber un état sous-jacent et qu'elle a été utilisée dans des situations où il n'est pas justifié de le faire et qui contreviennent à la politique de la GRC.

Les gendarmes Caston et O'Donnell avaient la même opinion quant à l'utilisation de l'AI dans ces circonstances, car on voit sur la vidéo du pavillon cellulaire qu'ils utilisent simultanément leur AI en mode paralysantNote de bas de page 2. Rien ne laisse croire que M. Willey essayait de s'en prendre aux membres; il essayait plutôt de se défaire du matériel de contrainte, ce qui constitue de la résistance active. La politique de la GRC en vigueur à l'époque indiquait que l'AI pouvait être utilisée à l'endroit de suspects qui résistent à leur arrestation. Même si un comportement résistant peut parfois s'apparenter à la non-coopération, cela ne signifie pas toujours que le suspect résiste à son arrestation. Les membres souhaitaient que M. Willey arrête d'essayer de se libérer du matériel de contrainte; cependant, il était bel et bien muni d'entraves. Il y a une différence importante entre l'utilisation de l'AI pour que le sujet coopère afin de lui mettre les entraves quand il résiste à son arrestation et qu'il y a un risque qu'il s'enfuie et l'utilisation de l'AI pour calmer un sujet lorsque le matériel de contrainte a déjà été appliqué.

Les gendarmes O'Donnell et Caston ont plutôt décidé d'utiliser simultanément leur AI à l'endroit de M. Willey sans qu'ils semblent avoir communiqué pour indiquer leur intention d'agir de la sorte et malgré le fait qu'aucune circonstance urgente ne justifiait l'application immédiate de l'arme. Les gendarmes O'Donnell et Caston ont omis d'effectuer une évaluation adéquate des risques avant de prendre une telle mesure.

Conclusion : L'utilisation simultanée de l'arme à impulsions par les gendarmes Caston et O'Donnell était déraisonnable, inutile et exagérée dans les circonstances.

Conclusion : Les gendarmes Caston et O'Donnell n'ont pas consigné adéquatement et en temps opportun leur utilisation de l'arme à impulsions.

3. Soins médicaux

La GRC est chargée de prendre soin des personnes sous sa garde, et ses politiques orientent ses membres en ce qui concerne l'obtention de soins médicaux pour les détenus. Il était clair que M. Willey avait subi des blessures et il était raisonnable de croire qu'il souffrait d'une surdose ou qu'il avait consommé un mélange de drogues et d'alcool. Les membres auraient dû faire appel à une aide médicale immédiatement après l'arrestation de M. Willey, en raison de l'obligation des agents de police de prendre soin des personnes sous leur garde et conformément aux politiques de la GRC. Toutefois, l'évaluation des membres selon laquelle il était impossible et potentiellement dangereux pour le public d'amener M. Willey à l'hôpital local en raison de son comportement était raisonnable dans les circonstances. De même, il n'aurait pas été nécessairement approprié d'attendre le personnel médical à l'endroit où a eu lieu l'arrestation, car M. Willey représentait un danger pour le public. Ayant décidé de l'amener au détachement, les membres auraient dû appeler une ambulance, qui aurait pu se présenter au détachement au moment de l'arrivée de M. Willey afin que l'on puisse l'examiner.

Conclusion : Le gendarme Graham n'a pas fait appel en temps opportun à une aide médicale pour M. Willey. Après avoir conclu raisonnablement qu'il était dangereux de transporter M. Willey à l'hôpital, le gendarme Graham aurait dû appeler une ambulance pour qu'elle rencontre les membres et M. Willey à leur arrivée au détachement de la GRC de Prince George.

Il y a avait également des questions en ce qui a trait au volume de renseignements transmis par les membres ayant pris part à l'arrestation de M. Willey aux ambulanciers. Un ambulancier a indiqué que, pendant qu'il examinait les problèmes soupçonnés à la colonne vertébrale de M. Willey, il a demandé aux membres si ce dernier s'était cogné la tête ou avait eu un problème semblable. On lui a répondu que non. Cependant, pendant l'incident, M. Willey a pu se cogner la tête à maintes reprises. L'omission par la GRC de transmettre ces renseignements peut avoir compromis les soins médicaux fournis à M. Willey. Par ailleurs, il ne semble pas qu'on ait indiqué aux ambulanciers qu'on avait utilisé une bombonne d'aérosol capsique à l'endroit de M. Willey. On aurait dû indiquer ce fait afin que M. Willey puisse être décontaminé le plus rapidement possible.

Conclusion : La GRC a omis de transmettre tous les renseignements pertinents sur M. Willey et son arrestation aux ambulanciers.

Recommandation : L'officier responsable du détachement de la GRC de Prince George devrait prendre des mesures pour veiller à ce que tous les membres soient conscients de la nécessité de fournir tous les renseignements pertinents au personnel médical.

4. Réalisation de l'enquête en temps opportun

On a demandé au Groupe des crimes graves du district Nord de mettre sur pied une équipe pour enquêter sur la mort possible d'un détenu approximativement dans les 20 minutes après que M. Willey a eu un arrêt cardiaque, conformément à la politique de la GRC, qui exige qu'une enquête « indépendante » soit menée immédiatement quand une personne arrêtée ou sous la garde de la GRC est gravement blessée ou meurt. L'équipe d'enquête est arrivée sur les lieux de l'arrestation en un peu plus de une heure. Aucun des membres de l'équipe d'enquête n'avait de relations étroites avec les membres en cause dans l'incident. Les aspects clés de l'enquête ont été achevés, et les rapports d'expert ont été obtenus bien avant la fin du délai établi, qui est de six mois après l'incident. Même si l'enquête en elle-même comportait certaines lacunes, comme il a été mentionné ailleurs dans le présent rapport, elle a été menée en temps opportun.

Conclusion : Le Groupe des crimes graves a été chargé de l'enquête au sujet de l'arrestation et de la mort subséquente de M. Willey en temps opportun et conformément à la politique de la GRC.

Conclusion : Aucun des membres de l'équipe d'enquête n'avait de relations étroites avec les membres en cause dans l'incident.

Conclusion : L'enquête de la GRC sur la mort de M. Willey n'a pas souffert de retards déraisonnables et elle a été menée en temps opportun.

5. Sécurité des lieux et collecte d'éléments de preuve

On a montré les lieux de l'arrestation au membre chargé de les sécuriser avant l'arrivée de l'équipe d'enquête, mais il a quitté brièvement les lieux avant d'y retourner pour établir le périmètre et assurer la sécurité des lieux. Par conséquent, la GRC a omis de veiller à ce que les lieux soient adéquatement sécurisés.

Conclusion : Le lieu où l'arrestation de M. Willey a été effectuée n'a pas été adéquatement sécurisé avant l'arrivée de l'équipe d'enquête du Groupe des crimes graves du district Nord.

Appelée sur les lieux, la Section de l'identité judiciaire de Prince George a marqué, a mesuré et a photographié les lieux et a prélevé des échantillons de sang sur le pavé à l'aide de tampons. Dans les jours suivant l'arrestation et la mort subséquente de M. Willey, les membres de la Section de l'identité judiciaire ont également reçu et examiné les éléments de preuve vidéo saisis au détachement.

Conclusion : Les membres de la Section de l'identité judiciaire se sont rendus à l'endroit où avait eu lieu l'arrestation et l'ont examiné en temps opportun.

Le recours à la force était une question clé dans l'enquête. Dans les faits, le gendarme Rutten a signalé avoir donné deux coups de pied à M. Willey. Dans le cadre de l'enquête du coroner, l'avocat de la famille a posé des questions aux témoins concernant les marques sur le corps qui auraient pu être causées par ces coups de pied. Les enquêteurs auraient dû recueillir les bottes du gendarme Rutten et en photographier la semelle pour être en mesure de la comparer aux traces observées sur le corps et les vêtements de M. Willey.

Conclusion : L'équipe d'enquête du Groupe des crimes graves aurait dû recueillir les bottes du gendarme Rutten à titre d'élément de preuve potentiel.

Les enquêteurs n'ont pas examiné le véhicule de police utilisé pour transporter M. Willey des lieux de l'arrestation au détachement avant qu'il soit nettoyé.

Conclusion : L'équipe d'enquête du Groupe des crimes graves a commis une erreur, car elle n'a pas veillé à ce que le véhicule de police utilisé pour transporter M. Willey soit examiné avant d'être nettoyé.

Initialement, on soupçonnait que M. Willey était en possession d'un couteau, mais on a par la suite conclu qu'il s'agissait d'un téléphone portable. Le téléphone portable a été recueilli sur les lieux. Il semble qu'on l'a échappé par inadvertance dans le stationnement de l'hôpital, et qu'un proche de la famille Willey l'a ramassé. Il aurait dû être évident pour les enquêteurs que le téléphone portable (élément de preuve potentiellement important) était manquant, mais cela n'a jamais été déterminé.

Conclusion : L'équipe d'enquête du Groupe des crimes graves n'a pas remarqué qu'un élément de preuve (le téléphone portable de M. Willey) avait été perdu.

Comme les événements qui ont entraîné l'arrestation de M. Willey et l'arrestation elle-même sont survenus dans des endroits publics, un certain nombre de civils en ont été témoins. Des déclarations ont été recueillies auprès des témoins civils immédiatement après l'incident ou une fois que ces derniers ont été identifiés. Rien ne montre que les enquêteurs n'ont pas manqué de trouver des témoins pertinents ou de les questionner en temps opportun.

Conclusion : Tous les témoins pertinents ont été trouvés et interrogés en temps opportun.

Dans le cadre de leurs fonctions, les agents de police sont tenus de consigner leur participation à des incidents qui surviennent en raison de leur emploi et de fournir ces documents à leur employeur. On a envoyé les principaux membres ayant pris part à l'incident à la maison avant l'arrivée des enquêteurs de l'EGCG. Les membres sont revenus le soir suivant pour rencontrer l'avocat et préparer leur constat. Ce n'est que le matin suivant cette réunion, soit plus de 36 heures après l'incident, que l'avocat a fourni les rapports écrits des membres aux enquêteurs.

L'enquêteur a le droit d'obtenir au moins un compte rendu de base d'un membre en cause sans que quiconque ait tout d'abord discuté avec lui des faits de la situation. Cela n'a pas été le cas dans la présente affaire. Au moment de l'arrestation de M. Willey et de sa mort subséquente, la GRC ne comptait pas sur une politique claire expliquant aux membres leurs obligations de fournir un compte rendu des événements lorsqu'ils prennent part à un incident grave ou qu'ils en sont témoins. Il se peut que les membres n'aient pas fourni en temps opportun des comptes rendus de l'événement, et que les enquêteurs ne leur aient pas demandé plus rapidement des comptes rendus en raison du fait qu'une telle politique n'existait pas au moment de l'incident. La politique actuellement en vigueur reflète et précise cette exigence.

Conclusion : Les enquêteurs ont omis de demander au moins des comptes rendus préliminaires aux membres en cause, et ce, en temps opportun.

L'équipe d'enquête a mené des entrevues verbales avec un certain nombre de membres après avoir reçu leur rapport écrit. Ces membres n'ont pas été obligés de se soumettre à ces entrevues, mais ils l'ont fait volontairement. Cependant, les entrevues menées auprès des deux membres principaux s'étant chargés de M. Willey au détachement ont duré cinq et six minutes. Les membres n'ont pas été questionnés à propos des motifs de leur conduite ni au sujet des divergences entre leurs déclarations et la vidéo du détachement.

La GRC a récemment mis en application une politique aux termes de laquelle les enquêtes sur les incidents graves sont menées par des organismes externes d'application de la loi. La Commission espère que le fait que les enquêtes soient menées par un service de police indépendant permettra de veiller à ce que tous les aspects d'un incident soient examinés adéquatement par les enquêteurs.

Conclusion : Les enquêteurs du Groupe des crimes graves ont omis de questionner adéquatement les membres ayant pris part à l'incident relativement à leur recours à la force.

Conclusion : Il aurait fallu trouver plus tôt au cours de l'enquête un expert de l'usage de la force, et un rapport aurait dû être préparé; les enquêteurs auraient pu considérer cette opinion puis la transmettre au procureur de la Couronne.

Recommandation : Quand la GRC mène une enquête sur ses membres dans des situations où la force a été utilisée et où le sujet subit une grave blessure ou meurt, un rapport sur l'usage de la force devrait être requis avant l'examen par le procureur de la Couronne.

6. Examen par un agent indépendant

Les circonstances de la mort de M. Willey ont également été passées en revue dans le cadre d'un examen par un agent indépendant (EAI). Un EAI est un examen administratif interne. Plusieurs problèmes sont survenus relativement au processus d'EAI lui-même et au lien entre l'EAI et l'enquête du Groupe des crimes graves. Même si la personne chargée de l'examen a reconnu avoir des préoccupations quant à la conduite de certains membres, ces préoccupations n'ont pas toutes été abordées dans son rapport. Elle ne savait pas qui allait lire son rapport et n'en a pas discuté avec qui que ce soit après l'avoir présenté.

Le rôle de la personne chargée de l'examen consiste à mener un examen administratif. Elle ne devait pas agir à titre d'enquêteur. Elle devait s'appuyer sur les travaux de l'équipe d'enquête du Groupe des crimes graves. Il y avait des lacunes dans le processus, car il y avait manifestement un écart entre ce que le Groupe des crimes graves considérait comme son rôle, soit d'enquêter sur la conduite criminelle uniquement, et le rôle de la personne chargée de l'examen, qui consiste à mener un EAI et à évaluer la conduite des membres par rapport aux politiques et à la formation. Par contre, on n'a pas déterminé les problèmes de conduite ni les manquements aux politiques. La GRC devrait préciser les rôles de chaque partie responsable de l'enquête et de l'examen pour veiller à ce que les aspects criminels et ceux liés à la conduite de police soient adéquatement abordés dans le cadre de l'enquête. De cette façon, on ne manque aucune occasion essentielle d'aborder les problèmes liés aux comportements, aux politiques et à la formation.

Conclusion : Les aspects criminels et ceux liés à la conduite de la police relativement à la mort de M. Willey n'ont pas fait l'objet d'une enquête adéquate et n'ont pas été abordés de façon appropriée.

Recommandation : La GRC devrait préciser les rôles des parties chargées de l'enquête et de l'examen pour veiller à ce que les aspects criminels et ceux liés à la conduite de la police soient abordés adéquatement dans le cadre d'une enquête.

7. Enregistrements vidéo

La famille Willey a affirmé à la Commission que, selon elle, afin de supposément cacher la vérité, on a effacé des enregistrements vidéo comprenant des renseignements essentiels montrant la façon dont Clay Willey a été traité pendant qu'il était sous la garde de la police. Par conséquent, la Commission a fait appel aux services d'un analyste de vidéos judiciaire reconnu et indépendant pour évaluer l'intégrité des éléments de preuve sur vidéo dans cette affaire. L'expert en vidéo a déterminé que les enregistrements vidéo fournis à la Commission représentaient des enregistrements originaux et qu'on ne les avait pas modifiés. À partir de ces vidéocassettes, il a été en mesure de créer pour la Commission une vidéo représentant le temps passé en détention par M. Willey au détachement de la GRC de Prince George. La caméra qui aurait dû filmer le retrait de M. Willey du véhicule de police présentait une image figée. L'expert en vidéo a déterminé qu'il s'agissait non pas du résultat d'une intervention humaine, mais plutôt d'une fonction du système d'enregistrement vidéo.

Il a toutefois observé des divergences entre la copie créée par la GRC et montrée dans le cadre de l'enquête du coroner et la vidéocassette originale, ainsi qu'une copie initialement fournie au bureau du coroner. Les divergences prenaient la forme d'images manquantesNote de bas de page 3 qui figuraient pourtant sur les vidéocassettes originales. L'expert en vidéo n'a pu déterminer pourquoi il y avait des images manquantes dans les copies (c.-à-d. si cela s'expliquait par une erreur de l'utilisateur dans le traitement de la vidéo, si l'équipement utilisé en était la cause ou si la personne traitant la vidéo avait choisi d'exclure certaines parties de la vidéo). Cependant, la Commission a passé en revue de façon détaillée l'ensemble des vidéos et a déterminé que l'ajout des images manquantes ne changeait pas vraiment le contenu général des enregistrements vidéo montrant ce qui est arrivé à M. Willey.

Conclusion : Les vidéocassettes fournies par la GRC à la Commission étaient les versions originales et montraient les moments que M. Willey a passés en détention au détachement.

Conclusion : L'image figée qui aurait autrement montré le retrait de M. Willey du véhicule de police est le résultat non pas d'une intervention humaine, mais plutôt d'une défaillance du système d'enregistrement vidéo.

La qualité de l'enregistrement vidéo présenté pendant l'enquête du coroner posait problème. Au dire de tous, il était difficile d'y voir quoi que ce soit. Elle présentait les deux problèmes suivants : en ce qui a trait à la qualité du visionnement, l'analyste de vidéos auquel a eu recours la Commission a été en mesure de créer une version beaucoup plus claire grâce aux logiciels et aux technologies accessibles au moment où l'incident est survenu. Il y avait également certaines sections de l'enregistrement qui n'ont pas été incluses dans la copie remise au coroner. Même si leur retrait n'influait en rien sur l'enregistrement global de ce qui est survenu à M. Willey pendant qu'il était au détachement, la GRC devrait faire des efforts pour veiller à ce que tous les enregistrements soient diffusés afin d'assurer la pleine divulgation.

Recommandation : La GRC devrait prendre des mesures pour veiller à ce que tout enregistrement vidéo soit entièrement divulgué, et ce, de façon présentable au bureau du coroner dans les cas de la mort de détenus et veiller à ce que ces enregistrements soient conservés dans le dossier d'enquête.

Conclusion

Il est difficile pour la police et le public d'examiner de façon critique les interactions violentes entre la police et le public. Dans le cas présent, ce qui a commencé par un désordre public nécessitant l'intervention de la police s'est terminé par, comme il a été déterminé plus tard, une urgence médicale. Depuis que cet incident et d'autres cas semblables sont survenus, la GRC a déployé bon nombre d'efforts afin de former ses membres à reconnaître et à gérer de telles situations difficiles. Cependant, même s'il est clair à la lumière des éléments de preuve médicale et des conclusions du coroner de la Colombie-Britannique que le degré de force utilisé par les membres n'a pas entraîné la mort de Clay Alvin Willey, la GRC doit néanmoins assumer la responsabilité des mauvais traitements infligés à M. Willey pendant qu'il était sous sa garde.

Il importe de mentionner que cet incident et l'enquête subséquente se sont déroulés en 2003. Le modèle de gestion des cas graves était relativement nouveau en 2003, et l'infrastructure des divisions n'était pas suffisamment spécialisée pour son utilisation. Bon nombre d'améliorations ont été apportées aux procédures et aux politiques de la GRC régissant les enquêtes sur la mort de personnes détenues. La Commission est encouragée par les mesures prises par la GRC pour veiller à l'avenir, à ce que les incidents majeurs fassent l'objet d'une enquête par des services de police indépendants.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Les armes à impulsions utilisées par la GRC sont fréquemment appelées par le nom de marque des modèles autorisés par les politiques de la GRC : TaserMD, qui sont fabriqués par TASER International.

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Note de bas de page 2

L'arme à impulsions peut être utilisée en deux modes, le mode sonde et le mode paralysant. Le mode sonde consiste en la décharge de l'arme qui projette une cartouche contenant des sondes qui s'accrochent au corps du sujet et qui sont liées à l'arme à impulsions grâce à des fils électriques. Le mode paralysant consiste à placer les électrodes de l'arme à impulsions directement contre le corps du sujet.

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Note de bas de page 3

À cette époque, le système d'enregistrement vidéo du détachement de la GRC de Prince George était un système de télévision analogique en circuit fermé. Chaque caméra dans le détachement filmait en format multiplex, et les images devaient être démultiplexées pour que l'on puisse les visionner normalement. Une image est une photo dans le temps enregistrée par le système analogique.

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