Rapport final de la Commission à la suite d'une plainte déposée par le président et une enquête d'intérêt public au sujet de l'enquête menée par la GRC sur le décès de Colten Boushie et les événements qui ont suivi

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
Paragraphe 45.76(3)

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AVERTISSEMENT TENANT COMPTE DES TRAUMATISMES

Le présent rapport traite de sujets complexes et chargés émotionnellement. Il peut susciter une réaction émotionnelle éprouvante chez certains lecteurs. Le cas échéant, il est recommandé aux lecteurs de chercher à obtenir de l'aide.

Introduction

[1] Le 9 août 2016, Colten Boushie (M. Boushie), un résident de 22 ans de la réserve de la Première Nation de Red Pheasant, a été abattu sur une propriété agricole rurale près de Biggar (Saskatchewan) par Gerald Stanley (M. Stanley), le propriétaire des lieux. À la suite d'une enquête criminelle menée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), M. Stanley a été accusé du meurtre de M. Boushie. Dès le début, l'affaire ainsi que les agissements de certains membres de la GRC ont suscité d'importantes préoccupations. À l'issue d'un procès devant jury, M. Stanley a été acquitté de l'accusation de meurtre.

[2] La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (la Commission) a mené une enquête d'intérêt public (EIP) afin d'examiner le déroulement de l'enquête de la GRC et les interactions des membres de la GRC avec ceux de la famille de M. Boushie. À la fin de son enquête, la Commission a formulé 47 conclusions et 17 recommandations dans un rapport intérimaire qu'elle a présenté à la GRC.

[3] La Commission a conclu que l'enquête menée par la GRC avait été, dans l'ensemble, professionnelle et raisonnable. Elle a aussi conclu que la réponse initiale de la GRC à l'incident avait été raisonnable et faite en temps opportun; que des mesures appropriées avaient été prises pour s'assurer que toutes les ressources disponibles étaient déployées; que les arrestations effectuées étaient légales et raisonnables; que l'entrevue avec M. Stanley avait été menée de manière raisonnable et que l'équipe d'enquête était suffisamment dotée en personnel.

[4] Cependant, la Commission a également relevé des problèmes dans le cadre de l'enquête, comme des lacunes dans les interactions entre la GRC et certains témoins. Plusieurs des problèmes relevés se sont révélés particulièrement préoccupants, notamment l'incapacité à protéger le véhicule dans lequel M. Boushie était assis lorsqu'il a été abattu. Cette situation, combinée à un retard déraisonnable dans l'obtention d'un mandat de perquisition pour la propriété, a conduit à la perte d'éléments de preuve, comme des taches de sang, en raison des intempéries. On ne sait pas, et on ne saura jamais, quelle influence ces preuves, ainsi que toute autre preuve perdue en raison de l'absence de protection du véhicule, auraient pu avoir sur l'issue de l'affaire.

[5] La Commission a constaté que les membres de la GRC qui ont informé la mère de M. Boushie, Debbie Baptiste, du décès de son fils, l'ont traitée avec une telle insensibilité que son traitement constituait prima facieNote de bas de page 1 un cas de discrimination. Les membres de la GRC ont notamment interrogé Mme Baptiste sur sa sobriété, ont senti son haleine et ont jeté un œil à l'intérieur de son micro‑ondes pour vérifier la validité de sa déclaration selon laquelle elle y avait mis un repas pour son fils maintenant décédé.

[6] La Commission a conclu que la présence de membres de la GRC au salon funéraire où se tenait la veillée funèbre de M. Boushie a contribué à une nouvelle détérioration des relations entre la GRC et la famille de ce dernier. Même si les membres de la GRC avaient seulement l'intention de faire le point sur l'enquête en cours, la Commission a estimé que leur présence à la veillée funèbre à cette fin était déraisonnable.

[7] La Commission a formulé des recommandations pour remédier aux lacunes relevées ayant trait à l'enquête et aux interactions avec la famille de M. Boushie.

[8] Un peu plus de dix mois après la publication par la Commission de son rapport intérimaire sur l'EIP, la commissaire de la GRC a fourni sa réponse. La commissaire a accepté la quasi‑totalité des conclusions de la Commission sans les contester ainsi que chacune des recommandations. Les seules exceptions concernaient des conclusions plus techniques et moins centrales pour l'affaire.

[9] Il convient de noter que la commissaire de la GRC a accepté la conclusion relative au traitement discriminatoire de Mme Baptiste, soulignant qu'elle avait été traitée de façon insensible.

[10] En réponse à la recommandation de la Commission en faveur d'un renforcement de la formation obligatoire relative à la sensibilisation à la culture, la commissaire de la GRC a fourni une longue liste de programmes que la GRC a mis en œuvre et continue de mettre en œuvre, en plus d'autres initiatives déjà mentionnées dans la réponse de la GRC à un autre rapport de la Commission.

[11] Il est surprenant de constater qu'en dépit de l'acceptation générale de presque toutes les conclusions et recommandations, la réponse de la GRC ne dit pas grand‑chose sur les questions au cœur de cette affaire, et ce, tout en accordant une grande attention à des points plus mineurs et techniques sur les quelques conclusions que la GRC n'accepte pas. Ces points concernaient souvent des questions relatives aux ressources et à la logistique qui ont été longuement analysées, tandis que les questions plus importantes ont souvent été abordées brièvement. En ce sens, la réponse peut être considérée comme une occasion manquée pour la GRC d'assumer sa responsabilité par rapport à la manière dont la famille et les amis de M. Boushie ont été traités.

[12] Néanmoins, la réponse de la GRC au rapport intérimaire sur l'EIP montre une volonté de mettre en œuvre les recommandations de la Commission et d'accepter les conclusions. La détermination de la GRC à renforcer la sensibilisation à la culture et à fournir de la formation sur les Autochtones y est exprimée en termes clairs.

[13] Pour parvenir à un changement plus profond de la culture organisationnelle de la GRC qui empêchera que le type de discrimination constaté dans cette affaire ne se reproduise, il faudra plus qu'une formation de sensibilisation à la culture. Toutefois, la Commission note que la GRC a pris des mesures positives à cet égard et espère que cette affaire ainsi que le présent rapport pourront servir de catalyseur pour que la GRC s'engage davantage dans un processus de changement nécessaire.

Aperçu de l'enquête de la Commission

[14] La Commission est un organisme fédéral distinct et indépendant de la GRC.

[15] Le 16 décembre 2016, l'oncle de M. Boushie, Alvin Baptiste, le frère de Mme Baptiste, a déposé une plainte auprès de la Commission. La plainte portait principalement sur la conduite des membres de la GRC qui se sont rendus au domicile de Mme Baptiste le soir du décès de son fils. Cette plainte sera appelée la « plainte de la famille » ci‑après.

[16] La GRC a d'abord mené une enquête sur la plainte de la famille en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (la Loi sur la GRC). Le 19 octobre 2017, la GRC a publié un rapport à l'intention des membres de la famille en réponse à leur plainte. Toutefois, la famille n'était pas satisfaite du rapport de la GRC et a demandé à la Commission de procéder à un examen. La Commission a finalement décidé de mener une enquête plus approfondie sur la plainte de la famille.

[17] Dans l'intervalle, le commissaire par intérim de la GRC a écrit au président intérimaire de la Commission le 16 février 2018 pour lui demander d'envisager de déposer une plainte et d'ouvrir une enquête sur cette affaire, à la lumière des préoccupations soulevées par la famille et d'autres personnes concernant leurs interactions avec les membres de la GRC et divers aspects de l'enquête criminelle de la GRC.

[18] En réponse à cette requête et aux propres préoccupations de la Commission, le président intérimaire a lancé une vaste plainte distincte et une EIP le 6 mars 2018. Cette plainte sera appelée la « plainte du président de la Commission ». Cette plainte avait principalement pour but d'examiner les points suivants :

  1. si les membres de la GRC qui sont intervenus dans cette affaire ont procédé à une enquête raisonnable sur le décès de M. Boushie;
  2. si les mesures prises par la GRC en réaction à cette affaire l'ont été conformément à la formation, aux politiques, aux procédures et aux lignes directrices de la GRC ainsi qu'aux exigences législatives;
  3. si la formation, les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC liées à cette affaire (à l'échelle nationale, à l'échelle de la division et à l'échelle du détachement) sont raisonnables;
  4. si la conduite des membres de la GRC intervenus dans cette affaire constitue de la discrimination fondée sur la race ou la perception d'appartenance à une race.

[19] Au cours de son enquête, la Commission a examiné des milliers de pages de dossiers de police, de preuves documentaires et d'autres renseignements pertinents. Les enquêteurs de la Commission ont mené dix entrevues avec des civils, principalement avec des membres de la famille de M. Boushie et leur avocat. Les enquêteurs de la Commission ont également interrogé plus de 30 membres de la GRC.

[20] La Commission a d'abord reçu les documents originaux de l'enquête de la GRC sur la plainte de la famille. Cependant, plusieurs autres demandes ont été nécessaires pour obtenir des documents supplémentaires pertinents. Les documents pertinents ont été fournis en plusieurs tranches et certaines des demandes de la Commission sont restées en suspens pendant plusieurs mois. La Commission a continué à recevoir des documents supplémentaires de la part de la GRC jusqu'en novembre 2019. Bien que la GRC ait fourni des documents en réponse à plusieurs de ces demandes, certains documents n'étaient plus disponibles.

[21] Lorsque la Commission a demandé divers enregistrements et transcriptions d'appels téléphoniques et de communications radio, la GRC a répondu qu'il avait été déterminé que de tels dossiers n'avaient aucune valeur probante pour l'enquête criminelle et que, conformément à ses politiques sur la conservation des documents, ils avaient été détruits deux ans après leur création. Dans une correspondance envoyée à la GRC le 13 février 2019, la Commission a fait part de sa déception quant au défaut de la GRC de conserver ces dossiers. La Commission a souligné que la plainte de la famille et celle du président de la Commission avaient toutes deux été déposées avant la fin de la période de conservation de deux ans, et que les documents étaient pertinents pour ces plaintes.

[22] Le 4 novembre 2019, la Commission a publié un rapport intérimaire au sujet de la plainte de la famille. Ce rapport examinait la décision de la GRC concernant la plainte et formulait des conclusions ainsi que des recommandations pour répondre aux problèmes précis soulevés par la famille.

[23] Le 21 janvier 2020, la Commission a rédigé un rapport intérimaire sur l'EIP de 118 pages concernant la plainte du président de la Commission. Dans ce rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a formulé 47 conclusions et 17 recommandations.

[24] L'examen par la Commission de l'enquête criminelle de la GRC sur la mort de M. Boushie a impliqué un examen des preuves afin de tirer des conclusions sur les agissements des membres de la GRC impliqués. Face à des versions ou à des éléments de preuve contradictoires, la Commission a cherché à déterminer la situation la plus probable. Cette norme juridique bien connue s'appelle la norme de la « prépondérance des probabilités ». Il s'agit du critère que la Commission a appliqué pour tirer toutes ses conclusions dans le cadre de l'affaire.

[25] Le rôle de la Commission n'était pas de réexaminer l'affaire pénale contre M. Stanley. Son rôle était plutôt de tirer des conclusions concernant la conduite des membres de la GRC après avoir examiné les preuves et, le cas échéant, de formuler des recommandations axées sur les mesures pouvant contribuer à remédier aux lacunes constatées.

[26] Conformément à la Loi sur la GRC, la Commission a transmis le rapport intérimaire sur l'EIP à la commissaire de la GRC. Le 4 décembre 2020, la Commission a reçu une réponse de la commissaire Brenda Lucki, conformément au paragraphe 45.76(2) de la Loi sur la GRC. Au 7 janvier 2021, la Commission attend toujours une réponse à son rapport intérimaire sur la plainte de la famille.

[27] Dans sa réponse au rapport intérimaire sur l'EIP, la commissaire de la GRC a approuvé l'ensemble des conclusions de la Commission, sauf trois. Elle était en faveur de toutes les recommandations de la Commission.

[28] Après avoir examiné la réponse de la commissaire de la GRC, la Commission a établi le présent rapport final, en vertu du paragraphe 45.76(3) de la Loi sur la GRC.

Contexte factuel

[29] Vers 13 h, le 9 août 2016, M. Boushie s'est arrêté chez lui, dans la réserve de la Première Nation de Red Pheasant en compagnie de K. W.Note de bas de page 2 Il a dit à sa mère, Mme Baptiste, qu'il allait nager avec des amis et qu'il prévoyait rentrer à la maison vers 17 h ou 18 h pour souper. C'est la dernière fois que Mme Baptiste a vu son fils vivant.

[30] M. Boushie et quatre de ses amis ont passé l'après‑midi à se baigner et à boire. Ses amis étaient deux jeunes hommes, E. M. et C. C., et deux jeunes femmes, K. W. et B. J.Alors qu'ils retournaient dans la réserve de la Première Nation de Red Pheasant, le Ford Escape dans lequel ils se trouvaient a eu une crevaison. À un moment donné après 17 h, ils ont emprunté une entrée qui menait à la ferme où M. Stanley vivait avec son épouse, L. S. Le fils adulte des Stanley, S. S., était également présent à ce moment‑là.

[31] On ne sait pas vraiment si les cinq occupants du Ford Escape avaient une intention commune lorsqu'ils ont tourné dans l'entrée des Stanley. Tous avaient consommé de l'alcool, et certains d'entre eux étaient endormis. Selon toute vraisemblance, M. Boushie n'a quitté le véhicule à aucun moment et n'a touché à aucun bien des Stanley.

[32] Le Ford Escape s'est arrêté dans la cour des Stanley. E. M. et C. C. sont sortis du véhicule et ont semblé manipuler un camion stationné sur la propriété. L'un des deux a ensuite sauté sur un véhicule tout‑terrain qui se trouvait également dans la cour. Après avoir été témoins des événements, M. Stanley et S. S. ont accouru dans la cour et ont crié aux étrangers d'arrêter ce qu'ils faisaient, car ils croyaient que le groupe tentait de voler leurs biens.

[33] E. M. et C. C. sont retournés dans le véhicule et ont tenté de s'enfuir. Ce faisant, le Ford Escape a percuté un autre véhicule stationné dans la cour avant de se retrouver coincé, lorsque la jante exposée de la roue dont le pneu était crevé s'est enlisée dans le gravier. Au même moment, S. S., qui poursuivait le Ford Escape, a frappé le pare‑brise du véhicule avec un marteau. Pour sa part, M. Stanley est allé dans un hangar, dont il est ressorti muni d'une arme de poing. Une fois le véhicule immobilisé, E. M. et C. C. (qui était le conducteur) sont sortis du véhicule et se sont enfuis à pied dans l'allée.

[34] M. Boushie est ensuite passé du siège arrière au siège du conducteur, apparemment pour s'enfuir au volant du véhicule. M. Stanley s'est approché de la porte du conducteur avec l'arme à feu à la main. Même s'il existe des faits contestés quant à savoir ce qui s'est ensuite produit et pourquoi, il ne fait aucun doute que l'arme que M. Stanley avait en main à fait feu, atteignant mortellement M. Boushie à l'arrière de la tête. K.W. est sortie du Ford Escape, a ouvert la porte du côté du conducteur et a placé M. Boushie sur le sol, près du véhicule, où les intervenants d'urgence l'ont retrouvé.

[35] K. W. et B. J. étaient toutes deux très bouleversées. K. W. s'est agenouillée pour prendre M. Boushie dans ses bras. L. S. s'est approchée de B. J. et de K. W. et a tenté de les calmer. Elle a déclaré plus tard que K. W. et B. J. l'avaient frappée (les deux ont été accusées de voies de fait contre L. S., mais les accusations ont finalement été abandonnées). K. W. et B. J. sont ensuite parties à pied vers la route à l'extérieur de la ferme des Stanley.

[36] Le fusil d'E. M. se trouvait dans le Ford Escape. E. M. l'avait apporté, car il avait l'intention d'aller chasser. La crosse en bois du fusil a été retrouvée plus tard à côté d'un véhicule sur une autre propriété (appartenant à M. F. et à G. F.), à environ 15 km de la ferme des Stanley. Le canon de la même arme à feu a été retrouvé à côté du corps de M. Boushie. Il n'y a toujours pas d'explication claire quant à la façon dont le canon s'est retrouvé là.

[37] À 17 h 27, S. S. a composé le 911. Après avoir entendu une brève description de la nature de l'urgence, le préposé du 911 a transféré l'appel à la Station de transmissions opérationnelles (STO) de la GRC.

[38] S. S. a fourni les renseignements suivants au préposé aux appels de la STO :

  1. trois hommes et deux femmes étaient venus sur leur propriété, avaient tenté de voler des véhicules dans la cour et avaient presque renversé quelqu'un, et un des trois hommes avait été abattu;
  2. les deux autres hommes avaient fui les lieux à pied vers l'ouest et étaient armés d'un fusil;
  3. les deux femmes étaient restées sur les lieux, et sa mère, L. S., leur parlait;
  4. son père était le tireur;
  5. l'homme qui avait été abattu était peut‑être mort.

[39] Le préposé aux appels a obtenu une description des personnes en cause et a demandé des indications précises pour se rendre à la ferme des Stanley.

[40] La ferme des Stanley est située dans la municipalité rurale de Glenside, entre deux détachements de la GRC, soit celui de Battleford (situé à North Battleford), à environ 68 km au nord, et celui de Biggar, à 44 km au sud. Pendant l'appel de S. S., le préposé aux appels a déterminé que l'incident relevait du détachement de Biggar. En raison de la nature de l'incident, dans un premier temps, des policiers des détachements de Biggar et de Battleford ont été dépêchés sur les lieux.

Figure1 : Distances en voiture


FERME DES STANLEY

à

GRC de BIGGAR

44 KM

GRC de BIGGAR

à

GRC de BATTLEFORD

94 km

FERME DES STANLEY

à

GRC de BATTLEFORD

68 KM

GRC de BIGGAR

à

GRC DE SASKATOON

98 km

FERME DES STANLEY

à

GRC DE SASKATOON

142 KM

GRC de BIGGAR

à

GRC DE YORKTON

465 km

GRC de BATTLEFORD

à

GRC DE SASKATOON

144 KM

[41] Le 9 août 2016, vers 17 h 25Note de bas de page 3, le gendarme Arvind ParmarNote de bas de page 4 du détachement de Biggar a reçu un appel de la STO l'informant de l'incident à la ferme des Stanley.

[42] Le gendarme Parmar a immédiatement communiqué avec le gendarme Andrew Park, qui était en disponibilité, pour obtenir de l'aide. Vers 17 h 30, le personnel des services médicaux d'urgence (SMU) a été dépêché sur les lieux, et le service d'ambulance aérienne a également été appelé sur place. À 17 h 45, le sergent Colin Sawrenko, commandant du détachement de la GRC de Biggar, a reçu un appel du gendarme Parmar concernant le coup de feu. Le sergent Sawrenko, qui n'était pas en service à ce moment‑là, a ordonné au gendarme Parmar de communiquer avec toutes les ressources du détachement de Biggar et des administrations avoisinantes, y compris le détachement de Battleford.

[43] Le sergent Sawrenko a d'abord désigné le caporal Jason Olney du détachement de Battleford à titre de membre supervisant de la GRC. Il a explicitement ordonné au caporal Olney de rester à l'extérieur de la propriété jusqu'à ce que des ressources suffisantes soient arrivées sur les lieux.

[44] Entre‑temps, alors qu'ils étaient en route vers les lieux, le caporal Melvin Sansome et d'autres membres de la GRC du détachement de Battleford ont croisé E. M., B. J. et K. W. Tous trois ont été arrêtés pour méfaits et ont ensuite été transportés au détachement de Battleford où ils ont été placés dans des cellules pour la nuit.

[45] On a tenté de rétablir la communication avec S. S. pour obtenir de plus amples renseignements. On a vite découvert que S. S. était en ligne avec le préposé aux appels de la STO, qui a transféré l'appel au téléphone cellulaire du gendarme Park vers 17 h 52. S. S. a dit au gendarme Park, qui se dirigeait vers les lieux, qu'il n'y avait pas eu d'échange de tirs d'armes à feu et que seul M. Stanley avait fait feu.

[46] Les membres de la GRC sont arrivés sur les lieux entre 18 h 10 et 18 h 35. En vue d'inspecter les lieux et d'y interdire l'accès, ils ont stationné leurs véhicules de police l'un derrière l'autre le long de la route devant la propriété des Stanley. À la suite d'une séance d'information tenue par le caporal Olney avec les membres de la GRC sur place, M. Stanley, son épouse, L. S., et leur fils, S. S., ont reçu l'ordre de quitter leur résidence à tour de rôle en mettant les mains au‑dessus de la tête. Ils ont tous les trois été arrêtés sans incident.

[47] Vers 18 h 52, les membres de la GRC ont terminé l'inspection de la résidence et des dépendances de la propriété. Le personnel des SMU est entré sur les lieux, a examiné M. Boushie et a constaté son décès.

[48] Entre‑temps, un voisin des Stanley, A. D., s'est approché du barrage routier de la GRC à l'extérieur de la ferme des Stanley et a informé la police qu'il venait d'aller reconduire quelqu'un dans la réserve de la Première Nation de Red Pheasant. Les membres de la GRC ont déterminé que la description de la personne fournie par le voisin correspondait à celle de C. C.

[49] Des membres de la GRC du détachement de Battleford qui se trouvaient à la ferme des Stanley ont été envoyés à la réserve de la Première Nation de Red Pheasant pour chercher C. C. Ils se sont rendus à la maison de Mme Baptiste pour chercher C. C. et informer Mme Baptiste du décès de son fils. Les gestes posés par les membres de la GRC au domicile de Mme Baptiste sont visés par la plainte de la famille.

[50] Le soir du 9 août 2016, la GRC a été incapable de trouver C. C. dans la réserve de la Première Nation de Red Pheasant. Le lendemain, les allées et venues de ce dernier étaient encore inconnues de la police jusqu'à ce qu'il se présente de son plein gré au détachement de Battleford, tout juste après 17 h.

Aperçu des conclusions et des recommandations de la Commission

[51] Le décès de M. Boushie est tragique. La douleur et la perte ressenties par sa famille, ses amis et sa collectivité étaient évidentes lors des entrevues et tout au long de l'enquête de la Commission. Il est également clair que cet incident a touché des membres de la GRC, dont certains ont exprimé une profonde tristesse à leur entrevue. Plusieurs membres en cause de la GRC s'identifient comme des membres de collectivités autochtones.

[52] Dans cette optique, la Commission a examiné attentivement la conduite des membres de la GRC qui ont participé à l'enquête sur le décès de M. Boushie, conformément à son mandat qui consiste à examiner la conduite des membres de la GRC et à formuler des recommandations visant à améliorer le maintien de l'ordre et à corriger toute lacune constatée.

[53] La Commission a examiné les questions suivantes :

  • la première intervention;
  • les arrestations;
  • les entrevues;
  • la détention sous garde;
  • la séparation des témoins;
  • la gestion du temps d'enquête;
  • la gestion de la scène de crime;
  • la collecte et l'expertise des éléments de preuve matériels;
  • la gestion des cas graves;
  • les communications;
  • la discrimination;
  • la sensibilisation à la culture.

[54] Dans les pages qui suivent, la Commission donne un aperçu de ses principales conclusions et recommandations concernant l'enquête menée par la GRC, les communications avec la famille de M. Boushie et la discrimination. Il convient de noter que ce document ne se veut pas un examen exhaustif ou un résumé de toutes les conclusions et recommandations de la Commission. Pour consulter un examen complet de toutes les questions examinées par la Commission, il faut revoir le rapport intérimaire sur l'EIP dans son intégralité.

[55] La réponse de la GRC aux conclusions et recommandations de la Commission est également brièvement examinée dans les pages suivantes, en particulier lorsque des commentaires ou des renseignements ont été fournis en plus de l'approbation des conclusions et recommandations. Les quelques cas où la GRC n'acceptait pas les conclusions de la Commission sont examinés séparément. Un tableau comprenant les conclusions et recommandations finales de la Commission figure à la fin du présent rapport.

L'enquête de la GRC

[56] La Commission a conclu que, si on l'examine dans son ensemble, l'enquête de la GRC sur le décès de M. Boushie a été menée de façon professionnelle par des enquêteurs criminels formés et expérimentés, qui ont suivi la méthode de la gestion des cas graves, décrite dans la politique nationale de la GRC sur la gestion des cas graves.

[57] La Commission a tiré des conclusions sur le caractère raisonnable de certains aspects de l'enquête. Elle a notamment conclu que l'intervention initiale de la GRC avait été raisonnable et faite en temps opportun, et que des mesures appropriées avaient été prises pour s'assurer que toutes les ressources disponibles étaient déployées afin d'intervenir. La Commission a également conclu que l'équipe d'enquête disposait d'un personnel suffisant pour mener une enquête.

[58] En outre, la Commission a estimé que les arrestations effectuées au cours de l'enquête étaient raisonnables et conformes aux exigences de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). La Commission a estimé que l'entrevue de la GRC avec M. Stanley a été menée de manière raisonnable, et que l'approche adoptée et les tactiques employées étaient conformes à la politique de la GRC et à la formation qu'elle donne à son personnel. La Commission a aussi constaté que les membres de la GRC chargés de la collecte et de l'expertise initiales des preuves matérielles étaient suffisamment formés et qualifiés pour s'acquitter des tâches liées à l'identité judiciaire qui leur avaient été confiées.

[59] Malgré ces conclusions positives, la Commission a également relevé des lacunes dans l'enquête qui ont suscité des préoccupations et qui ont donné lieu à des conclusions et recommandations provisoires. La Commission a noté que nombre de ces lacunes, ainsi que certaines des lacunes cernées dans la notification du plus proche parent, soit la mère de M. Boushie, étaient le résultat de lacunes au chapitre de la communication interne; en effet, à certains moments, des membres de la GRC n'ont pas transmis de manière adéquate de l'information importante à d'autres membres de la GRC.

Gestion du temps d'enquête – Dénonciation en vue d'obtenir un mandat de perquisition

[60] Il est essentiel de réunir tous les éléments de preuve accessibles au cours des premières étapes d'une affaire majeure, et la clé à cet égard est une gestion efficace du temps. Dans le cas présent, plusieurs circonstances ont accentué le besoin de faire avancer le dossier le plus rapidement possible.

[61] D'entrée de jeu, les enquêteurs savaient que M. Stanley avait été arrêté pour meurtre et qu'il était détenu, et qu'ils avaient 24 heures pour porter des accusations et le traduire devant un juge. Ils savaient aussi que la scène de crime était altérable, puisque, de façon générale, elle était située à l'extérieur et on s'attendait à des intempéries. De plus, la scène de crime se trouvait sur la propriété privée de M. Stanley, et un mandat de perquisition en vertu du Code criminel serait nécessaire pour effectuer l'expertise de la scène et recueillir des éléments de preuve. Il y avait des défis sur le plan géographique, étant donné que le bureau principal du Groupe des crimes graves (GCG) était situé à Saskatoon, que le détachement compétent se trouvait à Biggar (où les Stanley attendaient d'être interrogés), que trois autres témoins clés étaient détenus au détachement de Battleford, et que la scène de crime était située environ au centre de ces trois endroits. Règle générale, il fallait une heure de route ou plus pour se rendre d'un endroit à l'autre.

[62] La Commission a relevé des problèmes dans les premières étapes de l'enquête qui semblent avoir entraîné une certaine inefficacité, dont un retard dans la rédaction d'une dénonciation en vue d'obtenir un mandat de perquisition.

[63] Dès qu'il a été informé de l'homicide, le 9 août vers 18 h, le sergent Olberg a commencé à appeler les membres du GCG pour former l'équipe d'enquête. Il a appelé le caporal Doug Nordick, qui a dit ne pas être immédiatement disponible. Les deux ont convenu que le caporal Nordick commencerait la rédaction de la dénonciation en vue d'obtenir un mandat de perquisition (la dénonciation) le lendemain matin. Le caporal Nordick s'est rendu au bureau du GCG vers 6 h, le 10 août. Le mandat a été signé et rempli vers 20 h ce soir‑là, et la perquisition a commencé le lendemain matin (le 11 août).

[64] Dans son entrevue avec les enquêteurs de la Commission, le sergent Olberg a fait remarquer que le caporal Nordick était l'un de ses chefs d'équipe en plus d'être un déposant expérimentéNote de bas de page 5. Le sergent Olberg a aussi dit que n'importe lequel des membres de son équipe aurait pu rédiger la dénonciation à la lumière de leur formation et de leur expérience. Cependant, rien dans l'information présentée à la Commission n'indique que le sergent Olberg a envisagé d'autres options pour accélérer le processus. Le caporal Fee et le gendarme Teniuk ont été appelés au détachement de Battleford pour interroger E. M., B. J. et K. W. avant de les juger inaptes à prendre part à une entrevue. Selon leurs notes, le caporal Fee et le gendarme Teniuk n'ont pas été chargés d'autres mesures d'enquête jusqu'à ce qu'ils cessent de travailler pour la nuit et assistent à la réunion de l'équipe le lendemain matin. Par conséquent, rien ne semblait empêcher l'un ou l'autre de commencer à rédiger la dénonciation.

[65] La principale préoccupation qui exigeait la présence rapide d'un déposant était la scène de crime altérable et la détérioration prévue des conditions météorologiques. La Commission a estimé que ces circonstances exigeaient qu'un déposant commence à rédiger la dénonciation le plus rapidement possible, et ce, tout en reconnaissant que les membres du GCG ne peuvent pas tous être disponibles en tout temps.

[66] Si un déposant avait travaillé parallèlement à l'équipe d'enquête dès le début, un mandat aurait pu être demandé à un juge, et probablement obtenu, le 10 août au matin.

[67] Le retard dans la rédaction de la dénonciation a, au bout du compte, retardé la présence du Service de l'identité judiciaire (SIJ) jusqu'au matin du 11 août. Le gendarme Heroux, membre du SIJ, a déclaré qu'il était debout toute la nuit du 9 août et qu'il avait attendu le mandat de perquisition toute la journée du 10 août. Il a invoqué la fatigue pour expliquer pourquoi il n'a pas pu commencer la perquisition à la fin de la journée du 10 août. Cela l'a empêché de demander l'autorisation, dans le cadre du mandat de perquisition, de commencer une perquisition de nuit le 10 août.

Conclusion provisoire de la Commission no 21 : Le sergent Olberg n'a pas veillé à ce que la dénonciation en vue d'obtenir un mandat de perquisition soit rédigée en temps opportun.

Recommandation provisoire de la Commission no 6 : Que la GRC fournisse au sergent Olberg des directives, du mentorat et/ou de la formation sur la rédaction en temps opportun d'une dénonciation en vue d'obtenir un mandat de perquisition.

Réponse de la commissaire de la GRC

[68] La commissaire de la GRC a accepté la conclusion provisoire no 21 et a appuyé de façon générale la recommandation no 6. La commissaire de la GRC a déclaré qu'il ressort clairement du curriculum vitae du sergent Olberg qu'il est un expert de la préparation des autorisations judiciaires. Pour cette raison, la commissaire de la GRC a déclaré qu'elle ne voyait guère l'utilité de lui fournir du mentorat ou une formation sur la nécessité de veiller à la rédaction en temps opportun des dénonciations. La commissaire de la GRC a plutôt indiqué qu'elle ordonnerait que le sergent Olberg reçoive de l'orientation opérationnelle sur les circonstances qui ont conduit à un retard dans cette affaire, puisqu'elle a estimé que le retard était dû à des circonstances atténuantes et non à une lacune dans la formation du sergent Olberg.

[69] Bien que la Commission ne qualifie pas nécessairement les circonstances qui ont causé le retard dans cette affaire de « circonstances atténuantes », elle convient que le retard a été causé par la réaction du sergent Olberg aux circonstances particulières de l'affaire, plutôt que par une quelconque lacune de sa formation. Par conséquent, la Commission est convaincue que les mesures que la commissaire de la GRC entend prendre sont conformes à l'objectif et à l'intention de sa recommandation.

Gestion de la scène de crime – protection des éléments de preuve (Ford Escape)

[70] La manipulation et la collecte appropriées des éléments de preuve matériels sur une scène de crime constituent un aspect essentiel de toute enquête. Les agents de police doivent connaître leurs fonctions ayant trait aux éléments de preuve, y compris les moyens de protéger le plus rapidement possible les éléments de preuve susceptibles de disparaître afin d'empêcher leur perte ou leur destruction.

[71] Dans la présente affaire, la pertinence du Ford Escape ne faisait aucun doute puisque ce véhicule était un élément de preuve matérielle clé.

[72] Au cours de son premier examen de la scène de crime très tôt le matin du 10 août 2016, le gendarme Heroux du GCG de Saskatoon a pris des photographies générales du Ford Escape. Il n'a pas pris de notes détaillées ni de photographies de nature médico‑légale des taches de sang à ce moment‑là, car un mandat de perquisition était nécessaire pour examiner les lieux et recueillir des preuves. Comme mentionné ci‑dessus, le retard dans la rédaction de la dénonciation a repoussé l'arrivée du SIJ au matin du 11 août. Entre‑temps, le véhicule a été exposé à des intempéries et, par conséquent, les éléments de preuve ont été altérés et les taches de sang dans le véhicule ont disparu. Rien n'a été fait pour protéger le véhicule.

[73] La Commission estime que l'omission de protéger le Ford Escape sur la scène de crime a constitué une erreur importante dans le cadre de l'enquête sur le décès de M. Boushie. Un examen des documents soumis à la Commission a révélé que, apparemment, on n'a pas reconnu l'importance d'assurer l'intégrité de cet élément de preuve ou qu'on ne s'en est pas assez préoccupé.

[74] Bon nombre des agents de police qui ont participé à l'affaire (les premiers intervenants de même que les membres du SIJ et du GCG) savaient qu'une détérioration des conditions météorologiques à court terme était à prévoir et que la politique exige la prise de mesures pour s'assurer que les éléments de preuve sont à la fois protégés et préservés. Lors de leurs entrevues avec les enquêteurs de la Commission, les membres de la GRC ont reconnu une telle exigence; mais il n'y a pas d'explication claire justifiant les raisons pour lesquelles le Ford Escape n'a pas été protégé. La Commission a constaté qu'il semblerait que ce soit le résultat d'un manque de communication.

[75] Durant leurs entrevues avec les enquêteurs de la Commission, le gendarme Heroux et le caporal Ryttersgaard, membres du SIJ, ont mentionné qu'ils n'avaient pas envisagé de recouvrir le véhicule. Le ciel était dégagé au moment de leur départ, et ils s'attendaient à revenir sur les lieux sous peu avec un mandat de perquisition. Le gendarme Heroux a souligné qu'il y avait des bâches sur les lieux, mais qu'il n'y avait pas de tentes ni d'abris.

[76] L'enquêteur principal, le gendarme Boogaard, a communiqué directement avec le sergent Sawrenko au sujet des conditions météorologiques à venir et de la possible perte d'éléments de preuve. Cependant, il ne se souvient pas d'avoir transmis cette information au gendarme Heroux du SIJ. Il a expliqué qu'il supposait que le gendarme Heroux était en route pour se rendre sur les lieux et que ce dernier évaluerait les conditions météorologiques à son arrivée.

[77] Les notes du gendarme Heroux indiquent qu'il était au courant du fait que l'on prévoyait du mauvais temps et qu'il avait prévu de [traduction] « tenter de photographier la scène au cas où surviendraient des conditions météorologiques défavorables ». Il a dit aux enquêteurs de la Commission qu'il n'avait pas plu pendant sa première présence sur les lieux, mais qu'il avait plu avant son arrivée. Lors de son interrogatoire au procès de M. Stanley, il a déclaré : [traduction] « lorsque nous sommes arrivés, environ 44 mm de pluie étaient tombés, et il était très évident que la pluie avait emporté une bonne partie de la substance rouge qui correspondait à du sang sur le panneau de porte et sur le sol ».

[78] Il est ressorti des entrevues menées par les enquêteurs de la Commission que les membres de la GRC savaient que l'omission de protéger le véhicule était une erreur et qu'elle n'aurait pas dû se produire. Bien que le GCG ait assumé la responsabilité de cette erreur, dans son rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a insisté sur le fait que la préservation des éléments de preuve dans une telle situation est une obligation que chaque membre de la GRC doit reconnaître et à laquelle il doit donner suite, peu importe qu'on lui ait expressément demandé de le faire ou non.

[79] La Commission a également constaté un problème dans l'expertise du Ford Escape, car le membre du SIJ concerné a communiqué avec un analyste de la morphologie des taches de sang seulement environ trois jours après le coup de feu. La Commission a conclu que ce délai était déraisonnable.

[80] Il est impossible de déterminer quels autres éléments de preuve peuvent avoir été compromis, minés ou perdus, mis à part des taches de sang. La raison pour laquelle toutes les preuves doivent être conservées et traitées le plus rapidement possible est que la pertinence de tout élément de preuve matériel peut être inconnue au début d'une enquête. Dans le cas présent, M. Boushie était assis dans le Ford Escape lorsqu'il a été abattu; l'importance de préserver le véhicule était donc manifeste. Les conséquences de la perte d'éléments de preuve contenus dans le Ford Escape sur l'issue de l'enquête pourraient ne jamais être connues, car on n'a jamais eu la possibilité de recueillir et d'utiliser les éléments de preuve.

[81] Dans son rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a reconnu que l'équipe du GCG a déjà admis et examiné cette lacune et a établi de nouvelles procédures pour éviter qu'une telle situation se reproduise. Plus précisément, la Division « F » a créé un poste de gestionnaire de scène de crime au sein de son équipe d'enquête coordonnée. Le membre de la GRC qui remplit ce rôle est principalement responsable de la surveillance et de la gestion de la collecte des éléments de preuve. Dans sa réponse, la commissaire de la GRC a accepté toutes les conclusions et les recommandations de la Commission ayant trait à cette question.

Conclusion provisoire de la Commission no 25 : Les politiques et procédures de la GRC en matière de préservation et de protection des éléments de preuve n'ont pas été raisonnablement respectées, et un élément de preuve clé, le Ford Escape, est resté exposé à la contamination.

Conclusion provisoire de la Commission no 26 : L'incapacité de la GRC de protéger le Ford Escape a entraîné l'altération et la perte d'éléments de preuve sous forme de traces et de taches de sang.

Conclusion provisoire de la Commission no 37 : La décision du gendarme Heroux de communiquer avec un analyste de la morphologie des taches de sang trois jours après l'incident était déraisonnable.

Recommandation provisoire de la Commission no 9 : Qu'on demande aux membres concernés du Groupe des crimes graves et du Service de l'identité judiciaire de passer en revue les conclusions du rapport intérimaire sur l'EIP de la Commission en compagnie d'un cadre de la GRC.

Recommandation provisoire de la Commission no 10 : Que les membres concernés du Groupe des crimes graves et du Service de l'identité judiciaire reçoivent une orientation opérationnelle sur les politiques et procédures de la GRC en matière de préservation et de protection des éléments de preuve.

Recommandation provisoire de la Commission no 14 : Qu'on demande au gendarme Heroux de passer en revue le présent rapport avec un membre principal du Service de l'identité judiciaire et de discuter de l'importance de la participation d'un analyste de la morphologie des taches de sang sur les scènes de crime où il y a eu effusion de sang.

Gestion de la scène de crime – absence du Groupe des crimes graves

[82] Un autre sujet de préoccupation important abordé dans le rapport intérimaire sur l'EIP de la Commission concerne l'absence du GCG sur la scène de crime.

[83] Les membres du GCG se sont réunis à Saskatoon le 9 août pour la tenue d'une séance d'information initiale. Après la séance en question, cinq membres de la GRC, y compris les membres du triangle de commandementNote de bas de page 6, se sont rendus au détachement de Biggar pour s'occuper de M. Stanley, de son épouse, L. S., et de leur fils, S. S. Deux enquêteurs de terrain se sont rendus au détachement de Battleford pour s'occuper d'E. M., de B. J. et de K. W. Les déclarations de témoins de L. S. et de S. S. ont été faites tôt le matin du 10 août. Les membres ont ensuite quitté Biggar et se sont rendus en voiture à North Battleford pour y passer la nuit.

[84] À ce moment, aucun membre du GCG ne s'était rendu sur la scène de crime. Les policiers responsables de la première intervention avaient pris plusieurs mesures d'enquête, notamment l'arrestation et le transport de M. Stanley, d'E. M., de B. J. et de K. W. Le corps de M. Boushie avait été enlevé, et la scène de crime était gardée en attendant l'autorisation judiciaire de procéder à une fouille. Les deux enquêteurs chargés de mener les entrevues avec E. M., B. J. et K. W. n'ont pas été en mesure de le faire à ce moment‑là en raison du niveau d'intoxication de ces derniers. L'entrevue de M. Stanley devait avoir lieu plus tard le 10 août.

[85] Dans son rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a reconnu les difficultés géographiques auxquelles l'équipe d'enquête était confrontée. Cependant, lorsque l'équipe a décidé d'aller passer la nuit à North Battleford, les membres de la GRC ont roulé vers le nord, soit en direction de la scène de crime. Comme aucune autre tâche n'était prévue, il aurait été opportun de se rendre sur la scène de crime. Une visite aurait fourni à l'équipe une vue d'ensemble de la scène, y compris son emplacement et la façon dont elle avait été sécurisée. En se rendant sur la scène de crime, l'équipe aurait pu discuter directement avec les membres de la GRC sur place, ce qui aurait permis de s'assurer que des ressources adéquates étaient en place et que les tâches étaient gérées et exécutées de façon appropriée. Il aurait été possible de discuter avec les membres du SIJ déjà sur place au sujet de leurs observations, de la préservation de la scène et du moment où l'on s'attendait à obtenir le mandat de perquisition. Il aurait également été utile que le membre de la GRC chargé d'interroger M. Stanley puisse au moins se faire une idée de la scène avant l'entrevue.

[86] La Commission a reconnu qu'il peut y avoir des situations d'urgence où une présence n'est pas immédiatement possible. Cependant, dans le présent dossier, les entrevues auprès de L. S. et de S. S. étaient terminées et l'équipe du GCG roulait en direction de la scène de crime. Il y avait là une occasion pour un ou plusieurs membres du GCG de se présenter sur les lieux.

[87] La Commission a reconnu qu'il est préférable d'éviter les visites inutiles sur la scène d'un crime, surtout en raison du risque de contamination croisée. Cependant, dans la présente affaire, les membres du GCG auraient pu se rendre au périmètre pour travailler en collaboration avec les autres membres, observer les lieux et se faire une idée des activités en cours.

[88] La Commission a constaté que la présence tardive des membres du GCG sur la scène de crime a contribué à bon nombre des problèmes soulevés dans son rapport. La présence du GCG sur les lieux aurait pu permettre d'atténuer ou d'éviter les oublis ou omissions les plus graves, surtout en ce qui concerne la protection des éléments de preuve (Ford Escape) et certains des problèmes associés à la notification du plus proche parent.

Conclusion provisoire de la Commission no 30 : Il était déraisonnable qu'un ou plusieurs membres du Groupe des crimes graves ne se présentent pas plus rapidement sur la scène de crime.

Recommandation provisoire de la Commission no 12 : Que, dans les dossiers futurs, le chef du Groupe des crimes graves veille à ce qu'un membre de son groupe se rende plus rapidement sur la scène de crime.

Réponse de la commissaire de la GRC

[89] La commissaire de la GRC a accepté la conclusion provisoire no 30 et a appuyé la recommandation provisoire no 12. La commissaire de la GRC a déclaré qu'elle était convaincue que la création d'un poste de gestionnaire de scène de crime au sein de la structure du GCG de la Division « F » constitue une avancée positive pour garantir que les membres du GCG se rendent sur une scène de crime dans un délai raisonnable. Par conséquent, elle a déclaré qu'elle ne prendrait aucune autre mesure en ce qui concerne cette recommandation.

[90] La Commission avait reconnu dans son rapport intérimaire sur l'EIP que la création d'un poste de gestionnaire de scène de crime chargé, entre autres, d'assurer la liaison avec les services de soutien devrait faciliter les communications et l'échange d'information en temps opportun entre les différents groupes de police et devrait contribuer à prévenir des situations telles que celles qui se sont produites dans la présente affaire. À ce titre, la Commission estime que sa recommandation a été suffisamment prise en compte.

Entrevues et maintien en détention d'E. M., de B. J. et de K. W.

[91] La Commission avait des préoccupations au sujet de la façon dont les membres de la GRC ont traité E. M., B. J. et K. W. pendant la détention. La Commission a conclu que la façon dont les entrevues concernant le décès de M. Boushie ont été menées avait été déraisonnable. Les enquêteurs de la GRC étaient frustrés par ce qu'ils estimaient être un manque de coopération de la part des trois témoins. Cependant, ils ont fait peu d'efforts pour établir un lien de confiance. Vu la méfiance historique des collectivités autochtones à l'égard de la police, le traumatisme, l'état de choc et le chaos liés aux événements de la veille, le manque de sommeil, le séjour en cellule et le fait que les personnes interrogées avaient possiblement une importante gueule de bois, la Commission a conclu que les enquêteurs n'ont pas favorisé de façon raisonnable un état d'esprit propice à la collaboration des témoins. La Commission a également conclu que les longues explications fournies aux trois témoins au sujet du risque qu'ils couraient et du type de renseignements que la police voulait obtenir de leur part étaient à la fois déroutantes et contradictoires.

[92] La Commission a aussi conclu que le maintien en détention d'E. M., de B. J., et de K. W. après que ceux‑ci aient donné leurs déclarations était déraisonnable et non justifié au regard du Code criminel.

Conclusion provisoire de la Commission no 8 : Dans les circonstances, la façon dont le caporal Fee et le gendarme Teniuk ont mené les entrevues de K. W., de B. J. et d'E. M. était déraisonnable.

Conclusion provisoire de la Commission no 10 : Le maintien en détention d'E. M., de B. J. et de K. W. à la suite de leurs déclarations à la GRC le 10 août 2016 était déraisonnable et non justifié selon le paragraphe 497(1.1) du Code criminel.

Recommandation provisoire de la Commission no 1 : Que le caporal Fee et le gendarme Teniuk reçoivent des directives opérationnelles concernant la politique de la GRC sur les entrevues des témoins.

Recommandation provisoire de la Commission no 2 : Qu'on demande au sergent Olberg de passer en revue les motifs de détention énumérés au paragraphe 497(1.1) du Code criminel.

Recommandation provisoire de la Commission no 3 : Que la GRC révise sa politique MO 24.1. (Interrogatoires et déclarations : Suspects, accusés et témoins) pour tenir compte du traitement des témoins en détention interrogés dans le cadre d'enquêtes criminelles où ils ne sont pas suspects.

Réponse de la commissaire de la GRC

[93] La commissaire de la GRC a accepté les conclusions provisoires nos 8 et 10 et a appuyé les recommandations provisoires nos 1, 2 et 3.

[94] En ce qui concerne la recommandation no 3, la commissaire de la GRC a déclaré expressément dans sa réponse qu'elle estimait que la politique de la GRC en question ne donnait pas suffisamment d'indications sur les sujets pertinents. Elle a indiqué qu'elle demanderait que la politique soit modifiée de manière à indiquer aux membres de la GRC quelles options sont à leur disposition lorsqu'ils obtiennent une déclaration d'une personne détenue qui est à la fois témoin et accusée d'infractions ayant un lien temporel. Elle a ajouté que l'orientation instruirait en outre les membres de la GRC de consulter un avocat de la Couronne, si possible, avant de prendre une déclaration dans ces circonstances, et d'évaluer l'état d'esprit de la personne détenue et des soins qui lui sont fournis tandis qu'elle est sous garde policière.

Défaut de séparation de L. S. et de S. S. et retrait du véhicule de la scène de crime

[95] En examinant la documentation, la Commission a constaté que L. S. et S. S. ont été libérés après leur arrestation, soit le 9 août 2016, et ont été autorisés à se rendre de leur propre chef au détachement de Biggar pour fournir de plein gré des déclarations à titre de témoins. Ils se sont rendus ensemble au détachement, en utilisant leur véhicule personnel, qui était garé sur la scène de crime. À leur arrivée au détachement, ils ont attendu ensemble dans le hall jusqu'à l'arrivée des enquêteurs du GCG. 

[96] La Commission a estimé qu'il était déraisonnable que les membres de la GRC chargés de l'enquête ne demandent pas à L. S. et à S. S. de ne pas discuter de l'incident avant de donner leurs déclarations de témoins. La Commission a également estimé que la décision de permettre à L. S. et à S. S. de retirer un véhicule de la scène de crime pour se rendre au détachement de la GRC de Biggar était déraisonnable.

Conclusion provisoire de la Commission no 13 : Il était déraisonnable que les membres du triangle de commandement (le sergent Olberg et les gendarmes Boogaard et Wudrick) n'envisagent pas de donner des directives selon lesquelles L. S. et S. S. ne devaient pas discuter de l'incident avant de donner leurs déclarations de témoins à la police.

Conclusion provisoire de la Commission no 14 : Il était déraisonnable que le sergent Sawrenko omette de dire à L. S. et à S. S. de ne pas discuter de l'incident avant de présenter leurs déclarations de témoins.

Conclusion provisoire de la Commission no 27 : La décision du sergent Sawrenko de permettre à L. S. et à S. S. de retirer un véhicule de la scène de crime pour se rendre au détachement de la GRC de Biggar était déraisonnable.

Recommandation provisoire de la Commission no 4 : Que la GRC donne des conseils et fournisse du mentorat et/ou de la formation aux membres du triangle de commandement (le sergent Olberg et les gendarmes Boogaard et Wudrick) ainsi qu'au sergent Sawrenko au sujet de la gestion des témoins.

Recommandation provisoire de la Commission no 11 : Qu'un cadre de la GRC fournisse une orientation opérationnelle au sergent Sawrenko sur l'importance de protéger et de préserver les éléments de preuve sur la scène d'un crime.

Réponse de la commissaire de la GRC

[97] La commissaire de la GRC a accepté les conclusions provisoires nos 13, 14 et 27 et a appuyé les recommandations provisoires nos 4 et 11. Dans sa réponse, elle a déclaré que, en plus de mettre en œuvre la recommandation de la Commission visant à fournir du mentorat ou une formation aux membres de la GRC concernés au sujet de la gestion des témoins, la GRC modifiera la politique applicable afin de fournir des directives sur la façon d'aviser les témoins de ne pas discuter ensemble d'un incident. L'orientation donnera également pour instruction aux membres de la GRC d'accompagner les témoins séparément au détachement pour la prise de déposition, autant que possible.

Communications avec la famille

[98] On ne saurait surestimer l'importance d'une communication efficace avec les familles dans le cadre des enquêtes sur les cas graves.

[99] Le premier contact entre la police et la famille peut donner le ton à une relation importante qui se poursuivra jusqu'à la fin des procédures judiciaires et peut‑être même au‑delà.

[100] Dans la présente affaire, le premier contact entre la police et la famille de M. Boushie a eu lieu dans la nuit du 9 août 2016, lorsque la police a informé Mme Baptiste du décès de son fils. Plusieurs problèmes ont été soulevés relativement à ce premier contact; ils sont examinés ci‑dessous. Malheureusement, la façon dont la notification du plus proche parent s'est déroulée a établi un ton négatif pour bon nombre des communications subséquentes entre la GRC et la famille.

[101] Les premières communications ont également été minées par le fait que des membres de la GRC se sont rendus au salon funéraire où avait lieu la veillée de M. Boushie pour fournir de l'information à Mme Baptiste sur le déroulement de l'enquête.

[102] Les arrangements funéraires étaient déjà difficiles pour la famille en raison des circonstances entourant l'enquête criminelle, qui avaient empêché la famille d'avoir accès au corps du défunt. Cette situation a empêché les membres de la famille de respecter le protocole mortuaire de leur culture, un processus qui dure normalement quatre jours, chaque jour ayant sa propre signification et son importance.

[103] La présence des membres de la GRC au salon funéraire a été mal vue par la famille et a contrarié davantage Mme Baptiste dans une période de grande vulnérabilité émotionnelle. Durant les entrevues, les membres de la famille ont mentionné que la présence de la police aux funérailles avait empiété sur leur deuil et avait accentué l'expérience négative qu'ils avaient déjà vécue avec la police au moment de la notification du plus proche parent.

[104] Le motif des membres de la GRC – faire le point avec la famille – n'a pas atténué l'effet de leur présence aux funérailles ni adouci le ton de la communication établie durant la notification du plus proche parent. Dans son rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a noté que, lors des funérailles, le bien‑être émotionnel des proches endeuillés est particulièrement fragile. Le fait de permettre aux membres de la famille de M. Boushie d'avoir quelques dernières heures de paix avant l'inhumation de leur être cher n'aurait pas eu d'effet préjudiciable sur le devoir des membres de la GRC de les tenir au courant de l'enquête.

Conclusion provisoire de la Commission no 41 : Il n'était pas raisonnable que les gendarmes Boogaard et Teniuk se présentent à la veillée pour informer la famille de l'état d'avancement de l'enquête criminelle.

Recommandation provisoire de la Commission no 15 : Qu'on demande aux gendarmes Boogaard et Teniuk de passer en revue la présente conclusion en compagnie d'un cadre de la GRC.

Réponse de la commissaire de la GRC

[105] La commissaire de la GRC a accepté la conclusion provisoire no 41 et a appuyé la recommandation provisoire no 15. Elle a également déclaré dans sa réponse que la Division « F » a révisé les règles de fonctionnement de son GCG afin de clarifier le rôle et la responsabilité du chef d'équipe pour ce qui est de veiller à ce que des ressources adéquates soient affectées à la notification du décès et à ce que celle‑ci soit correctement exécutée, et à ce que tous les plans ainsi que toutes les stratégies de communication et tâches soient consignés dans les registres de décisions d'enquête.

[106] La commissaire de la GRC a également déclaré que la Division « F » a élaboré le Saskatchewan RCMP Family Guide (guide de la GRC de la Saskatchewan pour les familles) à l'intention des familles de victimes d'homicide ou de personnes disparues lorsque l'on soupçonne qu'un acte criminel a été posé. La commissaire de la GRC a expliqué que les membres des familles peuvent se servir de ce document de référence pour mieux comprendre le processus d'enquête et pour les aider à connaître les ressources à leur disposition pour obtenir un soutien ou des renseignements supplémentaires.

Discrimination et sensibilisation à la culture

[107] La Commission a établi qu'il y avait eu, à première vue, discrimination en ce qui concerne le traitement de Mme Baptiste lorsque les membres de la GRC l'ont avisée du décès de son fils.

[108] Dans son rapport intérimaire relatif à la plainte de la famille, la Commission a formulé des conclusions sur la conduite des membres de la GRC qui se sont rendus au domicile de Mme Baptiste le soir du décès de M. Boushie. Le rapport intérimaire sur l'EIP relatif à la plainte du président de la Commission a insisté sur la question de la discrimination.

[109] En établissant qu'il y avait eu, à première vue, discrimination, la Commission a pris en compte l'ensemble du contexte social, historique et juridique des allégations de discrimination. En ce qui concerne les Autochtones, ce contexte social inclut les assertions coloniales de longue date, les stéréotypes et l'histoire troublée des relations entre la police et les peuples autochtones.

[110] La Commission a souligné que les événements historiques survenus dans les régions visées par le Traité no 6 et à Battleford étaient représentatifs de l'incidence du colonialisme et des traumatismes collectifs connexes qui continuent à se faire sentir dans les collectivités autochtones et à avoir des répercussions sur les relations entre les peuples autochtones et la GRC aujourd'hui.

[111] Dans son rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a conclu qu'il y avait un lien entre la manière insensible dont la notification du plus proche parent a été faite auprès de Mme Baptiste et le contexte social, en particulier quant à la conduite de la police à l'égard de Mme Baptiste en ce qui concerne sa sobriété et sa crédibilité.

[112] Plus précisément, après que les membres de la GRC eurent annoncé à Mme Baptiste que son fils était décédé, l'un des membres l'a interrogée pour savoir si elle avait consommé de l'alcool. Alors que les membres de la GRC fouillaient la maison de Mme Baptiste pour des raisons qui lui étaient inconnues, et que Mme Baptiste affichait sa détresse devant la nouvelle que l'on venait de lui annoncer, l'un des membres de la GRC lui a dit de [traduction] « se ressaisir ». Par ailleurs, un ou plusieurs membres de la GRC ont senti l'haleine de Mme Baptiste.

[113] Les membres de la GRC ont fourni à Mme Baptiste peu de renseignements sur ce qui était arrivé à son fils, mais ils l'ont tout de même interrogée et ont fait des recherches dans sa maison à des endroits où il était impossible pour une personne de se cacher. Non seulement les membres de la GRC ont fait preuve de peu de considération ou de compassion à l'égard de la détresse et de la douleur de Mme Baptiste, mais ils ont aggravé sa souffrance en la traitant comme si elle mentait.

[114] Dans un incident particulièrement blessant, un membre de la GRC a jeté un œil dans le micro‑ondes de Mme Baptiste où le repas de M. Boushie se trouvait, après que Mme Baptiste a dit à la GRC qu'elle l'avait placé là puisque son fils n'était pas rentré à temps pour le souper comme il l'avait promis plus tôt. Après avoir passé la soirée à craindre que quelque chose soit arrivé à son fils et avoir vu ses pires craintes se concrétiser, Mme Baptiste a vu sa maison être encerclée par un grand nombre de policiers armés et a dû subir ce traitement de la part des membres de la GRC qui sont restés chez elle pendant environ 20 minutes. Elle s'est alors retrouvée avec un souvenir durable et douloureux de ses interactions avec la GRC, et ce, tout en ayant peu de réponses sur ce qui était arrivé à son fils.

[115] Comme les membres de la GRC qui se sont rendus au domicile de Mme Baptiste pour l'informer du décès de son fils recherchaient également C. C. – alors que certains croyaient qu'il était armé –, la Commission a conclu qu'il y avait des explications justifiant l'approche tactique de la police du domicile de Mme Baptiste et le nombre de membres de la GRC impliqués. En tant que telle, la Commission a conclu qu'il n'y avait pas de preuve établissant à première vue qu'il y avait eu discrimination.

[116] Toutefois, les commentaires sur la sobriété et la crédibilité de Mme Baptiste n'ont pas pu être expliqués de la même façon.

[117] La Commission a également examiné d'autres sujets de préoccupation concernant une discrimination potentielle, notamment le traitement des témoins qui étaient avec M. Boushie le jour de son décès, ainsi que les lacunes générales cernées dans l'enquête criminelle.

[118] Bien que des lacunes aient été relevées dans chacun de ces domaines et qu'elle ait formulé des conclusions défavorables, comme indiqué ci‑dessus, la Commission a estimé que les lacunes pouvaient s'expliquer par des raisons qui ne sont pas fondées sur la discrimination. Ces lacunes s'expliquent, par exemple, par des problèmes de logistique ou de ressources, par les distances entre les différents lieux et par des problèmes de communication entre les membres de la GRC.

[119] Par conséquent, la Commission a conclu qu'un cas de discrimination n'avait pas été établi à première vue en ce qui concerne ces autres sujets de préoccupation.

[120] La Commission a noté que l'approche adoptée à l'égard de certains des témoins était inhabituelle et pourrait raisonnablement sembler coercitive et intimidante. Mises ensemble, les lacunes cernées dans le cadre de l'enquête de la GRC auraient pu raisonnablement pousser une personne à se demander si la discrimination a joué un rôle dans l'enquête en général. Toutefois, en raison des explications et des faits découverts au cours de l'EIP, la Commission a conclu que les preuves ne permettaient pas d'établir que ces lacunes précises étaient fondées sur des considérations discriminatoires.

[121] Afin de pouvoir se pencher sur les cas où il a été établi à première vue qu'il y avait eu discrimination, la Commission a enquêté sur la formation offerte aux membres de la GRC. Durant l'enquête, un membre de la GRC a fait remarquer à la Commission que la formation sur les Autochtones n'est pas obligatoire pour tout le monde, notamment s'il n'y a [traduction] « aucune » population autochtone sur le territoire d'un détachement. La Commission a estimé qu'une telle formation était particulièrement importante pour la GRC, puisque cette dernière est le service de police national chargé d'offrir des services de maintien de l'ordre à environ 40 % de la population autochtone.

[122] Fait important, l'un des deux principaux détachements de la GRC qui a traité le présent dossier, celui de Biggar, a été mentionné comme étant l'un des détachements où la formation sur les Autochtones n'était pas obligatoire. Cela laisse entendre qu'il existe un décalage entre la réalité sur le terrain à l'heure actuelle et l'objectif organisationnel de fournir la formation nécessaire à tous.

[123] Par conséquent, la Commission a recommandé que la GRC fournisse à tous ses employés une formation de sensibilisation à la culture.

[124] Comme cette recommandation n'est pas nouvelle dans le contexte du maintien de l'ordre, la Commission a souligné que cette formation de sensibilisation doit être offerte et planifiée de manière à tenir compte des facteurs décrits dans les recommandations connexes formulées dans le cadre des grandes enquêtes menées au cours des 30 dernières années.

[125] Il faut notamment veiller à ce que la formation offerte réponde aux normes suivantes :

  • formation continue tout au long de la carrière d'un agent de police;
  • formation qui tient compte des traumatismes;
  • formation axée sur les compétences pour ce qui est de l'aptitude interculturelle, du règlement de différends, des droits de la personne et de la lutte contre le racisme;
  • « formation par l'expérience » faisant intervenir des Aînés et des membres de la collectivité, qui peuvent faire part de leur point de vue et répondre aux questions en fonction de leur propre expérience dans la collectivité;
  • formation dont le contenu est établi à l'échelon local et qui repose sur toutes les pratiques exemplaires;
  • formation donnée par des agents de la paix autochtones, inuits et métis;
  • formation interactive qui mise sur un dialogue respectueux entre tous les participants;
  • formation fondée sur les différences qui reflète la diversité au sein des collectivités autochtones, inuites et métisses, plutôt que de se concentrer sur une culture à l'exclusion des autres;
  • formation qui tient compte des principes traditionnels de justice réparatrice.

Conclusion provisoire de la Commission no 44 : La discrimination n'est pas établie à première vue en ce qui concerne l'approche tactique de la police et la fouille du domicile familial des Baptiste.

Conclusion provisoire de la Commission no 45 : La discrimination est établie à première vue quant à la conduite de la police à l'égard de Mme Baptiste en ce qui concerne sa sobriété et sa crédibilité.

Conclusion provisoire de la Commission no 46 : La discrimination n'est pas établie à première vue concernant le traitement d'E. M., de B. J., de K. W. et de C. C. pendant leurs entrevues avec la police.

Conclusion provisoire de la Commission no 47 : La discrimination n'a pas été établie à première vue en ce qui concerne les lacunes de l'enquête criminelle sur le décès de M. Boushie, y compris les problèmes liés à l'obtention des éléments de preuve.

Recommandation provisoire de la Commission no 17 : Qu'une formation de sensibilisation à la culture soit offerte à tous les employés de la GRC en tenant compte des facteurs relevés dans les enquêtes récentes.

Réponse de la commissaire de la GRC

[126] La commissaire de la GRC a accepté les conclusions provisoires nos 44, 46 et 47 et a conclu qu'aucune discrimination n'avait été établie à première vue.

[127] La Commissaire de la GRC a également accepté la conclusion no 45, concluant qu'une discrimination a été établie à première vue quant à la conduite de la police à l'égard de Mme Baptiste. Dans sa réponse, la commissaire de la GRC a indiqué qu'elle « accepte généralement » cette conclusion. Elle a ensuite déclaré « [qu'il] est incontestable que la façon dont la notification du plus proche parent s'est déroulée faisait montre d'un manque de sensibilité et de jugement ». Elle a aussi reconnu l'existence d'un lien entre la façon d'assurer la prestation de service dans cette affaire et le contexte historique autochtone, comme l'a constaté la Commission dans son rapport intérimaire sur l'EIP. Pour ces raisons, la commissaire de la GRC a déclaré qu'elle est « disposée à accepter la conclusion de la Commission eu égard à cette allégation précise dans ce dossier particulier ».

[128] Étant donné l'absence d'explication non fondée sur la discrimination pour justifier la conduite des membres de la GRC, et le fait que la commissaire de la GRC a accepté la conclusion provisoire de la Commission établissant qu'il y avait eu discrimination à première vue, la Commission conclut que Mme Baptiste, une personne autochtone, a été victime de discrimination fondée sur sa race, ou son origine nationale ou ethnique (ou la perception de celle‑ci), qui sont des motifs de discrimination interdits. La conclusion finale de la Commission est donc reformulée de la façon suivante :

Conclusion finale de la Commission no 45 : La conduite de la police à l'égard de Mme Baptiste en ce qui concerne sa sobriété et sa crédibilité était discriminatoire au regard de sa race ou de son origine nationale ou ethnique.

[129] La commissaire de la GRC a également appuyé la recommandation provisoire no 17.

[130] Dans sa réponse, la commissaire de la GRC a informé la Commission que la GRC avait mis en place un continuum d'occasions d'apprentissage axé sur la sensibilisation à la culture autochtone pour toutes les catégories d'employés de la GRC, et que la formation liée à la sensibilisation à la culture était obligatoire pour tous les employés.

[131] La commissaire de la GRC a souligné les occasions d'apprentissage récemment ajoutées pour renforcer la sensibilisation à la culture de tous les employés de la GRC, notamment :

  • le cours Comprendre les Autochtones et les Premières Nations, qui fournit des renseignements sur l'histoire, la géographie et les questions contemporaines relatives aux territoires, aux cultures et aux collectivités autochtones;
  • l'exercice des couvertures, une activité d'apprentissage interactive qui a été élaborée avec des Aînés autochtones, des gardiens du savoir et des éducateurs;
  • les ateliers sur les perceptions des Autochtones et de sensibilisation aux Autochtones fondés sur leurs distinctions, qui sont organisés dans les divisions et obligatoires pour les membres fournissant des services aux collectivités autochtones;
  • le cours Adopter une approche adaptée aux traumatismes, qui est un cours en ligne visant à aider les employés à reconnaître la vaste incidence des traumatismes;
  • le cours sur la culture et l'humilité, obligatoire pour tous les membres de la GRC, qui a été créé afin d'accroître la sensibilisation à soi‑même et aux autres, de mieux comprendre les lois canadiennes et les politiques de la GRC ainsi que de connaître et appliquer une approche adaptée à la culture;
  • le cours actualisé sur la traite des personnes du Collège canadien de police, qui intègre des éléments de sensibilisation aux Autochtones et de prévention de la traite des personnes.

[132] La commissaire de la GRC a également informé la Commission que certaines occasions d'apprentissage pertinentes avaient déjà été mises en œuvre à la lumière de l'orientation fournie par la Commission dans de précédents rapports, en particulier le rapport publié à la suite de l'EIP de la Commission sur les interventions de la GRC lors des manifestations contre le gaz de schiste dans le comté de Kent, au Nouveau‑Brunswick, et sur d'autres questions (le « rapport sur l'EIP sur les interventions dans le comté de Kent »)

[133] Dans sa réponse au rapport sur l'EIP sur les interventions dans le comté de Kent, fournie à la Commission en juin 2020, la commissaire de la GRC a indiqué que la GRC offrait 29 programmes d'apprentissage qui incluent la culture autochtone. Parmi ces programmes ou cours, 24 ont été créés à l'intention des membres de la GRC et leur sont présentés directement dans le but d'accroître les connaissances culturelles autochtones, et 26 de ces cours contiennent des documents sur la culture autochtone ayant pour thème les traditions régionales ou les différences géographiques.

[134] La commissaire de la GRC a également informé la Commission, dans sa réponse au rapport sur l'EIP sur les interventions dans le comté de Kent, que la GRC élaborait actuellement un nouveau guide de sensibilisation aux cultures autochtones qui met en évidence les cultures, les langues et les traditions politiques et spirituelles distinctes et uniques des Premières Nations, des Métis et des Inuits du Canada. La commissaire de la GRC a déclaré que ce guide visait à informer les employés de la GRC et à accroître leur sensibilisation à la culture ainsi que leur compréhension des questions liées à la prestation de services de police autochtones et aux interactions avec les peuples autochtones. Elle a indiqué que le guide compléterait l'information fournie aux membres de la GRC en ce qui concerne les questions culturelles autochtones et que, une fois terminé, elle demanderait qu'un communiqué national soit envoyé à tous les employés leur demandant de lire le Guide sur la spiritualité chez les Amérindiens actuel et le nouveau guide de sensibilisation aux cultures autochtones.

[135] En outre, la commissaire de la GRC a déclaré dans sa réponse au rapport intérimaire sur l'EIP dans cette affaire que la GRC collabore avec le Programme de justice autochtone du ministère de la Justice afin de créer une formation en ligne pour les employés de la GRC dans le but d'augmenter les renvois de la GRC vers des programmes de justice réparatrice. Cette formation encouragera les renvois avant le dépôt d'accusations vers des programmes de justice réparatrice communautaires, tout particulièrement des programmes soutenus par le Programme de justice autochtone.

[136] La commissaire de la GRC a également indiqué qu'en 2019, la Division « F », en Saskatchewan, a mis en place un programme de familiarisation avec la collectivité dans chacun de ses détachements. Elle a expliqué que, grâce à ce programme, chaque nouveau membre d'un détachement se voit présenter la culture locale par un résident de la collectivité qu'il sert, ce qui permet aux membres de la GRC de se familiariser avec les gens, les coutumes et la structure de la collectivité.

Conclusions de la Commission rejetées par la GRC

Nombre suffisant de membres en disponibilité rémunérés

[137] Dans son rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a noté qu'il semblait y avoir un problème sous‑jacent concernant la rémunération des membres de la GRC qui a eu une incidence directe sur la capacité du sergent Olberg de trouver certaines ressources au début de l'enquête. Ce problème était particulièrement évident au sein du SIJ, ainsi qu'avec le déposant, le caporal Nordick.

[138] La Commission a reconnu que les difficultés qu'a éprouvées le sergent Olberg pour obtenir des ressources du SIJ au début de l'enquête étaient indépendantes de sa volonté. L'équipe d'enquête coordonnéeNote de bas de page 7 a dû attendre l'arrivée des membres du SIJ. À l'époque, il n'y avait qu'un seul membre du SIJ en disponibilité pour le nord de la province et un autre pour le sud. Par conséquent, le membre du SIJ en disponibilité le plus proche se trouvait à environ cinq heures de route. La Commission a estimé que le fait qu'il n'y avait pas de membre désigné de la GRC en disponibilité dans chaque unité du SIJ, en dehors des heures de service normales, créait des problèmes de disponibilité et faisait en sorte que les délais d'intervention étaient plus longs. La Commission a également conclu que la solution de rechange du membre en disponibilité du SIJ – c'est‑à‑dire tenter de communiquer avec un membre local du SIJ dans la région de la scène de crime pour obtenir de l'aide – était déraisonnable. Les membres contactés n'étaient pas en disponibilité, donc, le temps de réponse du SIJ dépendait entièrement de la volonté des membres du SIJ de prendre ces appels pendant qu'ils n'étaient pas en service.

[139] La Commission a pris note du commentaire que le sergent Olberg a fait aux enquêteurs de la Commission concernant la disponibilité et la rémunération des membres du SIJ dans cette affaire :

[traduction] Le déploiement du SIJ a posé des défis importants qui échappaient à mon contrôle. Il y avait, à l'époque... Sur le plan organisationnel, on avait décidé — et je l'ai déjà mentionné — que les membres seraient rémunérés en dehors des heures de travail. (...)mais à ce moment‑là — et je pense que mes notes le démontreront —, les efforts du caporal Wittersguard [phonétique] de Yorkton pour essayer de joindre quelqu'un qui était situé plus près... Les appels sont restés sans réponse. Si vous me demandez la raison pour laquelle, selon moi, cette situation s'est produite, je pense que c'était probablement en raison d'une grève du zèle.

[140] En ce qui concerne sa disponibilité pour répondre à l'appel à l'aide le 9 août 2016, voici l'explication du caporal Nordick :

[traduction] Cependant, le gros problème, c'est que nous ne sommes pas... Nous n'étions pas rémunérés pour être en disponibilité, ce qui aurait pu faire en sorte... Évidemment, dans mon cas, si j'avais été rémunéré pour être en disponibilité, j'aurais pu réagir immédiatement. Et je sais que la situation s'est améliorée et que nous avons apporté beaucoup de changements à certains égards, mais il était évidemment question de la disponibilité des membres du service pour répondre à la demande.

Conclusion provisoire de la Commission no 22 : Dans le présent dossier, un nombre insuffisant de membres de la GRC étaient rémunérés pour être en disponibilité afin d'intervenir en temps opportun en cas d'enquêtes sur des crimes graves.

Conclusion provisoire de la Commission no 32 : À l'époque, la pratique qui consistait à ne pas prévoir un membre désigné de la GRC en disponibilité dans chaque unité du Service de l'identité judiciaire était déraisonnable.

Conclusion provisoire de la Commission no 33 : Une solution de rechange locale selon laquelle le membre en disponibilité du Service de l'identité judiciaire tentait de communiquer avec un membre du Service de l'identité judiciaire situé dans le secteur de la scène de crime était déraisonnable.

Recommandation provisoire de la Commission no 7 : Que la GRC veille à ce que des ressources adéquates soient disponibles en temps opportun pour mener des enquêtes en cas de crimes graves.

Réponse de la commissaire de la GRC

[141] La commissaire de la GRC est en désaccord avec la conclusion provisoire no 22. Elle a déclaré que le commentaire fait par le caporal Nordick aux enquêteurs de la Commission, selon lequel les membres de la GRC ne sont pas rémunérés pour être en disponibilité, n'était pas exact. Elle a noté que les membres de la GRC qui sont désignés comme étant en disponibilité pour garantir une capacité d'intervention opérationnelle immédiate ou une disponibilité opérationnelle en application du Manuel des opérations (MO) national, chapitre 16.12. « Intervention opérationnelle », sont, et étaient au moment de l'incident, admissibles à une rémunération au montant établi dans le Manuel national de la rémunération, chapitre 2.7. « Rémunération pour services supplémentaires ». La commissaire de la GRC a noté que les supérieurs du caporal Nordick ne l'avaient pas désigné comme étant en disponibilité le 9 août 2016. Puisqu'il était en congé, il n'avait pas droit à la rémunération applicable offerte aux membres en disponibilité.

[142] La commissaire de la GRC a également déclaré que la décision du sergent Olberg d'attendre la disponibilité du caporal Nordick semblait être une question de préférence, et non pas une décision imposée par des restrictions relatives aux politiques sur la rémunération des membres en disponibilité.

[143] La commissaire de la GRC a examiné de nombreuses déclarations de membres de la GRC concernant le nombre suffisant de ressources disponibles pour intervenir lors de cet incident et elle a noté que beaucoup d'entre eux ont indiqué que les ressources disponibles étaient suffisantes pour gérer la charge de travail. À la lumière de son examen des renseignements disponibles, la commissaire de la GRC a déclaré qu'elle avait constaté qu'il y avait un nombre suffisant de membres de la GRC rémunérés pour être en disponibilité afin d'intervenir en temps opportun en cas d'enquêtes sur des crimes graves.

[144] La commissaire de la GRC a néanmoins accepté la recommandation intérimaire no 7 selon laquelle la GRC doit veiller à ce que des ressources adéquates soient disponibles en temps opportun pour mener des enquêtes en cas de crimes graves. La commissaire a souligné que depuis 2016, la Division « F » a augmenté le nombre de membres du GCG et du SIJ en disponibilité en dehors des heures de service et recevant une rémunération pour les heures de disponibilité opérationnelle. La commissaire de la GRC a également noté que cinq sections provinciales des enquêtes générales, situées à Yorkton, à Regina, à Saskatoon, à North Battleford et à Prince Albert, ont chacune un membre en disponibilité durant la semaine et deux membres en disponibilité durant les fins de semaine, qui peuvent donner un coup de main aux membres du GCG si nécessaire.

[145] En ce qui concerne le SIJ, la commissaire de la GRC a déclaré qu'en raison d'une augmentation de la charge de travail, il y a maintenant un membre du SIJ en disponibilité en dehors des heures de service dans chacune des cinq zones de service du SIJ en Saskatchewan. La commissaire de la GRC a accepté les recommandations provisoires nos 32 et 33 concernant la disponibilité du SIJ au moment des événements. Dans son rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a noté que des mesures avaient déjà été prises pour régler cette situation et que, par conséquent, il n'était pas nécessaire de formuler une recommandation à cet égard.

Analyse par la Commission de la réponse de la GRC

[146] Comme l'indique son rapport intérimaire sur l'EIP, la Commission a conclu que l'équipe d'enquête était suffisamment dotée en personnel pour mener l'enquête relative à cette affaire.

[147] Toutefois, la Commission a également appris au cours de son enquête que le sergent Olberg a dû faire appel à des membres de la GRC qui n'étaient pas en service au moment de l'incident pour répondre aux appels à l'aide, ce qui a affecté sa capacité à obtenir certaines ressources aux premières étapes de l'enquête.

[148] Le sergent Olberg a déclaré ce qui suit aux enquêteurs de la Commission concernant la disponibilité des membres du SIJ : [traduction] « [j]e ne peux pas obliger quelqu'un à répondre à son téléphone. C'est un défi organisationnel auquel nous sommes tous confrontés, n'est‑ce pas? [...] Et ces personnes n'étaient pas non plus obligées de répondre à leur téléphone en dehors de leurs heures de travail, vous comprenez? »

[149] Le sergent Olberg a ajouté qu'à l'époque, le membre du SIJ en service ou en disponibilité pouvait être très loin d'une scène de crime à laquelle il devait se rendre. Il n'était donc pas inhabituel de devoir parfois attendre longtemps avant son arrivée. C'était le cas du caporal Ryttersgaard, le seul membre du SIJ en disponibilité dans le district Sud de la province au moment de l'incident, qui se trouvait à Yorkton, en Saskatchewan. Son délai d'intervention aurait été d'environ cinq heures. Les renseignements recueillis indiquent que le caporal Ryttersgaard a tenté de communiquer avec plusieurs membres de la GRC d'autres groupes du SIJ pour l'aider, mais qu'il n'avait pu trouver personne. Finalement, le gendarme Heroux du SIJ de Saskatoon a rappelé le caporal Ryttersgaard et a confirmé que, même s'il était en congé, il se présenterait lui aussi sur les lieux.

[150] Comme mentionné ci‑dessus, le caporal Nordick n'était pas disponible sur‑le‑champ et il a été décidé qu'il commencerait à rédiger la dénonciation le lendemain matin, ce qui a eu pour effet de retarder la participation du SIJ à l'enquête au matin du 11 août. Les commentaires du caporal Nordick aux enquêteurs de la Commission indiquent qu'il aurait répondu immédiatement à l'appel à l'aide s'il avait été rémunéré pour être en disponibilité.

[151] L'enquêteur principal, le gendarme Boogaard, a également abordé la question de la rémunération durant son entrevue avec les enquêteurs de la Commission lorsqu'il a décrit la façon dont il a reçu un appel pour participer à l'enquête. Il a affirmé que le 9 août, il avait effectué son quart de travail normal de 7 h à 16 h et que même s'il n'était pas en disponibilité, il avait quand même répondu à son téléphone. Il a déclaré : [traduction] « [v]ous savez, la survie du service tient en quelque sorte au fait que l'on compte sur les gens pour continuer de répondre à leur téléphone malgré tout, et d'une certaine façon... Quand on rejoint l'équipe des Crimes graves, on sait dans quoi on s'embarque. »

[152] Bien que la Commission ne conteste pas le fait qu'il y avait suffisamment de ressources pour mener l'enquête relative à cette affaire, les preuves ont révélé que le nombre était suffisant dû au fait que des membres de la GRC qui n'étaient pas en service ont volontairement répondu à leur téléphone et se sont rendus disponibles pour répondre à l'appel à l'aide. Ces membres de la GRC auraient pu choisir de ne pas répondre à leur téléphone, ce qui aurait eu une grande incidence sur la prestation des services.

[153] En déclarant qu'il y avait suffisamment de ressources disponibles pour faire face à la charge de travail, la commissaire de la GRC a essentiellement reconnu le fait que le sergent Olberg devait compter sur des membres de la GRC qui n'étaient pas en service et qui n'étaient pas rémunérés pour être en disponibilité. Comme la Commission l'a fait remarquer dans son rapport intérimaire sur l'EIP, on ne peut s'attendre à ce que les membres qui ne sont pas en service soient disponibles ou répondent aux appels et on ne peut pas compter sur eux pour le faire. Selon la Commission, cette pratique ne garantit pas que des ressources suffisantes soient disponibles pour répondre en temps opportun aux besoins des enquêtes sur les crimes gravesNote de bas de page 8.

[154] Pour ces raisons, la Commission réitère la conclusion provisoire no 22.

Centre de commandement mobile

[155] L'un des premiers problèmes relevés par la Commission dans son rapport intérimaire sur l'EIP était les défis géographiques et environnementaux auxquels le GCG avait été confronté. La Commission a conclu que l'utilisation d'un centre de commandement mobile aurait pu s'avérer utile et aurait peut‑être permis d'éviter certaines des lacunes ou omissions cernées dans l'enquête.

[156] Un centre de commandement mobile est essentiellement un bureau local autonome et une zone d'étape. Un tel centre est équipé de tous les appareils de communication nécessaires, de liens informatiques et d'écrans de télévision, et ce, en plus d'être climatisé et de comprendre une salle de repas ainsi que des toilettes.

[157] Les entrevues menées par les enquêteurs de la Commission auprès des membres du GCG ont révélé que le GCG Nord n'a pas accès à un centre de commandement mobile, ou, à tout le moins, à un centre de commandement mobile spécialement conçu pour ce type d'incident. Le chef de service, le sergent d'état‑major Rockel, et le chef d'équipe, le sergent Olberg, ont tous deux mentionné aux enquêteurs de la Commission qu'ils ne croyaient pas qu'un centre de commandement mobile aurait répondu à leurs besoins, car ils préfèrent mener leurs enquêtes à partir d'un détachement. Le coordonnateur des dossiers, le gendarme Wudrick, semblait connaître les avantages qu'un centre de commandement mobile aurait pu offrir dans la présente affaire, surtout au chapitre de l'amélioration de la gestion de la scène de crime.

[158] La Commission a noté que l'utilisation d'un centre de commandement mobile aurait pu accroître la capacité des enquêteurs et des policiers responsables de la première intervention de communiquer, de collaborer et de planifier les activités d'enquête tout en étant protégés des intempéries.

[159] La Commission a reconnu que depuis cet incident, la Division « F » a créé un poste de gestionnaire de scène de crime au sein de son équipe d'enquête coordonnée. La Commission a noté qu'il pourrait aussi être avantageux d'avoir accès à un centre de commandement mobile pour répondre aux exigences non seulement du poste de gestionnaire de scène de crime, mais aussi pour faciliter de nombreux autres aspects des enquêtes.

Conclusion provisoire de la Commission no 24 : Dans la présente affaire, l'utilisation d'un centre de commandement mobile aurait pu s'avérer utile et aurait peut‑être permis d'éviter certains problèmes ou certaines omissions qui ont été constatés.

Recommandation provisoire de la Commission no 8 : Que la haute direction de la Division « F » de la GRC envisage d'acquérir un centre de commandement mobile.

Réponse de la commissaire de la GRC

[160] La commissaire de la GRC a accepté partiellement la conclusion provisoire no 24. Elle a déclaré que, bien que la présence d'un centre de commandement mobile ait pu s'avérer utile dans cette affaire, elle n'a pas conclu que sa présence aurait permis d'éviter certains des problèmes ou certaines des omissions qui ont été constatés. La commissaire de la GRC était d'avis que les omissions, comme le fait de ne pas avoir recouvert le Ford Escape, auraient pu être évitées sans avoir recours à un centre de commandement mobile.

[161] La commissaire de la GRC a néanmoins appuyé la recommandation provisoire no 8 selon laquelle la haute direction de la Division « F » doive envisager d'acquérir un centre de commandement mobile. Elle a indiqué que cette recommandation avait été soumise à la haute direction de la Division « F » afin d'être examinée; il a été déterminé que même si la Division n'a pas de centre de commandement mobile spécialement conçu pour ce type d'incident, elle a accès à d'autres types de véhicules qui pourraient être utilisés comme centre de commandement mobile lorsque les circonstances le justifient.

[162] La commissaire de la GRC a souligné que la Division « F » estime qu'il est plus efficace et économique d'utiliser les véhicules réguliers dans la plupart des cas en raison de la nature de leur environnement opérationnel. Par exemple, il peut être difficile d'accéder à certaines collectivités par la route ou de se déplacer dans un grand véhicule de type poste de commandement, même lorsque les collectivités sont accessibles par la route. Par conséquent, la commissaire de la GRC a indiqué que la haute direction avait déterminé que l'acquisition d'un centre de commandement mobile n'est pas une option viable pour la Division « F ».

Analyse par la Commission de la réponse de la GRC

[163] La Commission partage l'avis exprimé par la commissaire de la GRC selon lequel les lacunes et les omissions cernées dans cette affaire, comme l'omission de recouvrir le Ford Escape, auraient pu être évitées sans qu'un centre de commandement mobile soit présent. Toutefois, la Commission conclut également que si un centre de commandement mobile avait été déployé sur les lieux du crime, les membres de la GRC chargés de la préservation et de la protection des éléments de preuve auraient probablement été sur place lorsqu'il a commencé à pleuvoir et auraient pu réagir rapidement pour protéger le véhicule.

[164] Il est impossible de déterminer si certaines des lacunes et omissions relevées dans cette affaire auraient pu être évitées grâce à la présence d'un centre de commandement mobile. Comme la Commission l'a souligné dans son rapport intérimaire sur l'EIP, les avantages qu'un centre de commandement mobile aurait pu offrir dans cette affaire comprennent l'amélioration de la gestion de la scène de crime, de la collaboration et, surtout, de la communication entre le GCG, les membres de la GRC chargés de la première intervention et les groupes spécialisés, comme le SIJ. La gestion de la scène de crime et la communication se sont révélées particulièrement préoccupantes dans cette affaire.

[165] La Commission souligne que rien n'indique dans les documents du dossier que l'accessibilité de la route aurait fait obstacle à l'utilisation d'un centre de commandement mobile ou d'un type de véhicule similaire dans ce cas particulier.

[166] Pour ces raisons, la Commission réitère la conclusion provisoire no 24.

[167] En ce qui concerne la recommandation provisoire no 8, la Commission reconnaît que la commissaire de la GRC a soumis la recommandation de la Commission à la haute direction de la Division « F » pour examen et que la haute direction a déterminé, pour les raisons mentionnées ci‑dessus, que l'acquisition d'un centre de commandement mobile n'est pas une option viable pour la Division « F ». À la lumière de ces renseignements, la Commission estime que sa recommandation d'envisager l'acquisition d'un centre de commandement mobile a été suffisamment prise en compte.

Expertise de la scène de crime

[168] La Commission a conclu que, dans la présente affaire, il était déraisonnable qu'un seul membre du SIJ — un membre qui ne possède pas la qualification de spécialiste de l'identité judiciaire — soit présent sur la scène du crime pour en effectuer l'expertise par lui‑même pendant trois heures.

[169] Le gendarme Heroux est arrivé sur la scène de crime à 0 h 36 le 10 août. Le caporal Ryttersgaard est arrivé au détachement de Biggar à 1 h 45 et a procédé à l'expertise (photographies et collecte de résidus de tir) de M. Stanley de 2 h 13 à 2 h 32. Le caporal Ryttersgaard est arrivé à la ferme des Stanley à 3 h 45 pour aider le gendarme Heroux à effectuer l'analyse de la scène de crime. Entre‑temps, un membre du détachement de la GRC de Biggar a aidé le gendarme Heroux à effectuer l'expertise de la scène de crime.

[170] La Commission a examiné la politique nationale de la GRC concernant les constatations sur les lieux de crime, qui prévoit ce qui suit :

[L]'expertise du lieu de crime doit être effectuée par au moins deux employés du SIJ, [l'un] devant être qualifié comme spécialiste du SIJ. Si de telles ressources ne sont pas disponibles, aviser immédiatement le gestionnaire divisionnaire.

[171] La Commission a souligné que rien dans les documents n'indique que le gendarme Heroux ait discuté avec le caporal Ryttersgaard, qui était un spécialiste de l'identité judiciaire, au sujet de l'expertise de la scène de crime avant l'arrivée du caporal Ryttersgaard à 3 h 45. Bien que la Commission ait reconnu que le gendarme Heroux était un technicien de l'identité judiciaire qui avait une formation considérable et qui était très exposé au travail de la SIJ, la majeure partie de cette expérience relevait du programme d'apprentissage et il n'avait pas encore suivi de cours de formation en identité judiciaire plus avancé. La Commission a souligné les commentaires suivants formulés par le gendarme Heroux à l'intention des enquêteurs de la Commission : [traduction] « avec le recul, il est assurément toujours idéal d'envoyer plus d'un membre de l'identité judiciaire sur place ».

[172] La Commission a reconnu que la situation au sein du SIJ à l'échelle de la province avait changé depuis, comme il a déjà été expliqué. Par conséquent, la Commission a estimé qu'il n'était pas nécessaire de recommander la prise de mesures correctives à cet égard.

Conclusion provisoire de la Commission no 34 : Il était déraisonnable qu'un seul membre du Service de l'identité judiciaire — un membre qui ne possède pas la qualification de spécialiste de l'identité judiciaire — soit présent sur la scène du crime pour en effectuer l'expertise par lui‑même pendant trois heures.

Réponse de la commissaire de la GRC

[173] La commissaire de la GRC est en désaccord avec la conclusion no 34. Elle a déclaré qu'elle était convaincue que les mesures prises par le gendarme Heroux et le caporal Ryttersgaard étaient en grande partie conformes aux dispositions de la politique nationale de la GRC concernant les constatations sur les lieux de crime, qui exige que deux membres du SIJ effectuent l'expertise d'une scène de crime grave et que l'un d'entre eux soit un spécialiste de l'identité judiciaire.

[174] La commissaire de la GRC a noté que les membres de la GRC ont décidé que le gendarme Heroux commencerait à effectuer l'expertise de la scène de crime et que le caporal Ryttersgaard s'occuperait de recueillir les résidus de tir sur M. Stanley. La commissaire de la GRC a également noté que le caporal Ryttersgaard s'est rendu sur la scène de crime pour prêter main‑forte au gendarme Heroux, ce qu'il a fait pendant près de deux heures avant que le corps de M. Boushie ne soit retiré et qu'ils aient quitté les lieux en attendant l'obtention d'un mandat de perquisition.

[175] D'après son examen des déclarations du caporal Ryttersgaard et du gendarme Heroux aux enquêteurs de la Commission, la commissaire de la GRC est convaincue que le gendarme Heroux était en contact avec le gestionnaire du SIJ de la Division « F » pendant qu'il effectuait l'expertise de la scène de crime conformément aux exigences de la politique.

[176] La commissaire de la GRC a indiqué qu'elle avait consulté le centre de décision de la GRC responsable de l'interprétation de la politique pertinente qui a indiqué que l'envoi du gendarme Heroux pour effectuer l'expertise de la scène par lui‑même était conforme à la politique. La commissaire de la GRC a approuvé l'interprétation du centre de décision selon laquelle l'exigence voulant qu'au moins deux membres du SIJ effectuent l'expertise d'une scène de crime n'empêche pas le premier membre sur place d'entamer le processus en attendant l'arrivée du deuxième membre, puisque cette pratique élimine tout retard inutile dans l'examen des lieux. Elle a également déclaré que la réalité des services de police, en particulier dans les collectivités rurales, exige une approche souple.

[177] En ce qui concerne les communications entre le gendarme Heroux et le caporal Ryttersgaard, la commissaire de la GRC a conclu, à la lumière de son examen de la déclaration du caporal Ryttersgaard aux enquêteurs de la Commission, qu'il y avait effectivement eu une communication entre les deux membres du SIJ pendant que le gendarme Heroux était sur les lieux, bien que les preuves ne fournissent pas de renseignements sur la nature des communications.

[178] La commissaire de la GRC a déclaré que la Commission semblait accorder peu d'attention à l'étendue de l'expérience du gendarme Heroux et a conclu que l'expertise de la scène de crime de façon approfondie et professionnelle sans la présence d'un spécialiste de l'identité judiciaire était bien à la portée du gendarme Heroux. La commissaire de la GRC a estimé que le fait que le gendarme Heroux suivait le programme d'apprentissage à l'époque avait peu d'importance.

Analyse par la Commission de la réponse de la GRC

[179] La réponse de la commissaire de la GRC à cette conclusion consiste essentiellement à proposer une interprétation et une évaluation différentes de la preuve, sans mentionner de faits ou d'éléments de preuve nouveaux. Comme l'a indiqué la Commission dans une affaire précédenteNote de bas de page 9, les opinions de la GRC sur la pertinence des actes de ses membres ne devraient pas prévaloir lorsque l'organe d'examen indépendant, après avoir examiné tous les éléments de preuve comme son mandat le requiert, en arrive à une conclusion différente et que la GRC n'offre aucune autre nouvelle information factuelle.

[180] Après avoir examiné la preuve dont il est question dans la réponse de la commissaire de la GRC, la Commission réitère son évaluation initiale de la question. Il n'y a pas de nouveaux faits ou de nouvelles preuves qui amèneraient la Commission à modifier sa conclusion initiale.

[181] En ce qui concerne le commentaire de la commissaire de la GRC selon lequel le gendarme Heroux était en contact avec le gestionnaire divisionnaire du SIJ pendant qu'il effectuait l'expertise de la scène de crime, la Commission note que, lorsque des enquêteurs de la Commission lui ont demandé s'il avait discuté avec le gestionnaire divisionnaire du SIJ durant la soirée du 9 août, le gendarme Heroux a répondu :

[traduction] Je l'ai informé que... au moment où nous nous dirigions vers les lieux. J'ai de nouveau fait le point avec lui lorsque nous avons quitté la scène de crime, puis je lui ai parlé de nouveau le lendemain, c'est‑à‑dire, le jour suivant.

[182] Lorsque les enquêteurs de la Commission ont demandé si le gestionnaire divisionnaire du SIJ donnait des instructions au gendarme Heroux lorsqu'il était sur les lieux, le gendarme Heroux a répondu : [traduction] « non, il ne fournissait pas d'instructions, non ».

[183] Le gendarme Heroux a consigné dans son carnet qu'il avait informé le gestionnaire divisionnaire du SIJ à 21 h 13 le 9 août que lui et le caporal Ryttersgaard se rendraient sur la scène de crime. Le gendarme Heroux a également consigné qu'il a informé le gestionnaire divisionnaire du SIJ de l'état d'avancement de l'enquête à 21 h 17 le 10 août.

[184] En ce qui concerne les communications entre le gendarme Heroux et le caporal Ryttersgaard, leurs rapports et leurs carnets de notes font référence à une première discussion sur les rôles assumés par chacun d'entre eux. Il n'y a aucun dossier faisant état de la conversation entre les deux pendant que le gendarme Heroux effectuait l'expertise de la scène de crime avant l'arrivée du caporal Ryttersgaard. Au cours de sa déclaration aux enquêteurs de la Commission, le gendarme Heroux a indiqué qu'il avait appelé le caporal Ryttersgaard avant de se rendre sur la scène de crime pour lui faire part de ce qu'il avait appris du GCG au sujet de l'incident. Le gendarme Heroux a décrit aux enquêteurs de la Commission comment les événements se sont déroulés pendant qu'il était sur la scène de crime et a déclaré qu'il était en contact avec l'enquêteur principal, le gendarme Boogaard, et qu'il avait fait le point avec le gestionnaire divisionnaire du SIJ. Le gendarme Heroux n'a fait aucune mention de discussions avec le caporal Ryttersgaard.

[185] Durant son entrevue avec les enquêteurs de la Commission, le caporal Ryttersgaard a indiqué qu'il avait parlé avec le gendarme Heroux avant de se rendre sur la scène de crime. Il a déclaré que le gendarme Heroux lui avait dit que [traduction] « c'était une vaste zone, et qu'il s'occupait de prendre des photos à cet endroit ».

[186] Selon la Commission, les éléments de preuve indiquent que les communications entre les membres du SIJ se sont limitées à une discussion initiale sur les rôles que chacun d'eux allait assumer, ainsi qu'à un bref compte rendu avant que le caporal Ryttersgaard ne se rende sur les lieux. Rien dans les documents présentés à la Commission n'indique que des conseils ou des avis aient été demandés ou fournis au sujet de l'expertise de la scène de crime.

[187] La Commission réitère son point de vue selon lequel la politique de la GRC en la matière ne prévoyait pas qu'un seul membre du SIJ, qui ne possède pas la qualification de spécialiste de l'identité judiciaire, devait effectuer seul l'expertise de la scène de crime pendant une période prolongée dans les circonstances de cette affaire. Même si, comme le laisse entendre la réponse de la GRC, la politique peut être interprétée comme autorisant ou encourageant cette pratique, elle ne devrait pas être interprétée de cette façon.

[188] En ce qui concerne les commentaires de la commissaire de la GRC sur l'expérience et les capacités du gendarme Heroux, la Commission avait reconnu dans son rapport intérimaire sur l'EIP que le gendarme Heroux avait reçu une formation considérable et avait déjà été exposé au travail du SIJ au moment de l'incident. La conclusion de la Commission ne concerne pas les qualifications personnelles du gendarme Heroux. Il y a des raisons d'exiger la présence d'un spécialiste de l'identité judiciaire qualifié parmi les membres qui effectuaient l'expertise de la scène de crime, et c'est à la lumière de ce point que la Commission a tiré cette conclusion.

[189] Par exemple, la Commission a noté que l'incident s'est produit environ sept mois après que le gendarme Heroux a obtenu son certificat de technicien de l'identité judiciaire. Il n'avait reçu qu'une demi‑journée d'introduction à l'analyse de la morphologie des taches de sang pendant son programme de formation de base en criminalistique et devait encore suivre des cours de formation plus avancés en identité judiciaire, dont un cours élémentaire de 40 heures sur la reconnaissance morphologique des taches de sang.

[190] De plus, malgré la formation et l'expérience du gendarme Heroux, les preuves ont révélé qu'il était impliqué dans certaines des erreurs et des lacunes de l'enquête, notamment le fait de ne pas avoir préservé le Ford Escape et les taches de sang. La Commission souligne que les erreurs sont humaines et inévitables, et que le gendarme Heroux n'était clairement pas le seul responsable des erreurs et des lacunes en question. Ce point ne fait que souligner l'importance d'avoir au moins deux membres du SIJ pour effectuer l'expertise d'une scène de crime, avec un enquêteur qualifié spécialiste de l'identité judiciaire, comme le prévoit la politique et comme la Commission l'a estimé préférable dans ce cas.

[191] La Commission a conclu que l'affectation du gendarme Heroux à titre de membre principal de la GRC du SIJ – le caporal Ryttersgaard jouant un rôle de soutien – était raisonnable vu l'emplacement de leur détachement d'attache. On s'attendait à ce que leurs rôles soient remplis grâce à la collaboration et au travail d'équipe, car il incombe au membre principal de donner des conseils et de fournir une orientation, au besoin, afin que les membres moins expérimentés acquièrent les connaissances et la confiance nécessaires. Il aurait fallu que le caporal Ryttersgaard, ou un autre spécialiste de l'identité judiciaire, soit présent plus longtemps pendant que le gendarme Heroux effectuait l'expertise de la scène de crime.

[192] La Commission reconnaît que la réalité des services de police, en particulier dans les collectivités rurales, exige une approche souple et qu'il peut parfois y avoir des défis logistiques. Cependant, il reste que, selon la Commission, il était déraisonnable dans les circonstances de cette affaire qu'un seul membre du SIJ – un membre qui ne possède pas la qualification de spécialiste de l'identité judiciaire – soit présent sur la scène de crime pour en effectuer l'expertise par lui‑même pendant trois heures.

[193] Pour ces raisons, la Commission réitère la conclusion provisoire no 34.

Commentaires concernant l'examen administratif de la GRC

[194] Le 20 février 2020, la Commission a reçu de la GRC un rapport d'examen administratif indépendant daté du 13 janvier 2020. La GRC a produit ce rapport à la suite d'un examen administratif interne de l'enquête sur le décès de M. Boushie. Cet examen administratif, entamé par la GRC en juin 2018, a été mené par des membres de la GRC et a porté sur tous les aspects de l'enquête sur un crime grave. Les 217 pages du rapport de l'examen administratif indépendant de la GRC et les documents pertinents connexes ont été remis à la Commission après que celle‑ci a publié ses rapports intérimaires concernant la plainte de la famille et l'EIP. La réponse de la commissaire de la GRC au rapport de la Commission sur l'EIP ne fait aucune mention de l'examen administratif indépendant.

[195] La Commission a analysé l'examen administratif indépendant de la GRC à la lumière des conclusions de la Commission dans son rapport intérimaire sur la plainte de la famille, ainsi que de son rapport intérimaire sur l'EIP. La Commission a déterminé que les conclusions et les recommandations relatives aux questions abordées par la Commission et la GRC étaient essentiellement identiques. La Commission a également constaté que le contenu de l'examen administratif indépendant de la GRC n'a révélé aucune nouvelle information qui pourrait amener la Commission à reconsidérer ses conclusions et recommandations.

[196] L'examen administratif indépendant de la GRC est distinct du processus de plainte du public et n'a pas de fondement juridique dans la partie VII de la Loi sur la GRC. Bien que l'examen administratif indépendant ne remette pas en question le processus de la Commission ou ses conclusions et recommandations, la Commission a néanmoins de sérieuses préoccupations quant aux actions de la GRC à cet égard.

[197] Non seulement la GRC a décidé de procéder à un examen sur le fond des mêmes questions que la Commission, parallèlement à l'EIP de la Commission, mais elle a également omis d'envoyer une notification officielle de l'existence de l'examen administratif indépendant à la Commission en temps opportun. Par ailleurs, la GRC n'a pas présenté en temps opportun les documents pertinents obtenus au cours de l'examen administratif indépendant, y compris le contenu des entrevues menées dans le cadre de celui‑ci. Ces documents étaient sans aucun doute pertinents, car ils étaient directement liés à l'enquête de la Commission et ils faisaient manifestement partie des documents pertinents demandés par la Commission.

[198] La Commission est particulièrement préoccupée par la décision de la GRC d'interroger un grand nombre des mêmes témoins que la Commission a interrogés, et par les risques d'interférer avec l'EIP de la Commission en menant de telles entrevues, sans lui avoir communiqué à l'avance des plans détaillés pour s'assurer qu'il n'y a pas eu d'interférence avec le travail de la Commission.

[199] Bien que la GRC ait décrit son examen administratif comme étant « indépendant », les membres de la GRC ont dirigé cet examen et seuls les membres de la GRC ont fourni une expertise en la matière aux fins de l'examen. Contrairement à l'enquête de la Commission, la GRC n'a pas mené d'entrevues avec des membres de la famille de M. Boushie dans le cadre de son examen.

[200] Pour les raisons susmentionnées, la Commission s'attend à ce que la GRC l'informe dans l'avenir lorsque de tels examens internes seront entrepris concernant des affaires que la Commission examine.

Conclusions et recommandations finales de la Commission

Conclusions finales

  1. Les membres de la GRC dépêchés à la propriété des Stanley, y compris le sergent Sawrenko, ont agi conformément à la politique sur les enquêtes de première intervention.
  2. Les mesures initiales prises par les membres de la GRC en cause en réaction à la plainte étaient raisonnables.
  3. Le sergent Sawrenko a agi de façon raisonnable en supervisant l'intervention initiale sur la scène de crime.
  4. Les membres de la GRC dépêchés à la propriété des Stanley sont intervenus en temps opportun.
  5. Il était raisonnable d'arrêter sans mandat E. M., B. J. et K. W. pour l'infraction criminelle de méfait.
  6. E. M. a été arrêté conformément aux alinéas 10a) et 10b) de la Charte.
  7. B. J. et K. W. ont été arrêtées conformément aux alinéas 10a) et 10b) de la Charte.
  8. Dans les circonstances, la façon dont le caporal Fee et le gendarme Teniuk ont mené les entrevues de K. W., de B. J. et d'E. M. était déraisonnable.
  9. Dans les circonstances, la façon dont le gendarme Teniuk a mené l'entrevue de C. C. était raisonnable.
  10. Le maintien en détention d'E. M., de B. J. et de K. W. à la suite de leurs déclarations à la GRC le 10 août 2016 était déraisonnable et non justifié selon le paragraphe 497(1.1) du Code criminel.
  11. Dans les circonstances, la décision de procéder à une nouvelle entrevue auprès de B. J. était raisonnable.
  12. Dans les circonstances, la façon dont le gendarme Boogaard a procédé à une nouvelle entrevue auprès de B. J. était raisonnable.
  13. Il était déraisonnable que les membres du triangle de commandement (le sergent Olberg et les gendarmes Boogaard et Wudrick) n'envisagent pas de donner des directives selon lesquelles L. S. et S. S. ne devaient pas discuter de l'incident avant de donner leurs déclarations de témoins à la police.
  14. Il était déraisonnable que le sergent Sawrenko omette de dire à L. S. et à S. S. de ne pas discuter de l'incident avant de présenter leurs déclarations de témoins.
  15. Dans les circonstances, les gestes posés par le caporal Olney à l'égard d'A. D. étaient raisonnables.
  16. Le caporal Fee et les gendarmes Wright et Teniuk auraient dû tenter de convaincre M. F. et G. F. d'être interrogés séparément.
  17. Le sergent Olberg avait des motifs raisonnables de croire que M. Stanley avait commis l'infraction de meurtre et qu'il pouvait être arrêté sans mandat en vertu de l'article 495 du Code criminel.
  18. La directive du sergent Olberg de procéder à l'arrestation de M. Stanley pour meurtre était raisonnable.
  19. M. Stanley a été arrêté d'une manière conforme aux alinéas 10a) et 10b) de la Charte.
  20. Vu les circonstances, la façon dont le gendarme Gullacher a interrogé M. Stanley était raisonnable.
  21. Le sergent Olberg n'a pas veillé à ce que la dénonciation en vue d'obtenir un mandat de perquisition soit rédigée en temps opportun.
  22. Dans le présent dossier, un nombre insuffisant de membres de la GRC étaient rémunérés pour être en disponibilité afin d'intervenir en temps opportun en cas d'enquêtes sur des crimes graves.
  23. Vu les défis inhérents aux services de police en milieu rural, la décision du Groupe des crimes graves de séparer les personnes concernées dans deux détachements de la GRC était raisonnable.
  24. Dans la présente affaire, l'utilisation d'un centre de commandement mobile aurait pu s'avérer utile et aurait peut‑être permis d'éviter certains problèmes ou certaines omissions qui ont été constatés.
  25. Les politiques et procédures de la GRC en matière de préservation et de protection des éléments de preuve n'ont pas été raisonnablement respectées, et un élément de preuve clé, le Ford Escape, est resté exposé à la contamination.
  26. L'incapacité de la GRC de protéger le Ford Escape a entraîné l'altération et la perte d'éléments de preuve sous forme de traces et de taches de sang.
  27. La décision du sergent Sawrenko de permettre à L. S. et à S. S. de retirer un véhicule de la scène de crime pour se rendre au détachement de la GRC de Biggar était déraisonnable.
  28. Vu l'importance du Ford Escape, qui était un élément de preuve clé de l'enquête, il aurait été prudent de consulter l'avocat de la Couronne avant de s'en départir.
  29. La décision du gendarme Boogaard de se départir du Ford Escape à la suite de l'examen effectué par le Service de l'identité judiciaire s'inscrivait dans la gamme des options raisonnables qui s'offraient à lui et constituait donc un exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire.
  30. Il était déraisonnable qu'un ou plusieurs membres du Groupe des crimes graves ne se présentent pas plus rapidement sur la scène de crime.
  31. Dans la présente affaire, le gendarme Heroux et le caporal Ryttersgaard étaient adéquatement formés et qualifiés pour s'acquitter des tâches liées à l'identité judiciaire qui leur ont été confiées.
  32. À l'époque, la pratique qui consistait à ne pas prévoir un membre désigné de la GRC en disponibilité dans chaque groupe du Service de l'identité judiciaire était déraisonnable.
  33. Une solution de rechange locale selon laquelle le membre en disponibilité du Service de l'identité judiciaire tentait de communiquer avec un membre du Service de l'identité judiciaire situé dans le secteur de la scène de crime était déraisonnable.
  34. Il était déraisonnable qu'un seul membre du Service de l'identité judiciaire — un membre qui ne possède pas la qualification de spécialiste de l'identité judiciaire — soit présent sur la scène du crime pour en effectuer l'expertise par lui‑même pendant trois heures.
  35. Les gendarmes Doucette et Park ont agi de façon raisonnable afin de recueillir et de préserver des éléments de preuve qui risquaient d'être perdus.
  36. Les gendarmes Doucette et Park n'ont pas consigné adéquatement le traitement et le transfert des éléments de preuve qu'ils ont recueillis.
  37. La décision du gendarme Heroux de communiquer avec un analyste de la morphologie des taches de sang trois jours après l'incident était déraisonnable.
  38. L'équipe du Groupe des crimes graves a appliqué la méthode de la gestion des cas graves et ses neuf principes essentiels, conformément à la politique nationale MO 25.3. (Gestion des cas graves) de la GRC.
  39. L'équipe d'enquête disposait de suffisamment de membres pour mener l'enquête sur le décès de M. Boushie, et ce, en dépit de la charge de travail importante mentionnée et des autres fonctions.
  40. Les membres de l'équipe d'enquête coordonnée, y compris les membres du triangle de commandement, possédaient la formation et l'expérience nécessaires pour s'acquitter avec compétence des rôles et des responsabilités qui leur ont été attribués dans le cadre de l'enquête.
  41. Il n'était pas raisonnable que les gendarmes Boogaard et Teniuk se présentent à la veillée pour informer la famille de l'état d'avancement de l'enquête criminelle.
  42. Les communications internes ont été inadéquates dans certaines situations au cours de l'enquête.
  43. La communication déficiente entre les divers groupes de la GRC qui ont participé à l'enquête sur le décès de M. Boushie a donné lieu à certaines erreurs et à certains manques d'efficience.
  44. La discrimination n'est pas établie à première vue en ce qui concerne l'approche tactique de la police et la fouille du domicile familial des Baptiste.
  45. La conduite de la police à l'égard de Mme Baptiste en ce qui concerne sa sobriété et sa crédibilité était discriminatoire au regard de sa race ou de son origine nationale ou ethnique.
  46. La discrimination n'est pas établie à première vue concernant le traitement d'E. M., de B. J., de K. W. et de C. C. pendant leurs entrevues avec la police.
  47. La discrimination n'a pas été établie à première vue en ce qui concerne les lacunes de l'enquête criminelle sur le décès de M. Boushie, y compris les problèmes liés à l'obtention des éléments de preuve.

Recommandations finales

  1. Que le caporal Fee et le gendarme Teniuk reçoivent des directives opérationnelles concernant la politique de la GRC sur les entrevues des témoins.
  2. Qu'on demande au sergent Olberg de passer en revue les motifs de détention énumérés au paragraphe 497(1.1) du Code criminel.
  3. Que la GRC révise sa politique MO 24.1. (Interrogatoires et déclarations : Suspects, accusés et témoins) pour tenir compte du traitement des témoins en détention interrogés dans le cadre d'enquêtes criminelles où ils ne sont pas suspects.
  4. Que la GRC donne des conseils et fournisse du mentorat et/ou de la formation aux membres du triangle de commandement (le sergent Olberg et les gendarmes Boogaard et Wudrick) ainsi qu'au sergent Sawrenko au sujet de la gestion des témoins.
  5. Qu'on demande au caporal Fee et aux gendarmes Wright et Teniuk de passer en revue la politique nationale MO 24.1 (Interrogatoires et déclarations : Suspects, accusés et témoins) de la GRC.
  6. Que la GRC fournisse au sergent Olberg des directives, du mentorat et/ou de la formation sur la rédaction en temps opportun d'une dénonciation en vue d'obtenir un mandat de perquisition.
  7. Que la GRC veille à ce que des ressources adéquates soient disponibles en temps opportun pour mener des enquêtes en cas de crimes graves.
  8. Que la haute direction de la Division « F » de la GRC envisage d'acquérir un centre de commandement mobile.
  9. Qu'on demande aux membres concernés du Groupe des crimes graves et du Service de l'identité judiciaire de passer en revue les conclusions du rapport intérimaire sur l'enquête d'intérêt public de la Commission en compagnie d'un cadre de la GRC.
  10. Que les membres concernés du Groupe des crimes graves et du Service de l'identité judiciaire reçoivent une orientation opérationnelle sur les politiques et procédures de la GRC en matière de préservation et de protection des éléments de preuve.
  11. Qu'un cadre de la GRC fournisse une orientation opérationnelle au sergent Sawrenko sur l'importance de protéger et de préserver les éléments de preuve sur la scène d'un crime.
  12. Que, dans les dossiers futurs, le chef du Groupe des crimes graves veille à ce qu'un membre de son groupe se rende plus rapidement sur la scène de crime.
  13. Que l'on demande aux gendarmes Doucette et Park de passer en revue la politique MO 25.2. (Notes de l'enquêteur).
  14. Qu'on demande au gendarme Heroux de passer en revue le rapport intérimaire sur l'EIP de la Commission avec un membre principal du Service de l'identité judiciaire et de discuter de l'importance de la participation d'un analyste de la morphologie des taches de sang sur les scènes de crime où il y a eu effusion de sang.
  15. Qu'on demande aux gendarmes Boogaard et Teniuk de passer en revue la conclusion no 41 en compagnie d'un cadre de la GRC.
  16. Qu'on demande au caporal Olney et aux membres du triangle de commandement (le sergent Olberg et les gendarmes Boogaard et Wudrick) de lire le rapport intérimaire sur l'EIP de la Commission en compagnie d'un cadre de la GRC.
  17. Qu'une formation de sensibilisation à la culture soit offerte à tous les employés de la GRC en tenant compte des facteurs relevés dans les enquêtes récentes.

Conclusion

La Commission dépose son rapport final conformément au paragraphe 45.76(3) de la Loi sur la GRC. Par conséquent, la Commission a rempli son mandat dans le cadre de la présente affaire.

La présidente,
Michelaine Lahaie

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