Déclaration de la présidente sur les interventions de la GRC auprès de personnes en situation de crise et dans les cas de vérifications de l’état de santé

Ottawa - 2020-07-21

Ces dernières semaines, l'intérêt du public s'est accru à l'égard des interventions de la police auprès de personnes en situation de crise et dans les cas de vérifications de l'état de santé. Je suis heureuse de pouvoir expliquer les mesures prises par la Commission pour donner suite à ces préoccupations dans le cadre de son rôle de surveillance à l'égard de la GRC.

Au cours des quatre dernières années, la Commission a établi 14 rapports concernant des cas individuels où les mesures prises par la GRC dans le cadre d'une vérification de l'état de santé ou d'une intervention auprès d'une personne en situation de crise étaient déraisonnables.

Puisque ces cas comportent des renseignements personnels de nature délicate sur la santé, les rapports ne sont pas publics. Toutefois, il est dans l'intérêt du public de faire part des préoccupations généralisées observées dans les cas individuels, ainsi que de certaines des principales recommandations formulées par la Commission à l'intention de la GRC.

Approche de commandement et de contrôle

En ce qui concerne les interactions avec des personnes en situation de crise, les conclusions de la Commission soulèvent systématiquement des préoccupations quant à l'adoption par la police d'une approche de « commandement et de contrôle » – un style autoritaire d'intervention auprès d'une personne récalcitrante.

Les rapports de la Commission ont permis de constater à maintes reprises que l'approche de « commandement et de contrôle » a entraîné un recours à la force déraisonnable de la part de la GRC lors de l'arrestation de personnes en situation de crise.

Les conclusions de la Commission concordent avec celles d’autres groupes d’experts sur le sujet.

  • Dans le cadre de la Commission Braidwood sur l'utilisation des armes à impulsion, le juge Thomas Braidwood a formulé l'observation suivante :

    [TRADUCTION] Il semble évident que la philosophie de « commandement et de contrôle » qui sous-tend la formation des recrues de la police, bien qu'elle soit généralement appropriée, est à la fois inadéquate et contre-productive lorsqu'il s'agit d'intervenir auprès de personnes perturbées émotionnellement.Note de bas de page 1

  • Le juge retraité de la Cour suprême Frank Iacobucci est arrivé à des conclusions semblables dans le cadre de son examen indépendant de 2014 portant sur l'approche du service de police de Toronto à l'égard des personnes en situation de crise :

    [TRADUCTION] Le défi, et l'une des exigences les plus importantes pour la police, est de savoir comment désamorcer une crise impliquant une personne qui, en raison de ce qui est en fait un trouble mental transitoire ou permanent, peut ne pas répondre de manière appropriée (ou ne pas réagir du tout) aux ordres habituels donnés par la police.Note de bas de page 2

  • L'ombudsman de l'Ontario, dans un rapport intitulé « Une question de vie ou de mort », a aussi indiqué que la formation de la police est axée sur la nécessité de faire en sorte que les délinquants rationnels se plient aux ordres de la police. Bien que cette approche soit souvent efficace auprès des délinquants rationnels, elle est susceptible de mener à une confrontation dans le cas d'une personne en situation de crise, à l'égard de laquelle il faut adopter une autre approche.Note de bas de page 3

Appel aux professionnels de la santé mentale

Dans un rapport de 2016, la Commission a recommandé une révision des politiques et de la formation de la GRC en matière de communication et de recours à la force. Plus récemment, la Commission a mis en évidence la nécessité pour la GRC de faire appel à des professionnels de la santé mentale lors de ses interventions auprès de personnes en situation de crise.

Une déclaration du Centre de toxicomanie et de santé mentale a fourni le contexte à l'appui :

[TRADUCTION]

La santé mentale relève du domaine de la santé. Cela signifie que les personnes en situation de crise liée à la santé mentale ont besoin de soins de santé. Les policiers ne devraient pas être les premiers intervenants lorsque des gens dans la collectivité sont en situation de crise. Les policiers ne sont pas formés pour donner des soins en cas de crise, et on ne doit pas s'attendre à ce qu'ils dirigent cet important travail.

[...]

Depuis trop longtemps, le système de soins de santé compte sur la police pour répondre aux situations de crise liée à la santé mentale dans la collectivité. Un changement en profondeur est nécessaire pour favoriser une nouvelle voie à suivre. Les personnes atteintes de maladies mentales et leurs familles méritent mieuxNote de bas de page 4.

La Commission comprend qu'une intervention policière auprès d'une personne en situation de crise sera parfois nécessaire, par exemple en cas d'activités criminelles parallèles ou de risque évident pour la sécurité publique. En ce sens, la GRC joue un rôle important, mais elle ne devrait pas être la seule à intervenir. Des professionnels de la santé mentale devraient diriger l'intervention, la police apportant son soutien au besoin.

Dans un rapport de 2020 sur le sujet, la Commission a recommandé que la commissaire de la GRC ordonne aux commandants divisionnaires de travailler avec les partenaires provinciaux et territoriaux pour créer des options d'intervention appropriées axées sur les soins de santé pour les personnes en situation de crise dans la collectivité.

Cette recommandation s'appuie en partie sur des études réalisées au cours des dix dernières années qui ont démontré la réussite des équipes d'intervention conjointes composées de policiers et de professionnels de la santé.

Parmi les avantages des équipes conjointes, citons :

Le même rapport de 2020 comprend également des observations sur le rôle de la GRC pour ce qui est de répondre aux plaintes concernant une « vérification de l'état de santé », car bon nombre des préoccupations abordées ci-dessus s'appliquent également à ces types de demandes d’intervention policière.

Je recommande que la GRC envisage de modifier ses politiques afin de limiter l'intervention de la police aux cas où elle est nécessaire en raison d'activités criminelles ou d'un risque pour la sécurité publique. J'attends la réponse de la commissionnaire au rapport de 2020.

J'espère que l'attention accrue du public à l'égard de cet aspect en évolution du travail policier permettra à la GRC de trouver le juste équilibre et de mettre au point des politiques, une formation et des procédures efficaces pour intervenir auprès des personnes en situation de crise et pour traiter les demandes de vérification de l'état de santé.

Je reste déterminée à assurer une surveillance civile efficace sur ce sujet prioritaire par le biais des fonctions d'examen et d'enquête de la Commission.

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