Rapport suivant une enquête d’intérêt public concernant la mort par balle de Gregory Matters, à Prince George (Colombie-Britannique)

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Liens connexes

 Gregory Matters

 Lorraine Matters

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
Paragraphes 45.59(1) et 45.66(1)

Plaignant
Président intérimaire de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada

Nos de dossier : PC-2013-1309 et PC-2013-0358

Table des matières

Introduction

Plainte déposée par le président et enquête d'intérêt public

Examen par la Commission des faits liés aux événements

Analyse de l'intervention de la GRC auprès de M. Matters les 9 et 10 septembre 2012

Conclusion

Introduction

[1] Le 9 septembre 2012, M. Gregory Matters et son frère se disputaient près de la résidence d'un membre de la GRC, qui n'était pas en service. Le membre a téléphoné au 911, comme l'a fait M. Matters. Deux membres de la GRC qui étaient en service se sont présentés sur les lieux. Au cours de la journée, des membres du détachement de la GRC de Prince George ont communiqué sans cesse avec M. Matters, et ils ont décidé d'arrêter M. Matters pour conduite dangereuse, agression armée, voies de fait et violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Bien que des dispositions aient été prises maintes fois afin que M. Matters se soumette à une arrestation, il a décidé qu'il ne le ferait pas.

[2] Le Groupe tactique d'intervention du district Nord (GTIDN) de la GRC a été déployé pour effectuer l'arrestation, et il s'est rendu à la propriété rurale de M. Matters. Ce dernier a continué de négocier sa capitulation par téléphone avec les membres de la GRC pendant que le GTIDN était là et s'approchait de lui sur la propriété. Après une apparente tentative de reddition qui a échoué, les quatre membres du GTIDN se sont approchés davantage de M. Matters. Ce dernier était en possession d'une hachette, qu'il n'a pas lâchée même si on lui a ordonné de le faire. Finalement, un membre du GTI a tiré deux fois sur M. Matters, qui est décédé sur les lieux.

[3] La fusillade mortelle de M. Matters par des membres de la GRC était une tragédie humaine. Elle permet d'illustrer le défi particulier auquel un membre de la GRC doit parfois faire face pour concilier son devoir d'agir avec compassion envers les personnes atteintes d'une maladie mentale et son devoir de protéger le public contre tout préjudice. Il faut s'efforcer de répondre aux besoins des personnes atteintes d'un trouble mental qui ont commis des crimes graves, mais ces personnes peuvent constituer une menace permanente pour elles-mêmes et pour les autres, et cette menace doit être prise en compte.

[4] Les problèmes de santé mentale de M. Matters l'ont amené à se comporter d'une manière imprévisible et, à des moments critiques, irrationnelle. Il a admis à la police qu'il avait poursuivi son frère et avait forcé son véhicule à quitter la route, et la GRC cherchait à l'arrêter relativement à cet incident grave. En raison d'une crainte profonde et irrationnelle d'être maltraité par la police, et malgré des efforts considérables déployés par le sergent d'état-major Brad Anderson pour gagner sa confiance et négocier une reddition pacifique, M. Matters ne coopérait pas. Dans une de ses dernières communications avec le sergent d'état-major Anderson, M. Matters a dit qu'il était prêt à mourir, qu'il allait donner à la police une raison de le tuer et qu'il allait prendre un couteau pour que la police ait à lui tirer dessus. Peu de temps après, il a brandi une hachette en s'approchant d'un membre du GTIDN et a été abattu par un autre membre de l'équipe.

[5] La crédibilité de la police et la confiance du public envers la police sont remises en question chaque fois qu'un incident mortel implique la police et particulièrement lorsque ces incidents concernent des membres vulnérables de la société, comme des personnes atteintes de maladie mentale. Le présent rapport vise à fournir un examen approfondi du traitement par la GRC de cet incident ainsi que des politiques et protocoles qui régissent la conduite de ses membres.

Plainte déposée par le président et enquête d'intérêt public

[6] Le 1er mai 2013, le président intérimaire de la Commission des plaintes du public contre la GRC (désormais la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du CanadaNote de bas de page 1, ci-après la « Commission ») a déposé une plainte et lancé une enquête d'intérêt public concernant la conduite des membres de la GRC en cause, qui ont interagi avec M. Matters à partir du moment où le conflit familial est survenu le 9 septembre 2012 jusqu'à la mort de M. Matters, le 10 septembre 2012, à la suite d'une fusillade impliquant des policiers (annexe A). L'enquête visait à déterminer si :

  1. les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC) qui ont pris part aux événements des 9 et 10 septembre, soit du premier contact avec M. Matters jusqu'à sa mort subséquente par balle, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences réglementaires appropriées;
  2. les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC établies à l'échelle nationale, à l'échelle de la Division « E » et à l'échelle du détachement concernant ce genre d'incidents sont adéquates;
  3. les mesures prises par la GRC en réponse à l'incident respectent les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences réglementaires applicables.

[7] Le 6 février 2013, la British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA) a déposé une plainte concernant la mort par balle de M. Matters (annexe B). La BCCLA s'est plainte de la conduite d'un nombre indéterminé de membres non identifiés du GTIDN de la GRC de Prince George à la suite d'un incident survenu le 10 septembre 2012, qui a entraîné la mort de M. Matters, et plus précisément du fait que des membres du GTIDN de la GRC :

  1. ont été déployés de façon inadéquate, puisqu'ils procédaient à une arrestation en relation avec une querelle de ménage sur une propriété privée;
  2. ont fait preuve de manque de communication, ce qui a mis M. Matters en danger et pourrait avoir contribué à sa mort;
  3. ont privilégié l'usage de la force et des armes à feu et accordé peu d'importance à la planification, à la prévoyance et à la préparation pour assurer la sécurité de la personne qu'ils essayaient d'appréhender, ce qui peut avoir poussé les agents à utiliser une force excessive au lieu de désamorcer la situation, mettant ainsi M. Matters en danger et contribuant à sa mort.

[8] Le 1er mai 2013, la Commission a avisé la BCCLA qu'une enquête d'intérêt public répondrait aux allégations indiquées dans la plainte.

[9] L'Independent Investigations Office (IIO) de la Colombie-Britannique (bureau des enquêtes indépendantes de la Colombie-Britannique) a mené une enquête sur la conduite des membres de la GRC en cause dans l'incident, et il a déterminé qu'aucune infraction criminelle n'avait été commise. Les organismes d'enquête indépendants, notamment l'IIO, mènent des enquêtes concernant des agents impliqués dans des cas de décès ou de blessures graves afin de déterminer si un agent peut ou non avoir commis une infraction criminelle. Le rôle de la Commission est d'examiner la conduite de membres de la GRC dans l'exercice de leurs fonctions par rapport à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences réglementaires applicables et, s'il y a lieu, de formuler des recommandations correctives.

[10] Aux termes du paragraphe 45.76(1) de la Loi sur la GRC, je suis tenu d'établir un rapport écrit énonçant mes conclusions et mes recommandations au sujet de la plainte. Le présent rapport constitue mon enquête sur les questions soulevées dans la plainte ainsi que les conclusions et recommandations connexes. Un sommaire de mes conclusions et de mes recommandations figure à l'annexe C.

Examen par la Commission des faits liés aux événements

[11] Il convient de signaler que la Commission est un organisme du gouvernement fédéral, distinct et indépendant de la GRC. Quand elle mène une enquête d'intérêt public, la Commission ne prend la défense ni du plaignant, ni des membres de la GRC. À titre de vice-président de la Commission, j'ai pour rôle de tirer des conclusions découlant d'un examen objectif des éléments de preuve dont je dispose et, s'il y a lieu, de formuler des recommandations sur des mesures que la GRC pourrait prendre pour améliorer ou corriger la conduite de ses membres.

[12] Mes conclusions, exposées en détail ci-dessous, sont fondées sur un examen attentif des nombreux documents d'enquête, du rapport d'enquête criminelle de la GRC ainsi que des lois applicables et de la politique de la GRC. Il importe de mentionner que les conclusions et les recommandations formulées par la Commission ne sont pas de nature criminelle pas plus qu'elles ne visent à évoquer une quelconque culpabilité sur le plan criminel. Une enquête sur une plainte du public concernant le recours à la force fait partie du processus quasi judiciaire, dans le cadre duquel on tient compte des éléments de preuve selon la prépondérance des probabilités. Même si certains des termes utilisés dans le présent rapport peuvent aussi être utilisés dans un contexte criminel, leur utilisation ne vise aucunement les exigences du droit pénal en ce qui a trait à la culpabilité, à l'innocence ou à la norme de preuve.

[13] L'enquête du coroner sur la mort de M. Matters a été effectuée à Prince George (Colombie-Britannique) en octobre 2013 et a pris fin en janvier 2014. Une telle enquête vise à déterminer de quelle façon, quand, à quel endroit et par quels moyens la personne est décédée. Même si le mandat d'une telle enquête est relativement limité, j'ai considéré que les preuves entendues constituaient une part importante du processus de recherche des faits relatifs à la mort de M. Matters. C'est pourquoi la Commission a examiné l'ensemble des témoignages fournis dans le cadre de l'enquête.

[14] Les circonstances de la mort de M. Matters ont également été passées en revue dans le cadre d'un examen par un agent indépendant (EAI), qui a été mené par le surintendant de la GRC Timothy Head à Kelowna, en Colombie-Britannique. Il a publié un rapport daté du 9 mars 2014. L'EAI est un examen administratif interne. Le rapport d'EAI indique que le mandat général consistait à mener une enquête d'établissement des faits pour garantir ce qui suit :

  • une enquête approfondie, professionnelle et impartiale a été menée par les membres du détachement de Prince George au sujet des circonstances précédant la fusillade où des membres de la GRC sont en cause;
  • la formation, les compétences en matière de sécurité des policiers, les procédures et les tactiques approuvées et les politiques étaient appropriées et ont été respectées;
  • les renseignements pertinents ont été transmis aux organismes tels que l'IIO de la C.-B. et le bureau du coroner;
  • les renseignements pertinents ont été transmis à la Commission pour son enquête d'intérêt public;
  • la conduite des membres était conforme à la Loi sur la GRC et à son règlement d'application.

[15] Je ferai un renvoi aux conclusions et aux recommandations de l'EAI tout au long du présent rapport, lorsqu'elles s'appliqueront aux questions examinées.

[16] Il convient de noter que la Division « E » de la GRC a pleinement coopéré avec la Commission pendant le processus d'enquête d'intérêt public concernant une plainte déposée par le président. De plus, l'IIO a accordé à la Commission un accès sans restrictions à tous les documents contenus dans son dossier d'enquête. À moins d'avis contraire, les membres nommés dans le présent rapport sont désignés en fonction de leur grade au moment de l'incident.

[17] L'exposé des événements qui suit découle des témoignages fournis dans le cadre de l'enquête criminelle et de l'enquête d'intérêt public. Je présente ces faits, car ils ne sont pas contestés ou, selon la prépondérance de la preuve, je considère qu'ils décrivent de façon fiable ce qui est arrivé. Une liste des principaux membres de la GRC en cause dans l'incident se trouve à l'annexe D.

Contexte

[18] M. Matters est né et a grandi dans la ferme familiale à Pineview, à 15 minutes en voiture de Prince George, en Colombie-Britannique. M. Matters a quitté Pineview afin de servir dans les Forces canadiennes. Il a passé 15 ans dans l'armée avant de rentrer chez lui en juillet 2009. Lorsqu'il a été libéré du service, M. Matters présentait un état de stress post-traumatique (ESPT). Il avait reçu des traitements au Nouveau-Brunswick avant sa cessation d'emploi, mais quand il est rentré à la ferme familiale en Colombie-Britannique, il a été plus difficile de trouver de l'aide. En 2011, grâce aux efforts de sa sœur, M. Matters est devenu un patient du Dr Greg Passey, de Vancouver.

[19] Pendant qu'il habitait à Pineview, M. Matters s'est livré à des activités qui ont attiré l'attention de la GRC. M. Matters était mécontent qu'une plainte du public qu'il avait déposée contre des agents de la GRC au Nouveau-Brunswick n'ait pas été réglée comme il l'avait espéré. Il a proféré des menaces contre le président intérimaire de la Commission des plaintes du public contre la GRC de l'époque et a été arrêté. Il a ensuite envoyé des courriels de harcèlement à son ancienne psychiatre au Nouveau-Brunswick. Il a par ailleurs critiqué la façon dont le procureur de la Couronne a fait allusion à lui dans le cadre des observations présentées au tribunal et il a également menacé cette personne.

[20] En outre, M. Matters a menacé de tuer des membres de la GRC. Ces menaces lui ont valu une réputation auprès des policiers travaillant à Prince George. Il a été averti au sujet de cette réputation au cours d'une entrevue menée par le caporal Ryan Arnold en juin 2011. Il se trouve que le caporal Arnold était le chef d'équipe du GTIDN en septembre 2012. M. Matters a passé du temps sous garde et a fait l'objet d'une évaluation pendant qu'il était au centre correctionnel régional de Prince George.

[21] M. Matters et son frère Trevor, qui réside à Prince George, étaient propriétaires d'une partie de la ferme familiale. Ils ne pouvaient jamais s'accorder sur ce qui devrait être fait avec la propriété, et ce désaccord était la source de problèmes entre eux. Avant septembre 2012, il y a eu deux incidents documentés de violence entre les frères. Dans les deux cas, les incidents s'étaient produits après que Trevor était venu à la résidence où M. Matters vivait avec sa mère. En mai 2011, une altercation a éclaté à la résidence des Matters, et M. Matters a ensuite été accusé d'avoir agressé Trevor. Lorsque cette accusation a été instruite, le juge a acquitté M. Matters et a soumis M. Matters et Trevor à des engagements de ne pas troubler l'ordre public en vertu de la common law, assortis de conditions d'interdiction de contact ou de communication entre eux, sauf pendant l'arbitrage du litige lié à la propriété.

[22] Trevor, insatisfait d'être lié par une telle ordonnance, a retenu les services d'un avocat et a présenté à la Cour suprême de la Colombie-Britannique une demande visant à faire annuler l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Cette demande a été accueillie le 20 août 2012. M. Matters n'a apparemment pas été informé de l'audience ou de l'issue dans les jours précédant l'incident en question. Il a continué de croire que Trevor était lié par les conditions de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public.

Lieu de l'incident

[23] Du début à la fin, cet incident était centré sur deux propriétés et autour de celles-ci, lesquelles appartiennent depuis longtemps à la famille Matters. En 1953, les grands-parents de M. Matters ont construit une maison sur une section de terrain dans la collectivité de Pineview, près de Prince George. Cette section a ensuite été subdivisée, et le père et la mère de M. Matters, Lorraine Matters, ont construit leur propre maison, à côté. En septembre 2012, la propriété familiale des grands-parents était inoccupée. La propriété se compose d'un quart de section de terrain mesurant 156,37 acres, selon les registres des biens de la C.-B. La propriété donne sur le chemin Pinko et est bordée à l'est par la promenade Alpine. Plusieurs bâtiments abandonnés se dressent sur la propriété. L'accès aux bâtiments s'effectue par une allée à l'est du chemin Pinko. Les bâtiments sont également accessibles par un sentier. Avant la mort de M. Matters, la propriété familiale des grands-parents appartenait conjointement à M. Matters et à Trevor Matters.

[24] La maison de Lorraine Matters est située au nord de la propriété familiale des grands-parents. Le 9 septembre 2012, M. Matters vivait avec sa mère. Trevor possède une propriété récréative située du côté est de la section familiale. Cette partie de la propriété donne sur la promenade Alpine et est également accessible par un sentier depuis la maison des grands-parents. Les propriétés sont représentées dans la photographie aérienne ci-dessous. L'emplacement de la confrontation entre M. Matters et le GTIDN est représenté par le cercle rouge.

Graphie du lieu de l'incident

Incident initial entre les frères

[25] Le samedi 8 septembre 2012, Trevor se trouvait sur une propriété récréative lui appartenant, qui est située sur la moitié arrière d'une partie de la ferme familiale. Ce soir-là, il est allé en voiture chez un voisin dont la maison est très proche de la résidence que M. Matters partageait avec sa mère. Durant la soirée, Trevor a bu plusieurs verres. À trois heures du matin, Trevor a quitté la maison de son ami et s'est rendu en voiture sur la propriété de sa mère avec l'intention déclarée de vouloir parler à sa mère.

[26] Selon Lorraine Matters, celle-ci dormait dans son lit lorsque son fils, Trevor, s'est engagé sur la propriété. Elle a été réveillée lorsque M. Matters s'est levé de son lit pour voir ce qui se passait à l'extérieur. Ils ont vu un véhicule bruyant, petit, dans la cour. M. Matters a expliqué que le véhicule effectuait des « dérapages en cercle ». Lorraine Matters a par la suite dit qu'elle l'a vu faire un cercle et rouler jusqu'au chemin Pinko.

[27] M. Matters a dit à sa mère qu'il allait découvrir qui se trouvait à bord du véhicule; il est entré dans la camionnette de sa mère et a conduit le long du chemin Pinko, à la poursuite du véhicule. À une certaine distance de la résidence, il a rattrapé le véhicule, un Suzuki Samurai, qui n'était pas immatriculé pour rouler sur la chaussée. M. Matters a doublé le Samurai et a tenté de le faire s'immobiliser. Trevor a voulu contourner la camionnette, et une collision s'est produite. Trevor a continué puis a tourné à gauche sur la promenade Alpine, avec M. Matters à sa poursuite.

[28] À environ 200 mètres sur la promenade Alpine, M. Matters a effectué une manœuvre pour que sa camionnette entre en contact avec l'arrière du Samurai, et il a poussé le véhicule hors de la route, dans le fossé sur le côté droit. Trevor a dit qu'il n'a pas été blessé quand le Samurai est entré dans le fossé, mais il a eu peur. M. Matters est alors sorti de son véhicule pour se diriger vers le côté conducteur du Samurai. Ce qui s'est passé ensuite n'est pas clair. Selon Trevor, lorsque M. Matters est arrivé à la fenêtre de son véhicule, M. Matters a commencé à le frapper à la tête. Ce qui est certain, c'est que Trevor a été frappé au visage et a subi des blessures légères. Dans une déclaration écrite, M. Matters a mentionné qu'il essayait de s'emparer des clés de la voiture pour empêcher Trevor de partir. Trevor a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Quand il a commencé à me frapper, il m'a frappé environ trois ou quatre fois, et j'ai fini par lui crier : « Je suis ton frère. Je suis ton frère. » Et j'ai levé le bras, contre la fenêtre, afin qu'il ne puisse plus me frapper à la tête. Et il a commencé à me frapper le bras. Et je pense que c'est à ce moment... je suppose que c'est à ce moment, car je ne pouvais pas voir parce que je faisais face au nord, que Steve arrive, et je suppose que c'est à ce moment que Steve arrive...

[29] Steven Pelletier, un membre de la GRC qui n'était pas en service, a été réveillé par le bruit sur la route; il s'est habillé et est sorti pour voir ce qui s'était passé. Le gendarme Pelletier a trouvé la camionnette Dodge de M. Matters sur la chaussée. Au début, lorsqu'il s'est approché, il n'a pas vu le Samurai dans le fossé. Voici ce dont se souvient le gendarme Pelletier :

[Traduction]

Alors après avoir vu le camion de Greg sur la route, il était... comme je l'ai dit, il était légèrement... légèrement tourné vers le fossé du côté est. Et à mesure que je me rapprochais, Greg criait... appelle les flics; j'ai une ordonnance de non-communication contre ce type. Et jusqu'à ce moment-là, je n'ai pas vu d'autres véhicules ou quelqu'un d'autre. Et dans la direction où Greg hurlait et pointait, derrière un grand arbre – pas un arbre, mais une sorte d'arbuste ou quelque chose dans le fossé, juste à droite, juste à côté de mon entrée, il y avait ce petit... ce petit véhicule. Et je l'ai associé au même véhicule parce qu'il avait des... de gros phares tout-terrain sur le dessus, et à ce moment-là, j'ai vu Trevor qui commençait à sortir du véhicule.

[30] Quand le gendarme Pelletier a pris des mesures pour séparer les frères, M. Matters est devenu agressif et a fait tomber la lampe de poche que tenait le gendarme Pelletier. Ensuite, M. Matters est parti en disant qu'il allait appeler la police. Le gendarme Pelletier a noté ce qui suit dans son rapport sur l'incident :

[Traduction]

T. MATTERS a dit que Greg l'avait frappé au visage.
Le gendarme PELLETIER a aperçu le véhicule de T. MATTERS à la verticale dans le fossé et qui avait également deux gros phares tout-terrain sur le toit.
Le gendarme PELLETIER a constaté que le devant du camion de G. MATTERS semblait avoir un feu de signalisation brisé du côté passager. Le gendarme PELLETIER a vu un petit morceau de verre orange qui pendait.
Le gendarme PELLETIER a tenté de calmer G. MATTERS et lui a demandé de lui dire ce qui se passait et de s'éloigner de T. MATTERS. G. MATTERS était assez fâché et a continué d'ordonner au gendarme PELLETIER d'appeler les policiers puisqu'il a une ordonnance de non-communication contre T. MATTERS.
Le gendarme PELLETIER a questionné G. MATTERS à propos de ce qui s'était passé. G. MATTERS a dit que ce type effectuait des dérapages en cercle dans son entrée et qu'il l'avait poursuivi. G. MATTERS a de nouveau ordonné au gendarme PELLETIER d'appeler les policiers.

[31] Le gendarme Pelletier a amené Trevor chez lui et lui a dit d'attendre près du porche pendant qu'il rentrait pour téléphoner. Le gendarme Pelletier a alors appelé la police. Dans l'intervalle, Trevor est reparti à pied vers sa propriété récréative. M. Matters est rentré chez lui et a également appelé la police pour se plaindre que Trevor avait violé l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Il parlait au téléphone avec un opérateur 911 au même moment où le gendarme Pelletier était au téléphone avec un répartiteur de la police. M. Matters a signalé ce qui suit :

[Traduction]

APPELANT [M. MATTERS] : Mon frère est venu ici, ivre, dans son véhicule, effectuer des dérapages en cercle dans la cour, et je l'ai poursuivi. Je l'ai rattrapé sur la route, et il est maintenant réfugié chez un de ses voisins.
[...]
RÉPARTITEUR 911 : Donc, il s'est présenté ivre chez vous et a effectué des dérapages en cercle dans votre cour?
M. MATTERS : Oui.
RÉPARTITEUR 911 : Pourquoi a-t-il fait cela?
M. MATTERS : Il l'avait déjà fait avant, mais j'ai obtenu une ordonnance de non-communication contre lui cette fois-ci.
RÉPARTITEUR 911 : Pourquoi aurait-il fait cela?
M. MATTERS : Parce qu'il est idiot. Il – nous avons obtenu une ordonnance de non-communication contre lui, et il n'aime pas l'idée. Alors, maintenant, il fait seulement ce qu'il peut. Il pensait qu'il pourrait s'en tirer. Il a accéléré pour quitter les lieux en (inaudible).
RÉPARTITEUR 911 : Et, maintenant, où est-il?
M. MATTERS : Il est dans le fossé, juste sur Alpine.
RÉPARTITEUR 911 : Alors, il a eu un accident?
M. MATTERS : Oui.
[...]
M. MATTERS : J'ai tenté de couper le contact de son véhicule, il ne voulait pas le faire. J'ai tenté de marcher [...] en criant aux voisins d'appeler la police. Le voisin est enfin venu avec la lampe de poche, et je lui ai dit « appelle la police, appelle la police ». Et il essaie de s'en mêler, et j'en ai simplement eu assez. Il n'appelle pas la police, et je me suis dit bien, j'arrive – je suis retourné à la maison et je vous ai appelé moi-même.
[...]
RÉPARTITEUR : D'accord, nous nous rendons sur place.
S'il y a des changements, rappelez-moi, d'accord?
M. MATTERS : Je le ferai. Si – oui. Je... j'essaierai – voulez-vous que je sois sur les lieux ou voulez-vous seulement que je vous dirige à partir de mon entrée?
RÉPARTITEUR 911 : Si votre présence risque de causer des problèmes, alors peut-être pas.
M. MATTERS : Non, mais – je veux que – j'avais déjà eu un problème avec lui depuis que j'ai obtenu cette ordonnance de non-communication, et j'ai laissé faire, comme un avertissement, mais plus maintenant. Je suis juste – c'est tout simplement inacceptable, vous savez.

[32] Le répartiteur du centre de transmissions a également dit au gendarme Pelletier que des unités seraient envoyées dès que quelqu'un serait disponible. Le gendarme Pelletier a demandé que les unités d'intervention arrêtent à sa résidence afin de pouvoir les informer de ce qui s'était passé.

[33] Aucune unité n'avait été envoyée vers 3 h 21 lorsque M. Matters a composé le 911 une deuxième fois. Il a demandé si la police était en route, et on lui a dit que ça prendrait encore un peu de temps. M. Matters s'est dit préoccupé par le fait que son frère avait bu et conduit et qu'il y avait un tas de ferraille dans le fossé. Il a dit que le voisin, qui était peut-être un policier, avait l'air de protéger Trevor. M. Matters a demandé s'il avait besoin d'aller [traduction] « sécuriser les lieux ou quelque chose » afin que Trevor ne s'en tire pas sans être puni; il a ajouté qu'il avait un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Le répartiteur lui a dit que la police se rendrait sur les lieux dès que quelqu'un serait disponible, qu'un policier qui n'était pas en service était au courant de l'incident et serait à la disposition des membres en service. M. Matters a réitéré que son frère [traduction] « faisait ce genre de choses depuis des années » et qu'il fallait intenter une poursuite cette fois-ci; il avait déjà averti son frère.

Enquête sur un incident lié à un véhicule automobile

[34] Pendant qu'il était en communication avec l'opérateur 911 pour la deuxième fois, M. Matters a reçu un appel du gendarme Nathan Poyzer, qui a été envoyé sur les lieux de l'incident. Le gendarme Poyzer a noté la conversation dans son rapport de la façon suivante :

[Traduction]

Le gendarme POYZER a communiqué avec Gregory par téléphone en route vers l'endroit du véhicule tombé dans le fossé. Gregory a expliqué avoir vu le véhicule dans sa cour effectuer des dérapages contrôlés en cercle, et lorsque le véhicule est parti, il est monté à bord de son camion et a commencé à le poursuivre. Gregory a dit avoir utilisé son camion pour heurter le véhicule de Trevor, et celui-ci s'est finalement retrouvé dans un fossé, sur la promenade Alpine. Quand on lui a demandé pourquoi il avait poursuivi le véhicule, Gregory a dit que c'était la seule façon d'obtenir justice, car la police mettrait trop de temps avant d'arriver.

[35] Les gendarmes Poyzer et Jason Dickinson sont arrivés sur les lieux vers 3 h 38. Dans son rapport, le gendarme Pelletier a noté qu'il a rencontré, à 3 h 45 dans son entrée, les membres qui sont intervenus. Voici ce que le gendarme Pelletier a écrit :

[Traduction]

Vers 3 h 45, le gendarme PELLETIER a aperçu les gendarmes POYZER et DICKINSON qui longeaient l'entrée du gendarme PELLETIER. Le gendarme PELLETIER a expliqué aux membres en service ce qui était arrivé et les a dirigés vers ce que le gendarme PELLETIER croyait être l'entrée de T. MATTERS.

Le gendarme DICKINSON a cru qu'il connaissait T. MATTERS et en a donné une description. La description faite par le gendarme DICKINSON correspondait exactement à l'homme à qui le gendarme PELLETIER avait eu affaire.

[36] À 3 h 46, peu après l'arrivée des gendarmes Poyzer et Dickinson sur les lieux, promenade Alpine, les opérateurs 911 ont reçu un troisième appel de M. Matters. Il se disait inquiet du fait que son frère n'était pas sous garde, laissant entendre que celui-ci pouvait avoir accès à des armes à feu et que, s'il était fâché en raison de l'incident, il pourrait s'emparer d'une arme et se rendre à la résidence des Matters. La répartitrice lui a dit qu'elle n'était pas sûre si Trevor était sous garde à ce moment-là, mais que dès que les membres en auraient l'occasion, ils l'appelleraient. Je souligne que M. Matters n'a pas exprimé de préoccupations quant à sa sécurité au cours de ses appels précédents à la GRC. Il n'a pas non plus exprimé d'inquiétude quant à sa sécurité lorsqu'il a parlé à l'agent responsable de l'enquête, le gendarme Poyzer. Les membres ont localisé Trevor peu de temps après.

[37] Ensuite, vers 3 h 59, les gendarmes Poyzer et Dickinson, à bord de leurs véhicules de patrouille identifiés, ont emprunté la promenade Alpine et ont tourné dans l'allée menant à la propriété récréative de Trevor Matters. Trevor n'était pas rentré chez lui, mais se cachait du côté opposé de la promenade Alpine, près d'une allée menant à la maison d'un autre voisin. Le gendarme Poyzer a trouvé l'épouse de Trevor, qui a donné le numéro de téléphone cellulaire de Trevor. Trevor a répondu lorsque les membres l'ont appelé et a accepté de les rencontrer. Trevor a ensuite expliqué à l'enquêteur de la Commission la raison de ses actes de la façon suivante :

[Traduction]

ENQUÊTEUR DE LA COMMISSION : Pendant qu'il [le gendarme Pelletier] était au téléphone, pourquoi êtes-vous parti?

TREVOR MATTERS : Euh, il a dit qu'il allait appeler le 911. Euh, j'étais là debout. Greg... Greg était parti. J'ai... ma femme était... chez nous. Et j'étais inquiet que Greg revienne; et s'il allait là, ma femme était seule, et je ne savais pas ce qu'il allait faire. Cette colère était toujours dans mon esprit. Alors dès que Steve est entré dans la maison, il a dit qu'il appelait le 911, je suis descendu vers ma maison.
[...]
TREVOR MATTERS : Je suis remonté vers mon entrée et j'ai tourné le coin parce que le chemin va à droite. Et j'étais debout, là. Et juste pour voir si Greg allait venir dans l'entrée, ce qui allait arriver. Et j'étais debout là, jusqu'à ce que la police arrive.
[...]
ENQUÊTEUR DE LA COMMISSION : Bien. Euh, alors, pourquoi êtes-vous allé là plutôt qu'à la maison si vous étiez inquiet pour la sécurité de votre femme?

TREVOR MATTERS : Je n'étais pas certain... si Greg allait revenir. Je voulais être près de chez Jim parce que... parce que, vous savez, c'est un shérif, il connaissait Greg parce que... nous avons parlé plus tôt, des mois auparavant. Alors j'étais tiraillé entre surveiller mon entrée et mêler Jim à cette affaire.
[...]
TREVOR MATTERS : [...] Je ne voulais pas que Greg ait des problèmes. Je ne ... j'ai pensé qu'il irait à la maison et qu'il comprendrait, le matin. Simplement comprendre. Mais je veux dire, pas tout de suite, mais je pensais qu'il irait juste à la maison et que ça serait réglé. Puis Steve avait appelé le 911, alors s'ils étaient pour s'occuper de lui de quelque façon que ce soit, j'étais juste... j'étais juste assis sur le chemin, en état de choc, et ne savais pas quoi faire ou...

[38] Comme le gendarme Dickinson connaissait Trevor, le gendarme Poyzer, qui était l'enquêteur principal, était satisfait que le gendarme Dickinson mène une entrevue enregistrée avec Trevor. N'ayant toujours pas eu de nouvelles du gendarme Poyzer depuis leur conversation initiale, M. Matters a appelé une quatrième fois le 911, voulant savoir s'il y avait du nouveau et pour dire qu'il était inquiet que personne ne le rappelle. Le répartiteur lui a dit que les membres étaient très occupés à Prince George et qu'il devrait appeler le numéro qui n'est pas réservé aux urgences et laisser un message afin que quelqu'un le rappelle pour faire le point sur le dossier. Le gendarme Poyzer a été informé de l'appel par le répartiteur.

[39] À peu près au même moment, le gendarme Dickinson enregistrait une déclaration audio dans son véhicule avec Trevor Matters, qui a donné son récit des événements, comme il a été indiqué précédemment dans le présent rapport. Il a supposé que l'autre véhicule était conduit par son frère parce qu'il quittait la résidence des Matters, mais il n'en était pas certain jusqu'à ce que M. Matters soit sorti et se soit approché de son véhicule. Trevor a mentionné qu'il n'avait jamais rencontré le gendarme Pelletier auparavant. Pendant sa déclaration au gendarme Dickinson, il a expliqué que M. Matters avait heurté les roues arrière de son véhicule, ce qui l'avait projeté sur le côté. La deuxième fois, il l'a frappé sur le côté et poussé dans le fossé. Trevor a expliqué qu'il y avait un engagement de ne pas troubler l'ordre public l'empêchant d'aller à la résidence, mais cet engagement avait été annulé. C'est pourquoi il se sentait à l'aise d'aller voir sa mère. Quand on lui a posé la question, il a répondu qu'il n'était pas certain si M. Matters savait que l'engagement de ne pas troubler l'ordre public avait été annulé, car il n'était pas à l'audience.

[40] Le gendarme Dickinson a également pris une photo des blessures au visage subies par Trevor pendant l'incident.

[41] À 5 h 14, M. Matters a fait un cinquième appel au centre d'appels 911, en demandant si la police avait trouvé son frère. Le répartiteur lui a rappelé de ne pas composer le 911 pour avoir des nouvelles. M. Matters s'est excusé du dérangement, mais il a dit que le numéro 911 était plus facile à mémoriser. Il a dit que si la police cherchait Trevor, il savait où il était.

[42] Quelques minutes plus tard, le répartiteur de la police a eu une conversation téléphonique avec le gendarme Poyzer et a transmis le message de M. Matters. Après cette conversation, vers 5 h 23, le gendarme Poyzer a téléphoné à M. Matters. Dans son rapport, le gendarme Poyzer a consigné la description de cet appel téléphonique de la façon suivante :

[Traduction]

Le gendarme POYZER a informé Gregory que l'enquête était en cours et que Trevor n'avait pas été arrêté. Gregory est devenu furieux en entendant cela et a proféré plusieurs menaces à l'endroit de la police et de Trevor, disant qu'il tirerait sur Trevor si jamais il le revoyait et que, si la police ne s'occupait pas de lui, alors il s'en chargerait. Gregory a continué à fulminer et a dit que si quelqu'un venait dans sa cour et le menaçait, il l'abattrait. Gregory a également fait allusion à la police se présentant à sa résidence et a dit que si quelqu'un pointait un fusil sur lui, notamment un policier, il l'abattrait.

Le gendarme POYZER a parlé avec Gregory pendant un moment encore et l'a informé que l'enquête prendrait du temps et que des éléments de preuve seraient recueillis, ce qui comprenait une visite à sa résidence pour voir les « dérapages en cercle » dans la cour. Gregory a commencé à se calmer et a dit que ça ne serait pas un problème que des policiers viennent chez lui et qu'il serait à leur disposition. À la fin de la conversation, Gregory semblait moins inquiet, et il était plus agréable de parler avec lui. Pendant qu'il parlait avec Gregory, le gendarme POYZER a constaté que son comportement changeait rapidement : calme, il s'échauffait jusqu'à crier au téléphone. Le comportement de Gregory changeait sans avertissement et semblait être provoqué de manière inattendue.

[43] À 5 h 32, à peu près au moment où le gendarme Poyzer a indiqué qu'il avait téléphoné à M. Matters, la répartitrice de la police a contacté le gendarme Poyzer par radio pour vérifier sa position. L'enregistrement de la répartitrice a saisi une partie de la conversation de fond, qui est reproduite ci-dessous :

[Traduction]

RÉPARTITRICE : Alpha 6 et Alpha 22, Prince, vérification.
(VOIX DE FOND) Les gars, pourquoi protégez-vous Trevor?

[44] Lorsque le gendarme Poyzer a parlé avec M. Matters, celui-ci s'est fâché quand il a appris que Trevor n'était pas sous garde pour violation de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Il a proféré plusieurs menaces, que le gendarme Poyzer a consignées dans son calepin et dans son rapport. M. Matters a apparemment dit qu'il abattrait quiconque viendrait sur sa propriété et le menacerait. Cela comprenait la police. M. Matters a également dit au gendarme Poyzer que, si la police ne s'occupait pas de Trevor, alors il s'en chargerait.

[45] Avant de terminer son quart de travail, le gendarme Poyzer a soumis un rapport sur l'incident, qui comprenait un commentaire « transfert de dossier » demandant aux membres de se rendre au 10680, chemin Pinko et d'arrêter M. Matters pour conduite dangereuse, agression armée, voies de fait et violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public; de bien noter les marques de dérapage en cercle dans la cour de l'accusé; et de photographier le véhicule de M. Matters, car il a été utilisé pour forcer le véhicule de la victime à quitter la route et peut représenter une preuve à cet égard. Le commentaire n'incluait pas de demande afin que le Service de l'identité judiciaire photographie les lieux ou prenne des photos et recueille des échantillons sur le Samurai. Le gendarme Poyzer a exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas intenter de poursuites contre Trevor pour des infractions relatives à la conduite d'un véhicule pendant l'incident.

[46] Le chef de veille du quart de jour a téléphoné au sergent d'état-major Brad Anderson, qui était l'agent des opérations du détachement. Le sergent d'état-major Anderson connaissait la famille Matters en raison d'une situation antérieure, où la police avait saisi les armes à feu dans la maison pendant que M. Matters était sous garde. Le sergent d'état-major Anderson a établi un plan et demandé aux membres de communiquer avec M. Matters afin qu'il vienne au détachement. Sinon, les membres se rendraient à la résidence et tenteraient une arrestation s'ils pouvaient le faire sans danger.

[47] Dans la matinée, Trevor est revenu sur les lieux, a sorti le Samurai du fossé et l'a ramené à sa propriété récréative. À ce moment-là, aucune photographie n'avait été prise du véhicule ou des lieux. Dans l'après-midi, M. Matters et Lorraine Matters sont montés dans la camionnette avec l'intention de se rendre au détachement pour déposer la déclaration de M. Matters. Malheureusement, ils ont dû faire demi-tour et rentrer à la maison parce que les dégâts causés à l'avant gauche du camion auraient rendu la conduite dangereuse. Le seul autre véhicule à leur disposition était une fourgonnette achetée récemment qui n'était pas encore immatriculée.

[48] Le gendarme Kyle Sharpe a été chargé de faire le suivi et de procéder à l'arrestation, comme l'avait demandé le gendarme Poyzer. Le gendarme Sharpe a téléphoné à M. Matters à 11 h 14 le 9 septembre et a fait plusieurs autres appels à ce numéro tout au long de la journée. Son rapport indique ce qui suit :

  • Il a fait plusieurs appels à la résidence des Matters tout au long de la journée et a parlé avec la mère de M. Matters, Lorraine Matters.
  • Dans l'après-midi, il a été en mesure d'entrer en contact avec M. Matters, qui a d'abord accepté de se présenter au détachement pour donner une déclaration et fournir une copie de son engagement de ne pas troubler l'ordre public, qui est en vigueur.
  • Plus tard, M. Matters a fait savoir qu'il ne pourrait pas se présenter au détachement en raison de problèmes de véhicule, mais que la police pouvait se rendre chez lui pour récupérer l'engagement de ne pas troubler l'ordre public et une déclaration écrite à la main qu'il avait préparée.
  • Il a été prévu que le gendarme Sharpe se rende à la résidence des Matters avec un autre membre, et qu'un membre des Services cynophiles soit disponible en renfort.
  • Arrivé dans le secteur, le gendarme Sharpe a appelé M. Matters et lui a demandé de venir à la rencontre des membres au bout de son entrée et de leur faire signe. M. Matters a fait signe aux gendarmes Sharpe et Jared Sweeney; lorsqu'ils ont quitté leur véhicule, M. Matters est remonté dans son entrée.
  • M. Matters a fourni une déclaration écrite à la main et une copie d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public.
  • En tout temps, lorsque les membres se trouvaient sur la propriété, M. Matters a gardé ses distances et n'a permis à aucun des deux membres de se placer entre lui et la résidence. Il a fini par reculer jusqu'à la porte de la résidence.
  • Lorsque le gendarme Sharpe a demandé à M. Matters de lui montrer les dérapages contrôlés en cercle dans l'entrée, ce dernier n'a pas voulu s'éloigner de la porte. Il a indiqué son camion, que le gendarme Sharpe a inspecté en prenant des notes. (Son rapport indique qu'il a constaté des dommages le long du côté conducteur, depuis le phare avant et tout le long de la porte. Le pare-chocs avant était fendu au milieu, et la plaque d'immatriculation n'y était plus.)
  • Le gendarme Sharpe a constaté que M. Matters avait un comportement étrange, qu'il était nerveux et croyait que la police était là pour l'appréhender.

[49] Le gendarme Sharpe a fait remarquer que, en raison des antécédents de M. Matters et de l'accès à des armes éventuelles (démonte-pneus, marteaux, haches, etc.), directement à sa portée, il n'était pas sécuritaire pour les membres de tenter de procéder à une arrestation à ce moment-là. Ils ont décidé de quitter le secteur. En aucun temps le gendarme Sharpe n'a dit à M. Matters qu'ils étaient là pour l'arrêter.

[50] Voici la déclaration écrite à la main, obtenue de M. Matters, et datée du 9 septembre 2012 :

[Traduction]

Déclaration de Greg Matters – 9 septembre 2012
Plus tôt aujourd'hui, vers 3 h 40, j'ai été réveillé par un véhicule entrant dans la cour et dont le moteur tournait à régime élevé. Le véhicule s'est mis à effectuer des cercles serrés dans la cour, puis a décollé vers le sud, sur le chemin Pinko. Notez que j'ai rapidement décidé de me lancer à sa poursuite, car il semblait qu'un crime venait juste d'être commis, et aucun policier avec qui communiquer ne se trouvait dans les environs. J'ai rattrapé le véhicule près de la promenade Alpine, remarquant qu'il n'avait pas de plaque d'immatriculation – j'ai vu une possibilité de le doubler, et je l'ai donc fait; quand j'ai ralenti pour que le véhicule s'immobilise, celui-ci s'est déplacé de façon agressive à ma droite, où il y a surtout un fossé, et n'est passé qu'après avoir heurté mon véhicule (égratignant le côté, brisant l'aile de plastique attachée et déformant le pare-chocs). Au sommet de la colline, il semblait vouloir entrer chez quelqu'un (maintenant, avec le recul, il a peut-être pensé que l'entrée était le chemin Grave, pas très loin sur la droite). Ne voulant pas que cette poursuite continue vers une maison voisine, je suis entré en contact avec le véhicule (plus en le poussant qu'en le heurtant), et celui-ci est allé dans les saules, à côté de l'entrée. Je suis sorti avec ma lampe de poche et j'ai remarqué que le conducteur était Trevor Matters. Auparavant, après plusieurs incidents impliquant Trevor, j'ai demandé à un juge une ordonnance de non-communication/un engagement de ne pas troubler l'ordre public en vertu de la common law, et la demande a été accueillie. Trevor a violé l'engagement la première semaine (message sur l'enregistreur téléphonique à la maison), et un policier a adressé un avertissement à Trevor. Cela est évidemment plus grave et exige une action en justice appropriée. Pendant qu'il était dans les saules, Trevor a tenté de s'échapper; je me suis battu pour obtenir les clés et j'y suis parvenu après avoir pris quelques coups de poing à la tête.

Trevor est sorti du véhicule, et à ce moment-là, un homme d'une maison proche est venu avec une lampe de poche – je lui ai demandé s'il avait appelé la police, et il a dit non. Quand je lui ai demandé de le faire, il n'a pas réagi. Trevor a ensuite parlé (odeur d'alcool très évidente), mentionnant que le gars porte un uniforme – ce qui m'a donné l'impression que les deux se connaissaient, alors je suis parti pour aller téléphoner. J'ai téléphoné au 911 de nombreuses fois (veuillez m'excuser si j'ai téléphoné trop souvent). J'avais besoin de savoir si Trevor était sous garde ou à quel moment il le serait. Depuis des années, je ne me sens pas à l'aise dans ma propre maison (et ma mère est stressée). Veuillez faire en sorte que Trevor cesse ce comportement continuel. Je ne veux pas prendre de mesures défensives à l'avenir – empêchez-le de violer la vie privée des gens chez eux ou dans leur propre maison.
Greg Matters
250-963-7337
10680, chemin Pinko, Prince George (C.-B.)
V2N 5V8
P.-S. – J'ai toujours l'enregistrement de l'incident qui a eu lieu plus tôt cette année.

Négociations continues avec M. Matters avant le déploiement du GTI

[51] À titre d'agent intérimaire des opérations, le sergent d'état-major Anderson était chargé de surveiller le travail des membres aux services généraux au sein du détachement. Au cours de la présente enquête, il a participé directement à l'établissement de la stratégie d'arrestation de M. Matters et a pris part aux négociations directes avec lui. Le sergent d'état-major Anderson a été informé dans la matinée du 9 septembre 2012 et a fourni des conseils au chef de veille. Le sergent d'état-major Anderson s'est souvenu qu'il avait déjà eu affaire à la famille Matters au sujet de la saisie d'armes à feu à la résidence du chemin Pinko. Le sergent d'état-major Anderson est resté en contact avec les membres pendant toute cette journée (qui était son jour de congé) et a reçu environ trois autres mises à jour par téléphone. Vers 17 h 30, il s'est rendu au détachement et se tenait prêt dans la salle de radio, surveillant la situation pendant que les gendarmes Sharpe et Sweeney allaient tenter de procéder à l'arrestation de M. Matters.

[52] À la suite de la tentative manquée d'arrestation, le caporal Colin Warwick est resté à la propriété afin de pouvoir observer si M. Matters quittait la résidence et d'être en mesure de faciliter une reddition en toute sécurité si les négociations aboutissaient. Le sergent d'état-major Anderson a parlé avec le surintendant Eric Stubbs vers 20 h, avant de faire son premier appel à la résidence des Matters.

[53] Le sergent d'état-major Anderson a fait son premier appel téléphonique à la résidence des Matters vers 20 h 50. Au même moment, des membres étaient en place dans le secteur du chemin Pinko, notamment le caporal Warwick. Le sergent Blaine Gervais se trouvait dans la salle de radio avec le sergent d'état-major Anderson. En raison de ses interactions passées avec M. Matters et Lorraine Matters, le sergent d'état-major Anderson était prudent. Comme il l'a dit aux enquêteurs de l'IIO lors de son entrevue :

[Traduction]

À ce stade, il n'y avait aucun moyen – vous savez, c'est un secteur rural, sombre. Sachant ce que je sais à leur sujet, je n'envoie pas mes membres à la porte pour traiter avec lui ou sa mère.

[54] Le sergent d'état-major Anderson s'est rappelé qu'il avait d'abord parlé avec M. Matters au téléphone vers 21 h 5, après avoir parlé avec Lorraine Matters. Il a raconté sa conversation de la façon suivante :

[Traduction]

J'ai ensuite demandé à parler à Greg vers 21 h 5. Un homme vient au téléphone et s'identifie comme étant Greg. Et nous commençons à parler. Je lui explique que nous devons parler de l'allégation formulée plus tôt ce jour-là concernant son frère et que l'allégation faite par Trevor est que lui, Greg, l'a poussé hors de la route et lui a fait prendre le fossé et qu'il l'a frappé au visage à plusieurs reprises.

Immédiatement, Greg devient extrêmement – très anxieux, disant qu'un engagement de ne pas troubler l'ordre public est en vigueur, que Trevor n'est pas censé être sur la propriété, que Trevor a fait peur à sa mère en venant sur la propriété à cette heure de la nuit ou le matin et en effectuant des dérapages en cercle. Greg a dit que, au début, quand cela s'est produit, il n'avait aucune idée de la personne qui se trouvait sur la propriété, et c'est pourquoi il est parti pour tenter de localiser et d'identifier cette personne.

[55] Dès le début, il a dit à M. Matters que les policiers voulaient obtenir sa version des événements et qu'ils n'étaient pas là pour lui faire du mal. Pendant l'enquête, le sergent d'état-major Anderson a déclaré qu'il a toujours été honnête avec M. Matters et sa mère au sujet de leur intention de l'appréhender. Il leur a mentionné à plusieurs reprises qu'il était là pendant son jour de congé parce qu'il voulait s'assurer que l'arrestation s'effectue pacifiquement et correctement. Il a expliqué les allégations à M. Matters, qui était clairement en colère et troublé. Ils ont parlé de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Ils ont parlé d'agriculture et d'autres choses. M. Matters avait des sautes d'humeur, et il a parlé tout à coup d'aller chercher son arme. Le sergent d'état-major Anderson s'est rappelé ce qui suit :

[Traduction]

Puis, il a commencé à me demander si Trevor avait été arrêté pour avoir pénétré dans la cour et avoir violé l'engagement de ne pas troubler l'ordre public le concernant. J'ai dit à Greg que je n'étais pas au courant de l'existence d'un tel engagement, mais cela dit, j'ai ajouté que c'est quelque chose que nous pouvons certainement suivre et examiner. Et que, s'il a contrevenu à la loi ou fait quelque chose pour enfreindre la loi, nous allons certainement faire un suivi, ce n'est pas un problème, tout ça fait partie du processus qui consiste à obtenir sa version des faits.

Je ne cessais de dire à Greg de rester calme, que nous écouterions tout ce qu'il avait à dire et que je demanderais à des enquêteurs de faire le suivi sur tout ce qu'il avait dit. Et il est demeuré tendu, puis il a juste fait une remarque : « Je vais chercher un fusil maintenant. » À la suite de ce commentaire, j'avise – pendant que je parle, le sergent Gervais est dans la pièce avec moi, donc je lui fais part de ce qui se passe afin qu'il puisse transmettre cette information aux membres qui sont sur place là-bas, pour qu'ils sachent ce qui se passe.

[56] Au cours de cette première conversation entre le sergent d'état-major Anderson et M. Matters, le sergent d'état-major Anderson a compris que le fait que Trevor n'ait pas été arrêté pour avoir violé l'engagement de ne pas troubler l'ordre public était au [traduction] « cœur de son grand problème [...] » Le sergent d'état-major Anderson a expliqué cette prise de conscience de la façon suivante :

[Traduction]

J'ai continué de parler avec Greg, sur le même ton, de la même manière. Je veux l'entendre dire ce qui se passe. J'ai demandé : « Quelles armes avez-vous dans la maison? » Et il a fait cette remarque, puis il a immédiatement commencé, à mon avis, à se calmer. Il a commencé à se détendre. Il a dit qu'il n'y avait pas de fusil dans la maison, il était juste en colère et frustré, principalement en ce qui concerne Trevor; Trevor était un menteur, dans ses mots, à propos de ce qui s'était passé.

[57] Le sergent d'état-major Anderson a ensuite expliqué à M. Matters que la police avait des motifs raisonnables et probables de l'arrêter, d'après les éléments de preuve. Après, il a dit à M. Matters qu'il voulait entendre sa version des faits. Le sergent d'état-major Anderson a déclaré :

[Traduction]

Alors, j'explique – il demande pourquoi la police se concentre sur lui, sur Greg, et je lui ai expliqué ce qu'il en était des motifs raisonnables et probables. Nous en avons discuté, et petit à petit, j'ai dit : « Vous savez, voici ce que nous avons, Greg. Nous avons une situation où, vous savez, je ne pense pas qu'il y ait grand-chose à contester ici. Vous dites que vous avez suivi quelqu'un qui sortait de la cour, que des véhicules sont entrés en contact, mais à ce stade, nous avons le véhicule de votre frère Trevor dans le fossé, nous avons des lésions corporelles au visage de Trevor et nous avons une déclaration de Trevor. C'est ce qu'on appelle des motifs raisonnables et probables. Cela nous donne des raisons pour demander l'arrestation. » J'ai ajouté que cela est loin de signifier que c'est une situation où vous serez même accusé. C'est à l'avocat de la Couronne de décider. Nous recueillons de l'information que nous transmettons à la Couronne, qui prend la décision finale, avec votre version de l'histoire. Vous savez, vous me dites que ce n'est pas ce qui est arrivé, que Trevor est un menteur. Je veux absolument entendre de votre part ce qui s'est réellement passé là-bas.

[58] Pendant cette conversation, le sergent d'état-major Anderson transmettait des détails de sa conversation téléphonique avec M. Matters aux agents entourant la résidence des Matters qui étaient prêts à appréhender M. Matters s'il sortait pour se livrer à la police. Le sergent d'état-major Anderson raconte que, vers 21 h 24, M. Matters a accepté de venir rencontrer des membres. Il a indiqué qu'il mettait ses chaussettes et ses chaussures, et le sergent d'état-major Anderson a communiqué cette information au sergent Gervais pour la transmettre aux membres. Or, M. Matters n'est pas sorti immédiatement à la rencontre des agents qui l'attendaient, et la conversation s'est poursuivie. Le sergent d'état-major Anderson a relaté ceci lors de l'entrevue :

[Traduction]

Il m'a dit qu'il était au sous-sol et qu'il allait aux toilettes. Encore une fois, il reste calme. Il dépose le téléphone pour aller à la salle de bains, puis il revient; probablement pendant les 20 minutes suivantes environ, il a continuellement parlé de son frère. Il revient au manquement à l'ordonnance de la cour, au fait qu'il n'était pas autorisé à se trouver sur la propriété de Greg.

J'ai juste continué à lui parler. Nous avons continué de parler et de parler. Encore une fois, je lui ai assuré que nous examinerions son allégation. Au cours des quelques minutes qui ont suivi, il est devenu un peu agité et il a dit : « J'apprécie vraiment que vous m'écoutiez. » Puis son niveau d'agitation augmentait, et il commençait à parler de son frère et disait : « Les gars, pourquoi vous me faites ça? »

[59] À un moment donné, M. Matters aurait déposé le téléphone, et le sergent d'état-major Anderson a entendu ce qu'il a pensé être la porte qui s'ouvrait et se fermait. M. Matters est allé dehors, mais pas pour rencontrer les agents. Il a plutôt fait une promenade. Au bout de quelques minutes, Lorraine Matters a pris le téléphone et a eu une conversation avec le sergent d'état-major Anderson. Celui-ci a raconté qu'il a demandé à Lorraine Matters s'il y avait des fusils à la propriété, et elle a dit que la police les avait saisis il y a des années; le sergent d'état-major Anderson a cru comprendre que c'était dans le cadre d'une enquête antérieure à laquelle il avait participé. Un voisin se trouvait maintenant en possession de ces fusils. Lorraine Matters lui a dit qu'elle croyait que M. Matters se promenait dans la cour arrière pour penser clairement. À un moment donné pendant la conversation, M. Matters est rentré dans la maison. Selon Lorraine Matters, et comme l'a rapporté le sergent d'état-major Anderson, M. Matters est allé dans sa chambre et a fermé la porte. Il n'a pas repris sa discussion avec le sergent d'état-major Anderson à ce moment-là. Comme l'a indiqué le sergent d'état-major Anderson au cours de son entrevue avec les enquêteurs de l'IIO :

[Traduction]

[...] J'ai vraiment senti qu'une période d'arrêt s'imposait pour qu'on puisse se calmer. Il était tout à fait évident pour moi à ce moment-là – vous savez, deux choses. Premièrement, c'est que je n'allais pas pouvoir les faire sortir de cette maison, lui ou elle, à ce moment-là. Deuxièmement, il n'était pas du tout question que j'envoie mes membres à la porte pour mettre de la pression.

[60] Le sergent d'état-major Anderson a parlé à Lorraine Matters, qui a dit qu'elle allait parler à M. Matters; elle a demandé au sergent d'état-major Anderson de rappeler dans 10 minutes, ce qu'il a fait à 22 h 3. À ce moment-là, Lorraine Matters a expliqué que M. Matters était toujours dans sa chambre. Elle a dit au sergent d'état-major Anderson que M. Matters [traduction] « ne parlerait pas ou ne s'occuperait pas de la situation jusqu'à ce que Trevor ait été arrêté ». Comme l'a indiqué le sergent d'état-major Anderson, Lorraine Matters argumentait de plus en plus avec lui au téléphone au sujet de son plan d'arrestation de M. Matters. Il croyait qu'ils avaient besoin d'une période de réflexion, et l'appel a donc été interrompu.

[61] À 22 h 42, le sergent d'état-major Anderson a rappelé. Lorraine Matters a indiqué que M. Matters était calme et regardait la télévision et lui a demandé si elle pouvait l'amener au détachement le lendemain. Le sergent d'état-major Anderson a décidé, étant donné qu'il faisait noir et qu'il ne progressait pas avec eux, et compte tenu de sa connaissance de M. Matters, qu'il était préférable d'avoir une période de réflexion, et il a accepté.

[62] Lorraine Matters a accepté d'amener M. Matters au détachement entre 10 h et midi le lendemain. Le sergent d'état-major Anderson a dit à Lorraine Matters que des membres postés dans le secteur la suivraient jusqu'au détachement quand elle quitterait la propriété avec M. Matters dans son véhicule et que M. Matters pourrait se présenter au comptoir. À l'époque, il ne croyait pas nécessaire d'effectuer une opération à haut risque. À la suite de cette dernière conversation avec Lorraine Matters, le sergent d'état-major Anderson a pris des dispositions visant à s'assurer que le périmètre autour de la résidence des Matters était sécurisé; les armes à feu de M. Matters ont été saisies auprès des voisins qui les détenaient, et un plan de sécurité a été établi avec Trevor Matters et sa famille.

[63] Aucun incident n'est survenu sur le chemin Pinko dans la nuit. En matinée, la belle-sœur de Lorraine Matters est venue la chercher pour la conduire à Prince George afin qu'elle puisse acheter l'immatriculation requise pour son véhicule. Au moment où les femmes quittaient la résidence des Matters, des membres postés sur le périmètre ont intercepté le véhicule. Leur présence a contrarié Lorraine Matters, qui leur a lancé des jurons. À 10 h, Lorraine Matters a laissé un message sur la boîte vocale pour le sergent d'état-major Anderson. Il lui a parlé à 10 h 15 et a signalé qu'elle a recommencé à argumenter sur la nécessité d'arrêter M. Matters. Elle a mentionné qu'elle avait besoin de plus de temps pour se rendre au détachement, et le sergent d'état-major Anderson a accepté, lui disant qu'il voulait qu'elle le fasse et qu'elle [traduction] « les aide à les aider, elle et son fils ».

[64] À 12 h 30, le sergent d'état-major Anderson a téléphoné à la résidence des Matters et a parlé avec M. Matters. Voici ce que le sergent d'état-major Anderson a évoqué :

[Traduction]

Il a dit qu'il ne se livrerait pas à la police à ce moment-ci avant d'avoir parlé à un avocat. J'ai dit : « D'accord, vous savez, vous parlez à un avocat. D'accord, qui est votre avocat? » Et il était très – eh bien, pas même vague. Je veux dire qu'il ne m'a pas dit qui il appelait. Je veux dire qu'il a seulement dit qu'il attendait des appels. Il est alors devenu très fâché encore une fois, immédiatement, mentionnant, encore une fois, revenant à Trevor, à l'arrestation de Trevor, le juge qui a dit à Trevor qu'il n'est pas autorisé à se trouver sur sa propriété. Trevor doit être arrêté avant qu'il fasse quoi que ce soit.

Encore une fois, nous revenons à « Vous me dites ce que Trevor a fait, nous allons faire le suivi, absolument. » Il était toujours très en colère. Je lui ai dit une fois de plus que j'allais écouter et, encore une fois, veiller à ce que sa version de l'histoire soit entendue, que nous ferons un suivi à ce sujet. Il m'a remercié en disant que son expérience avec la police par le passé n'avait pas été bonne et qu'il a appréciait que je l'écoute.

Il est resté calme pendant quelques minutes, puis il est devenu très agité de nouveau en disant : « Ma mère ne parle pas pour moi et elle n'a pas le droit de dire quand je vais venir, si jamais je viens. »

[65] Peu après cet appel, M. Matters a laissé le message suivant sur la boîte vocale, à l'intention du sergent d'état-major Anderson :

[Traduction]

Euh, bonjour M. Anderson. Euh, regardez, vous ne voulez vraiment pas vous approcher de moi sur ma propriété ou celle de ma famille. Je reconnais que vous devez mettre des véhicules sur la route, par contre je ne comprends pas vraiment pourquoi. Jusqu'à ce que je sois pleinement – vous savez, jusqu'à ce que je comprenne tout à fond, je – je – croyez-moi, d'après mes expériences passées – croyez-moi d'après mes expériences passées (rire bref), je n'ai aucune raison de faire confiance à la police. Croyez-moi. Et, vous savez – s'il vous plaît, vous ne voulez pas vous approcher de moi sur cette propriété. Et s'il vous plaît, comprenez cela. Et de toute façon j'attendrai que mon – le – pour le – qu'est-ce que c'était? Qu'un avocat me contacte; le service juridique de Chantelle.

[66] Pendant ce temps, des agents sont demeurés sur le périmètre de la résidence des Matters, sur le chemin Pinko. Sur réception du message sur la boîte vocale, le sergent d'état-major Anderson a de nouveau appelé M. Matters. Il a relaté la conversation de la façon suivante :

[Traduction]

Encore une fois, il commence à parler de Trevor qui devrait être arrêté et accusé. Ensuite, à ce stade, j'ai juste dit que nous faisons la même chose encore et encore. J'ai dit à Greg, j'ai dit : « Dites-moi exactement ce que je peux faire. Dites-lui. Dites exactement ce que je peux faire pour que cela se produise. Expliquez-le, tout simplement. Si je peux ou ne peux pas, discutons-en. Dites-moi ce qui va changer ici, comme ce que je dois faire ici. »
[...]
Il a dit : « Arrêtez Trevor. Vous devez arrêter Trevor. Vous devez me montrer qu'il va être inculpé. » J'ai dit : « Écoutez, laissez-moi aller chercher Trevor. Je vais l'amener ici. Je vais lui parler de certaines des choses que vous me dites, et s'il y a quelque chose là, absolument. En fait, si je peux m'appuyer sur une accusation contre lui, c'est ce qui se produira. » Et j'ai dit : « Vous savez, je veux mettre un terme à cela sans violence, et si c'est ce qu'il faut, je vais amener Trevor ici, et nous verrons où nous en sommes. »

[67] Le sergent d'état-major Anderson lui a dit qu'il parlerait à Trevor et qu'ils discuteraient alors de [traduction] « sa part du marché, c'est-à-dire que Greg se livre à la police et, encore une fois, sans violence ».

[68] Environ une heure plus tard, un membre en poste sur le périmètre autour de la propriété des Matters a signalé avoir vu un véhicule Subaru quitter le secteur de la résidence, à travers champs, vers la propriété familiale des grands-parents. On croyait que M. Matters était au volant. Les membres se sont dépêchés d'assurer le contrôle du périmètre. Les membres chargés du contrôle du périmètre autour de la propriété des Matters attendaient la mise sur pied du GTI. Ils étaient également préoccupés par le fait qu'il n'y avait pas assez de membres pour maintenir le contrôle du périmètre et ils ont demandé des voitures supplémentaires.

[69] Lorsque le sergent d'état-major Anderson a été informé que M. Matters conduisait son véhicule à travers champs, s'éloignant de la résidence, il a téléphoné à la résidence des Matters. Lorraine Matters lui a dit que M. Matters n'était pas dans la maison et qu'il était probablement allé à la ferme des grands-parents pour réfléchir. Le sergent d'état-major Anderson a compris qu'il s'agissait d'une propriété adjacente, accessible par les champs. Elle lui a dit que M. Matters conduisait un Subaru gris, qu'il n'avait pas d'armes et qu'il n'était pas violent. Lorraine Matters a dit que la police n'avait rien à craindre de M. Matters et a fourni au sergent d'état-major Anderson le numéro du téléphone cellulaire que M. Matters avait avec lui. Elle lui a dit : [traduction] « Greg aime discuter avec vous, voici le numéro. »

[70] Le sergent d'état-major Anderson a immédiatement composé le numéro de téléphone cellulaire, et M. Matters a répondu. Celui-ci ne voulait pas donner son emplacement exact, mais a indiqué qu'il était sur la moitié arrière de la propriété de sa mère, essayant simplement de penser clairement. Ils ont de nouveau parlé de Trevor et de l'incident, et le sergent d'état-major Anderson a répété qu'ils allaient examiner la question en détail. M. Matters a dit qu'il pourrait venir au détachement le lendemain, mais il devait être informé que Trevor avait été arrêté. À la suite de cette conversation, le sergent d'état-major Anderson a communiqué avec le surintendant Stubbs, et il a été décidé de mettre sur pied le GTIDN. Le sergent d'état-major Anderson se rappelle avoir dit au surintendant Stubbs qu'il craignait que Lorraine Matters complique la situation en défendant M. Matters et qu'ils pourraient se retrouver à traiter avec deux personnes, pas seulement une, voire même à faire face à une prise d'otage.

Déploiement du GTI

[71] Le sergent d'état-major Anderson a consulté le surintendant Stubbs, le commandant des interventions, et vers 14 h, le GTIDN a été officiellement mis sur pied. Le sergent d'état-major Anderson et le surintendant Stubbs ont également parlé de retirer Lorraine Matters des lieux au cas où ils auraient à traiter avec deux personnes au lieu d'une seule, et peut-être avec une prise d'otage. Il s'agit d'une procédure opérationnelle réglementaire dans les situations mettant en cause le GTI de tenter de retirer des personnes de la zone. Le surintendant Stubbs était d'accord. Le sergent d'état-major Anderson a envoyé des instructions selon lesquelles il fallait procéder au retrait de Lorraine Matters si l'occasion se présentait.

[72] Le surintendant Stubbs a expliqué sa décision de mettre sur pied le GTIDN. Il a fait mention de la gravité des accusations, des menaces proférées par M. Matters à l'endroit de Trevor et de l'obligation de protéger le public, puisque M. Matters avait menacé de tirer sur quiconque venait sur la propriété. Le surintendant Stubbs était particulièrement préoccupé par le fait qu'un tiers non concerné, comme un messager Purolator, un travailleur de B.C. Hydro ou un randonneur, pourrait être en danger s'il pénétrait sur la propriété.

[73] À 15 h 5, Trevor a rencontré le sergent d'état-major Anderson au détachement. La rencontre a duré 11 minutes et visait principalement à recueillir des renseignements sur l'aménagement de la résidence des Matters et de la propriété familiale des grands-parents, où M. Matters se trouvait. Le sergent d'état-major Anderson a demandé à Trevor s'il avait bu cette nuit-là, et Trevor a répondu qu'il n'avait pas bu. Le sergent d'état-major Anderson a également questionné Trevor au sujet de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, et Trevor a expliqué que M. Matters avait essayé d'en obtenir un contre lui, mais que la cour l'avait annulé.

[74] Le sergent d'état-major Anderson a appelé la résidence des Matters et a parlé à Lorraine Matters. Juste avant de raccrocher, Lorraine Matters a dit qu'elle allait se rendre à la propriété familiale pour tenter de persuader M. Matters de se livrer à la police. Immédiatement après cette conversation, elle a quitté sa résidence, a parcouru une courte distance le long du chemin Pinko et a tourné dans l'allée qui mène à la propriété familiale. Un véhicule de police conduit par le caporal Warwick s'est engagé dans l'allée, derrière elle, et a activé ses phares d'urgence. Lorraine Matters s'est immobilisée et est sortie de son véhicule. Elle a été questionnée par le caporal Warwick et arrêtée pour entrave au travail d'un agent de la paix. Elle a résisté et a été plaquée au sol de force, menottée et retirée de la zone.

[75] Le caporal Warwick a éloigné la fourgonnette de la propriété, vers un endroit sûr. Quelques instants plus tard, il a remarqué que le portail de l'entrée avait été fermé et verrouillé. Lui et le gendarme Josh Grafton ont exploré le secteur à la recherche de M. Matters et ont ensuite brisé la serrure du portail afin que celui-ci ne puisse être verrouillé.

[76] À 16 h 13, une séance d'information a été tenue au détachement. Les agents ont reçu des copies d'un profil de M. Matters, établi par le gendarme Dickinson. Le gendarme Poyzer a informé le groupe au sujet de l'enquête. Le GTIDN a reçu la directive d'arrêter M. Matters et l'autorisation de recourir à la force, au besoin. La caporale Claudette Garcia, négociatrice qualifiée et expérimentée, a été chargée de parler avec Lorraine Matters, qui était dans le bloc cellulaire, afin d'obtenir sa coopération dans les tentatives pour que M. Matters se livre à la police.

[77] Peu de temps après 17 h, un GTI composé de trois membres a été déployé dans le secteur du chemin Pinko afin d'établir la liaison avec le caporal Warwick, qui se trouvait toujours dans le secteur. Un poste de commandement a été installé dans le champ d'un agriculteur, le long du chemin Bendixon. Un hélicoptère a été ajouté pour aider à localiser M. Matters afin qu'un plan tactique puisse être élaboré.

[78] À la suite de la séance d'information, le surintendant Stubbs a ordonné que le sergent d'état-major Anderson continue de négocier avec M. Matters en raison des rapports qu'il avait établis au cours des heures précédentes. Aucune des conversations n'a été enregistrée.

[79] À 17 h 24, le sergent d'état-major Anderson a eu une autre conversation téléphonique avec M. Matters. Il a dit à M. Matters qu'il avait rencontré Trevor et qu'il ne pouvait rien lui reprocher. À la réception de ces nouvelles, M. Matters est devenu très contrarié et a dit qu'il était prêt à mourir. Il a dit au sergent d'état-major Anderson qu'il allait donner à la police une raison de le tuer et qu'il allait prendre un couteau pour que la police ait une raison de l'abattre. Ces informations ont été transmises au poste de commandement et au GTIDN.

[80] À 17 h 48, le GTIDN a rencontré le caporal Warwick à un poste d'observation qu'il avait établi non loin de la propriété récréative de Trevor, le long de la promenade Alpine. Le gendarme Brian Merriman était le chef du groupe. Il a informé le caporal Warwick de ses pouvoirs, et le caporal Warwick a fait le point sur ses observations à l'intention du groupe. Le caporal Warwick était le quatrième membre du GTIDN déployé ce jour-là.

[81] Vers 18 h 40, M. Matters a eu une conversation téléphonique avec une voisine et une amie de longue date, Valerie Pinko. Mme Pinko a dit à M. Matters que la situation devait se terminer, parce que l'autobus scolaire ne laisserait pas les enfants descendre de l'autobus dans le secteur, étant donné toute l'activité policière. Apprenant cela, M. Matters lui a demandé de venir le chercher et de le conduire au détachement. Elle a accepté et a quitté sa maison cinq minutes plus tard pour parcourir la courte distance jusqu'à l'allée, le long du chemin Pinko.

[82] M. Matters a appelé le sergent d'état-major Anderson et lui a parlé du plan. Pendant qu'ils parlaient, une notification de la reddition a été transmise au poste de commandement. Le sergent d'état-major Anderson a expliqué la procédure de reddition à M. Matters et lui a donné des instructions alors qu'il descendait l'allée depuis la propriété familiale. À ce moment-là, l'hélicoptère volait au-dessus de la tête de Greg, ce qui l'a « effrayé »; des ordres ont donc été donnés afin que l'hélicoptère se pose dans un champ près du poste de commandement.

[83] Mme Pinko s'est arrêtée à un point de contrôle pour expliquer à l'agent ce qui se passait. Le gendarme Lee Bellamy a transmis l'information au poste de commandement, et on lui a ordonné de la garder là avec lui.

[84] Un peu plus tôt, le surintendant Stubbs a ordonné que l'on tente de contacter le Dr Passey à Vancouver. La caporale Garcia a effectué un certain nombre d'appels avant de joindre enfin le Dr Passey, à 18 h 42. Malheureusement, à 18 h 56, cet appel a été coupé. Dès que cela s'est produit, la caporale Garcia a transmis les renseignements qu'elle avait déjà recueillis auprès du Dr Passey.

[85] Au moment où M. Matters approchait du bout de l'allée, personne n'était là pour le rencontrer. Il a vu que le mécanisme de verrouillage sur le portail avait été brisé. Cela l'a mis en colère, et il a dit au sergent d'état-major Anderson qu'il retournait à la propriété familiale.

[86] Le surintendant Stubbs avait autorisé le GTIDN à retrouver M. Matters au bout de l'allée et à le mettre en détention. Cependant, les membres du groupe n'étaient pas là où le chef d'équipe pensait qu'ils étaient; ils étaient plutôt à pied, avec le caporal Warwick, près de la propriété récréative de Trevor. Leurs véhicules étaient garés sur la promenade Alpine, à environ deux kilomètres de l'allée, le long du chemin Pinko. On leur a donné l'ordre de se rendre à l'allée pour rencontrer M. Matters, mais au moment où ils sont arrivés, M. Matters était retourné dans la demeure de ses grands-parents.

[87] Le GTIDN a ensuite reçu l'ordre de [traduction] « resserrer la présence dans la voie d'accès » et d'établir un point d'observation. Ainsi, les membres du GTI devaient garer leurs véhicules et remonter secrètement l'allée en utilisant les moyens dont ils disposaient pour se dissimuler. Ils ont garé leurs véhicules à la vue de tous ceux qui se trouvaient à la propriété familiale et se sont approchés à pied, en suivant la limite des arbres. Peu de temps après, les membres du GTIDN se sont montrés à M. Matters, qui semblait fâché qu'ils se trouvent sur la propriété. M. Matters s'est approché d'eux et a brandi une hachette. Les membres lui ont dit de lâcher l'arme, mais il ne l'a pas fait. Le gendarme Merriman a réclamé l'arme à impulsions (AI)Note de bas de page 2, et le gendarme Matthew Reddeman s'est précipité devant et a déployé l'arme. Malheureusement, elle n'a pas semblé avoir d'effet sur M. Matters, et le gendarme Reddeman s'est donc retrouvé dans une situation dangereuse. Craignant que M. Matters soit sur le point de frapper le gendarme Reddeman à la tête avec la hachette, le caporal Warwick a tiré deux coups de fusil. Une balle a atteint M. Matters au côté gauche, et la deuxième, au dos. Les balles ont pénétré la poitrine de M. Matters et causé sa mort. Malgré les efforts de réanimation, la mort de M. Matters a été constatée sur les lieux.

Analyse de l'intervention de la GRC auprès de M.  Matters les 9 et 10 septembre 2012

Validité de l'enquête initiale

[88] La police (y compris la GRC) a le devoir d'enquêter sur une plainte d'activité criminelle lorsqu'il y a des motifs raisonnables de soupçonner un acte répréhensible. D'après l'alinéa 18a) de la Loi sur la GRC, les membres sont tenus :

18a) de remplir toutes les fonctions des agents de la paix en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, ainsi que l'arrestation des criminels, des contrevenants et des autres personnes pouvant être légalement mises sous garde.

[89] Le gendarme Poyzer était l'enquêteur principal appelé sur les lieux de la collision de véhicules impliquant M. Matters et son frère. À la lumière des observations rapportées par le gendarme Pelletier, qui n'était pas en service, et de l'appel de M. Matters à la police, le gendarme Poyzer avait l'obligation d'enquêter sur l'incident survenu entre les frères. Le devoir d'enquêter était renforcé par les antécédents de dispute entre eux et la gravité de l'incident lui-même, qui comprenait des actes d'agression et de violence qui auraient pu entraîner des blessures plus graves. Il y avait également des préoccupations immédiates quant à la continuation de ces actes.

[90] Dans le cadre d'une enquête convenable, voici ce que doit faire notamment un membre :

  1. Examiner toutes les pistes connues rapidement et efficacement.
  2. Mener des entrevues auprès de l'ensemble des sources et des suspects possibles rapidement et efficacement.
  3. Demander les examens et les rapports médicolégaux appropriés pour examiner les éléments de preuve matérielle et consulter d'autres experts ayant des connaissances spécialisées.
  4. Respecter les politiques pertinentes de la GRC et se reporter à d'autres documents policiers techniques connexes, au besoin.
  5. Gérer efficacement le dossier du cas, en veillant à ce que des notes bien rédigées soutiennent les mesures prises dans le cadre de l'enquête et toute poursuite ultérieure.

a) Intervention sur place et sécurisation des lieux

[91] M. Matters a quitté les lieux, et Trevor a accompagné le gendarme Pelletier à sa résidence. Le gendarme Pelletier a dit à Trevor d'attendre à l'extérieur pendant qu'il rentrait pour téléphoner. Les dossiers confirment que, vers 3 h 5, le gendarme Pelletier s'est entretenu avec un répartiteur au centre de transmissions de la GRC. Quelques minutes plus tard, M. Matters était également au téléphone avec un répartiteur. Le répartiteur a dit au gendarme Pelletier que des unités de police seraient envoyées dès qu'elles seraient disponibles. Le gendarme Pelletier a demandé que les unités d'intervention passent à sa résidence afin qu'il puisse les informer de ce qui s'était passé.

[92] Comme l'a expliqué plus tard le gendarme Poyzer lors d'une entrevue, au moment où il a été envoyé pour répondre à l'appel, il croyait qu'il s'agissait d'une plainte relative à la circulation. Pendant qu'il était au téléphone une deuxième fois avec un répartiteur de la GRC, M. Matters a reçu un appel du gendarme Poyzer. Dans son calepin, le gendarme Poyzer a consigné que, à 3 h 30, il a téléphoné à M. Matters tandis qu'il se rendait sur les lieux. Le gendarme Poyzer a noté ce qui suit dans son rapport :

[Traduction]

Le gendarme POYZER a communiqué avec Gregory par téléphone en route vers l'endroit du véhicule tombé dans le fossé. Gregory a expliqué avoir vu le véhicule dans sa cour effectuer des dérapages contrôlés en cercle, et lorsque le véhicule est parti, il est monté à bord de son camion et a commencé à le poursuivre. Gregory a dit avoir utilisé son camion pour heurter le véhicule de Trevor, et celui-ci s'est finalement retrouvé dans un fossé, sur la promenade Alpine. Quand on lui a demandé pourquoi il avait poursuivi le véhicule, Gregory a dit que c'était la seule façon d'obtenir justice, car la police mettrait trop de temps avant d'arriver.

[93] Les gendarmes Poyzer et Dickinson sont arrivés sur les lieux, promenade Alpine, vers 3 h 38. Ils ont repéré le véhicule dans le fossé et noté qu'il n'y avait personne dans les parages. À ce moment-là, le gendarme Poyzer ne pouvait pas dire s'il y avait eu des dommages, mais il y avait du sang dans le véhicule. Ils ont rencontré le gendarme Pelletier, qui a expliqué ce qu'il avait vu et a dirigé les membres vers l'endroit qu'il croyait être l'entrée de Trevor, un peu plus loin sur la route. Les gendarmes Poyzer et Dickinson ont conduit leurs véhicules de patrouille vers la propriété récréative appartenant à Trevor, mais ils ont découvert qu'il n'était pas rentré chez lui. La femme de Trevor a donné son numéro de téléphone cellulaire, et les membres ont pu le contacter et prendre rendez-vous à proximité, où il se cachait apparemment. Comme nous l'avons mentionné plus tôt dans le présent rapport, Trevor a déclaré à l'enquêteur de la Commission qu'il avait peur que Greg revienne, et il surveillait son entrée. Il a expliqué qu'il voulait rester près de la maison de son voisin – car il était le shérif local – au cas où il aurait besoin de son aide. Lorsque l'enquêteur de la Commission lui a demandé pourquoi il ne voulait pas que la police intervienne, il a mentionné qu'il ne voulait pas que M. Matters ait des problèmes et espérait qu'il rentrerait chez lui et qu'il en resterait là.

[94] À mon avis, les gendarmes Poyzer et Dickinson sont intervenus sur les lieux en temps opportun. Pendant qu'il était en route, le gendarme Poyzer a communiqué avec M. Matters par téléphone et a recueilli des renseignements auprès de lui.

[95] Peu de temps après son arrivée sur les lieux, le gendarme Poyzer a inspecté le véhicule dans le fossé, puis a parlé au seul témoin présumé, le gendarme Pelletier qui n'était pas en service, et a recueilli des renseignements. Il a ensuite vérifié le secteur où le conducteur, Trevor, avait été blessé pendant l'incident. Au cours de son entrevue avec l'enquêteur de la Commission, le gendarme Poyzer a mentionné que la préoccupation principale de la GRC à ce moment-là était de localiser le conducteur, étant donné qu'il y avait eu une collision, que l'on ne savait rien au sujet de ses blessures subies et qu'il y avait du sang dans le véhicule. À mon avis, la priorité déclarée du gendarme Poyzer à ce moment-là de localiser et de confirmer le bien-être de Trevor Matters était raisonnable et a nécessairement retardé sa capacité à sécuriser les lieux, qui, d'après ses conversations avec le gendarme Pelletier et M. Matters, étaient les lieux d'une infraction criminelle. Les questions ultérieures en ce qui touche les lieux, la collecte et le traitement des éléments de preuve matérielle sont abordées plus loin dans le présent rapport.

Conclusion : Les gendarmes Poyzer et Dickinson sont intervenus sur les lieux de la collision en temps opportun.

Conclusion : La priorité déclarée du gendarme Poyzer à ce moment-là de localiser et de confirmer le bien-être de Trevor Matters était raisonnable et a nécessairement retardé sa capacité à sécuriser les lieux de la présumée infraction criminelle.

b) Obtention de déclarations

[96] Les parties et témoins principaux de l'incident étaient M. Matters, Trevor et le gendarme Pelletier. Comme nous l'avons souligné plus haut, les membres responsables de l'enquête ont rencontré le gendarme Pelletier sur les lieux et ont recueilli les renseignements nécessaires auprès de lui; il a ensuite exposé ces renseignements en détail dans un rapport officiel. Ces renseignements étaient détaillés et ont été obtenus en temps opportun. Les membres se sont raisonnablement concentrés sur la localisation du conducteur, Trevor, et sur l'assurance qu'il allait bien et qu'il était en sécurité dans la première heure suivant l'incident. Le gendarme Poyzer a parlé à M. Matters par téléphone afin de recueillir des renseignements préliminaires et a demandé aux membres du prochain quart de travail d'obtenir une déclaration officielle de sa part. M. Matters a finalement décidé de fournir une déclaration dactylographiée, malgré les efforts des membres afin qu'il se rende au détachement. À mon avis, ces efforts étaient raisonnables et ont été déployés en temps opportun.

[97] Une déclaration enregistrée de Trevor a été recueillie dès que des membres l'ont localisé. L'entrevue a duré environ 14 minutes. À mon avis, elle a été menée de façon appropriée et a permis à Trevor de donner un compte rendu ininterrompu de ce qui s'était passé, de son point de vue. Le gendarme Dickinson, qui a mené l'entrevue dans son véhicule de police, a posé quelques questions de suivi. Je souligne que la durée de l'entrevue a peut-être été écourtée du fait que les piles de l'enregistreur étaient presque à plat, et on peut entendre le gendarme Dickinson le mentionner sur l'enregistrement. Même si un suivi aurait pu se révéler nécessaire si des accusations avaient été portées, cela n'est pas inhabituel dans une enquête criminelle; j'estime d'ailleurs que l'entrevue était raisonnable dans les circonstances et a fourni aux membres suffisamment de renseignements pour poursuivre leur enquête.

[98] La famille de M. Matters a soulevé des questions à propos de la relation personnelle qui pouvait exister entre Trevor Matters et le gendarme Dickinson, qui a mené l'entrevue enregistrée. Cependant, rien au dossier n'indique que les deux entretenaient des relations sociales. Voici ce que Trevor Matters a déclaré à l'enquêteur de la Commission au sujet du gendarme Dickinson :

[Traduction]

Il était entraîneur de l'équipe de football de mon fils. Heu, mais nous... nous communiquions très peu. C'est un entraîneur à la défense. Mon fils est un quart-arrière. Donc nous avions des échanges limités... Je lui ai rarement parlé. Vous savez, de temps en temps, on se dit bonjour. On parle d'une partie, de ce que vous voulez, et c'est tout. Nous n'étions pas très avenants. J'avais donc des conversations très limitées avec lui.

[99] Dans son témoignage à l'enquête du coroner, le gendarme Dickinson a confirmé qu'il ne connaissait Trevor Matters que dans le contexte de l'entraînement de son enfant au football. Le gendarme Dickinson a dit aux enquêteurs de l'IIO qu'il n'avait pas d'autres relations avec Trevor Matters. Le gendarme Poyzer a également dit à l'enquêteur de la Commission que, même s'il savait que le gendarme Dickinson connaissait Trevor, c'était non pas à titre personnel, mais en tant que membre de la collectivité ou d'une équipe de sport. Après avoir examiné minutieusement l'enregistrement de l'entrevue, j'estime que rien n'indique l'existence de relations sociales ou d'irrégularités quant à la façon dont l'entrevue a été menée.

Conclusion : Des déclarations ont été recueillies auprès des parties et des témoins concernés en temps opportun et étaient raisonnablement approfondies dans les circonstances.

c) Éléments de preuve matérielle

[100] Comme il a été mentionné plus haut, les lieux ne pouvaient initialement être sécurisés pendant que les membres cherchaient le conducteur du véhicule dans le fossé. Malheureusement, ils n'ont pas été sécurisés par la suite ou avant que l'on obtienne des éléments de preuve matérielle et photographique des marques de pneus, du véhicule dans le fossé et des débris qui pourraient résulter de la collision. Bien que le gendarme Poyzer ait laissé une demande de « transfert de dossier » afin que les membres du quart de jour fassent un suivi de l'affaire, la demande ne précisait pas que le Service de l'identité judiciaire devait se rendre sur la promenade Alpine pour photographier les lieux ou recueillir des éléments de preuve matérielle. Il n'est pas clair, à la lecture du dossier, à quel moment cette demande a bel et bien été faite, ou si une raison quelconque explique le retard.

[101] Des facteurs environnementaux auraient eu une incidence sur la capacité du membre d'obtenir immédiatement des photographies et d'inspecter de façon exhaustive les lieux, à la recherche de débris (ce qui aurait pu prouver l'emplacement du point d'impact), car il faisait nuit, et le secteur était mal éclairé, voire pas du tout. Selon ses rapports et les éléments de preuve, le gendarme Poyzer a pris des dispositions afin que l'on puisse prendre des photographies du véhicule de Trevor et des marques de pneus, le 10 septembre 2012. Or, à cette date, Trevor avait déjà retiré son véhicule du fossé et il l'avait ramené à sa propriété. Dans le dossier, rien n'indique que Trevor a reçu des instructions concernant l'enlèvement de son véhicule et le moment choisi.

[102] Bien que l'affaire n'ait pas fait l'objet de poursuites en vertu de la loi provinciale sur les véhicules à moteur, des accusations criminelles graves ont été envisagées relativement à la collision, et on allait procéder à l'arrestation de M. Matters. Assurément, les effort déployés dans le cadre de l'enquête n'étaient pas bien documentés dans les calepins des membres, que ce soit en ce qui concerne les instructions données à Trevor ou les mesures prises en vue de conserver les éléments de preuve matérielle ou les obstacles à leur conservation jusqu'à ce qu'ils puissent être recueillis et traités. Si M. Matters n'avait pas été tué et que le tribunal avait entendu les accusations, cela aurait pu avoir une incidence sur la poursuite. À mon avis, étant donné que ces techniques d'enquête de base n'ont pas été utilisées, les éléments de preuve ont été vulnérables à la contamination.

Conclusion : Les techniques d'enquête de base relatives à la sécurisation et à la collecte d'éléments de preuve matérielle n'ont pas été utilisées de façon raisonnable et ont laissé les éléments de preuve vulnérables à la contamination.

Recommandation : Qu'un superviseur examine le présent rapport avec le gendarme Poyzer et fournisse des directives opérationnelles concernant l'obtention et la collecte d'éléments de preuve pertinents.

d) Évaluation des éléments de preuve et rapports connexes

[103] Le gendarme Poyzer était l'enquêteur principal et responsable de la compilation et de l'évaluation des éléments de preuve, qu'il a exposés en détail dans un rapport d'incident et un projet de rapport à l'avocat de la Couronne, à l'appui des accusations que l'on voulait porter. Bien que ces rapports contiennent un résumé détaillé de la déclaration enregistrée faite par Trevor et mentionnent une déclaration écrite soumise par M. Matters, ils ne font pas mention des détails de la déclaration de M. Matters. En outre, les rapports comprennent les observations du gendarme Sharpe concernant les dommages causés au véhicule de M. Matters, mais ne tentent aucunement de faire le rapprochement entre ces dommages et l'une ou l'autre version des événements. À titre d'exemple, Trevor a affirmé que M. Matters avait frappé la porte du côté conducteur de son véhicule pendant l'incident; or, aucun dommage physique n'a été constaté sur cette partie de son véhicule, comme en témoignent les photographies prises le 10 septembre 2012. Je souligne que les éléments de preuve matérielle ne sont pas entièrement conformes aux déclarations de M. Matters ou de Trevor.

[104] Au cours des premières heures qui ont suivi l'incident, le gendarme Poyzer a relevé des éléments de preuve matérielle – des marques de pneus sur la chaussée, l'emplacement du véhicule dans le fossé et des blessures au visage – qui appuyaient la déclaration de Trevor. Ces observations constituaient les meilleurs éléments de preuve disponibles au moment de l'incident, compte tenu des conditions d'éclairage difficiles. Le gendarme Poyzer a ensuite parlé par téléphone avec M. Matters, qui, selon lui, a répondu de façon hostile et a proféré plusieurs menaces. Le gendarme Poyzer a indiqué qu'il avait à ce moment-là des motifs raisonnables et probables de croire que M. Matters avait commis un certain nombre d'infractions pénales graves, et il a alors concentré ses efforts sur l'arrestation en toute sécurité de M. Matters pour les infractions constatées (une décision qui sera examinée plus loin dans le présent rapport). Cependant, il est important que les enquêteurs réévaluent constamment de nouveaux renseignements ou éléments de preuve au fur et à mesure qu'ils sont reçus et leur accordent une attention et une importance appropriées. Même s'il était encore relativement tôt dans l'enquête et que le rapport du gendarme Poyzer n'avait pas encore été présenté à l'avocat de la Couronne, le défaut de rendre compte fidèlement de tous les éléments de preuve reçus et de tenter de faire le rapprochement entre les éléments de preuve matérielle et les déclarations des témoins pourrait compromettre la crédibilité de l'ensemble de l'enquête.

[105] Il est également évident que le gendarme Poyzer n'a pas signalé à ses supérieurs les divergences dans les éléments de preuve, peut-être du fait qu'il ne les a pas remarquées. Cela amène à se demander si le gendarme Poyzer a correctement examiné et pris en considération tous les éléments de preuve. Bien que je constate plus loin dans le présent rapport que ces divergences n'ont pas eu d'incidence sur la validité des accusations que l'on voulait porter et des motifs de l'arrestation, ces considérations étaient importantes et auraient pu avoir des répercussions sur le caractère licite des mesures prises ultérieurement par les membres de la GRC. Certains éléments de preuve ont été reçus plus tard pendant les événements en cours; toutefois, même ceux reçus au début ne semblent pas avoir été abordés dans le rapport du gendarme Poyzer.

[106] Le surintendant Stubbs était le chef de détachement responsable de la prestation des services de police à Prince George. Il était également le commandant des interventions lors du déploiement du GTIDN. Il a posé quelques questions au gendarme Poyzer lorsqu'il l'a rencontré à l'extérieur du bureau du sergent d'état-major Anderson peu avant que soit prise la décision de déployer le GTIDN. Comme l'a dit le surintendant Stubbs : [traduction] « Souvent, nous faisons ces choses, et les accusations s'écroulent après beaucoup d'efforts, car il manque peut-être des éléments ou d'autres trucs dans le même genre. » Le surintendant Stubbs voulait obtenir des assurances que rien n'avait été manqué. Les rapports produits par le gendarme Poyzer donnent à penser que les renseignements et éléments de preuve reçus n'ont pas tous été dûment pris en considération ou analysés au cours de ses discussions avec le sergent d'état-major Anderson et le surintendant Stubbs.

Conclusion : Le gendarme Poyzer n'a pas raisonnablement tenu compte des divergences dans les éléments de preuve au moment où ils ont été reçus.

Recommandation : Qu'un superviseur passe en revue les conclusions du présent rapport avec le gendarme Poyzer et fournisse des directives opérationnelles concernant la prise en compte appropriée de l'ensemble des éléments de preuve et le traitement des divergences lors de la préparation de notes et de rapports.

[107] La famille de M. Matters a également soulevé une question concernant le présumé état d'ébriété de Trevor au moment de l'incident, ce qui pourrait avoir une incidence sur la crédibilité de Trevor et l'issue de l'enquête. Je constate que le gendarme Pelletier a été le premier à interagir avec les frères à la suite de l'incident. Dans son rapport, le gendarme Pelletier a mentionné qu'il avait demandé à Trevor s'il avait bu ou non, question à laquelle il n'a pas obtenu de réponse immédiatement et qui n'aurait pas été poursuivie en raison des actes ultérieurs de M. Matters. Le gendarme Pelletier a déclaré à la Commission qu'il avait posé la question parce que, à un moment donné, Trevor a trébuché en sortant du fossé, mais il ne pouvait pas dire si c'était à cause du fossé, de facultés affaiblies, du gravier, etc. Ils étaient en région rurale, et c'était samedi soir; le gendarme Pelletier a donc simplement supposé, au début de la rencontre, que Trevor était sorti, qu'il avait bu et qu'au retour, il avait fini par avoir un accident avec son véhicule. Il n'était pas proche de Trevor et n'a pas senti d'odeur se dégageant de lui, c'est-à-dire qu'il n'a pas autrement observé des signes qui lui auraient fait soupçonner que Trevor était en état d'ébriété.

[108] Les gendarmes Dickinson et Poyzer ont ensuite interagi avec Trevor. Dans ses notes ou ses rapports, le gendarme Dickinson n'a fait aucune référence à la consommation d'alcool. En s'approchant, le gendarme Poyzer a remarqué que Trevor semblait avoir le souffle court et avait du sang séché sur le visage et sa chemise. Le gendarme Dickinson a noté une [traduction] « grosse bosse » sur le front de Trevor Matters, qui avait également le nez et la lèvre ensanglantés. Encore une fois, rien n'indique que la consommation d'alcool était préoccupante, ce qui porte à croire que Trevor ne présentait aucun signe d'état d'ébriété à ce moment-là.

[109] Environ deux mois après l'incident, en réponse à des questions écrites de l'IIO, le gendarme Poyzer a déclaré ceci :

[Traduction]

Selon Greg MATTERS, son frère était en état d'ébriété lorsque cela s'est produit, mais on n'a pu assurer la continuité entre le moment de la collision et celui où la police a finalement localisé Trevor. Lorsque Trevor a été localisé, il présentait des signes de facultés affaiblies, notamment une difficulté à articuler et une haleine d'alcool. Aucun commentaire ne peut être formulé quant à la sobriété de Greg puisqu'on ne l'a jamais rencontré face à face le premier jour de l'enquête. La police n'a pas envisagé de porter des accusations liées à l'alcool dans ce cas.

[110] Dans une entrevue avec la Commission, approximativement 18 mois après l'incident, le gendarme Poyzer a déclaré qu'il ne pouvait se souvenir du contenu de ses notes, mais qu'il croyait avoir compris que Trevor avait consommé de l'alcool. Cependant, il ne se souvenait pas des signes que Trevor a peut-être présentés à ce moment-là.

[111] Les déclarations ultérieures du gendarme Poyzer sont déconcertantes, étant donné que ses notes initiales ou les détails de ses rapports ne mentionnent aucunement qu'il a observé des signes de consommation d'alcool. La seule référence à la consommation d'alcool figure sous le nom de Trevor dans la section du rapport d'incident général qui dresse la liste des personnes concernées. On n'y précise pas si les mentions [traduction] « a consommé de l'alcool » et [traduction] « état d'ébriété » sont liées aux allégations de M. Matters ou aux observations des membres, étant donné qu'aucun détail n'est fourni. Les déclarations ultérieures du gendarme Poyzer ne concordent pas non plus avec les notes et les déclarations du membre qui n'était pas en service, qui a été le premier à voir Trevor, et celles du gendarme Dickinson. Après une écoute attentive de l'enregistrement audio de la déclaration faite par Trevor peu de temps après sa première interaction avec les deux membres responsables de l'enquête, je ne suis pas convaincu que Trevor avait de la difficulté à articuler. Lors de l'enquête de la Commission, Trevor a déclaré qu'il avait pris trois ou quatre consommations pendant toute la période, qui est estimée entre quatre et cinq heures. Aucun élément de preuve indépendant fiable ne laisse penser qu'il n'en est pas ainsi.

[112] Tout au long des diverses demandes de renseignements et enquêtes relatives à cette affaire, le gendarme Poyzer a commenté les raisons pour lesquelles il n'avait pas porté d'accusations liées à la consommation d'alcool contre Trevor. En particulier, il a noté des problèmes puisqu'on n'avait pu assurer la continuité en ce qui concerne le conducteur, et des arguments que la défense pouvait invoquer devant les tribunaux pour contester les accusations. Peu importe si le gendarme Poyzer exerçait ou non son pouvoir discrétionnaire de ne pas mener une enquête sur la conduite avec facultés affaiblies, la consignation de ses observations au sujet de Trevor était pertinente pour les accusations que l'on voulait porter contre M. Matters. Même si je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités (en raison des divergences relevées dans le dossier), que Trevor était en état d'ébriété au moment de l'incident, les affirmations ultérieures du gendarme Poyzer selon lesquelles Trevor présentait des signes d'ébriété dénotent à tout le moins un défaut d'inclure des détails importants dans son calepin et ses rapports ultérieurs, dont le projet de rapport à l'avocat de la Couronne. Finalement, cela remet en question ses déclarations ultérieures en ce sens.

Conclusion : Le gendarme Poyzer aurait dû inclure dans ses notes et ses rapports toutes ses observations relatives à des signes d'ébriété lorsqu'il a rencontré Trevor; comme il ne l'a pas fait, cela remet en question ses déclarations ultérieures.

e) Allégations de partialité

[113] La famille de M. Matters a soulevé des préoccupations quant à la compétence de l'enquête et, plus particulièrement, à savoir si un parti pris a amené les enquêteurs à se concentrer indûment sur M. Matters plutôt que sur Trevor. Après examen, il ressort clairement que l'enquête portait sur M. Matters et a continué de porter sur celui-ci.

[114] La famille de M. Matters a mentionné des exemples montrant que Trevor n'a pas subi de contrôle de conduite avec facultés affaiblies et qu'il entretient des relations personnelles avec divers membres de la police, notamment le fait que Trevor avait le numéro de téléphone personnel du gendarme Dickinson et qu'il l'avait appelé au cours de l'incident. À l'enquête du coroner, on a fait part d'une préoccupation générale à l'égard de la surveillance exercée par la GRC sur M. Matters tout au long de l'incident et de l'enquête, malgré l'implication de Trevor et les infractions qu'ils croyaient qu'il avait commises, y compris la conduite avec facultés affaiblies et les intrusions. À mon avis, et pour les raisons qui suivent, il n'y avait aucune preuve de partialité de la part des membres responsables de l'enquête malgré les lacunes mentionnées ci-dessus dans l'enquête.

[115] Dans le cadre de l'enquête du coroner, lorsqu'on a demandé pourquoi l'enquête a fini par se concentrer sur M. Matters, le gendarme Poyzer a dit que, lorsqu'il a parlé avec M. Matters, ce dernier a confirmé qu'il avait fait quitter la route à Trevor Matters. Selon lui, c'était très dangereux, en particulier compte tenu du fait que M. Matters n'était même pas sûr que c'était son frère au moment où il a amorcé la poursuite. Il s'agissait d'une agression armée, un crime grave, qui l'est d'autant plus s'il est commis contre une personne au hasard. M. Matters a choisi cette ligne de conduite plutôt que d'appeler la police.

[116] Il ne fait aucun doute que M. Matters a eu des démêlés avec la police à Prince George et que les membres concernés tout au long de l'enquête étaient généralement au courant de ces antécédents, certains d'entre eux ayant été directement en cause. La Commission se demande la mesure dans laquelle ces antécédents ont eu une incidence sur les membres et s'il était raisonnable et légitime qu'ils soient ainsi influencés.

[117] L'EAI de la GRC, qui a analysé la question, a permis de conclure que le rapport à l'avocat de la Couronne présentait [traduction] « quatre accusations au criminel, fondées sur une version de l'affaire » et que [traduction] « les enquêteurs ont dû déployer des efforts supplémentaires pour établir les faits relatifs à l'incident entre les deux frères, car il n'y avait pas de témoins indépendants ». Toujours selon l'EAI, [traduction] « les enquêteurs ont formé un certain nombre d'opinions préconçues », mais c'était tout à fait humain étant donné les actes précédents de M. Matters et la quantité de renseignements à leur disposition. Au cours de l'EAI, on s'est demandé si la Couronne aurait finalement retenu les accusations. Cela dit, ce n'est pas la norme au regard de laquelle la conduite du membre est évaluée au moment de déterminer si celui-ci a des motifs de procéder à une arrestation. De même, les membres responsables de l'enquête peuvent généralement poursuivre leur enquête à la suite d'une arrestation. Une arrestation repose en partie sur les motifs raisonnables qu'a un agent de police de croire qu'un crime a été commis, ce qui est une norme moins élevée que celle exigée pour une condamnation au criminel. On procède souvent à une arrestation avant la conclusion d'une enquête pour les motifs énoncés au paragraphe 495(2) du Code criminel, notamment pour empêcher que l'infraction se poursuive ou se répète, ou qu'une autre infraction soit commise. Par conséquent, les enquêtes criminelles se poursuivent couramment après l'arrestation d'un suspect.

[118] À mon avis, l'enquête portait initialement sur M. Matters, en raison non pas de ses antécédents, mais plutôt de son rôle reconnu dans l'incident. Ses actes reconnus étaient très préoccupants et ont donné aux membres des motifs raisonnables de croire qu'il avait commis une infraction, dont il est question plus loin dans le présent rapport. Les démêlés de M. Matters avec la police ont davantage influé sur la façon dont les membres ont décidé de l'approcher et d'interagir avec lui (c.-à-d. dans leur évaluation du risque) que sur la prise en compte des éléments de preuve ou l'importance accordée à ceux-ci. Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que ses antécédents ont joué un rôle dans les questions que j'ai relevées ci-dessus en ce qui concerne la collecte et le traitement des éléments de preuve matérielle, notamment la question de la consommation d'alcool.

Conclusion : L'enquête portait initialement sur M. Matters, en raison non pas de ses antécédents, mais plutôt de son rôle reconnu dans l'incident et de la gravité de ses actes. Rien n'indique que l'enquête de la GRC a porté sur M. Matters en raison de partialité ou de tout autre motif illégitime.

f) Surveillance de l'enquête

[119] À titre d'agent intérimaire des opérations, le sergent d'état-major Anderson avait la responsabilité de superviser le travail des membres aux services généraux, notamment les gendarmes Poyzer et Dickinson. Sa participation à l'élaboration de stratégies, à la tenue de négociations et à la réalisation d'entrevues a pris le pas sur les fonctions d'autres superviseurs directs de la chaîne de commandement. La responsabilité et l'assurance de la qualité du travail effectué dans le cadre de l'enquête sont donc devenues sa responsabilité.

[120] À titre d'exemple, le gendarme Poyzer a déclaré à l'enquêteur de la Commission qu'avant cet incident, il n'avait jamais préparé de dénonciation en vue d'obtenir un mandat Feeney – un mandat généralement requis pour entrer dans la maison d'une personne afin d'y arrêter celle-ci. Il l'a également préparé afin d'obtenir un mandat d'accès au véhicule de M. Matters. Il a dit que la tâche supposait de plus en plus de travail et qu'il fallait continuellement mettre à jour les renseignements. C'est le sergent d'état-major Anderson qui l'aidait, et il s'attendait à ce que ce dernier lui donne des « trucs » et des « conseils » sur ce qu'il fallait inclure. À un moment donné, vers la fin des négociations, il a été décidé que la caporale Garcia prendrait la relève pour les négociations, car le sergent d'état-major Anderson devait travailler sur le mandat Feeney.

[121] Au cours de son examen interne de la question, la GRC a relevé ce qui suit :

[Traduction]

Toutefois, je constate qu'au fur et à mesure que l'enquête avançait, le sergent d'état-major Anderson assumait trop de tâches. En plus d'être l'agent intérimaire des opérations, il était également l'enquêteur principal qui a interrogé les frères Matters, a dirigé les enquêteurs, a établi le niveau de menace que présentait Greg, a défini la stratégie d'arrestation concernant Greg, a interrogé Lorraine Matters, a agi comme négociateur principal et a assuré la liaison avec le surintendant Stubbs et le « triangle » d'intervention en cas d'incident critique.

[122] Il aurait certainement été préférable qu'un autre membre ait été chargé de veiller à la qualité de l'enquête et de seconder ou de superviser le gendarme Poyzer en ce qui concerne les demandes de mandat et le suivi auprès des témoins. À mon avis, le sergent d'état-major Anderson, malgré tous ses efforts, n'a pas été en mesure de superviser et d'évaluer adéquatement l'enquête en raison du nombre de rôles qu'il avait assumés, et il aurait été plus raisonnable que ce rôle ait été délégué à un superviseur compétent.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a assumé la responsabilité de trop de rôles et aurait dû déléguer à un autre membre la supervision directe de l'enquête criminelle et l'établissement des mandats.

Motifs d'arrêter M. Matters

[123] Au moment d'évaluer la façon dont un membre a effectué une enquête et pris la décision de procéder à une arrestation et d'engager des poursuitesNote de bas de page 3, il importe de garder à l'esprit que son rôle ne consiste pas à établir la culpabilité ou l'innocence d'un suspect – il n'agit pas en tant que juge et jury. L'enquête vise à établir s'il existe ou non des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit eu égard au pouvoir d'arrestation de la police en vertu de l'article 495 du Code criminel :

En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilitéNote de bas de page 4.

[124] La décision de procéder à une arrestation et d'engager des poursuites suppose l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Dans les plaintes relatives à des interventions de la police mettant en cause l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, la question n'est pas de savoir si une autre personne aurait exercé son pouvoir discrétionnaire différemment. Il est de la nature du pouvoir discrétionnaire que des personnes différentes exerceront différemment leur pouvoir discrétionnaire dans des circonstances similaires. La question est de savoir si on considère que l'exercice du pouvoir discrétionnaire était raisonnable et visait un objectif légitime. Pour déterminer si la décision de procéder à l'arrestation de M. Matters pour les présumées infractions était raisonnable, nous devons évaluer la décision à chaque étape du processus et en fonction des faits connus des membres à ce moment-là (ou qu'ils auraient dû connaître).

[125] La décision initiale d'effectuer une arrestation a été prise au terme de l'enquête préliminaire, dans les premières heures qui ont suivi l'incident du 9 septembre 2012, lorsque le gendarme Poyzer a fait sa demande de transfert de dossier. Malgré les lacunes de l'enquête et à la lumière des renseignements reçus et examinés à ce stade de l'enquête, je conclus que la décision de procéder à une arrestation était raisonnable compte tenu des facteurs suivants :

  • Le véhicule de Trevor se trouvait dans le fossé, et ce fait n'est pas contesté. Le véhicule de M. Matters était à proximité, mais pas dans le fossé.
  • Trevor a dit à la police que son frère l'avait frappé au visage à plusieurs reprises, et ses blessures étaient compatibles avec ce compte rendu. Pendant l'enregistrement de la déclaration de Trevor, le gendarme Dickinson a remarqué que Trevor tremblait encore après l'incident.
  • D'après le compte rendu du gendarme Pelletier, il était évident que Trevor se trouvait dans son véhicule lorsqu'il a subi ses blessures, et aucun des éléments de preuve mis au jour par la suite n'a remis en question ce fait.
  • Le compte rendu du gendarme Pelletier indique que M. Matters a continué d'agir de façon agressive après l'incident impliquant le véhicule, faisant tomber la lampe de poche de sa main et criant pendant leurs interactions.
  • M. Matters a dit au gendarme Pelletier (et à d'autres, plus tard) que Trevor effectuait des dérapages contrôlés en cercle dans son entrée et qu'il l'avait poursuivi dans son véhicule. M. Matters a mentionné au répartiteur de la GRC qu'il avait « poursuivi » et rejoint Trevor sur la route, ce qui à première vue était un comportement agressif et préoccupant.
  • L'agent responsable de l'enquête, le gendarme Poyzer, a parlé à M. Matters au téléphone peu après l'incident. D'après ses notes, M. Matters a dit qu'il avait utilisé son camion pour heurter le véhicule de son frère. Le gendarme Poyzer a noté ceci : « Quand on lui a demandé pourquoi il avait poursuivi le véhicule, Gregory a dit que c'était la seule façon d'obtenir justice, car la police mettrait trop de temps avant d'arriver. » M. Matters lui a dit qu'il [traduction] « réglerait lui-même l'affaire et que ça ne serait pas beau ».
  • Trevor ne faisait l'objet d'aucun engagement de ne pas troubler l'ordre public. Toutefois, le gendarme Poyzer a établi qu'un tel engagement avait été imposé à M. Matters. (Une enquête ultérieure a révélé qu'il existait effectivement un engagement antérieur de ne pas troubler l'ordre public concernant Trevor, mais cet engagement avait été annulé avant l'incident.)
  • Au cours du deuxième appel téléphonique avec le gendarme Poyzer, M. Matters a proféré diverses menaces à l'endroit de Trevor (si la police ne s'occupait pas de lui) et de la police, en disant notamment qu'il les « abattrait ». Pendant ces déclarations, son comportement changeait sans cesse, passant de calme à anxieux, jusqu'aux cris, puis calme de nouveau.
  • Au moment où a été prise la décision initiale de procéder à l'arrestation (lorsque le gendarme Poyzer a fait sa demande de « transfert de dossier » au quart suivant), Trevor avait déclaré que M. Matters l'avait heurté deux fois avec son véhicule et envoyé dans le fossé; à ce stade, M. Matters avait déjà admis que son véhicule avait heurté celui de Trevor.
  • Le gendarme Pelletier a évoqué un dommage sur le devant du camion de M. Matters et, en particulier, un morceau de verre du feu de signalisation qui pendait du côté passager. Ce dommage concordait avec le compte rendu de Trevor Matters tout de suite après l'incident.

[126] La décision de procéder à l'arrestation a été prise à l'égard des accusations suivantes, comme l'indique la demande de « transfert de dossier » du gendarme Poyzer : 1) conduite dangereuse, 2) agression armée, 3) voies de fait et 4) violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. À mon avis, malgré les lacunes de l'enquête, le gendarme Poyzer avait des motifs raisonnables de croire que M. Matters avait commis chacune de ces infractions, compte tenu des facteurs susmentionnés. Essentiellement, le membre était confronté à un sujet qui a admis s'être fait justice lui-même en poursuivant quelqu'un dans un véhicule parce qu'il était sur sa propriété, en poussant cette personne hors de la route et en frappant physiquement cette personne au visage, ce qui a provoqué des saignements et un gonflement. (Je souligne que M. Matters a par la suite admis au sergent d'état-major Anderson qu'il avait peut-être frappé Trevor avec son coude, mais ce détail ne semble pas expliquer l'étendue des blessures au visage de Trevor.) M. Matters a aussi mentionné qu'il était prêt à rechercher « la justice » lui-même contre Trevor si la police ne s'en chargeait pas. Un engagement de ne pas troubler l'ordre public était en vigueur contre M. Matters, mais il n'y en avait aucun à l'égard de Trevor. À mon avis, la croyance du gendarme Poyzer selon laquelle les infractions avaient été commises par M. Matters était à la fois subjectivement et objectivement raisonnable. J'estime également que la décision de procéder à l'arrestation de M. Matters à ce stade constituait un exercice du pouvoir discrétionnaire raisonnable et qu'il n'y avait aucun motif illégitime.

[127] Après que les membres se sont rendus à la résidence des Matters à la suite du « transfert de dossier » par le gendarme Poyzer, on a recueilli davantage d'éléments de preuve et d'observations : la déclaration manuscrite de M. Matters; une copie de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public fournie par lui (qui était l'engagement pris contre lui, non pas contre Trevor); et des observations faites par le gendarme Sharpe concernant le véhicule de M. Matters. Voici les éléments clés de cette preuve et de ces observations :

  • Le gendarme Sharpe a communiqué par téléphone; au bout du compte, M. Matters ne s'est pas rendu au détachement, mais a accepté de fournir une déclaration écrite et une copie de son engagement existant de ne pas troubler l'ordre public si des membres se rendaient chez lui.
  • Le gendarme Sharpe a constaté des dommages le long du côté conducteur, depuis le phare avant et sur tout le côté, jusqu'à la portière du conducteur. Le pare-chocs avant était fendu au milieu, et la plaque d'immatriculation n'y était plus.
  • Une fois de plus, la déclaration de M. Matters confirme qu'il a pris la décision de poursuivre le véhicule qui était entré dans sa cour, puisqu'il estimait « qu'un crime venait juste d'être commis, et aucun policier avec qui communiquer ne se trouvait dans les environs ».
  • M. Matters a déclaré qu'il a doublé le véhicule et « ralenti pour que le véhicule s'immobilise ».
  • M. Matters a déclaré que, dans une tentative de mettre fin à sa poursuite, il est entré en contact avec l'autre véhicule (« plus en le poussant qu'en le heurtant »), et celui-ci est tombé dans le fossé.
  • M. Matters a déclaré qu'il s'est battu pour obtenir les clés de Trevor.

[128] De plus amples renseignements ont été recueillis tout au long de la participation du sergent d'état-major Anderson, notamment ses conversations avec M. Matters et sa mère, Lorraine Matters, et sa rencontre avec Trevor au détachement. La GRC a également pris des photographies des lieux de l'incident et du véhicule de Trevor. Aucune photographie n'a été obtenue du véhicule conduit par M. Matters, et un mandat a été demandé à cet égard au moment où la fusillade a eu lieu.

[129] À mon avis, bien que les lacunes sur le plan de l'enquête soient préoccupantes pour la Commission, comme il a été souligné précédemment dans le présent rapport, elles n'ont pas eu d'incidence significative sur les motifs de l'arrestation. Les aveux de M. Matters et les éléments de preuve matérielle appuyaient les accusations que l'on voulait porter. Les dossiers indiquent également qu'il est resté dans un état agité et qu'il constituait une menace continue pour Trevor si les policiers n'arrêtaient pas Trevor, ce qu'ils n'avaient aucunement l'intention de faire. Par conséquent, j'estime que, à toutes les étapes pertinentes, les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables de croire que M. Matters avait commis les présumées infractions et qu'il pouvait être arrêté sans mandat en vertu du paragraphe 495(2) du Code criminel.

[130] Selon la famille Matters, les souvenirs des membres en ce qui concerne les présumées menaces proférées par M. Matters sont erronés. Toutefois, j'estime que les déclarations des membres sont cohérentes les unes avec les autres, concordent avec les notes prises dans leurs calepins au même moment que les événements et sont compatibles avec le comportement de M. Matters lorsqu'il a laissé un message enregistré dans la boîte vocale à l'intention du sergent d'état-major Anderson pendant les négociations. Elles concordent également avec les antécédents de M. Matters en ce qui concerne des menaces similaires proférées à l'endroit d'autres parties, selon ce qui est consigné dans un certain nombre de dossiers de la GRC.

Conclusion : Pendant toute la période pertinente, les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables de croire que M. Matters avait commis les présumées infractions et qu'il pouvait être arrêté sans mandat en vertu du paragraphe 495(2) du Code criminel.

Conduite des membres de la GRC avant la mise sur pied du GTI

a) Tentative initiale d'arrestation

[131] Le sergent d'état-major Anderson a déclaré à l'IIO qu'il avait déterminé qu'il y avait des motifs d'arrêter M. Matters pour agression au moyen d'un véhicule, voies de fait et conduite dangereuse antérieurement et qu'il connaissait ses antécédents, notamment son passé militaire et son antipathie envers la police. Le plan initial était d'amener M. Matters au détachement, c'est-à-dire sur le terrain, pour s'assurer qu'il n'avait pas accès à des armes et pour tenter de neutraliser ce danger potentiel. Or, M. Matters ne se rendait pas au détachement, et des dispositions ont été prises pour que des membres se rendent chez lui. Malgré les tentatives des membres de se placer entre M. Matters et la résidence, M. Matters a pu reculer dans son entrée de porte. Les membres présents ont déterminé qu'il était risqué de l'arrêter à ce moment-là.

[132] À mon avis, l'approche adoptée par le sergent d'état-major Anderson et les membres présents était raisonnable dans les circonstances. M. Matters avait une méfiance clairement établie et exprimée envers la police. D'après les dossiers de la GRC, il avait aussi précédemment résisté à une arrestation. Les événements qui ont précipité l'arrestation – même si l'on ne tient compte que des déclarations faites par M. Matters à l'opérateur 911 et au gendarme Poyzer – étaient des actes d'agression et de violence. Les membres ont pris des mesures raisonnables pour procéder à une arrestation de la manière la plus sûre possible et ont raisonnablement cru qu'une confrontation physique était probable s'ils forçaient le dénouement à la porte de la résidence ou à proximité de celle-ci.

Conclusions :

  1. Les membres ont fait des efforts raisonnables pour que M. Matters se présente au détachement de la GRC de Prince George afin de procéder à l'arrestation et d'obtenir une déclaration.
  2. Lorsqu'ils se sont rendus à la résidence, les membres ont raisonnablement déterminé qu'une confrontation physique était probable s'ils tentaient d'arrêter M. Matters à ce moment-là, et leur décision de retarder l'arrestation était raisonnable.

b) Négociations menées par le sergent d'état-major Anderson

[133] Comme on le verra plus loin dans le présent rapport, seules quelques conversations entre le sergent d'état-major Anderson et M. Matters ont été enregistrées, et seuls les propos du sergent d'état-major Anderson ont été enregistrés. Cependant, il ressort clairement de ces enregistrements que le contenu général des conversations et le comportement du sergent d'état-major Anderson sont conformes à ses notes (qui ont en général été prises pendant les conversations) ainsi qu'à ses déclarations à l'enquêteur de l'IIO et dans le cadre de l'enquête du coroner. Ses comptes rendus ont également été corroborés par des déclarations d'autres membres présents lors d'un certain nombre de conversations téléphoniques. À ce titre, j'estime que ses notes et ses déclarations sont fiables et crédibles.

[134] Il importe de souligner que, selon la politique de la GRC, le membre ne doit pas établir un diagnostic de troubles mentaux, car il n'est pas qualifié pour le faire. Elle prévoit également qu'une communication claire s'avère efficace pour calmer toute personne qui peut être atteinte de troubles mentaux et que, après bien avoir évalué les risques, l'aide d'un ami proche ou d'un membre de la famille peut être appropriéeNote de bas de page 5. Selon ses dires, le sergent d'état-major Anderson a appris, durant sa première conversation avec Lorraine Matters, que M. Matters était atteint d'un ESPT et qu'il recevait des traitements pour cette maladie. Le sergent d'état-major Anderson a déclaré qu'il était très au fait de la méfiance de M. Matters envers la police. À cette fin, il ressort clairement du dossier qu'il a déployé des efforts considérables pour gagner la confiance de M. Matters tout au long des négociations et qu'il a parlé à M. Matters d'une manière calme et professionnelle.

[135] Le sergent d'état-major Anderson a parlé à M. Matters de le traiter avec compassion et professionnalisme et de vouloir l'amener au détachement afin de connaître sa version des faits. Le sergent d'état-major Anderson a déclaré qu'il ne voulait pas être malhonnête avec M. Matters au sujet de l'intention de l'arrêter, car cela entraînerait une perte de confiance à l'avenir, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes pour la police. Le sergent d'état-major Anderson a dit à M. Matters qu'il voulait qu'il reste calme, qu'il ne se fâche pas et a donné l'assurance que, ensemble, ils pourraient régler la situation. Le sergent d'état-major Anderson a essayé d'expliquer le processus relatif à l'arrestation et aux accusations et la nécessité d'obtenir sa version des faits. Le sergent d'état-major Anderson a dit à M. Matters qu'il serait traité avec respect et qu'il n'avait rien à craindre d'eux s'il sortait de la résidence pour rencontrer les membres. Voilà les thèmes généraux et les déclarations qui sont demeurés constants tout au long de leurs nombreuses conversations.

[136] Le surintendant Stubbs a commenté les efforts de négociation du sergent d'état-major Anderson :

[Traduction]

Et je crois beaucoup à sa capacité à parler aux gens correctement, et je sais qu'il a essayé un certain nombre de choses. À un moment donné, vous savez, je me souviens d'être allé dans son bureau et, vous savez, il a dit – il parlait à M. Matters et lui a dit en direct au téléphone, je l'ai juste entendu une seconde, et il a dit « M. Matters, je suis là depuis longtemps, et je suis un vieux policier municipal », parce que M. Matters ne fait pas confiance à la police. Il a dit « Regardez, vous savez, je suis une personne directe, un policier de l'ancien temps, vous savez, pas de manigance, pas de niaiserie. Je vais monter dans la voiture, je vais conduire jusque là-bas; vous pouvez monter dans ma voiture, je vais m'assurer que rien ne vous arrive, et je vous ramènerai au bureau. » Je l'ai entendu dire ça et je savais qu'il essayait par tous les moyens possibles de résoudre cette affaire sans le recours à la force.

[137] Le sergent d'état-major Anderson a déclaré que le cœur du problème de M. Matters était l'apparente violation par son frère d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Cependant, Trevor a dit au gendarme Dickinson que cet engagement avait été annulé et qu'il ne savait pas si M. Matters était au courant de cela. Ces renseignements figuraient dans le sommaire de la déclaration de Trevor du gendarme Dickinson. En outre, le dossier de la GRC sur l'affaire contre M. Matters qui a donné lieu à l'engagement réciproque de ne pas troubler l'ordre public contient une note indiquant que l'unité judiciaire a reçu une télécopie du greffe de la cour le 28 août 2012 mentionnant que le 20 août 2012, l'engagement qui avait été délivré à l'égard de Trevor a été [traduction] « annulé ab initio » (c.-à-d. qu'il est sans validité juridique) et que tout compte rendu de l'instance qui s'y rapporte doit être supprimé. La note indique que le document de la cour a été transmis au Centre d'information de la police canadienne (CIPC), ce qui explique pourquoi il n'y avait plus de renseignement dans ce système concernant l'engagement de ne pas troubler l'ordre public imposé à Trevor.

[138] En ce qui concerne la réaction de M. Matters quant à la façon dont la GRC traitait avec Trevor, il aurait pu être important de transmettre le fait que l'engagement de ne pas troubler l'ordre public imposé à Trevor avait été annulé. Cette question était au cœur du sentiment d'injustice qu'éprouvait M. Matters face à l'incident et à l'intention de la GRC de l'arrêter. Du moins, Trevor a fourni l'information, et la confirmation se trouvait dans les dossiers mêmes de la GRC sur l'instance pertinente. Cependant, rien ne semble indiquer qu'un membre a tenté de confirmer ce renseignement, sinon de vérifier qu'il n'y avait pas un tel engagement dans la base de données du CIPC.

[139] Dans l'ensemble, je suis convaincu que les négociations du sergent d'état-major Anderson avec M. Matters avant l'entrée en jeu du groupe tactique d'intervention étaient raisonnables et appropriées dans les circonstances. Toutefois, les négociations auraient pu progresser si on avait communiqué plus clairement à M. Matters le statut de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public qui, à son sens, avait été imposé à son frère.

Conclusions :

  1. Le sergent d'état-major Anderson a déployé des efforts considérables pour gagner la confiance de M. Matters tout au long des négociations et a parlé à M. Matters d'une manière calme et professionnelle.
  2. Les négociations du sergent d'état-major Anderson avec M. Matters avant l'entrée en jeu du groupe tactique d'intervention étaient raisonnables et appropriées dans les circonstances.
  3. Les négociations avec M. Matters auraient pu progresser grâce à une communication plus claire avec lui au sujet du statut de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public imposé à Trevor.

c) Suivi auprès de Trevor Matters

[140] Le sergent d'état-major Anderson a compris de M. Matters que son véritable problème était qu'il voulait que Trevor soit accusé à la suite de l'incident. En réponse à cette demande de M. Matters, et afin de recueillir des renseignements pour le GTIDN, le sergent d'état-major Anderson a pris des dispositions pour que Trevor se rende au détachement. Il a brièvement rencontré Trevor et voici ce qu'il a évoqué :

[Traduction]

À 15 h 5 (selon mes notes), Trevor Matters se présente au détachement. Cette rencontre vise deux objectifs : je veux que Trevor nous donne un diagramme de la maison, un schéma de la maison, et aussi de la propriété, et je veux le questionner au sujet de la propriété des grands-parents, savoir quelle est la configuration de celle-ci. Il me dit ce qu'il en est, et je dis : « Selon certains renseignements, il est à l'arrière de la propriété de votre mère », et il a pensé que ce n'était probablement pas exact parce que ce n'est qu'un marécage à cet endroit. Il a dit : « Il est probablement à l'ancienne ferme de mes grands-parents, où il y a une maison abandonnée, qui n'est plus habitée depuis 25 ans, et des dépendances. C'est là où il est probablement. »

Donc, il l'a tracé, et cela a été fait avec le gendarme Dickinson. Je l'ai laissé faire. J'ai aussi parlé à Trevor au sujet de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Trevor a dit qu'il n'y avait pas d'engagement en vigueur; nous ne pouvions pas le trouver non plus. Il a dit que c'était – je crois que c'est ce qu'il a dit – je ne suis pas sûr, je ne peux pas dire avec certitude si c'était Greg qui a commencé le processus dans le passé, qui a tenté d'en obtenir un contre lui, mais le tribunal a rejeté la demande, et il n'y avait pas d'engagement de ne pas troubler l'ordre public imposé à Trevor. Trevor a dit : « Je suis un type très paisible »; « je ne veux pas avoir de confrontation avec mon frère »; « je n'ai jamais été impliqué dans une bagarre avant »; et « actuellement, j'ai peur ».

Je lui dis que, d'après les renseignements, il a frappé Greg. Il dit que ce n'est absolument pas vrai. Vous savez, on a jeté un coup d'œil à son véhicule et à celui de Greg, pour faire le lien. J'ai dit : « Pourquoi êtes-vous allé à la maison à 3 h du matin? En fait, aidez-moi à comprendre cette partie-là. Je ne comprends pas. »

Et il a dit : « Je ne sais pas. Les choses ont été difficiles ces derniers temps, je voulais parler à ma mère. » J'ai dit : « Vous buviez? » Vous savez, « qu'est-ce qui vous pousse, à ce moment-là, à aller voir votre mère? » Et il a dit – il m'a dit qu'il ne buvait pas et qu'il avait juste besoin de dire quelque chose à sa mère, et c'est pourquoi il est allé là-bas. Pendant cette conversation avec Trevor, je n'ai rien trouvé, aucun motif, comme je le dis, sur lequel m'appuyer pour l'accuser d'un crime. Je ne pouvais rien utiliser dans tout cela qui aurait pu, évidemment, apaiser Greg.

[141] À ce moment-là, il n'existait aucun engagement de ne pas troubler l'ordre public contre Trevor, et il ne pouvait faire l'objet d'aucune accusation à cet égard. Aucune question relative à la consommation d'alcool n'avait été relevée ou étudiée au cours de l'enquête initiale, et il n'y a pas eu de nouvel élément de preuve sur lequel fonder une telle accusation. Toute infraction liée à un véhicule que Trevor aurait pu avoir commise aurait été relativement mineure et aurait entraîné une contravention plutôt qu'une arrestation. À mon avis, il aurait été inapproprié que le sergent d'état-major Anderson porte une accusation qui n'aurait pas été portée autrement, essentiellement en échange de la présence de M. Matters au détachement, de son arrestation et d'une déclaration enregistrée de sa part. Le comportement du sergent d'état-major Anderson dans les circonstances était raisonnable.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a agi raisonnablement en rencontrant Trevor et en décidant qu'il n'y avait pas d'accusations appropriées à porter dans les circonstances.

d) Contrôle du périmètre

[142] Les membres aux services généraux étaient responsables des formalités de contrôle du périmètre aux propriétés des Matters, selon les directives du sergent d'état-major Anderson. Des ressources ont été mises en place pour surveiller les déplacements de M. Matters s'il quittait la propriété de sa mère au cas où les efforts déployés en vue de l'arrêter là-bas échoueraient. Le contrôle du périmètre était difficile en raison de la taille et de la géographie de la propriété. Toutefois, le sergent d'état-major Anderson a veillé à ce que des véhicules de police soient présents, et des dispositions ont été prises en vue de parler avec les voisins au sujet des armes à feu qu'ils avaient en leur possession et à Trevor concernant la planification de la sécurité. Des ressources supplémentaires ont été demandées et utilisées, notamment les Services cynophiles, afin de mieux assurer le contrôle du périmètre de la propriété. Lorsqu'il a semblé que M. Matters pourrait ne pas se livrer à la police, au détachement, le sergent d'état-major Anderson a demandé des unités supplémentaires en renfort pour le contrôle du périmètre.

[143] La surveillance continue a permis aux membres d'observer le moment où M. Matters a quitté sa résidence dans un Subaru de couleur argent et conduit à travers champs et sur la propriété qu'il partageait avec Trevor. Il se trouvait que M. Matters avait conduit le Subaru à travers champs et l'avait garé dans une allée traversant une zone boisée, à l'est des bâtiments abandonnés à la propriété familiale des grands-parents. Le Subaru était visible du haut des airs, mais il était pratiquement impossible de repérer les agents sur le terrain. Dans les photographies aériennes, prises après l'incident, il semble qu'un arbre tombé empêchait d'avancer plus loin dans l'allée.

[144] Le rapport de l'EAI de la GRC indique que [traduction] « les membres et les superviseurs du détachement de Prince George ont exercé une grande prudence et ont utilisé une approche judicieuse pour gérer la situation du point de vue du contrôle du périmètre par les services généraux avec les ressources disponibles ». Dans le cadre de l'enquête du coroner, le sergent d'état-major Anderson a laissé entendre qu'il avait peut-être attendu trop longtemps alors qu'il s'efforçait de convaincre Lorraine Matters d'amener son fils au détachement, étant donné qu'il n'est pas négociateur du GTI et que le périmètre de la propriété ne pouvait être contrôlé correctement avec les ressources disponibles. Toutefois, à mon avis, le sergent d'état-major Anderson a adopté une approche mesurée tout au long de l'incident pour retenir M. Matters à la propriété et a pris des décisions raisonnables fondées sur des évaluations continues du risque et les ressources disponibles.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a adopté une approche mesurée et raisonnable en ce qui concerne le contrôle du périmètre de la propriété des Matters compte tenu des difficultés résultant de la taille et de la topographie de la propriété et de la disponibilité des ressources.

Mise sur pied et déploiement du GTIDN

[145] Conformément aux politiques de la GRC, la décision de déployer le GTI est généralement du ressort d'un commandant des interventions qualifié en cas d'incident critique. Dans le cas qui nous occupe, cette décision a été prise par le surintendant Stubbs. Seul le commandant des interventions peut déployer un GTI et autoriser le recours à la forceNote de bas de page 6. La charge et les responsabilités qui incombent à un commandant des interventions dans le cadre d'un incident critique sont exigeantes et étendues. Pour satisfaire à ces exigences, la GRC sélectionne, forme et encadre des commandants des interventions dans le but de leur transmettre les connaissances, les compétences et l'expertise requises.

[146] Le 10 septembre 2012, le surintendant Stubbs possédait la formation et l'agrément appropriés et connaissait ses responsabilités en vertu des politiques de la GRC. Au cours des 28 mois qui se sont écoulés depuis l'obtention de son diplôme du cours de commandement en situation de crise, le surintendant Stubbs avait exercé les fonctions de commandant des interventions dans le cadre de 20 opérations. En tant que commandant des interventions, il connaissait les capacités du GTIDN. Grâce à sa formation et à son expérience, le surintendant Stubbs était qualifié pour exécuter les lourdes tâches et responsabilités de commandant des interventions.

Conclusion : Le surintendant Stubbs possédait la formation et l'agrément en tant que commandant des interventions en cas d'incident critique au moment de l'incident.

[147] Le sergent d'état-major Anderson a consulté le surintendant Stubbs afin de déterminer s'il y avait lieu de mobiliser le GTIDN dans la situation en cours. Il a décrit sa conversation avec le surintendant Stubbs de la façon suivante :

[Traduction]

Donc, à ce moment-là, après cet appel, encore une fois, j'informe le surintendant Stubbs des derniers développements. Lui et moi avons eu une réunion; je lui ai transmis ces renseignements que j'ai passés en revue avec vous. Nous avons parlé de la possibilité à ce moment-là de la mise sur pied du GTI, le groupe tactique d'intervention; cette décision relève non pas de moi, mais bien du surintendant Stubbs. Et, au cours de ma discussion avec le surintendant Stubbs, vous savez, on s'est demandé s'il fallait intervenir dans cette situation ou laisser aller, vous savez, laisser aller et nous retirer pour voir ce qui se passe.

J'ai dit au surintendant Stubbs que j'avais de sérieuses inquiétudes à ce sujet. J'ai dit que je pensais, après avoir parlé avec Greg, compte tenu de son instabilité et de ce que je savais au sujet de ce qui serait arrivé la veille, j'étais très préoccupé de le laisser et de demander un mandat plus tard, essentiellement, de revenir un autre jour, et de me retirer complètement.

À mon avis, nous avions l'obligation d'assurer la sécurité publique ici, et c'était une énorme préoccupation pour moi après avoir passé beaucoup de temps à parler à la fois avec Lorraine et avec Greg.

[148] Dans le cadre de l'enquête du coroner, le surintendant Stubbs a expliqué que, le 9 septembre 2012, lorsqu'il a été initialement informé par le sergent d'état-major Anderson, on avait bon espoir que M. Matters se livre à la police, de sorte que le recours au GTI n'était pas jugé nécessaire à ce moment-là. Le 10 septembre 2012, le délai pour se livrer à la police était passé. Peu après 13 h, le surintendant Stubbs s'est rendu au bureau du sergent d'état-major Anderson pour discuter des prochaines étapes. Ils ont pris en considération certains facteurs : les menaces proférées par M. Matters selon lesquelles si la police ne s'occupait pas de Trevor, il s'en chargerait; M. Matters a menacé d'abattre les personnes qui viendraient sur la propriété; ils avaient compté sur Lorraine Matters afin que M. Matters se rende au détachement, mais celui-ci avait depuis dit que sa mère ne parlait pas pour lui; les antécédents d'une certaine violence entre les frères; les antécédents généraux de menaces et d'arrestations de M. Matters; et l'évaluation faite par le Groupe des sciences du comportement de la GRC. À son avis, les accusations étaient graves et préoccupantes, et le gendarme Poyzer et le sergent d'état-major Anderson lui ont dit que les accusations étaient « bonnes ».

[149] Le surintendant Stubbs a expliqué aux enquêteurs de l'IIO les discussions qui ont mené à la décision de mettre sur pied le GTIDN :

[Traduction]

SURINTENDANT STUBBS : Donc, dans ce cas, je – vous savez, encore une fois, je pose la question à voix haute à Brad, ainsi qu'à moi-même : « Pouvons-nous nous retirer? Pouvons-nous simplement laisser aller? » Et si nous essayons de nouveau demain, que nous le laissons se tranquilliser ou se calmer, vous savez, mercredi, jeudi, peu importe. Donc, la discussion que nous avons eue, bien sûr, a porté sur certains des commentaires qu'il avait faits, en particulier, que si nous ne nous occupions pas de Trevor, il s'en chargerait. Et, à cet égard, il a prouvé qu'il n'est pas seulement un parleur. Je veux dire, l'incident qui a eu lieu à 3 h du matin le dimanche, je veux dire, il s'est lancé à la poursuite d'un véhicule – c'était son frère –, l'a forcé à quitter la route, puis il s'est approché du conducteur, c'est ce qui est indiqué dans le dossier, et l'a frappé. Après, vous savez, Trevor a dit « Gregory, c'est ton frère », et il a continué de le frapper.
C. RIVARD : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Alors, il a déjà manifesté un comportement violent envers son frère.
C. RIVARD : Bien sûr.
SURINTENDANT STUBBS : Donc, quand il dit « si vous ne vous occupez pas de mon frère, je vais m'en charger », c'est préoccupant. Il est difficile de se retirer.
C. RIVARD : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Vous voyez, il sait que, selon les conversations du sergent [d'état-major] Anderson avec lui, nous allons l'arrêter, donc il sait que nous sommes là et il sait qu'il y a des conséquences pour ses actes. Il a fait des commentaires sur le fait de tirer sur la police, il a fait des commentaires concernant quiconque vient sur sa propriété. Donc, il est dans un état d'agitation, je me dis, bien sûr, quand vous débattez du déploiement éventuel du GTI, et je pense à certaines possibilités logiques – désolé, à des scénarios plausibles. Vous savez, un travailleur de B.C. Hydro veut aller sur sa propriété pour relever le compteur. Il a 160 acres, un randonneur suit un des sentiers, et il pense que c'est peut-être la police. Ou il pense, vous savez –
C. RIVARD : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : J'ai pensé à ça.
C. RIVARD : Bien sûr.
SURINTENDANT STUBBS : Qu'est-ce qu'il va faire à ces gens, n'est-ce pas? Nous sommes à un stade où nous devons protéger le public. Nous avons le devoir de protéger le public, nous avons le devoir de protéger Trevor Matters également.
C. RIVARD : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Alors, c'est, vous savez, la logique pour traiter avec lui. Vous savez, c'est évident que les efforts extraordinaires de Brad pour essayer de le faire sortir ne fonctionnaient pas. Nous avions consacré – vous savez, plus ou moins, nous avions essayé pendant plus de 24 heures, pas seulement Brad, mais certains des autres membres présents, et ça ne fonctionnait pas.
C. RIVARD : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Nous devons donc essayer autre chose, et c'était le GTI. Alors, vers 14 h 5, nous avons pris la décision, j'ai pris la décision, de mettre sur pied le GTI.

[150] Dans sa réponse écrite aux questions posées au cours de l'enquête de la Commission, le surintendant Stubbs a ajouté :

[Traduction]

La sécurité publique est primordiale dans toute décision de déployer le GTI. Il existe de nombreuses situations où on me demande de déployer le GTI et je refuse de mettre sur pied le groupe. Il s'agit de situations où l'incident pourrait être suffisamment grave, mais dans lesquelles nous pouvons atténuer le risque en assurant la sécurité de la victime et du public. C'est un point clé. Pouvons-nous garder la victime et le public en sécurité? La victime va-t-elle coopérer et rester en lieu sûr jusqu'à ce que nous puissions traiter avec le suspect? Quand je ne mets pas sur pied le GTI, la stratégie suppose habituellement qu'on attend que le suspect commence à retrouver ses esprits ou à se calmer, puis nous traitons avec lui plus tard. J'examine cette option dans chaque déploiement du GTI. M. Matters n'a pas fait exception en ce qui concerne cette évaluation. Les questions relatives aux antécédents de M. Matters, à sa santé mentale, à sa propension à la violence, aux rapports du Groupe des sciences du comportement à son sujet sont toutes importantes. Toutefois, la question problématique que nous ne pouvions pas régler est la protection de Trevor Matters, des membres du grand public qui pourraient se rendre sur sa propriété (p. ex. B.C. Hydro, Purolator) et la sécurité des membres. Tout cela découle des menaces qu'il a proférées selon lesquelles il se chargerait de Trevor si la police ne s'en occupait pas, il abattrait quiconque ou un policier venant sur sa propriété. Je n'aurais pas pu justifier des blessures ou des morts infligées par M. Matters si nous nous étions retirés de sa propriété. Si un membre aux services généraux avait tenté d'arrêter M. Matters et qu'il avait agressé le gendarme au moyen d'une hachette et que le membre aurait ainsi subi des blessures ou serait mort, j'aurais été sérieusement critiqué étant donné les menaces qu'il avait faites. Comme je l'ai dit au cours de l'enquête, si M. Matters n'avait pas proféré ces menaces, il aurait pu être possible de ne pas mettre sur pied le GTI et d'attendre quelques jours. Cependant, ses menaces nous ont obligés à faire en sorte que le public, Trevor Matters et nos membres ne soient pas victimes d'actes de violence de la part de M. Matters. Vu la violence que Greg a infligée à Trevor Matters en le forçant à quitter la route et en l'agressant, j'ai dû considérer ses menaces comme étant crédibles. Comme je l'ai dit lors de l'enquête – nous utilisons l'acronyme AIM pour évaluer la menace (aptitude, intention, motif/moyen). Greg Matters satisfaisait à tous ces critères.

À ce jour, je crois que les menaces de M. Matters étaient légitimes et réelles. Ce constat est fondé sur ses actes, notamment la hachette et la façon dont il a confronté les membres. De plus, il y a un courriel que Trevor Matters a envoyé à un gendarme à notre bureau, dans lequel il exprime sa gratitude pour les interventions de nos membres. Je cite son courriel : « Je crois vraiment que la GRC m'a sauvé la vie. Pas nécessairement cette nuit-là avec ce qui s'est passé, mais dans un proche avenir. Jody pense la même chose. » (Jody est son épouse.)

Souvent, on a l'impression que, lorsque le GTI est mis sur pied ou mobilisé dans un incident, la réaction de la police est exagérée et que celle-ci amène « l'armée ». Il faut garder à l'esprit que le GTI comprend simplement des membres réguliers de la GRC qui ont une formation plus spécialisée et un meilleur équipement. Dans des situations comme celles-ci, leur rôle est de seconder les membres aux services généraux dans le cadre d'un incident à risque élevé et d'arrêter une personne en toute sécurité. Il ne s'agit pas d'une réaction excessive pour gérer un incident à risque élevé d'une manière sûre avec les meilleures ressources ou le meilleur équipement disponibles.

[151] Les notes prises par le surintendant Stubbs dans le calepin reflètent la même logique.

[152] Je souligne que l'information selon laquelle M. Matters avait menacé de tirer sur quiconque venait dans sa cour aurait eu une certaine importance dans la prise de décisions du sergent d'état-major Anderson et en particulier du surintendant Stubbs. Selon le surintendant Stubbs, il croyait que M. Matters avait dit qu'il « abattrait quiconque ou un policier venant sur sa propriété ». Il a déclaré aux enquêteurs de l'IIO qu'il craignait qu'un employé de B.C. Hydro, ou un randonneur, puisse pénétrer sur la propriété, et M. Matters pourrait penser que c'est la police. Par conséquent, il était préoccupé par la sécurité du public et de Trevor. Ils avaient essayé de négocier une reddition pendant plus de 24 heures, et cela ne fonctionnait tout simplement pas. Ils devaient essayer autre chose, et il a cru que le GTI était la solution.

[153] À l'enquête du coroner, le surintendant Stubbs a déclaré qu'il était au courant des arrestations antérieures de M. Matters; qu'il ne savait pas que l'ESPT de M. Matters avait été déclenché en partie par des interactions avec la police; et qu'il n'était pas au courant de l'évaluation judiciaire effectuée par le Dr Morgan en 2010 (à laquelle la GRC n'avait pas accès). Le surintendant Stubbs a également déclaré qu'il n'était pas au courant de l'allégation de recours à la force excessive faite par M. Matters contre des membres de la GRC à la suite d'une arrestation antérieure. Le surintendant Stubbs a déclaré que, à titre de commandant des interventions, il reçoit des sommaires simples, mais il n'a pas tous les détails, et le temps manque pour tout lire. Il a déclaré que certaines personnes ont beaucoup d'antécédents et qu'il n'est pas possible de tout lire avant d'agir. Le surintendant Stubbs a ajouté qu'il est assez difficile de mettre sur pied un GTI, mais en général, plus il y a de renseignements, mieux c'est. Le surintendant Stubbs savait que M. Matters ne faisait pas confiance à la police. On a déployé des efforts continus afin qu'il se livre à la police avec sa mère, en vain. Il a souligné qu'il n'est pas rare que des suspects n'aiment pas les policiers et ne les veuillent pas sur leur propriété.

[154] La politique de la Division « E » de la GRCNote de bas de page 7 indique, entre autres, que les membres du GTI peuvent (en équipe ou individuellement) offrir un soutien pour les opérations à risque élevé suivantes :

[Traduction]

  • immobiliser, fouiller ou prendre d'assaut des véhicules à risque élevé;
  • assurer la protection d'un suspect ou témoin à risque élevé;
  • offrir un soutien aux équipes des Services cynophiles dans le cadre de pistages et de fouilles à risque élevé.

[155] Selon la politique nationale de la GRCNote de bas de page 8, le GTI peut être mis sur pied pour assurer un soutien armé tactique, notamment pour :

  • arrêter ou neutraliser des personnes armées ou barricadées avec ou sans otages;
  • aider à arrêter des suspects ou des personnes déséquilibrées;
  • aider à immobiliser ou prendre d'assaut des véhicules à risque élevé;
  • effectuer de la surveillance rurale lorsqu'une compromission risque d'entraîner de la violence à l'égard de la police ou qu'une formation et de l'équipement spécialisés sont nécessaires en raison des conditions environnementales.

[156] Les membres du GTI sont mobilisés dans de telles situations parce qu'ils possèdent une formation et de l'équipement spécialisés. Le point ci-dessus met en évidence leur formation et leur équipement spécialisés ainsi que leur utilité en milieu rural et lorsque des conditions environnementales l'exigent, des considérations qui étaient toutes importantes dans cette affaire. Le surintendant Stubbs estime avoir été informé de façon satisfaisante, compte tenu de ses besoins, et a pris la décision de mettre sur pied le GTIDN. À mon avis, cette décision était raisonnable et conforme à la politique susmentionnée.

[157] Tel que l'a noté le surintendant Stubbs, certains croient que le recours au GTI est souvent une réaction excessive de la part de la police. On a affirmé que le déploiement du GTI, inutilement et automatiquement, fait dégénérer un incident. Bien que cette perception soit compréhensible, la réalité est que très peu de déploiements de GTI entraînent la mort ou des blessuresNote de bas de page 9. La famille de M. Matters s'est dite particulièrement préoccupée au sujet de plusieurs morts par balle survenues avant celle de M. Matters à la suite de l'opération du GTIDN. La Commission est au courant de ces cas et publiera un rapport indépendant sur la mort par balle de M. Valeri George survenue le 30 septembre 2009 à Buick Creek, en Colombie-Britannique.

Conclusion : La décision du surintendant Stubbs de mettre sur pied et de déployer le GTIDN était raisonnablement fondée et conforme à la politique de la GRC.

Séance d'information du GTIDN et évaluation du risque

[158] La politique de la GRC prévoit que le déploiement d'un GTI doit être pleinement justifié et défendable selon une évaluation du risque détaillée, approfondie et en temps opportunNote de bas de page 10. Le commandant des interventions doit veiller à ce que la liaison soit établie avec les services de soutien et à ce que les renseignements leur soient communiquésNote de bas de page 11. La politique de la GRC prévoit également la tenue de séances d'information appropriées. La famille de M. Matters a exprimé des doutes quant à savoir si les renseignements utilisés par la police pour évaluer M. Matters étaient exacts et à jour.

[159] Dans cette affaire, le surintendant Stubbs a affecté des membres à la collecte de renseignements pertinents et a organisé une séance d'information à l'intention des membres du GTIDN et du personnel de soutien du détachement de Prince George. Le caporal Todd Wilson a établi le dossier de renseignements à distribuer lors de la séance d'information, avec l'aide du gendarme Dickinson. Par ailleurs, le gendarme Poyzer préparait activement la dénonciation en vue d'obtenir un mandat de perquisition et un mandat Feeney.

[160] Un ensemble de documents a été réuni et mis à la disposition du GTIDN et des autres membres au cours de la séance d'information. Le rapport, d'une longueur de 18 pages, comprenait en partie :

  1. Une description physique et des renseignements biographiques de M. Matters;
  2. Un court résumé des interactions antérieures de M. Matters avec la GRC de Prince George;
  3. Un rapport sur l'évaluation de la menace (2010), établi par le Groupe des sciences du comportement de la GRC, à Surrey;
  4. Des cartes Google du secteur de la propriété des Matters;
  5. Un diagramme dessiné à la main de ce qui semble être l'aménagement de la propriété des Matters, avec les dépendances précises indiquées;
  6. Un diagramme dessiné à la main du rez-de-chaussée et du sous-sol à l'intérieur de la résidence des Matters;
  7. Deux photographies extérieures de l'entrée et du secteur du portail de la propriété des Matters;
  8. Une photographie non datée de M. Matters, avec la mention manuscrite [traduction] « toujours le même »;
  9. Un rapport de deux pages du système PRIME concernant M. Matters.

[161] À la séance d'information, le surintendant Stubbs a estimé qu'il était tout à fait conscient de la situation à laquelle ils faisaient face. M. Matters avait parlé de tout, de se rendre à la police jusqu'à tirer sur quelqu'un. Au cours de la réunion, le gendarme Poyzer a informé les autres membres des conclusions de son enquête et de ce que M. Matters lui avait dit. Le surintendant Stubbs a décrit la séance d'information de la façon suivante :

[Traduction]

SURINTENDANT STUBBS : Nous avons donc commencé notre séance d'information à 16 h 13.
ENQUÊTEUR DE L'IIO : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Encore une fois, le gendarme Poyzer était là et a présenté le contexte de la situation et, vous savez, certains des commentaires qu'il avait faits au sujet de personnes venant sur sa propriété, du fait qu'il n'aime pas la police, des problèmes avec son frère, des problèmes de longue date avec son frère et autres choses dans le même genre. Si un policier braque son arme sur eux, il le tuera. Il est instable, mais nous avons eu des communications avec lui. Et que, bien sûr à ce moment-là, il n'était pas à la résidence. J'ai fourni [...] nous avons eu affaire avec lui en 2010. Il y avait un – le Groupe des sciences du comportement a préparé un rapport sur lui.
ENQUÊTEUR DE L'IIO : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Une sorte d'évaluation du risque et la conclusion de celle-ci – je l'ai ici également, aussi –
ENQUÊTEUR DE L'IIO : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : – dans mes notes. Mais la conclusion, sans la lire, essentiellement, était qu'il présente un risque élevé de violence à l'endroit des membres.
ENQUÊTEUR DE L'IIO : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Il y a ce risque.
ENQUÊTEUR DE L'IIO : Bien sûr.
SURINTENDANT STUBBS : Nous devions en être très conscients. Alors. Et, en fait, nous ne savons pas où il est. Puis Brad a parlé, et vous savez, il a simplement résumé brièvement ses interactions avec lui. Mais M. Matters a demandé s'il allait être arrêté et a dit qu'il allait sortir chercher son arme. Il est devenu très fébrile et très agité; il veut que Trevor soit arrêté. Et M. Matters dit qu'il était à l'arrière de la limite des arbres; il campait avec un livre et son chien.
ENQUÊTEUR DE L'IIO : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Il a dit – il nous disait qu'il n'avait pas d'arme à feu. Mais en même temps, il disait que si nous venions sur sa propriété, il allait nous tirer dessus, alors.
ENQUÊTEUR DE L'IIO : D'accord.
SURINTENDANT STUBBS : Bien sûr, nous l'avons traité comme étant armé.
ENQUÊTEUR DE L'IIO : Tout à fait.
SURINTENDANT STUBBS : Nous devions le supposer, compte tenu de toute la situation.

[162] La séance d'information du GTIDN comprenait le rapport d'évaluation de la menace de 2010 qui avait été établi relativement à un incident au cours duquel M. Matters avait rédigé un courriel de menaces à l'endroit du président intérimaire de la Commission de l'époque. Ces menaces incluaient la mort de toute personne qui se présentait comme une cible inopinée et la GRC. M. Matters a par la suite été déclaré coupable et s'est vu imposer une peine d'emprisonnement de 18 mois avec sursis et une interdiction de posséder des armes à feu pendant une période de cinq ans.

[163] Par la suite, le même membre a produit une évaluation de la menace concernant M. Matters en 2011; cette évaluation était cependant moins officielle et contenue dans un échange de courriels sur le dossier pertinent de la GRC. La correspondance indiquait que l'auteur avait passé en revue les données de l'incident survenu en novembre 2010 et suggérait une [traduction] « approche par l'intermédiaire d'un tiers » afin de donner à M. Matters une option lui permettant de sauver la face. Ces options comprenaient le recours à la mère de M. Matters, qui avait été efficace en février 2011 relativement au non-respect d'une ordonnance de probation. Cette évaluation ou ces directives ne faisaient pas partie du dossier d'information du GTIDN, mais auraient idéalement dû en faire partie également. Malgré tout, cela n'a pas semblé avoir d'incidence sur les interventions de la police, car les suggestions étaient conformes aux mesures déjà prises par les membres. Plus particulièrement, il est clair que le sergent d'état-major Anderson avait fait de nombreuses tentatives pour régler la situation par l'entremise de Mme Matters, sans succès.

[164] Le dossier d'information lui-même ne comprenait aucun renseignement selon lequel M. Matters présentait un ESPT, mais les notes du secrétaire de la séance d'information indiquent que le sergent d'état-major Anderson a mentionné que la mère de M. Matters avait confirmé qu'il était [traduction] « à cran et agité » et qu'ils devraient parler à son psychiatre en raison de l'ESPT. Par conséquent, je suis convaincu que la question a été abordée au cours de la séance d'information. Les membres se sont efforcés de parler avec le Dr Passey, et les efforts à cet égard sont exposés en détail plus loin dans le présent rapport.

[165] Le surintendant Stubbs a ajouté que, pendant la séance d'information, ils ont discuté du pouvoir d'arrestation et de ce qu'ils appellent la mission ou l'objectif, qui était de procéder à l'arrestation de M. Matters en toute sécurité. À mon avis, le dossier d'information et la discussion du GTIDN étaient raisonnablement exhaustifs et précis.

Conclusion : La séance d'information du GTIDN était raisonnablement exhaustive et précise.

Disponibilité du personnel du GTIDN

[166] Le GTIDN est un GTI à temps partiel, ce qui signifie que les membres du groupe occupent des postes à temps plein au sein de la GRC, indépendamment de leur participation au GTI. À la date de l'incident, tous les postes au sein du groupe étaient occupés de façon volontaire et à temps partiel. Depuis, le poste de chef d'équipe est devenu à temps plein et est actuellement occupé par le chef d'équipe de l'époque, le caporal Ryan Arnold. Je souligne que les membres du groupe à temps partiel sont assujettis aux mêmes exigences en matière de qualification et de formation que les membres à temps plein et que la politique de la GRC prévoit que la mise sur pied d'un GTI doit prendre le pas sur leurs autres fonctionsNote de bas de page 12.

[167] Vers 14 h le 10 septembre, lorsque le surintendant Stubbs a autorisé la mise sur pied du GTIDN, plusieurs membres n'étaient pas disponibles pour le déploiement. Comme l'a expliqué plus tard le caporal Arnold :

[Traduction]

Le 10 septembre 2012, l'équipe de Prince George comptait 10 opérateurs qualifiés du GTI. Au moment de l'appel, tous les membres ont été avisés. Les membres qui étaient disponibles ont répondu à l'appel. Je savais que deux membres n'étaient pas disponibles pour le déploiement. En raison de circonstances imprévues, trois autres membres n'étaient pas disponibles. Lorsque j'ai reçu la notification de l'appel et la réponse subséquente que seulement cinq membres étaient disponibles, j'ai immédiatement demandé la mise sur pied du GTI de la côte nord (basé à Terrace) pour augmenter notre groupe.

[168] Le surintendant Stubbs a demandé le déploiement du GTI de la côte nord, car le GTIDN ne comptait qu'un seul tireur d'élite-observateur, qui était le caporal Arnold, le chef d'équipe. Le GTI de la côte nord a été mobilisé peu de temps après, mais est arrivé après la fusillade mortelle. Sur les six membres du GTI de la côte nord qui ont répondu, trois étaient des tireurs d'élite-observateurs qualifiés et auraient pu être déployés à ce titre.

[169] Comme il est indiqué dans le rapport de l'EAI de la GRC, [traduction] « dans les régions du Nord où les ressources tactiques sont insuffisantes, il est de pratique courante de convoquer des ressources d'autres endroits pour répondre aux besoins opérationnels ». Le surintendant Stubbs a vu que le GTIDN manquait de membres disponibles et, de manière appropriée et en temps opportun, a demandé des renforts auprès du GTI disponible le plus proche. Même si la distance posait problème pour l'arrivée rapide de ces ressources, le surintendant Stubbs a pris les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les ressources disponibles soient déployées vers les lieux de l'incident.

Conclusion : Le surintendant Stubbs a pris les mesures nécessaires pour faire en sorte que tout le personnel du GTI disponible soit déployé vers les lieux de l'incident.

Entrée des membres de la GRC dans une propriété privée

[170] Comme je l'ai indiqué plus haut, j'ai constaté que les membres avaient des motifs raisonnables de croire que M. Matters avait commis un certain nombre d'infractions criminelles et qu'une arrestation sans mandat était justifiée en vertu de l'article 495 du Code criminel. Cependant, la famille de M. Matters a exprimé des inquiétudes quant aux motifs de l'entrée sans mandat de la police dans une propriété privée pour procéder à l'arrestation. J'ai conclu que, pour les raisons exposées ci-dessous, lorsque les membres ont pénétré dans la propriété privée des Matters, ils ont raisonnablement cru qu'il était urgent de le faire afin de prévenir des lésions corporelles ou une mort imminentes et qu'ils étaient justifiés d'agir ainsi.

[171] Il importe de garder à l'esprit que, même si les membres ont pénétré dans une propriété privée pour procéder à l'arrestation de M. Matters, ils ne sont pas entrés dans une maison. Par conséquent, aucun mandat n'était disponible pour une telle arrestation. En outre, il existe une attente moins élevée à l'égard de la vie privée dans une propriété privée, mais à l'extérieur de la maison. La Cour suprême du Canada a confirmé cette notion de hiérarchie visant la vie privéeNote de bas de page 13.

[172] Il est compréhensible que la famille de M. Matters ait exprimé sa préoccupation à l'égard de la réaction de la GRC dans des circonstances où elle croyait que M. Matters ne présentait aucun danger immédiat pour quiconque, qu'il n'était pas en possession d'armes à feu et qu'il cherchait simplement une source de réconfort sur sa propriété [traduction] « avec son chien et un livre ». Cette opinion a été exprimée à maintes reprises par l'avocat de la famille tout au long de l'enquête du coroner. Toutefois, il arrive souvent que les opinions des proches et du public ne reflètent pas les réalités auxquelles sont confrontés les policiers. Comme l'a souligné la Cour d'appel de l'Ontario :

[Traduction]

Souvent, et ce cas est un bon exemple, l'atmosphère sur les lieux d'une arrestation est sous haute tension, et la police doit prévoir l'imprévisible. Le prix payé si des mesures inadéquates sont prises pour sécuriser les lieux d'une arrestation peut en effet être très élevé. Tout comme il est erroné de se livrer à des justifications après coup de la conduite de la police, il est tout aussi erroné de faire fi des réalités des situations dans lesquelles les policiers doivent prendre ces décisions.

À mon avis, on ne peut demander aux policiers de se placer dans des situations potentiellement dangereuses pour procéder à une arrestation sans en même temps reconnaître leur pouvoir de prendre des mesures raisonnables pour se protéger des dangers auxquels ils sont exposés. Si les policiers ne peuvent agir pour se protéger et protéger autrui lorsqu'ils procèdent à une arrestation, ils n'effectueront pas d'arrestation là où il existe un danger, et l'application de la loi sera considérablement compromise. L'échec de l'application efficace du droit pénal est la caractéristique principale des circonstances exceptionnelles relevées dans l'arrêt FeeneyNote de bas de page 14.

[173] Bien que l'affaire devant la Cour d'appel de l'Ontario ait comporté un danger possible pour les personnes présentes sur les lieux, les mêmes principes peuvent s'appliquer à la protection de toute personne liée à une arrestation, depuis les civils touchés si la personne n'est pas mise sous garde rapidement jusqu'aux policiers eux-mêmes. Les tribunaux ont reconnu qu'il convient d'évaluer objectivement les décisions en tenant compte de la dynamique dans laquelle les policiers ont agi, y compris de leur expérienceNote de bas de page 15.

[174] Questionné à propos des motifs d'entrée dans les propriétés, le caporal Warwick a affirmé qu'il était autorisé à entrer pour procéder à une arrestation en vertu de l'article 495 du Code criminel. Au moment de l'entrée initiale, lui et le gendarme Grafton croyaient que M. Matters se trouvait dans les environs immédiats et qu'il était possible d'obtenir un avantage tactique dans la situation, de le localiser et de l'arrêter. Pour des raisons de sécurité, on souhaitait le localiser et l'arrêter loin de sa résidence. Lorsqu'ils ont déterminé qu'ils ne pouvaient pas le faire, ils se sont retirés du secteur pour attendre l'arrivée d'autres membres du personnel du GTI. Le caporal Warwick a cru que M. Matters :

[Traduction]

représentait une menace très grave et mortelle pour la collectivité. Il avait dit qu'il tuerait quiconque viendrait sur sa propriété, et le lieu immédiat où il se trouvait n'avait pas été vérifié. Personne dans le secteur n'était en sécurité jusqu'à ce que Greg MATTERS soit sous garde. Ses actes depuis le début de cet incident ont prouvé qu'il était violent, imprévisible et capable d'infliger des blessures même aux membres de la famille. Une situation d'urgence a fait qu'il y avait des raisons de pénétrer dans la propriété et dans n'importe quel endroit s'y trouvant, sans mandat, pour arrêter Greg MATTERS.
[...]
Son emplacement général était connu, mais aucun policier ne pouvait voir ou surveiller ses activités.

M. MATTERS n'était pas entièrement encerclé à la propriété. Il y avait encore un risque important qu'il puisse s'échapper.

[175] Comme nous l'avons vu plus haut, je remarque que les menaces visaient plus précisément Trevor et quiconque, à son avis, le menaçait, mais ces menaces étaient tout aussi préoccupantes et dangereuses. Dans l'ensemble, j'estime qu'il croyait raisonnablement que M. Matters posait une menace réelle et importante.

[176] Le caporal Warwick a déclaré que pendant que l'incident progressait, ils ont reçu des renseignements selon lesquels M. Matters avait accepté de se livrer à la police et allait descendre l'allée. Les membres du GTIDN se sont dirigés vers l'allée où ils croyaient qu'il viendrait. Ils se sont arrêtés juste à l'intérieur du portail et se sont placés pour voir le long de l'allée, mais M. Matters n'était pas visible. Le gendarme Merriman leur a alors dit que, selon les instructions du caporal Arnold, ils devaient conduire vers la ferme pour faciliter la reddition et mettre M. Matters sous garde, ce qu'ils ont fait.

[177] Le surintendant Stubbs a déclaré que la principale raison de l'entrée des membres du GTIDN dans la propriété était pour faciliter la reddition de M. Matters. La première fois qu'ils ont pu confirmer son emplacement, il a confronté les membres en brandissant la hachette. Il a fait remarquer que, s'ils avaient réussi à apercevoir M. Matters dans la propriété familiale, ils auraient pris des mesures pour assurer le contrôle du périmètre de ce bâtiment. Selon le surintendant Stubbs, il y avait des circonstances urgentes qui les autorisaient à entrer dans la propriété sans mandat.

[178 ] La Cour suprême de la Colombie-Britannique a confirmé qu'une situation d'urgence peut inclure les interventions découlant de l'expérience générale d'un agentNote de bas de page 16. La situation doit nécessiter une intervention immédiate, reposer sur une croyance subjective de la part de la police et être objectivement justifiable<Note de bas de page 17. On peut tenir compte de l'emplacement et de la topographie d'une propriété, de sa taille et de la capacité de la police à exercer une surveillance efficace sur celle-ciNote de bas de page 18.

[179] La police a été confrontée aux circonstances suivantes. Après la présumée conduite criminelle, M. Matters a fait ce qui suit : il a menacé de tirer sur Trevor s'il le voyait de nouveau; il a menacé de tirer sur quiconque pénétrait dans sa propriété et qu'il percevrait comme le menaçant; et il a menacé de s'occuper de son frère si la police ne le faisait pas, disant que « ça ne serait pas beau ». M. Matters aurait également déclaré que si quelqu'un, y compris la police, pointait un fusil sur lui, il l'abattrait.

[180] Trevor se trouvait peut-être en lieu sûr, mais M. Matters n'était pas encerclé – il avait apparemment de nombreuses voies d'évasion. M. Matters connaissait la propriété, mais ce n'était pas le cas pour la police. Le contrôle du périmètre était un problème permanent en raison de la taille et de la topographie de la propriété et d'un manque de ressources. À mon avis, les membres de la GRC croyaient raisonnablement que M. Matters était toujours agité au point de constituer un danger pour autrui. Il était clair que M. Matters éprouvait un sentiment d'injustice du fait de l'intervention de la police dans l'incident; il avait établi qu'il était prêt à se faire justice lui-même et avait déclaré son intention de s'occuper de Trevor si la police ne s'en chargeait pas. Il n'y avait aucun moyen de savoir ce que M. Matters ferait à quiconque l'empêchant, selon lui, d'obtenir justice contre son frère. Pendant l'incident, M. Matters a dit à la police qu'il allait chercher une arme à feu, bien qu'il ait par la suite dit qu'il n'en avait pas. Or, les membres de la GRC ne pouvaient raisonnablement se fier à l'assurance de M. Matters ou à celle de sa famille selon laquelle il n'avait pas d'arme à feu. À mon avis, les membres de la GRC croyaient raisonnablement qu'il y avait une situation d'urgence, c'est-à-dire qu'il fallait agir immédiatement, à la fois selon un fondement subjectif et objectif.

[181] Il est important de souligner que, après l'entrée initiale, lorsque le caporal Warwick a cru que M. Matters était proche de lui, l'entrée visait d'abord à localiser M. Matters afin que l'on puisse élaborer des plans opérationnels plus précis et appréhender ensuite M. Matters en toute sécurité lorsqu'il a déclaré son intention de se livrer à la police. L'entrée ne visait pas à provoquer une confrontation avec M. Matters.

[182] Je suis également convaincu que l'entrée de la police était conforme aux devoirs et aux pouvoirs de la police selon la common law, tels qu'ils ont été énoncés dans le jugement de la Cour d'appel en matière criminelle d'Angleterre dans l'arrêt R c Waterfield, [1964] Cour du Banc de la Reine 16. La Cour a déclaré que, si la conduite des agents de police à première vue porte atteinte par un moyen illégal à la liberté ou à la propriété individuelle,

[Traduction]

[...] il y a lieu de rechercher a) si cette conduite entre dans le cadre général d'un devoir imposé par une loi ou reconnu par la common law et b) si cette conduite, bien que dans le cadre général d'un tel devoir, a comporté un emploi injustifiable du pouvoir découlant de ce devoir.

[183] Le critère de l'arrêt Waterfield, comme on a fini par l'appeler, a été appliqué à de nombreuses reprises par la Cour suprême du Canada et d'autres tribunaux canadiensNote de bas de page 19.

[184] Selon la common law, les devoirs principaux des policiers sont « la préservation de la paix, la prévention du crime et enfin la protection de la vie des personnes et des biensNote de bas de page 20 ». Les obligations de common law pour préserver la paix et prévenir le crime sont énoncées dans la législation fédérale. Selon l'alinéa 18a) de la Loi sur la GRC, les membres de la GRC qui ont qualité d'agent de la paix sont tenus, entre autres, de remplir toutes les fonctions des agents de la paix en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, ainsi que l'arrestation des criminels, des contrevenants et des autres personnes pouvant être légalement mises sous garde.

[185] Le critère de l'arrêt Waterfield ne peut appuyer que la conduite légitime de la police. Le devoir de préserver la paix et de protéger la vie et les biens ne confère pas aux policiers tous les pouvoirs qu'ils souhaiteraient avoir pour mener à bien leur tâche. La portée des pouvoirs conférés en common law se limite à l'atteinte minimale exigée par le critère du « raisonnablement nécessaire ». Il faut pour cela évaluer l'importance et la nécessité du motif sous-jacent à l'atteinte, et établir un juste équilibre entre ce motif et la nature et la portée de l'atteinte. Autrement dit, les mesures prises par la police étaient-elles raisonnablement pertinentes et adaptées à la situation connue de la policeNote de bas de page 21?

[186] Les policiers avaient vainement essayé de négocier avec M. Matters afin qu'il se rende volontairement au détachement de la GRC. Ils avaient fait appel à sa mère et avaient entrepris un dialogue continu avec M. Matters, toujours sans succès. On ignorait où se trouvait M. Matters, et il pouvait vraiment s'enfuir. La GRC avait avisé M. Matters à plusieurs reprises qu'il allait être arrêté. Même s'il était sur le point de se livrer à la police, il ne l'a jamais fait. Patienter était une option, mais cela présentait un risque important, qui sera abordé plus loin dans le présent rapport. À mon avis, l'entrée sans mandat de la police était raisonnablement nécessaire vu l'ensemble de la situation urgente décrite ci-dessus. Aucune autre méthode moins radicale n'était disponible pour désamorcer la situation sous haute tension et éliminer la menace posée par M. Matters.

Conclusion : Les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables de pénétrer dans les propriétés des Matters sans mandat.

Travail effectué par l'Équipe de négociation en situation de crise du GTIDN

[187] Tel qu'il est mentionné plus tôt dans le présent rapport, les négociations avec M. Matters ont été menées par le sergent d'état-major Anderson. Il est demeuré le négociateur principal, maintenant une communication directe avec M. Matters, lors du déploiement du GTIDN. La famille de M. Matters s'est demandé si ce membre avait reçu une formation appropriée en matière de négociation et s'il s'était comporté de la façon la plus appropriée tout au long de son intervention. La Commission doit également établir s'il était raisonnable pour l'Équipe de négociation en situation de crise (ENSC) du GTIDN de garder le sergent d'état-major Anderson en tant que négociateur principal et si ces membres se sont comportés de façon appropriée tout au long des négociations.

[188] Selon la politique de la GRC, il faut envisager le déploiement d'une ENSC avec celui du GTINote de bas de page 22. Dans le présent cas, il a été décidé de déployer une telle équipe avec le GTIDN. L'objectif de l'ENSC consiste à négocier la capitulation en toute sécurité des contrevenants sans qu'il y ait de décès ou de blessuresNote de bas de page 23. L'équipe était composée de la caporale Garcia, du caporal Wilson et du caporal Darren Dodge.

[189] Dans ses notes, la caporale Garcia a indiqué que le commandant des interventions l'avait chargée d'assumer le rôle de négociatrice principale pour lequel elle était expérimentée, avec une solide formation. Elle savait que le sergent d'état-major Anderson avait établi de bonnes relations avec M. Matters et qu'il allait la présenter à M. Matters, puis elle prendrait la relève. La transition devait avoir lieu au poste de commandement, qu'on était en train d'établir. Les négociations ont finalement pris fin avant que la transition ne puisse avoir lieu. Les questions de communication relatives à l'ENSC restant au détachement, un emplacement différent de celui du poste de commandement, sont traitées plus loin dans le présent rapport.

[190] Les caporaux Garcia, Wilson et Dodge et le sergent d'état-major Anderson ont discuté des sujets relatifs aux négociations en cours avec M. Matters, ce qui était conforme aux conversations que le sergent d'état-major Anderson avait déjà eues avec lui. Les caporaux Wilson et Garcia sont restés au détachement de Prince George pour aider le sergent d'état-major Anderson et obtenir des renseignements sur M. Matters qui pourraient aider dans les négociations. Le caporal Dodge a été affecté au poste de commandement. Lorsque la mère de M. Matters a été amenée au détachement, on a demandé à la caporale Garcia de lui parler, pour voir si elle était prête à coopérer avec eux. Elle a indiqué que son travail à ce moment-là consistait à la calmer et à obtenir d'elle le plus de renseignements possible sur M. Matters.

[191] Le sergent d'état-major Anderson avait établi de bonnes relations avec M. Matters, et l'ENSC a décidé d'assurer le soutien plutôt que de prendre la relève. À mon avis, cette décision était raisonnable. M. Matters était déjà agité et ne faisait pas confiance à la police. D'après des enregistrements de ses conversations, il est demeuré calme tout au long des négociations, comme il l'avait fait avant l'arrivée du GTIDN. En ce qui concerne les capacités du sergent d'état-major Anderson, la caporale Garcia a déclaré qu'elle le connaissait comme une personne toujours calme. Elle croyait qu'il avait les compétences nécessaires pour accomplir la tâche. Elle a indiqué qu'elle ne permettrait jamais à certains membres de jouer ce rôle, mais il n'était pas l'un d'eux. Le sergent d'état-major Anderson devait se concentrer sur le téléphone. À ce moment-là, elle remplissait un rôle secondaire, et elle devait s'asseoir à côté de lui en prenant des notes, notamment en consignant les heures d'appel et en prenant le plus de notes possible sur la conversation. Il incombait à la troisième personne dans la salle – le caporal Wilson – de transmettre les renseignements au commandant des interventions. Et c'est ce qui s'est passé. Il ressort clairement du dossier que leur aide était raisonnable et appropriée.

[192] Le caporal Wilson a également tenté d'obtenir des renseignements concernant l'emplacement de M. Matters à partir de ses données cellulaires. Le caporal Wilson a communiqué avec les services de Sécurité de Telus, qui ont fourni des coordonnées GPS approximatives du téléphone utilisé par M. Matters. De même, il a tenté de restreindre les appels pouvant entrer sur le téléphone de M. Matters, mais les services de Sécurité de Telus l'ont informé qu'ils étaient incapables de le faire.

[193] La prochaine section du présent rapport traite des interactions de la caporale Garcia avec le psychiatre de M. Matters, le Dr Passey.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a continué à négocier avec M. Matters de façon appropriée et professionnelle sous la supervision de l'ENSC.

Conclusion : Les membres de l'ENSC ont raisonnablement établi qu'il était approprié que le sergent d'état-major Anderson poursuive les négociations avec M. Matters compte tenu des bonnes relations qu'il avait établies et de leur compréhension de ses capacités.

Conclusion : Les membres de l'ENSC se sont raisonnablement conduits tout au long du processus de négociation et de collecte de renseignements.

Tiers intermédiaires

[194] La famille de M. Matters a exprimé des inquiétudes au sujet du présumé défaut de la GRC de faire appel aux personnes le plus près de lui tout au long de l'incident pour le convaincre de quitter la propriété ou pour l'amener au détachement. Ces inquiétudes sont liées principalement à la décision de la GRC de ne pas recourir à la mère de M. Matters, au voisin, à l'amie de la famille ou au psychiatre à divers moments pendant l'incident. Ces personnes, appelées tiers intermédiaires ou personnes non chargées de l'application de la loi, peuvent être appelées à aider les policiers lors d'interactions avec des personnes en situation de crise. Les tiers intermédiaires peuvent comprendre des membres de la famille, des amis, des voisins, des professionnels de la santé mentale et des collègues de travail.

[195] Une analyse documentaire dans ce domaine montre que, depuis la création d'équipes de négociation en situation de crise ou de prise d'otage au début des années 1980, les instructeurs et administrateurs de police, en particulier aux États-Unis, ont généralement découragé le recours à des tiers intermédiairesNote de bas de page 24. Toutefois, cette position a évolué au fur et à mesure que l'on documente des résultats plus positifs se rapportant à des tiers intermédiaires. Le type de tiers intermédiaires à sélectionner et le choix d'y recourir en premier lieu dépendront de la situation, car chaque événement est unique. Les négociateurs de la police doivent évaluer soigneusement les avantages et les inconvénients du recours à un tiers intermédiaire et déterminer s'il sera utile à l'opérationNote de bas de page 25.

[196] La détermination et la sélection des tiers intermédiaires ne sont pas un processus simple; les tiers doivent faire l'objet d'une enquête et d'une entrevue exhaustives. La caporale Garcia a déclaré à la Commission que le processus de la GRC comprend un questionnaire détaillé à remplir. De plus, les membres doivent être convaincus que les tiers intermédiaires sont à l'aise de suivre leurs directives; les membres exercent peu, voire pas du tout, de contrôle sur ce que les tiers vont dire. Les messages sont habituellement préparés à l'avance, enregistrés sur un magnétophone et passés au téléphone. Le processus prend du temps.

[197] Voici certaines difficultés auxquelles la police est confrontée lorsqu'elle a recours à des tiers intermédiaires :

  • Les positions éthiques ou les obligations professionnelles de certains tiers intermédiaires (p. ex. les professionnels de la santé mentale) ne sont pas forcément compatibles avec celles de l'application de la loi. À titre d'exemple, les négociateurs de la police n'ont sans doute aucune difficulté à piéger un sujet à des fins de résolution tactique d'un incident.
  • Les tiers intermédiaires ne sont normalement pas habitués à réagir à des incidents violents.
  • Les tiers intermédiaires ne sont généralement pas familiarisés avec les politiques ou procédures de la police ou le droit.
  • La perte de contrôle par la police peut se révéler un problème lorsqu'un tiers intermédiaire est intégré à l'événement.
  • La réaction du sujet au tiers intermédiaire est imprévisible.
  • Il se peut que les tiers intermédiaires n'aient pas nécessairement les mêmes objectifs ou les mêmes motivations que la police.
  • En ce qui concerne les membres de la famille en tant que tiers intermédiaires, on suppose trop souvent qu'il existe de bonnes relations familialesNote de bas de page 26.

[198] Le recours à des professionnels de la santé mentale comme tiers intermédiaires peut ajouter des défis supplémentaires à la lumière de leurs positions éthiques ou obligations professionnelles. Par exemple, les négociateurs de la police tentent d'être honnêtes, mais, au cours d'une manœuvre tactique, ils peuvent devoir mentir. Ils peuvent aussi dissimuler des renseignements au sujet. Ils peuvent utiliser de fausses assurances et minimiser la gravité de la situationNote de bas de page 27.

[199] Parmi les principaux inconvénients du recours à des tiers intermédiaires, qu'il s'agisse ou non de professionnels de la santé mentale, il y a notamment un manque de formation en techniques de négociation de la police/en situation de crise; ils peuvent réagir de façon inappropriée au stress de l'incident, ils peuvent aggraver la situation en raison de relations ou de préjugés inconnus, et ils peuvent servir de public pour l'homicide ou le suicide d'un sujetNote de bas de page 28. La caporale Garcia et le surintendant Stubbs ont indiqué avoir connu des résultats positifs et négatifs dans des situations où on avait eu recours à des tiers intermédiaires.

[200] Essentiellement, la négociation de situations mettant en cause des personnes qui se barricadent demeure la responsabilité de la police, qui dispose de négociateurs hautement expérimentés et qualifiés. Parallèlement, cependant, il est reconnu que ces types d'incidents critiques exigent parfois de la souplesse et de la créativité de la part des négociateurs pour un règlement réussi d'un événement. Par conséquent, on ne doit pas rejeter sur-le-champ le recours à des tiers intermédiaires.

[201] Il est naturel de critiquer après coup les interventions de la police lorsque le résultat final est la mort tragique d'un être cher et de formuler des hypothèses quant à la façon dont la mort de la personne aurait pu être évitée si quelqu'un proche du défunt avait été autorisé à parler avec lui. Dans le cadre de l'enquête du coroner, la caporale Garcia a déclaré que, même si le recours à des tiers intermédiaires peut avoir un résultat positif, le risque est élevé. Même si le temps permet une vérification et une préparation appropriées, la participation de tiers intermédiaires dans un incident critique peut dérailler de façon horrible. Quoi qu'il en soit, comme je l'indique ci-dessous, les événements menant à la confrontation avec M. Matters qui a abouti à sa mort ont été trop rapides pour que l'on puisse recourir à un tiers intermédiaire pendant les négociations après que la mère de M. Matters a été retirée de la propriété. Toutefois, je crois comprendre que, après un examen interne de cet incident, la GRC s'emploie à réviser la pratique du recours à des tiers intermédiaires et à dresser une liste de professionnels de la santé mentale qualifiés qui seraient en mesure d'intervenir dans le cadre d'incidents critiques partout dans la provinceNote de bas de page 29.

a) Lorraine Matters

[202] Lorraine Matters a été identifiée dès le début par le sergent d'état-major Anderson comme une personne qui pourrait faciliter la reddition pacifique de M. Matters, soit dès son premier appel téléphonique à la résidence des Matters dans la soirée du 9 septembre, et ce, jusqu'à quelques heures avant l'interaction fatale entre les membres du GTIDN et M. Matters. Au début de l'après-midi du 10 septembre 2012, le sergent d'état-major Anderson avait déterminé que Mme Matters argumentait de plus en plus relativement aux mesures des membres et à leur volonté d'arrêter son fils. M. Matters a également dit au sergent d'état-major Anderson que sa mère ne parlait pas en son nom et que les échéances qu'elle avait données [traduction] « n'allaient pas se réaliser ».

[203] Dans des interactions antérieures avec M. Matters, Lorraine Matters avait réussi à amener M. Matters au détachement afin qu'il se livre à la police. Le sergent d'état-major Anderson avait traité avec Lorraine Matters et croyait dès le début qu'elle serait en mesure de faciliter leur objectif d'arrêter pacifiquement M. Matters. Cependant, avec le temps, il est devenu évident que Lorraine Matters pourrait ne pas être la solution, car elle n'était pas d'accord avec certaines mesures policières, notamment la décision d'arrêter son fils. Elle argumentait de plus en plus avec le sergent d'état-major Anderson, et il est également devenu clair, d'après les déclarations de M. Matters, qu'elle ne parlait pas au nom de celui-ci. Il était raisonnable pour les membres de croire que Mme Matters pourrait ne pas être utile à ce moment-là pour négocier la reddition de M. Matters.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a déployé des efforts considérables pour faciliter la reddition pacifique de M. Matters par l'intermédiaire de sa mère, Lorraine Matters.

Conclusion : Au moment de la décision de déployer le GTIDN, les membres pensaient raisonnablement que Lorraine Matters pourrait ne plus être utile dans leurs efforts pour négocier la reddition de M. Matters.

b) Valerie Pinko

[204] Valerie Pinko, une amie de la famille et une voisine, a parlé avec M. Matters peu de temps avant qu'il soit abattu. Au cours de cette conversation, M. Matters aurait accepté qu'elle l'amène au détachement de la GRC de Prince George pour se livrer à la police. Alors qu'elle se dirigeait vers lui, elle a été arrêtée à l'un des points de contrôle de la GRC, et des membres l'ont empêchée de continuer sur l'allée de la propriété des Matters. Tout naturellement, la famille de M. Matters demande pourquoi Mme Pinko n'a pas été autorisée à pénétrer dans la propriété pour aller chercher M. Matters, comme elle l'avait promis, et l'amener au détachement. Voici ce que le sergent d'état-major Anderson a déclaré aux enquêteurs à ce sujet :

[Traduction]

Bref, il n'allait pas monter dans ce véhicule avec quelqu'un d'autre. Il serait arrivé au bout de cette route et aurait été arrêté à ce moment-là. Pour des raisons assez évidentes dans mon esprit de toute façon, nous n'allions pas le laisser partir soudainement dans un autre véhicule avec une civile.

[205] À l'enquête du coroner, le sergent d'état-major Anderson a affirmé qu'il n'aurait pas laissé Mme Pinko pénétrer dans le périmètre. S'il devait recourir à elle pour parler à M. Matters, cela aurait pu être fait par téléphone, mais pas à l'intérieur du périmètre. Cette occasion ne s'est jamais présentée puisque la confrontation entre M. Matters et les membres du GTIDN a eu lieu quelques minutes plus tard. Même si le sergent d'état-major Anderson s'attendait à ce que M. Matters puisse la voir en descendant l'allée (ce qui n'était pas le cas, et il en est question plus loin dans le présent rapport), il a également déclaré qu'il ne savait pas si cela aurait changé les choses. Quoi qu'il en soit, M. Matters avait parlé de son intention de se livrer à la police, et on ne souhaitait pas l'en empêcher à ce moment-là.

[206] À mon avis, les policiers ont des préoccupations légitimes sur le fait de permettre à des civils de se rapprocher d'un sujet qu'ils croient raisonnablement constituer une menace pour un particulier, le grand public et la police. Les membres n'ont vu M. Matters qu'au moment de la confrontation; ils ont estimé qu'il était imprévisible et ils ignoraient s'il possédait des armes, et il en avait, finalement. Plus de temps aurait permis aux membres de déterminer s'ils auraient pu recourir à Mme Pinko à tout autre titre, comme l'a laissé entendre le sergent d'état-major Anderson, mais le temps était compté.

Conclusion : Les membres de la GRC n'ont pas agi de façon déraisonnable lorsqu'ils ont empêché Mme Pinko de pénétrer dans la propriété des Matters pour aller chercher M. Matters.

c) Dr Passey

[207] Jusqu'à environ 12 h 30 le 10 septembre, les membres de la GRC pensaient raisonnablement que Lorraine Matters était la solution pour négocier la reddition de M. Matters en toute sécurité. C'est alors que M. Matters a dit au sergent d'état-major Anderson que sa mère ne parlait pas en son nom et que ses échéances « n'allaient pas se réaliser ». Peu de temps après, d'autres unités de police ont été envoyées dans le secteur pour surveiller du mieux possible le périmètre de la propriété des Matters. Lorraine Matters avait dit au sergent d'état-major Anderson que M. Matters était traité par un psychiatre, mais jusque-là, il semblait que les négociations avec Lorraine Matters et M. Matters seuls pouvaient régler la situation. Le sergent d'état-major Anderson a continué d'avoir des communications téléphoniques avec eux dans l'heure et demie précédant la mise sur pied du GTIDN.

[208] Après la mise sur pied du GTIDN, une séance d'information a été tenue, soit vers 16 h 13. Les notes de la séance d'information incluent notamment qu'ils devraient parler à son psychiatre en raison de la question de l'ESPT. Dans le cadre de l'enquête du coroner, le surintendant Stubbs a expliqué que la première demande concernant le Dr Passey était d'obtenir davantage de renseignements. Ils n'étaient pas encore à un stade permettant de déterminer s'il pourrait agir comme tiers intermédiaire.

[209] Le secrétaire a noté que, à 17 h 48, le commandant des interventions avait demandé que la caporale Garcia tente de prendre contact avec le psychiatre de M. Matters. Je remarque que, avant ce moment, la caporale Garcia avait parlé avec Lorraine Matters afin de recueillir des renseignements sur son fils, notamment à propos des séances hebdomadaires Skype qu'il avait avec le Dr Passey, qui se trouvait à Vancouver. Elle a raconté le détail de sa première conversation avec Lorraine Matters au surintendant Stubbs à 17 h 15, selon ses notes. Après cet échange, elle est retournée parler avec Lorraine Matters.

[210] Selon les inscriptions au registre du négociateur, à 17 h 55, la caporale Garcia a commencé à téléphoner afin de localiser et de contacter le Dr Passey. Elle a déployé beaucoup d'efforts pour le joindre, y compris des appels à divers hôpitaux et au Service de police de Vancouver pour leur demander de l'aider à le trouver. (Je remarque qu'elle a également tenté de consulter le psychiatre local sur appel, qui a mentionné qu'il ne s'occupait que des cas stables d'ESPT, pas de personnes dans la situation actuelle de M. Matters.) Enfin, à 18 h 42, à la suite de ses appels, la caporale Garcia a eu une conversation avec le Dr Passey.

[211] Malheureusement, à 18 h 56, la connexion téléphonique a été perdue, et la conversation avec le Dr Passey a été interrompue. Cependant, dès que cela s'est produit, la caporale Garcia a transmis au sergent d'état-major-Anderson et au caporal Wilson les renseignements qu'elle avait déjà recueillis. Lorsque le contact avec le Dr Passey a été rétabli, M. Matters était apparemment calme et envisageait de se livrer à la police. Quelques minutes plus tard, il a été abattu.

[212] La caporale Garcia a été questionnée au sujet de sa conversation avec le Dr Passey et a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

D'accord. Donc, il raconte une histoire, une histoire compliquée. Cela remonte à la période dans l'armée. Puis il dit que, en fait, cela remonte à l'enfance. Si Greg a dit assez, ça suffit concernant Trevor et la police, s'il sent qu'il est menacé sur sa propre propriété, il fera ce qu'il faut pour se défendre ou mettre fin à la situation. Le Dr Passey le croit quand il le dit. Il dit « je le crois ». S'il est trop provoqué, il peut agir d'une manière agressive, puis il a poursuivi en disant qu'il le traite depuis janvier 2012. Il m'a dit d'essayer de dédramatiser et de rationaliser la situation. Des sujets possibles; je lui ai demandé, alors quels sont des sujets que nous pourrions utiliser pour désamorcer la situation? Il dit que ses problèmes sont liés à un sentiment d'injustice : l'ensemble du système est contre lui. Il a des idées délirantes. Je lui ai expliqué que la police est au courant des problèmes avec son frère en raison d'affaires judiciaires antérieures et d'accusations ayant fait l'objet d'une décision. J'ai expliqué que nous sommes conscients que le frère n'aurait pas dû être là. Nous devons obtenir sa version des faits afin qu'il ne soit pas tenu responsable. Il a eu de bonnes expériences avec des policiers qui sont prêts à écouter, nous ne sommes pas là juste pour l'arrêter, la police veut régler cela, Greg n'est pas le seul responsable. Puis la connexion téléphonique a été coupée, mon téléphone cellulaire a lâché.

[213] Elle a ajouté qu'elle a transmis les renseignements au sergent d'état-major Anderson, qui a dit que M. Matters était beaucoup plus calme. Le caporal Wilson a transmis cette information au commandant des interventions. Ces conversations sont détaillées dans le registre du négociateur de la caporale Garcia. Le surintendant Stubbs a déclaré ce qui suit en ce qui concerne les renseignements qu'il a reçus à la suite des conversations de la caporale Garcia avec le Dr Passey :

[Traduction]

En ce qui concerne le conseil du Dr Passey : Il a dit un certain nombre de choses à la caporale Garcia. Une déclaration qui m'a été transmise juste avant la fusillade était : « Si M. Matters a dit qu'il allait faire quelque chose, il le fera probablement. » C'était la réponse du Dr Passey  à propos de M. Matters qui souhaitait une confrontation avec les membres. Je me souviens d'avoir fait le lien entre ce commentaire du Dr Passey et les menaces que M. Matters a proférées à l'endroit de Trevor Matters, du grand public et des membres. Dans cette optique, j'ai conclu que Trevor Matters, le public et nos membres n'étaient pas en sécurité.

[214] La caporale Garcia a transmis le conseil du Dr Passey, accompagné de ses propres instructions – garder une attitude rationnelle et calme; écouter autant que possible; parler d'une voix calme; lui dire qu'ils savent que Trevor ne devrait pas se trouver sur la propriété et doit être tenu responsable d'être là; lui dire qu'ils ont besoin de sa version des faits afin que tout cela ait du sens. Les communications du sergent d'état-major Anderson étaient conformes à ces sujets.

[215] Je remarque que le sergent d'état-major Anderson a choisi tactiquement de faire attention à ne pas faire de fausses déclarations à M. Matters, car il devait s'assurer de ne pas briser la confiance de M. Matters pour l'avenir. À cette fin, il a cru qu'il n'était pas approprié de mentir à M. Matters au sujet de toute intention d'arrêter Trevor. Il a maintenu cette approche tout au long des négociations, et celle-ci reflète les tactiques et intérêts différents entre la police et les professionnels de la santé mentale. Le sergent d'état-major Anderson devait tenir compte des bonnes relations qu'il avait établies avec M. Matters et il pensait qu'il était important d'obtenir et de conserver sa confiance. Il a également déclaré lors de l'enquête du coroner qu'il croyait que M. Matters aurait su qu'il lui mentait, ce qui aurait pu causer de sérieux problèmes à l'avenir. Par conséquent, j'estime que les renseignements provenant du Dr Passey ont été communiqués et examinés par les membres de façon raisonnable et appropriée.

[216] En définitive, peu de temps s'est écoulé entre la dernière conversation téléphonique avec le Dr Passey (quand il semblait que M. Matters avait l'intention de se livrer à la police) et la confrontation fatale entre M. Matters et le GTIDN. Il n'a pas été possible d'envisager ou de faciliter le recours au Dr Passey comme tiers intermédiaire à ce moment-là.

Conclusion : La caporale Garcia a fait des efforts considérables et raisonnables pour localiser le Dr Passey et parler avec lui.

Conclusion : La caporale Garcia a transmis de façon opportune et détaillée les renseignements et les suggestions qu'elle a obtenus du Dr Passey.

Conclusion : L'ENSC a raisonnablement considéré et appliqué les suggestions formulées par le Dr Passey.

Conclusion : Il n'y avait pas assez de temps pendant l'incident pour examiner ou évaluer le recours au Dr Passey comme tiers intermédiaire compte tenu des événements qui se sont déroulés peu de temps après qu'il a été contacté.

[217] À la suite de la mort tragique de M. Matters, il est facile de supposer que le Dr Passey (ou Lorraine Matters ou un certain nombre d'amis de la famille) aurait pu convaincre M. Matters de se livrer à la police. Toutefois, une telle hypothèse n'est pas raisonnable. Le recours à un professionnel de la santé mentale, même celui qui a établi une relation avec le sujet, n'est pas une garantie de succès des négociations. Des exemples concrets illustrent l'échec de tentatives du genre, y compris celles auxquelles la caporale Garcia et le surintendant Stubbs ont fait allusion lors de l'enquête du coroner, comme nous l'avons vu ci-dessus. Il convient de souligner que M. Matters a également mentionné une fois que son ancienne thérapeute à Fredericton était [traduction] « merveilleuse » et qu'il aurait entretenu de bonnes relations avec elle jusqu'à ce qu'elle ait laissé entendre qu'il devait trouver un thérapeute plus près de lui après son retour à Prince George; M. Matters lui a alors envoyé des courriels contenant des messages inquiétants et des menaces de mort contre elle.

[218] Comme je l'ai déjà mentionné, le comportement de M. Matters était imprévisible et irrationnel. Même si la gravité de ses menaces et de son comportement a parfois été qualifiée de « paroles en l'air » par les personnes les plus proches de lui, les documents établissent que M. Matters avait des antécédents de violence. Les policiers n'ont pas la possibilité de choisir et de déterminer les menaces de préjudice qu'ils prennent au sérieux, et ils ont mobilisé de façon raisonnable les personnes proches de M. Matters.

Conclusion : Les membres de la GRC qui ont pris part à l'intervention ont mobilisé de façon raisonnable les personnes proches de M. Matters.

Événements menant à la confrontation entre le GTIDN et M. Matters

[219] Peu après le déploiement du GTIDN, les discussions en cours avec le sergent d'état-major Anderson ont donné à penser que M. Matters s'apprêtait à se livrer à la GRC. Les négociations se sont poursuivies. Le sergent d'état-major Anderson s'est rappelé ceci :

[Traduction]

[...] vers 17 h 24, j'ai appelé Greg. Et, encore une fois, nous commençons à parler du fait qu'il doit sortir. J'ai dit : « J'ai essayé de vous joindre parce que Trevor était ici, vous savez, nous avons parlé de choses et vous devez venir – donner votre version des faits, simplement. » Je n'ai pas dit, vous savez, que je ne croyais pas [...] il n'y avait rien pour étayer le récit et procéder à l'arrestation, accuser Trevor. Mais chez lui, Greg, l'instabilité que je percevais dans ses paroles était la plus élevée au cours des heures où je lui avais parlé. Il m'a dit qu'il était prêt à mourir; qu'il allait donner à la police une raison de le tuer, et qu'il allait prendre un couteau pour que la police doive le tuer. J'ai dit : « Ce n'est pas nécessaire, Greg, je veux dire, sortez, tout simplement. On peut gérer la situation. Ce n'est pas si grave pour le moment. N'empirez pas les choses. » Et il – je lui ai encore parlé pendant plusieurs minutes –, j'ai réussi à le dissuader encore. Il me disait des choses, vous savez, qu'il avait besoin de plus de temps pour réfléchir.

Pendant que cela se passait, le fait qu'il était prêt à mourir et tout le reste, bien sûr, j'avais ces autres membres dans mon bureau, cette information est transmise sur les lieux au moment où ça se passe. Alors, pendant que nous parlons, c'est la même chose, donc nous parlons du fait qu'il sorte pacifiquement. Il a raccroché le téléphone vers 17 h 35; il a mis fin à l'appel.

[220] À 17 h 35, le sergent d'état-major Anderson a informé le commandant des interventions que M. Matters était « prêt à mourir ». Une entrée à cet effet figurait dans les notes du secrétaire. Le caporal Arnold et le GTIDN ont été avisés que M. Matters avait fait cette remarque au sergent d'état-major Anderson. Comme l'a expliqué le caporal Arnold :

[Traduction]

Ils n'ont jamais été en mesure de confirmer s'il avait une arme à feu, mais il faisait toujours référence au fait de tirer sur des gens. Et – je ne sais pas si c'était pendant ou peu après la séance d'information, mais il a dit qu'il était prêt à mourir et qu'il allait prendre un couteau ou quelque chose et nous forcer la main, essentiellement.

[221] Ces déclarations sont confirmées dans l'enregistrement du sergent d'état-major Anderson, qui a répété le détail de cette conversation avec M. Matters au moment où elle a eu lieu, en présence des membres de l'ENSC dans la salle avec lui.

[222] Le caporal Warwick a déclaré avoir reçu les renseignements suivants du gendarme Poyzer par message texte :

[Traduction]

  • 17 h 24 – message reçu : « le téléphone de M. MATTERS vient juste d'émettre un “bruit” dans le groupe de dépendances où on soupçonnait qu'il se trouvait. » Selon mon interprétation, le message signifiait que M. MATTERS était à proximité de la ferme, près de l'endroit où le gendarme GRAFTON l'avait repéré précédemment.
  • 17 h 26 – « En ligne avec Greg maintenant. »
  • 17 h 38 – « Il dit qu'il est prêt à mourir. »
  • 17 h 38 – « Il donnera une raison de le tuer en s'emparant d'un couteau. »
  • 17 h 39 – « Très agité et a raccroché. »

[223] Le caporal Arnold a cru que le caporal Warwick était déjà en position pour intercepter M. Matters s'il quittait la propriété familiale des grands-parents pour retourner à la résidence de la mère. Le caporal Arnold a avisé le surintendant Stubbs de l'emplacement du caporal Warwick.

[224] À 18 h 45, M. Matters a appelé au détachement et demandé à parler au sergent d'état-major Anderson. Celui-ci a rapporté ce qui suit :

[Traduction]

Il m'a dit, Greg m'a dit, qu'il avait appelé quelqu'un, une voisine, qu'il allait faire venir la voisine à la maison où il était. Et j'ai demandé : « D'accord, où êtes-vous? » Et j'ai dit – en fait, j'ai dit : « Êtes-vous chez vos grands-parents? » Je ne lui ai pas lâché cette question ouverte, j'ai dit : « Êtes-vous chez vos grands-parents? » Et il a dit oui, qu'il était là. Alors il a dit qu'il avait appelé la voisine, et je ne sais pas pourquoi, s'il a fait cela, pourquoi cet appel n'est pas passé par moi, compte tenu de ce que j'avais dit au sujet du détournement du téléphone. Cela n'a pas fonctionné pour une raison quelconque. Alors, il a dit que la voisine venait le chercher, passait le prendre, et qu'il allait se livrer à la police.

[225] Au même moment, la caporale Garcia était au téléphone avec le Dr Passey. À 18 h 48, le gendarme Merriman avait localisé le caporal Warwick et obtenait une mise à jour de sa part ainsi que du gendarme Grafton. Le caporal Warwick et le gendarme Grafton se trouvaient à proximité de la propriété récréative de Trevor pour tenter de repérer M. Matters chez les grands-parents. En raison de la topographie du terrain, la propriété de Trevor donnait sur la propriété familiale.

[226] Le sergent d'état-major Anderson a ajouté que, pendant l'appel téléphonique avec M. Matters, il était calme au début, mais il a commencé à réagir à la présence de l'hélicoptère au-dessus de la ferme. Il a demandé que l'hélicoptère quitte la propriété et atterrisse, ce qui a été fait, et la conversation avec M. Matters a continué de la façon suivante :

[Traduction]

Alors j'ai dit, vous savez, « Où est la voisine? Elle devrait venir, arriver ici d'une minute à l'autre. »
Et elle vivait dans le secteur, peu importe. Alors j'ai dit : « Commencez à descendre... » Il a dit : « Je vais commencer à descendre. » Je dis : « Super, parfait. » Je lui ai dit : « Encore une fois, pour que tout se passe pacifiquement ici, Greg, je veux que vous retiriez votre veste, que vous n'ayez rien dans les mains et que vous marchiez très lentement vers la route là. » Bref, il n'allait pas monter dans ce véhicule avec quelqu'un d'autre. Il serait arrivé au bout de cette route et aurait été arrêté à ce moment-là. Pour des raisons assez évidentes dans mon esprit de toute façon, nous n'allions pas le laisser partir soudainement dans un autre véhicule avec une civile.

Alors je lui ai dit : « Continuez de marcher, Greg », et je lui parle très calmement. Lui et moi sommes en train de parler – « Ouais, je vais venir, je vais parler, pas de problème. » Et il commence à marcher; il dit – j'ai dit : « Où êtes-vous rendu? » Et je ne suis pas allé là-bas, mais je suppose que c'est une longue entrée, apparemment, et il a dit : « Oh, je suis environ aux trois quarts du chemin en bas de l'allée. » Et à ce stade, je ne savais pas exactement où se trouvaient nos membres, et je transmets cela aux membres dans mon bureau, et ils leur disent ce qui se passe. J'ai dit : « Il vient. Vous savez, maintenant il est calme. Il a les mains en l'air. » Et c'est ce qu'il me dit, et il n'y a rien dans ses mains et il vient.

[227] Cette mise à jour a été envoyée au poste de commandement. À 18 h 53, pendant que le sergent d'état-major Anderson était toujours au téléphone à parler avec M. Matters, le caporal Arnold a appelé le gendarme Merriman à la radio pour vérifier la position du GTIDN. Les membres du groupe n'étaient pas là où le chef d'équipe avait pensé qu'ils se trouvaient et n'étaient pas en mesure d'intercepter M. Matters. À ce moment-là, les véhicules du GTIDN étaient garés le long de la promenade Alpine, à environ deux kilomètres de l'allée menant à la propriété familiale des grands-parents. Les membres du GTIDN sont rapidement retournés à leurs véhicules et ont commencé à se diriger vers l'allée, sur le chemin Pinko.

[228] Durant son entrevue avec les enquêteurs de l'IIO, le caporal Arnold a parlé de l'emplacement du groupe lorsque M. Matters était dans l'allée avec l'intention de se livrer à la police, et voici ce qu'il avait à dire :

[Traduction]

Ce n'est pas très longtemps après que les négociateurs m'ont avisé qu'il était prêt à se rendre, et qu'il était – qu'il avait quitté l'endroit où il était avec les mains en l'air et qu'il allait se rendre. J'ai donc conseillé aux membres du GTI qui étaient sur le terrain de l'intercepter et de le mettre sous garde. Mais ce qui s'est passé, c'est que les gars avaient quitté l'extrémité du chemin Pinko, où ils pensaient qu'il se cachait dans les buissons, et se sont placés entre cette ferme abandonnée, où nous pensions que M. Matters se cachait, et la propriété du frère, parce que le conflit était surtout avec lui. Ils ont donc pensé que, s'il faisait quoi que ce soit, ce serait d'essayer de retrouver son frère, alors – je suppose que c'est pour ça qu'ils ont pris cette décision, mais ils – ils étaient de l'autre côté. Donc, quand il a tenté de se rendre ou a dit qu'il allait se rendre, personne – nous n'avons jamais été en mesure de confirmer s'il – quelles étaient ses intentions, mais il disait qu'il allait se rendre...

[229] À 18 h 55, le caporal Arnold a fourni une autre mise à jour au GTIDN indiquant que M. Matters descendait l'allée à ce moment-là. Pendant que les membres du GTIDN retournaient à leurs véhicules pour se diriger vers le chemin Pinko, le sergent d'état-major Anderson est resté au téléphone avec M. Matters, et voici ce qu'il a raconté :

[Traduction]

On dirait que les choses vont très bien. Et puis il a dit : « Allez-vous me laisser monter dans le véhicule et partir? » Et j'ai juste dit : « Greg, continuez à marcher » et j'ai évité de répondre à sa question. Je lui ai dit : « Sortez, tout simplement, allez voir. » Vous savez : « Est-ce qu'elle ne devrait pas être là? » Et j'ai commencé à parler d'elle un peu, comme : « Eh bien, depuis combien de temps l'avez-vous appelée? » « Il y a quelques minutes. Elle devrait être là. » « D'accord, eh bien, continuez à marcher là-bas, et vous savez, nous verrons où en sont les choses là-bas. »

Alors, encore une fois, il enlève son manteau, le laisse à la maison, je présume, et commence à marcher là-bas. Il a franchi les trois quarts du chemin, dit-il, dans l'allée, et les membres ne le voient pas encore. Maintenant, à ce moment-là, j'ai dit que l'hélicoptère avait atterri, mais l'hélicoptère n'avait pas atterri lorsqu'il marchait, parce qu'il m'a dit : « L'hélicoptère se déplace, mais, dit-il, jusqu'à ce que cet hélicoptère disparaisse, je retourne à la maison. »

J'ai dit : « Greg, ne retournez pas à la maison. Continuez à marcher, ça va bien. Vous faites la bonne chose. Je vous promets que cet hélicoptère est sur le point de partir. Il sera parti, pas de problème. » Et il dit : « Ouais », et il était calme, puis il a dit : « Non, c'est bon. Je retourne à la maison, je ne la vois pas » – celle qui venait le chercher – « sur le chemin, et je retourne parce que j'ai froid de toute façon, je vais chercher mon manteau. »

Alors, il recule même si je lui demande d'avancer. Il retourne malheureusement chercher sa veste, vers la maison.

[230] Tandis que le sergent d'état-major Anderson parlait avec M. Matters, les caporaux Garcia et Wilson l'appuyaient. Durant cette période, le sergent d'état-major Anderson craignait que ses communications avec M. Matters cessent si la pile de son téléphone cellulaire se déchargeait.

[231] Les membres du GTIDN ont remonté l'allée et ont finalement confronté M. Matters. Le détail de cette confrontation est abordé plus loin dans le présent rapport. Cependant, on s'est interrogé à savoir si les membres du GTIDN auraient dû envisager de reculer au lieu d'entrer dans la propriété à ce moment-là, en laissant M. Matters se calmer, et de revenir plus tard. Il convient de noter que l'entrée des membres du GTIDN dans la propriété avait deux objectifs : a) apercevoir M. Matters afin de faciliter l'établissement d'un plan d'arrestation et b) être en position si M. Matters était disposé à se rendre, comme il avait déjà exprimé sa volonté de le faire.

[232] Comme mentionné plus tôt dans le présent rapport, les propriétés des Matters étaient vastes et complexes sur le plan topographique; par conséquent, il était impossible d'assurer suffisamment le contrôle du périmètre au moyen des ressources disponibles. Un deuxième GTIDN avait été déployé, mais le temps et la distance ont nui à sa capacité à se rendre sur les lieux au moment où les événements se déroulaient. À mon avis, les membres de la GRC pensaient raisonnablement qu'il n'y avait aucune possibilité de reculer à ce stade de l'incident.

Conclusion : Il était raisonnable pour les membres de ne pas « reculer », puisque que le sergent d'état-major Anderson négociait avec M. Matters afin qu'il se rende, et ils n'avaient pas encore confirmé l'emplacement de M. Matters.

Équipement à la disposition du GTIDN

[233] Les membres du GTIDN étaient principalement revêtus de leurs uniformes de camouflage et étaient munis de leurs armes courtes et de leurs fusils Colt M16. De plus, le gendarme Reddeman portait une AI, et le gendarme Bryson Hipkin, un fusil de chasse ainsi que des sacs de plombs à stabilisateur et des munitions pour ouverture de brèche.

[234] Selon la politique de la GRC, le chef d'équipe GTIDN et le commandant des interventions doivent envisager des armes à létalité réduite dans la planification des options et veiller à ce que des options soient présentes durant un déploiementNote de bas de page 30. Lors de l'enquête de la Commission, le surintendant Stubbs a déclaré ceci : [traduction] « Dans le cadre d'un déploiement du GTI, la question des armes à létalité réduite est toujours posée et documentée. Il y a habituellement une combinaison d'options : AI, gaz poivré, fusil à sacs de plombs à stabilisateur, fusil ARWEN (dont il est question plus loin dans le présent rapport), Services cynophiles, etc. » Malheureusement, parmi les quatre membres du GTIDN qui ont été déployés le 10 septembre 2012, aucun n'était qualifié pour l'utilisation d'un fusil à sacs de plombs à stabilisateur ou de l'arme ARWEN. Le GTIDN n'a pas d'arme ARWEN. Selon le caporal Arnold, chef d'équipe, la capacité du GTIDN au moyen d'armes à létalité réduite se limitait à [traduction] « un membre possédant la formation et étant qualifié dans l'utilisation de l'AI », et tous les autres membres [traduction] « possédaient la formation et étaient qualifiés dans l'utilisation de l'aérosol d'oléorésine de type capsicine et du bâton de défense ». (Je souligne que le gendarme Merriman a indiqué qu'il avait également reçu une formation sur l'AI.) En ce qui a trait à la décision du déploiement avec un fusil à sacs de plombs à stabilisateur, le caporal Arnold a expliqué ce qui suit à la Commission :

[Traduction]

J'ai parlé brièvement avec le gendarme HIPKIN au sujet de leur déploiement et lui ai demandé s'il serait prêt à déployer des balles-chaussettes si l'occasion se présentait. Je lui ai dit que c'était finalement sa décision de les déployer, en fonction de son évaluation du risque. Lui et moi étions prêts à gérer le risque lié à leur utilisation en l'absence de formation officielle. Je lui ai dit que j'étais prêt à faire face à toute enquête ultérieure liée à leur utilisation.

[235] Le caporal Arnold a confirmé qu'il avait consulté le surintendant Stubbs, qui a convenu qu'ils géreraient le risque lié à l'utilisation du fusil à sacs de plombs à stabilisateur en l'absence de formation officielle. À la suite de l'incident, le GTIDN a suivi une formation relative à son utilisation.

[236] Je crois savoir que, après un examen interne de cet incident, la GRC s'emploie à examiner le GTI à temps partiel afin de déterminer la meilleure option de prestation de services, en tenant compte de la formation, de l'équipement et du commandement. Je crois savoir également que la GRC est à élargir son « programme d'armes à létalité réduite », qui comprend davantage d'armes à impact à portée accrue remises aux membres du GTINote de bas de page 31. L'arme ARWEN est une arme à létalité réduite, qui tire des cartouches non meurtrières de 37 mm. Elle a une portée plus longue que le fusil à sacs de plombs à stabilisateur, ce qui signifie qu'elle peut être utilisée lorsque les membres sont à une distance plus sûre d'un sujet. À mon avis, la GRC devrait envisager l'acquisition d'une arme ARWEN pour le GTIDN et l'accréditation de ses membres concernant son utilisation.

Conclusion : Le caporal Arnold et le surintendant Stubbs se sont conformés à la politique selon laquelle ils doivent envisager l'utilisation d'armes à létalité réduite et veiller à ce que de telles armes soient présentes.

Conclusion : La décision du caporal Arnold et du surintendant Stubbs de déployer des membres avec un fusil à sacs de plombs à stabilisateur était raisonnable dans les circonstances.

Conclusion : Les membres du GTIDN ont reçu une formation sur le fusil à sacs de plombs à stabilisateur après l'incident.

Recommandation : Que la GRC envisage l'acquisition d'un fusil ARWEN à l'usage du GTIDN et veille à ce que ces membres reçoivent une formation appropriée.

[237] L'un des principaux problèmes au cours de cet incident a été l'incapacité des membres de déterminer l'emplacement exact de M. Matters sur la propriété. À cette fin, les membres ont pris des dispositions afin d'utiliser un hélicoptère de la GRC. Des préoccupations ont été soulevées quant à la pertinence de son utilisation, qui pouvait potentiellement aggraver le problème de santé mentale de M. Matters. Le surintendant Stubbs a déclaré que l'hélicoptère était une option pratique, étant donné que M. Matters avait quitté sa résidence et vu la taille de la propriété. Selon lui, l'hélicoptère était le moyen le plus efficace pour tenter de localiser M. Matters et son véhicule. Dans cette situation particulière, l'utilisation de l'hélicoptère n'a pas eu le résultat souhaité. Sa présence « effrayait » M. Matters, et c'était l'une des raisons pour lesquelles il est retourné à la propriété familiale. Le surintendant Stubbs a déclaré ce qui suit à la Commission :

[Traduction]

En ce qui concerne l'aggravation de l'état de M. Matters – je n'ai pas envisagé que l'utilisation de l'hélicoptère pourrait aggraver son état. Tenter de deviner ce qui pourrait aggraver l'état d'un suspect est sans limite. Certains n'aiment pas la rayure jaune sur nos pantalons, d'autres sont perturbés à la vue des feux rouges et bleus. À moins qu'ils n'expriment leur frustration à l'égard d'un aspect particulier, on ne peut pas anticiper leur réaction. Lorsque que M. Matters a dit que la présence de l'hélicoptère l'énervait, j'ai réagi en le faisant se poser près du poste de commandement.

[238] À mon avis, il était raisonnable que le surintendant Stubbs envisage toutes les options disponibles pour faciliter la localisation de M. Matters compte tenu des préoccupations constantes en matière de sécurité pour tous les intervenants et des difficultés à assurer le contrôle du périmètre de la propriété. Les membres ont toujours su que M. Matters n'approuvait pas la présence des policiers sur sa propriété et que des signes de leur présence étaient susceptibles d'aggraver son état. Toutefois, le surintendant Stubbs a raisonnablement déterminé que l'avantage de localiser M. Matters afin de l'empêcher de quitter la propriété sans être remarqué l'emportait sur tout risque d'aggravation de l'état de M. Matters. Malheureusement, M. Matters s'est aperçu de la présence de l'hélicoptère en même temps qu'il prétendait se rendre. Lorsqu'il a été établi que l'hélicoptère aggravait l'état de M. Matters et perturbait les négociations, les membres ont pris des mesures immédiates pour régler la question et des dispositions afin que l'hélicoptère se pose (à l'extérieur de la propriété des Matters).

[239] Le surintendant Stubbs a également déclaré que la technologie des drones (désignés par la GRC comme étant des « véhicules aériens sans pilote ») est actuellement mise à l'essai à la GRC pour servir de plateforme d'observation. Cette technologie a une application directe dans des situations comme celle-ci, car elle pourrait fournir une possibilité plus secrète de localiser le sujet.

Conclusion : La décision du surintendant Stubbs d'utiliser l'hélicoptère de police pour tenter de localiser M. Matters était raisonnable dans les circonstances.

Conclusion : Les membres de la GRC ont pris des mesures immédiates et raisonnables pour retirer l'hélicoptère lorsqu'il semblait perturber leur négociation d'une reddition avec M. Matters.

Recommandation : Que la GRC envisage de mettre des véhicules aériens sans pilote à la disposition de tous les GTI en vue d'un déploiement lorsqu'il faut localiser sur une grande propriété rurale une personne en situation de crise ou son véhicule.

[240] Bien que les transmissions radiophoniques aient été enregistrées, il n'y avait aucun autre relevé détaillé ou non de ce qui s'est passé entre M. Matters et les membres du GTIDN. Comme dans de nombreux cas récents où des personnes sont mortes à la suite d'une interaction avec la police, la question des caméras vidéo corporelles a été soulevée. La Commission a formulé l'observation suivante concernant l'utilisation de cette technologie par la GRC dans son rapport de 2011 à la suite de la mort de M. Robert Dziekanski :

Les services de police du monde entier font des essais avec la technologie vidéo en appui à leurs activités de maintien de l'ordre. En juillet et août de la présente année, le service de police de Victoria a réalisé un projet pilote dans le cadre duquel des caméras vidéo corporelles (caméras serre-tête) servent à enregistrer les interactions de la police avec le public. Des comptes rendus anecdotiques du projet sont révélateurs de sa réussite. Au Royaume-Uni, un projet pilote sur l'utilisation de ces dispositifs a débuté en 2006; le nombre d'organismes ayant intégré cette technologie continue d'augmenter.

Dans les circonstances de l'affaire en cause, il aurait été clairement avantageux de saisir sur vidéo les événements du point de vue des membres. La Commission a eu l'avantage de disposer d'une vidéo qui n'a pas été produite par la police, mais il ne fait aucun doute qu'un système permettant à tous [traduction] « de voir et d'entendre l'événement se dérouler grâce aux yeux et aux oreilles de l'agent sur les lieux »Note de bas de page 32, serait la meilleure de toutes les options possibles. Outre le fait de fournir les meilleurs éléments de preuve, d'après l'étude des premières expériences au Royaume-Uni, l'utilisation de ces dispositifs pourrait avoir pour effet de réduire la criminalité, de réduire les taux d'arrestation et de condamnation, de diminuer la charge de travail générale de la police et de se révéler un outil utile pour fournir aux membres une rétroaction sur leur interaction avec le public, d'où l'amélioration des règles de civilité chez la police.

Il convient de soupeser ces avantages à l'égard des droits à la protection des renseignements personnels, des coûts et des exigences accrus en matière d'infrastructure, mais je crois que le temps est venu de prendre en considération encore une fois l'utilisation de ces appareils dans le contexte de la prestation de services de police au Canada.

[241] Le rapport de juillet 2014 établi pour le Service de police de Toronto par l'honorable Frank Iacobucci a recommandé que les membres de ce service utilisent des caméras vidéo corporelles lorsqu'ils sont susceptibles d'interagir avec des personnes en situation de criseNote de bas de page 33. Le rapport indique qu'il faut élaborer des protocoles visant à tenir compte de l'utilisation et de la conservation, du pouvoir discrétionnaire de désactiver l'enregistrement, de mesures disciplinaires et de la conciliation des intérêts (confidentialité/pouvoir discrétionnaire/responsabilité). Il fait également état d'autres préoccupations soulevées par l'utilisation de caméras vidéo corporelles, notamment l'augmentation de l'anxiété chez les personnes en crise en raison de la présence d'une caméra, les questions de divulgation et le coût.

[242] Questionné lors de l'enquête du coroner relativement à son point de vue sur l'utilisation de l'équipement d'enregistrement corporel lors des déploiements du GTI, le surintendant Stubbs s'est dit en faveur de son utilisation et a reconnu que cela pouvait se révéler avantageux au moment d'examiner ces incidents. Il a ajouté que la GRC étudie actuellement son utilisation. Il a cependant souligné les nombreuses questions qui doivent être examinées, notamment la protection de la vie privée, le stockage et la divulgation, et a déclaré que la GRC doit procéder à une étude plus approfondie.

[243] La GRC effectue des recherches sur de l'équipement d'enregistrement corporel depuis plusieurs années et a mené des essais pilotes dans un certain nombre de régions du Canada. L'équipement d'enregistrement corporel est un enjeu important, qui soulève des questions juridiques et pratiques importantes et complexes. D'ailleurs, ce sujet est souligné dans le rapport de juin 2015 publié par une autre importante force policière canadienneNote de bas de page 34; ce rapport est l'un des plus récents et des plus complets sur la vidéo corporelle, fondé sur un projet pilote qui a duré de 2011 à 2014. L'une des deux recommandations principales énoncées dans ce rapport était que le service de police attende avant d'investir davantage dans la vidéo corporelle et suive de près les initiatives canadiennes en cours entreprises par la GRC et d'autres services de policeNote de bas de page 35. Je recommande que la GRC accorde la priorité à ses recherches et détermine comment et quand tirer le meilleur parti possible de cette technologie pour améliorer la sécurité publique et accroître la responsabilisation de la police, en particulier pendant les déploiements du GTI.

Recommandation : Que la GRC accorde la priorité à ses recherches sur l'équipement d'enregistrement corporel et détermine comment et quand en tirer le meilleur parti possible, en particulier pendant les déploiements du GTI.

[244] Des photographies du M16 du caporal Warwick ont été prises peu après la fusillade. L'expression « Live Free or Die » [vivre libre ou mourir] est apposée des deux côtés du fût de l'arme. On peut voir des inscriptions similaires sur le côté droit du fût du Colt M16 que portait un autre membre du GTIDN le 10 septembre 2012. Lors de l'enquête du coroner, l'avocat de la famille Matters a soulevé des préoccupations au sujet des inscriptions et a demandé si celles-ci avaient été ajoutées par les membres.

[245] L'expression « Live Free or Die » est plutôt connue comme la devise officielle du New Hampshire. C'est aussi une devise associée au mouvement d'opposition au contrôle des armes à feu aux États-Unis. La devise s'est révélée controversée aux États-Unis. Dans une décision désormais célèbre de la Cour suprême de l'État du New Hampshire dans l'arrêt Wooley c. Maynard, la Cour a reconnu que la devise peut être offensante pour certains lorsqu'elle a écrit : [traduction] « Quoi qu'on puisse dire de la devise “Live Free ou Die”, elle exprime des notions philosophiques et politiquesNote de bas de page 36 ».

[246] Le caporal Warwick a été questionné au sujet des inscriptions sur sa carabine. Voici les réponses qu'il a données par écrit :

[Traduction]

Q. : Le 9 septembre 2012, vous mentionnez dans votre déclaration que vous aviez avec vous un fusil M16 remis par la police. Ce fusil portait-il une inscription « Live Free or Die »?
R. : Oui.
Q. : Qui a apposé cette inscription sur le fusil?
R. : L'inscription sur le fusil a été apposée par le fabricant du rail avant/garde-main, LaRue Tactical. C'est un slogan publicitaire qui, je crois comprendre, est inscrit sur de nombreux produits fabriqués et vendus par LaRue Tactical.
Je n'ai pas apposé cette inscription sur le fusil, et elle était là lorsqu'il m'a été remis.
Q. : Cette même inscription existe-t-elle sur tous les fusils M16 utilisés par l'équipe GTIDN?
R. : Je ne sais pas si l'inscription existe sur tous les fusils M16 du GTIDN. Par contre, je sais qu'elle se trouve sur plusieurs autres fusils utilisés par le groupe.

[247] Je suis convaincu que l'expression « Live Free or Die » figure sur les fusils parce que cette inscription est apposée sur les produits de LaRue Tactical, fournisseur des fûts utilisés sur les fusils du GTI, et ne découle d'aucune mesure prise par les membres en cause dans le présent incident.

Conclusion : L'inscription sur les fusils utilisés par les membres du GTI est celle du fabricant du produit sur lequel elle a été apposée et ne découle d'aucune mesure prise par les membres en cause dans le présent incident.

Confrontation entre le GTIDN et M. Matters

[248] Le caporal Arnold a déclaré aux enquêteurs qu'il avait été informé que M. Matters était retourné à la propriété abandonnée et qu'il avait l'impression d'avoir perdu l'occasion de demander à M. Matters de se rendre, s'il avait effectivement eu l'intention de le faire. D'après le négociateur, il a compris que M. Matters était retourné à la propriété familiale des grands-parents. Il a donné l'ordre aux membres du GTIDN d'avancer dans l'allée et de prendre une position de dissimulation. Ces mouvements et déclarations sont compatibles avec les enregistrements des transmissions radio du GTIDN. Les membres du GTIDN ont confirmé par radio qu'ils avaient conduit sur le chemin (entrée), étaient sortis de leur véhicule et avaient commencé à marcher pour essayer d'apercevoir la propriété familiale/M. Matters. Le caporal Arnold a ensuite entendu dire que M. Matters était agité, qu'il gesticulait et qu'il criait/hurlait. Les transmissions radio indiquent que le caporal Arnold a demandé aux membres du GTIDN de l'aviser quand ils arriveraient à la résidence avec la possibilité de se dissimuler afin qu'ils puissent formuler un plan d'arrestation.

[249] Le gendarme Merriman s'est rappelé que les membres du GTIDN avaient reçu l'ordre d'établir un genre de périmètre et l'autorisation du surintendant Stubbs de s'approcher de M. Matters sans autre autorisation de sa part. Les gendarmes Merriman, Hipkin et Reddeman ont quitté le poste de commandement en voiture pour rencontrer le caporal Warwick. Après avoir clarifié leur position avec le caporal Arnold, ils se sont dirigés en voiture vers l'entrée de l'ancienne propriété des grands-parents et ont vu le véhicule de Valerie Pinko immobilisé près d'une voiture de police identifiée, sur le côté de la route. Au moment où ils ont atteint le début de l'allée, les membres du GTIDN ont été informés que M. Matters était retourné à la propriété familiale des grands-parents, car l'hélicoptère l'avait apparemment effrayé. Le gendarme Merriman s'est rappelé que le caporal Arnold avait donné l'ordre au groupe d'avancer dans l'allée jusqu'à un endroit où ils pourraient apercevoir la maison et être en mesure d'appréhender M. Matters. Le gendarme Merriman a compris que M. Matters avait toujours l'intention de se rendre à ce moment-là. Les membres du GTIDN ont conduit leurs véhicules à un endroit où M. Matters pouvait les voir.

[250] D'après les comptes rendus de tous les membres, les quatre ont formé des équipes de deux et ont avancé à environ 150 mètres de la propriété familiale, dissimulés par les buissons et la limite des arbres. À ce moment-là, ils pouvaient entendre un chien aboyer et une voix masculine. Le gendarme Hipkin a transmis par radio qu'il pouvait voir M. Matters près d'une structure brune et qu'il marchait dans l'allée, vers les membres du GTIDN. La vue du gendarme Merriman était cachée par les arbres. Le gendarme Hipkin a communiqué ses observations par radio aux membres du groupe et au poste de commandement. Les membres ont vu M. Matters avec un téléphone cellulaire à l'oreille. Il parlait d'une voix forte et agitée. Il semblait en colère.

[251] Le gendarme Hipkin a déclaré avoir informé le poste de commandement de son intention de lancer l'avertissement de la police parce qu'il estimait que M. Matters était presque en contact avec les membres du GTIDN et qu'il croyait que M. Matters était [traduction] « dangereusement proche ». Il a déclaré avoir crié : « Greg, c'est la police. Vous êtes en état d'arrestation. Montrez-moi vos mains. » À ce moment-là, lorsque M. Matters se trouvait à la perpendiculaire d'eux, le gendarme Merriman et le caporal Warwick sont sortis de la limite des arbres et sont apparus dans son champ de vision. Le gendarme Merriman a crié à M. Matters « Police. Arrêtez. » et il a entendu d'autres crier des ordres similaires.

[252] Le gendarme Merriman a remarqué que M. Matters avait une hachette à la main, mais il ne se souvient pas dans quelle main. M. Matters brandissait la hachette et [traduction] « battait » des bras. Selon sa description, M. Matters était agité, avait [traduction] « les yeux hagards, les épaules penchées » et hurlait. Il a crié à M. Matters de déposer la hachette et ajouté qu'ils étaient là pour l'aider. M. Matters leur a crié de quitter sa propriété. D'autres membres ont donné des ordres semblables afin qu'il laisse tomber la hachette. Le gendarme Hipkin a déclaré qu'il ne pouvait pas entendre ce que M. Matters disait, mais qu'il était en colère et criait. Les déclarations des membres selon lesquelles M. Matters avait une hachette ont été enregistrées à la radio. On peut également entendre les membres dire : « Greg, nous sommes ici pour vous aider, jetez – posez la hachette. » Les enquêteurs de l'IIO ont pris la photo suivante de la hachette trouvée sur les lieux :

Photographie de la hachette trouvée sur les lieux

[253] Le gendarme Merriman a déclaré que M. Matters s'est arrêté, a regardé dans sa direction, puis a commencé à retourner vers la propriété familiale. Il s'est arrêté de nouveau et s'est mis à marcher vers le gendarme Merriman, puis il s'est trouvé à cinq ou dix mètres de lui et du caporal Warwick, qui se trouvait à sa gauche immédiate. Le gendarme Merriman a crié au gendarme Reddeman [traduction] « venez ici avec le Taser ». M. Matters s'est tourné de nouveau vers la propriété familiale. Le gendarme Merriman et le caporal Warwick ont fait des pas de côté et tenté de passer devant lui afin de l'empêcher de retourner au bâtiment et de maintenir un dialogue avec lui. Le gendarme Merriman lui a crié : « Arrêtez, Greg, nous allons utiliser le Taser contre vous. » À sa gauche, il a vu que le gendarme Reddeman s'approchait de M. Matters par derrière, et qu'il a finalement utilisé l'AI. Il a entendu le bruit du déploiement et un claquement et il a vu des étincelles entre les sondes. Il a estimé que le gendarme Reddeman se trouvait à moins de cinq mètres de M. Matters. Il a regardé en arrière pour voir les positions des gendarmes Reddeman et Hipkin et il a alors vu que M. Matters s'était tourné vers le gendarme Reddeman. Il a entendu les coups tirés par le caporal Warwick dans les secondes suivant le déploiement de l'AI. Il a fait remarquer que lui et le caporal Warwick assuraient une force dominante pouvant être mortelleNote de bas de page 37 pour l'utilisation de l'AI. M. Matters est tombé sur le côté et a laissé tomber la hachette.

[254] Selon le gendarme Hipkin, le gendarme Reddeman se trouvait entre lui et M. Matters et il a vu le gendarme Reddeman utiliser l'AI. Il s'est rappelé que M. Matters avançait vers le gendarme Reddeman avec la hachette levée au-dessus de sa tête à ce moment-là et qu'il semblait sur le point de l'abattre sur la tête du gendarme Reddeman. Il a déclaré que, s'il avait eu une vue dégagée, il aurait tiré parce qu'il craignait que le gendarme Reddeman soit tué ou qu'il subisse des lésions corporelles graves – jamais de sa vie il n'avait éprouvé une si grande crainte. Après l'utilisation de l'AI, M. Matters a continué à avancer vers le gendarme Reddeman avec la hachette levée au-dessus de sa tête, puis on a entendu deux coups de feu tirés par le caporal Warwick, ce qui l'a arrêté. Les membres ont immédiatement menotté M. Matters, puis l'ont tourné sur le dos; les membres ont alors constaté qu'il ne bougeait pas et ont procédé à la réanimation cardiorespiratoire.

[255] Des préoccupations ont été soulevées selon lesquelles les membres du GTIDN se sont inutilement mis en situation de recourir à la force contre M. Matters lorsqu'ils ont choisi de ne pas permettre à M. Matters de se replier vers la propriété familiale des grands-parents. Le rapport de l'EAI de la GRC faisait état de préoccupations quant au fait que l'ENSC et le GTIDN n'avaient pas encore discuté de la façon dont ils s'approcheraient de M. Matters lorsqu'il sortirait de la propriété familiale. Le rapport indiquait qu'il pourrait y avoir eu une discussion sur ce que les membres du GTIDN pourraient faire si M. Matters retournait à la propriété après les avoir vus. [Traduction] « En permettant à Greg de retourner à la maison, et sachant que le GTI de la côte nord était en route, on aurait pu élaborer un meilleur plan de contrôle du périmètre et tactique. » Ils ont signalé que c'était toujours possible et que [traduction] « le plan de repli aurait consisté à assurer le contrôle du périmètre et à poursuivre les négociations ».

[256] La Commission a questionné les membres du GTIDN au sujet du retrait. Voici ce qu'ils ont répondu :

[Traduction]

Gendarme Hipkin :

M. Matters était rendu à un point dans l'allée où, s'il continuait plus loin, il se trouverait à l'extérieur de la zone du périmètre établi par les membres du GTI et serait capable de s'échapper vers la limite des arbres ou vers une autre propriété où il pourrait y avoir des membres du public. J'avais déjà dit à M. Matters qu'il était en état d'arrestation à ce moment-là.
[...]
M. Matters était rendu à un point dans l'allée où, s'il continuait plus loin, il se trouverait à l'extérieur de la zone du périmètre établi par les membres du GTI et serait capable de s'échapper vers la limite des arbres ou vers une autre propriété où il pourrait y avoir des membres du public. J'étais là pour procéder à l'arrestation de M. Matters en toute sécurité, et une fois qu'on lui avait dit qu'il était en état d'arrestation, il n'a pas suivi mes ordres ni ceux de mes coéquipiers. Si nous avions reculé, M. Matters aurait pu quitter la propriété ou entrer dans une résidence.

Gendarme Reddeman :

En général, « reculer » est toujours une option que j'envisage. Dans ce cas, il pouvait y avoir d'autres armes dans la maison. Les agents ne savaient pas ce qui pouvait se trouver dans la maison. Dans ce cas, il aurait été dangereux de reculer.

Gendarme Merriman :

Au moment de la confrontation, je ne me sentais pas à l'aise que M. Matters retourne dans les limites de sa propriété, parce qu'il n'y avait pas de contrôle du périmètre intérieur, et le contrôle du périmètre extérieur était très étendu. Rien n'indiquait clairement ce que M. Matters ferait. Retournerait-il à la petite maison brune? Prendrait-il la fuite dans sa voiture? Fuirait-il dans la forêt? Allait-il se rendre chez son frère, à proximité? Est-ce qu'il récupérerait une autre arme? S'il y avait eu un véritable contrôle du périmètre intérieur, j'aurais envisagé plus tôt l'option de « reculer ».
[...]
Je m'attendais à atteindre un poste d'observation avant toute interaction avec M. Matters. J'ai été surpris quand M. Matters est sorti de la petite maison brune avec son chien et j'espérais que, tant que les membres du GTI resteraient hors de vue, M. Matters retournerait à la maison sans incident; or, M. Matters a descendu l'allée et s'est retrouvé là où notre position était compromise, ce qui a forcé la confrontation.
[...]
La situation s'est déroulée si rapidement que je n'ai pas eu le temps d'envisager de reculer, et il s'agissait, avant tout, de passer devant M. Matters pour l'empêcher de retourner à la propriété familiale.

[257] La Commission doit évaluer la conduite des membres en fonction de ce qu'ils croyaient être raisonnable au moment où les événements se produisaient, des renseignements dont ils disposaient et de l'ensemble de la situation à laquelle ils étaient confrontés. J'admets que les membres croyaient raisonnablement que leur meilleure occasion de procéder à l'arrestation de M. Matters, et la plus sûre, était au cours de leur première interaction avec lui et qu'il y avait un risque important si on lui permettait de se replier dans le bâtiment voisin. Ils n'avaient pas l'avantage du contrôle du périmètre de la propriété. Il aurait pu fuir vers la limite des arbres ou les buissons. Ils ne savaient pas ce que M. Matters ferait s'il retournait à la propriété familiale ou à quelles armes il pouvait avoir accès à l'intérieur. (Il avait déjà brandi une arme.) La soirée avançait, et l'obscurité approchait, ce qui les aurait exposés à un désavantage sur le plan tactique. À mon avis, il était raisonnable pour les membres du GTIDN de ne pas « reculer » au moment de leur interaction et de leur confrontation avec M. Matters.

[258] En ce qui a trait aux questions de contrôle du périmètre et de localisation, et comme nous l'avons vu précédemment, aucun membre du GTIDN n'était qualifié à titre de tireur d'élite-observateur pour pénétrer en secret dans la propriété afin de localiser et d'observer M. Matters puis de rendre compte aux autres membres du groupe. Cela était attribuable à des problèmes liés aux ressources humaines, qui ont justifié, en partie, le déploiement du GTI de la côte nord. Le gendarme Merriman a formulé les observations suivantes concernant l'incidence de cette pénurie de ressources :

[Traduction]

Le groupe des tireurs d'élite-observateurs doit être déployé INDÉPENDAMMENT du groupe d'intervention immédiate, qui est généralement responsable de l'arrestation du suspect. Cette séparation aurait permis au groupe des tireurs d'élite-observateurs d'infiltrer la propriété de différentes façons, outre l'allée, qui présentait un risque élevé de compromission. Le groupe d'intervention immédiate aurait alors pu avancer dans l'allée, s'immobilisant bien en deçà de la propriété familiale et établissant la façon d'appréhender M. Matters, conformément à un plan de reddition ou à une procédure opérationnelle normalisée.

Dans le cas présent, c'est la fonction supplémentaire d'observation qui a nécessité le déplacement du groupe d'intervention immédiate si loin dans l'allée, et il s'est finalement retrouvé dans une position risquée lorsque M. Matters a descendu l'allée avant que les membres puissent atteindre un poste d'observation secret. Le groupe d'intervention immédiate a également été chargé du rôle d'observation en raison du nombre limité de membres du GTI disponibles à ce moment-là et du fait que M. Matters prétendait se rendre.

[259] Je recommande que la GRC examine la meilleure façon de s'assurer que le GTIDN est déployé avec du personnel en nombre suffisant ayant reçu une formation adéquate afin de favoriser toutes les options de planification. Si un tireur d'élite-observateur avait été disponible pour pénétrer en secret dans la propriété afin d'arriver à proximité de la propriété familiale, les membres auraient peut-être été en mesure de faciliter une arrestation ou une reddition en toute sécurité.

Conclusion : Il était raisonnable pour les membres du GTIDN de ne pas « reculer » une fois confrontés à M. Matters.

Recommandation : Que la GRC examine la meilleure façon de s'assurer que le GTIDN est déployé avec du personnel en nombre suffisant ayant reçu une formation adéquate afin de favoriser toutes les options de planification.

Recours à la force par les membres de la GRC

[260] Une plainte du public concernant une allégation de force excessive fait partie du processus quasi judiciaire, dans le cadre duquel la preuve est appréciée selon la prépondérance des probabilités. La Commission est habilitée à présenter des conclusions et à formuler des recommandations concernant les allégations de recours à la force excessive. La Commission n'a pas le pouvoir de déterminer si un membre de la GRC est auteur de voies de fait aux termes du Code criminel; ce sont les tribunaux qui se penchent sur cette question. L'IIO a mené une enquête criminelle à l'issue de laquelle il a conclu que les membres n'avaient commis aucune infraction criminelle.

[261] Dans l'exercice de leurs fonctions, les policiers sont fondés à employer la force nécessaireNote de bas de page 38, comme le prévoit le Code criminel. Ils doivent cependant s'appuyer sur des motifs raisonnables. Afin de déterminer si la force employée par l'agent était nécessaire, il convient d'examiner les circonstances au moment de l'incident. Les tribunaux ont été clairs : on ne peut pas s'attendre à ce que l'agent mesure avec exactitude la force employéeNote de bas de page 39.

[262] Le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI) de la GRCNote de bas de page 40, qui est utilisé pour former et orienter les membres sur la question du recours à la force, préconise l'évaluation du risque et décrit les divers niveaux de résistance et d'intervention raisonnable. Le guide recommande le recours aux interventions verbales dans la mesure du possible, à la fois pour désamorcer des situations potentiellement explosives et pour encourager le recours à une attitude professionnelle, polie et respectueuse dans toute interaction. Selon ces lignes directrices, le membre doit tenir compte de tous les facteurs d'une situation pour déterminer s'il doit recourir à la force et le degré de force à utiliser, le cas échéant. Les principes fondamentaux du MIGI de la GRC sont les suivants :

  1. La responsabilité première de tout agent de la paix consiste à préserver et à protéger la vie.
  2. Le principal objectif de toute intervention est la sécurité publique.
  3. La sécurité de l'agent de la paix est essentielle à la sécurité publique.
  4. Le MIGI a été élaboré en tenant compte des lois fédérales et de la jurisprudence de common law; il ne remplace pas la loi, ni ne s'y ajoute.
  5. Le modèle d'intervention doit toujours être appliqué dans le contexte d'une évaluation minutieuse des risques et tenir compte de la probabilité et de l'importance des pertes de vies, des blessures et des dommages à la propriété.
  6. L'évaluation du risque est un processus continu et la gestion des risques doit évoluer à mesure que les situations changent.

[263] Il incombe au membre de procéder à une évaluation du risque et de déterminer d'abord à laquelle des cinq catégories de comportement (coopératif, non coopératif, résistant, combatif et susceptible de causer des lésions corporelles graves ou la mortNote de bas de page 41) correspond la résistance du sujet. Il faut également tenir compte des éléments de situation propres à chaque incident, notamment les conditions météorologiques, la taille du sujet par rapport à celle du membre, la présence d'armes, le nombre de sujets et de policiers, la perception des capacités du sujet (cela peut comprendre la connaissance antérieure du sujet) ainsi que d'autres considérations propres à l'incident.

[264] Le MIGI prévoit diverses options d'intervention selon l'appréciation qu'a le membre du comportement du sujet ainsi que l'évaluation des éléments de la situation. Les options d'intervention sont les suivantes : présence du membre, communication, contrôle physique (modéré et intense), armes intermédiaires, armes à impact, force mortelle et repositionnement tactique. Comme le montre le diagramme, en raison de la nature dynamique de ces incidents, le MIGI n'est pas une structure linéaire où une intervention mène nécessairement à une autre. En effet, le MIGI vise plutôt à former les membres de la GRC par rapport à la nécessité d'évaluer constamment le risque et le potentiel de dommage et d'opter pour l'intervention appropriée.

[265] La communication verbale et le repositionnement tactique sont effectués peu importe le niveau de risque afin d'aider le membre à maîtriser la situation, à désamorcer toute confrontation et à assurer la plus grande sécurité pour toutes les personnes concernées. Pendant la gestion de l'incident, un membre doit être à l'affût des indices de menace, comme la tension corporelle, le ton de la voix, la position du corps et l'expression faciale, pour être prêt à utiliser une intervention appropriée. Les indices de menace permettent de déterminer si un suspect pourrait afficher des comportements plus ou moins résistants décrits dans les catégories de résistance, justifiant ainsi le recours à l'une des différentes interventions.

[266] Un membre doit pouvoir expliquer les méthodes d'intervention qu'il choisit pour gérer un incident, en tenant compte de toutes les circonstances, y compris les perceptions, les éléments de la situation et le comportement du sujet. Dans son examen des options d'intervention, la Commission doit aussi tenir compte du fait que pour assurer la sécurité du public, on ne peut demander à des policiers d'intervenir dans des situations dangereuses tout en leur refusant le pouvoir de prendre des mesures pour protéger leur sécurité lorsque cela est raisonnable, surtout dans une situation de danger liée à la présence d'armes et à une menace fluide et imprévisible.

[267] Selon le Manuel des opérations tactiques, seul le commandant des interventions peut déployer un GTI et autoriser le recours à la forceNote de bas de page 42. Comme l'a expliqué le surintendant Stubbs au cours de son entrevue avec les enquêteurs de l'IIO, en tant que commandant des interventions, il a donné au GTIDN le pouvoir de se mettre en place pour le déploiement et a dit aux membres qu'ils avaient le pouvoir de procéder à une arrestation en vertu de l'article 25 du Code criminel. Ce qui suit est un aperçu des circonstances qui ont donné lieu au recours à la force comme l'ont raconté les membres présents (car il n'y avait pas d'autres témoins), y compris l'explication du caporal Warwick sur les raisons pour lesquelles il a eu recours à la force mortelle.

[268] Je constate que la famille de M. Matters s'est demandé si on avait établi que M. Matters avait même une hachette au moment où s'est produite la confrontation avec les membres du GTI. Dans le cadre de son enquête criminelle, l'IIO a abordé la question et a conclu que les déclarations des membres présents pendant l'incident étaient cohérentes et semblaient véridiques, et une hachette se trouvait à proximité du corps de M. Matters. Les enquêteurs ont déterminé qu'il était impossible d'obtenir les empreintes digitales sur le manche de la hachette parce que le matériau n'était pas une surface appropriée à cette fin. Le rapport complémentaire de l'IIO expliquait ensuite pourquoi les éléments de preuve provenant de l'analyse de l'ADN n'offraient aucune autre aide permettant d'établir si M. Matters était ou non en possession de la hachette.

[269] L'enquête de la Commission, qui a également tenu compte de l'enquête criminelle et des éléments de preuve fournis lors de l'enquête du coroner, a révélé ce qui suit : une déclaration spontanée faite par un membre du GTI a été enregistrée pendant le déroulement des événements et, selon cette déclaration, M. Matters avait brandi une hachette au moment de la déclaration et a reçu l'ordre de la déposer; une hachette se trouvait près du corps de M. Matters; et, d'après tous les témoignages, M. Matters a brandi une hachette pendant l'interaction. Rien ne permet de croire que M. Matters n'était pas celui qui a brandi la hachette, ce qui a finalement conduit à la fusillade mortelle dont il est question plus loin.

a) Arme à impulsions (AI)

[270] En vertu du Code criminel, l'AI est une arme à feu prohibée qui ne peut être utilisée que par des agents d'application de la loi. La Commission maintient fermement sa position : utilisée adéquatement, l'AI peut se révéler un outil efficace pour la GRC. La Commission a également maintenu que l'AI cause une douleur intense, qu'elle peut exacerber un état sous-jacent et qu'elle a été utilisée dans des situations où il n'est pas justifié de le faire et qui contreviennent à la politique de la GRC. Au moment de l'incident, la politique de la GRC stipulait que :

L'AI ne doit être utilisée que conformément à la formation sur l'utilisation de l'AI et aux principes du Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI) et que lorsque le sujet inflige des lésions corporelles ou que le membre a des motifs raisonnables de croire que le sujet infligera sous peu des lésions corporelles, selon son évaluation de l'ensemble des circonstancesNote de bas de page 43.

[271] Le 10 septembre, un membre du GTIDN portait une AI, à savoir le gendarme Reddeman. Dans ce cas, le gendarme Reddeman a déterminé que l'AI serait une méthode d'intervention appropriée pour garder tout le monde à une distance sécuritaire dans les circonstances et faciliter l'arrestation de M. Matters. Pour être jugée raisonnable et conforme aux politiques, l'utilisation de l'AI, comme pour tous les cas de recours à la force, doit respecter les principes du MIGI. Le MIGI évoque le concept de proportionnalité entre le comportement d'une personne et l'intervention policière, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Une situation à risque élevé, comme lorsque l'agent a des motifs raisonnables de croire qu'une personne est armée et dangereuse, indique qu'une arrestation à risque élevé est probable et que des armes aux conséquences intermédiaires à mortelles, comme l'AI, pourraient être dégainées.

[272] Lorsque les membres font face à des situations qui représentent une menace de mort ou de lésions corporelles graves, la formation leur a enseigné que l'AI est appropriée seulementNote de bas de page 44 si un autre membre peut exercer une force dominante pouvant être mortelle. Cela signifie qu'au moins un autre membre doit avoir dégainé son arme et être prêt à tirer si l'AI est défectueuse ou se révèle inefficace et que la menace n'est pas neutralisée.

[273] Le gendarme Merriman était le commandant en second du caporal Arnold, chef d'équipe, et a cru que l'AI était une option au moment de l'incident. Voici ce qu'il a écrit dans sa déclaration à la Commission :

[Traduction]

J'ai ordonné au gendarme Reddeman « venez ici avec ce Taser », parce que je craignais que M. Matters puisse à tout moment s'en prendre au caporal Warwick et à moi tandis que nous étions parallèles à M. Matters dans l'allée. Cette crainte s'est rapidement matérialisée quand M. Matters s'est dirigé vers le caporal Warwick et moi, et j'ai dû avertir M. Matters que nous allions utiliser le Taser contre lui.

[274] Le gendarme Reddeman a déclaré avoir aperçu M. Matters pour la première fois après que d'autres membres lui ont donné l'avertissement de la police, car un arbre bloquait son champ de vision. L'avertissement de la police a été crié à plusieurs reprises, mais M. Matters avait une hachette à la main qu'il brandissait en l'air. Les membres lui criaient de laisser tomber l'arme, et le gendarme Reddeman a également crié le même ordre à quelques reprises. Les membres ont aussi dit à M. Matters qu'ils étaient là pour l'aider. Le gendarme Reddeman a entendu le gendarme Merriman lui dire de préparer l'AI – [traduction] « préparez-vous » et « nous en avons besoin ». Il a vu que M. Matters mesurait environ six pieds et pesait plus de 200 livres. Il avait l'air en colère, [traduction] « absolument révolté ». Il pouvait voir la colère dans ses yeux, dans son visage et dans son corps. Il avait quitté l'allée et se dirigeait vers le caporal Warwick et le gendarme Merriman. Le gendarme Reddeman a déclaré qu'il a dégainé l'AI, l'a activée et s'est avancé à moins de 12 à 15 pieds de M. Matters. Pendant qu'il approchait, M. Matters s'est tourné vers lui et a [traduction] « soudainement brandi » la hachette, dont la lame avait des pointes aiguisées. Le gendarme Reddeman a utilisé son AI, a entendu le bruit sec qu'elle a fait et a vu au moins une sonde entrer en contact avec M. Matters, qui portait une veste matelassée. L'AI semblait n'avoir aucun effet. Le gendarme Reddeman était toujours en mouvement et a tenté de s'immobiliser le plus rapidement possible. Puis il a entendu des coups de feu.

[275] Le gendarme Reddeman a dit qu'il avait confiance en l'AI et n'avait jamais connu de fonctionnement défectueux auparavant. Il avait fait ses vérifications habituelles avant la patrouille, et l'AI fonctionnait correctement. Les cartouches étaient neuves. Il a déclaré que, habituellement, lorsque l'AI est utilisée, vous voyez la personne se crisper et tomber en raison de ses effets, et elle sera neutralisée suffisamment longtemps pour que les membres puissent s'en approcher en toute sécurité, retirer l'arme et menotter la personne. Cela n'a pas été le cas dans la présente affaire parce que l'AI semblait n'avoir aucun effet.

[276] La politique opérationnelle nationale de la GRC relative à l'utilisation de l'AI indique ceci :

Dans la mesure du possible, les membres doivent donner un avertissement verbal afin que le sujet soit prévenu de l'utilisation imminente de l'AINote de bas de page 45.

[277] Comme il a été mentionné plus haut, le gendarme Merriman a réclamé l'AI et a dit à M. Matters que le Taser serait utilisé contre lui s'il ne s'arrêtait pas. Il est évident que M. Matters n'a pas arrêté de s'approcher avec la hachette, et le gendarme Reddeman a donc utilisé l'AI.

[278] La famille de M. Matters a dit à la Commission qu'elle était préoccupée par le fait que le gendarme Reddeman ait utilisé l'AI alors qu'il n'avait pas reçu l'ordre de le faire. Je crois savoir que cette préoccupation découle de la déclaration du gendarme Merriman lors de l'enquête du coroner selon laquelle il n'avait pas ordonné au gendarme Reddeman d'utiliser l'AI; il lui avait plutôt demandé de se mettre en position pour l'utiliser. Dans de telles situations, il n'est pas interdit aux membres de la GRC d'utiliser une option en matière de recours à la force en réponse à une menace perçue lorsqu'ils ne reçoivent pas d'instructions précises de la part d'un officier supérieur ou d'une autre personne responsable sur les lieux.

[279] Dans ces circonstances, y compris le fait que les membres étaient confrontés à un sujet armé qui avait proféré des menaces importantes, avait déjà résisté à une arrestation, n'agissait pas de façon rationnelle et n'avait pas obéi aux ordres de la police, la politique de la GRC autorisait le recours à une force considérable. Toutefois, les membres ont exercé leur pouvoir discrétionnaire afin de causer le moins de torts à M. Matters, en s'exposant du coup à un risque personnel. Le gendarme Reddeman croyait raisonnablement que l'utilisation de l'AI faciliterait l'arrestation en toute sécurité de M. Matters, qui était armé d'une hachette et constituait une menace pour les membres.

[280] Dans le cadre de son enquête, l'IIO a saisi l'AI que le gendarme Reddeman avait portée et utilisée contre M. Matters. L'arme était une AI approuvée pour la GRC et réglementaire pour les membres. Une des fléchettes a été trouvée sur les lieux, par terre, entre les pieds de M. Matters. Une deuxième fléchette a été découverte lors de l'autopsie, accrochée aux vêtements de M. Matters.

[281] L'enquête de l'IIO a révélé que l'AI semblait fonctionner correctement le 10 septembre 2012. On a constaté que l'horloge interne de l'AI avait environ six minutes d'avance, ce qui n'est pas inhabituel pour cette arme. Un examinateur qualifié a procédé au téléchargement des données de l'arme. Une fois l'horloge interne corrigée, l'examinateur a été en mesure de déterminer que l'arme avait été utilisée à 19 h 11 m 54 s (heure du Pacifique), le 10 septembre 2012. Cette heure concorde avec la transcription des échanges radio du GTI et les déclarations des membres du GTIDN sur les lieux. L'utilisation a duré quatre secondes. D'autres essais n'ont pas permis d'établir de façon concluante si un courant électrique avait traversé les conducteurs ou les fléchettes.

[282] Je note que les membres du GTIDN n'ont pas tous reçu une formation sur l'AI. Cela peut se révéler problématique pour les GTIDN à temps partiel lorsqu'il s'agit de faire en sorte que les déploiements s'effectuent en fonction du plus grand nombre possible d'options en matière de recours à la force. Les AI sont une composante importante des armes à létalité réduite autorisées pour le GTI. Je recommande que tous les membres du GTI à temps partiel reçoivent une formation sur l'AI pour faire en sorte que le GTI soit déployé avec l'éventail des options à létalité réduite adaptées à la situation.

Conclusion : Le gendarme Reddeman croyait raisonnablement que l'utilisation de l'AI faciliterait l'arrestation en toute sécurité de M. Matters, qui était armé d'une hachette et constituait une menace pour les membres.

Conclusion : Le gendarme Merriman a lancé un avertissement à M. Matters afin qu'il s'immobilise, sinon l'AI serait utilisée.

Recommandation : Que tous les membres à temps partiel du GTI reçoivent une formation sur l'AI pour faire en sorte que le GTI soit déployé avec l'éventail des options à létalité réduite adaptées à la situation.

b) Fusil à sacs de plombs à stabilisateur (balles-chaussettes)

[283] Selon la politique de la GRC, la balle-chaussette est utilisée pour distraire les individus qui présentent un danger et « lorsque toute autre méthode d'intervention quasi létale s'est avérée infructueuse ou inopportune », mais on ne doit pas songer à utiliser la balle-chaussette lorsqu'une force meurtrière est requiseNote de bas de page 46. Le caporal Arnold a décrit l'utilisation par le GTIDN de fusils à sacs de plombs à stabilisateur :

[Traduction]

À la GRC, les fusils à sacs de plombs à stabilisateur sont appelés armes à impact à portée accrue (AIPA). La formation sur l'usage des AIPA ne relève pas de la formation sur les compétences de base pour le GTI. Conformément au Manuel des opérations tactiques (MOT), il appartient au commandant des interventions critiques et au chef d'équipe de déterminer les options à létalité réduite à utiliser lors d'une opération du GTI. Aucun chef d'équipe ou commandant des interventions antérieur n'avait reconnu le besoin d'une AIPA pour le groupe de Prince George, de sorte que la formation n'a pas été demandée. Compte tenu des éléments de la situation et du milieu rural, il s'agissait de la première opération à laquelle je participais où l'utilisation du fusil à sacs de plombs à stabilisateur était considérée comme une possible option à létalité réduite. J'ai consulté le surintendant Stubbs, et il a accepté que nous gérions le risque associé à l'utilisation de l'AIPA en l'absence de formation officielle. À la suite de cet appel, notre groupe a organisé la formation sur l'usage des AIPA à l'intention des deux groupes du district Nord, et la formation s'est terminée en octobre 2012. La section nationale de l'entraînement tactique est responsable de la conception de cette formation. Des instructeurs en maniement d'AIPA accrédités, dispersés dans l'ensemble du pays, sont en mesure de donner la formation.

[284] Comme il a été mentionné précédemment dans le présent rapport, le caporal Arnold s'est adressé au gendarme Hipkin pour vérifier s'il serait disposé à utiliser l'arme sans formation officielle, et le gendarme Hipkin a dit qu'il l'était. Le gendarme Hipkin a déclaré à la Commission qu'il croyait [traduction] « que les sacs de plombs déstabiliseraient ou pourraient arrêter un sujet qui constituait une menace immédiate de lésions corporelles pour moi-même ou d'autres personnes ». Selon le dossier, il est clair que les membres du GTIDN ne semblaient pas être du même avis relativement à l'option à létalité réduite, en raison d'un manque d'expérience et de formation ainsi que d'un manque de communication au sujet du fait qu'il s'agissait d'une option potentielle en matière de recours à la force ce jour-là.

[285] Le gendarme Merriman, qui agissait comme commandant en second du GTIDN, a déclaré :

[Traduction]

Au moment de l'événement, je n'avais pas reçu de formation sur l'usage du fusil à létalité réduite et n'avais aucune connaissance de son efficacité; par conséquent, je ne pouvais pas croire qu'il serait efficace. Depuis l'affaire Matters, j'ai reçu la formation sur l'usage de ce fusil. Comme toute arme ou tout outil que j'utilise en ma qualité d'opérateur du GTI, le fusil à létalité réduite est sujet à des défaillances mécaniques et n'est pas efficace à cent pour cent, en particulier dans le cas des personnes « orientées vers un but » sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool ou atteintes de troubles mentaux qui peuvent être désensibilisées à des sacs de plombs à stabilisateur.

[286] Le gendarme Reddeman a déclaré ne pas avoir vu de sac de plombs à stabilisateur être utilisé et qu'un tel sac ne pouvait pas être utilisé à temps, car il doit être chargé et rechargé, et il n'y avait pas suffisamment de temps.

[287] Au cours de l'enquête de l'IIO, le caporal Warwick a déclaré qu'il ne considérait pas que les sacs de plombs à stabilisateur constituaient une option à létalité réduite appropriée en matière de recours à la force. En réponse aux questions de la Commission, il a déclaré que le groupe n'avait pas discuté de l'utilisation de cette option en sa présence, ce que le caporal Arnold a également confirmé. Toutefois, le caporal Warwick a ensuite déclaré à la Commission :

[Traduction]

Rétrospectivement, et après avoir discuté de la décision d'utiliser un fusil à sacs de plombs à stabilisateur, je crois que c'était une bonne idée de disposer d'une telle arme à cette occasion. Si j'avais participé à une discussion à ce moment-là et que j'avais été au courant des raisons pour lesquelles on a décidé d'en prévoir un, j'aurais accepté. En raison du déroulement de l'incident, les sacs de plombs à stabilisateur ne constituaient pas une option appropriée en matière de recours à la force. Si la situation avait été différente, ils auraient pu se révéler utiles. Pour cette raison, je crois qu'il était raisonnable de disposer d'un tel fusil dans le cadre de ce déploiement.

[288] Le gendarme Hipkin a expliqué à la Commission qu'il n'avait pas chargé son fusil au début de l'appel parce qu'il ne savait pas s'il aurait besoin de munitions pour ouverture de brèche ou de balles-chaussettes et qu'il faudrait deux fois plus de temps pour charger l'arme si on avait chargé les mauvaises munitions en premier. Dans le cadre de l'enquête de l'IIO, il a déclaré que, comme M. Matters se dirigeait vers des membres en brandissant une hachette, il a mis de côté son arme à feu M16, a dégainé le fusil de chasse et a commencé à le charger en utilisant des balles-chaussettes. Au moment où il avait terminé, le gendarme Reddeman était entre lui et M. Matters, et il n'était pas en mesure de tirer. Puis il a vu et entendu le gendarme Reddeman utiliser l'AI. Il a expliqué à la Commission :

[Traduction]

C'était une situation instable, et tout le monde se déplaçait. J'approchais des autres personnes depuis l'endroit où je me trouvais; le gendarme Reddeman s'approchait de M. Matters, et M. Matters s'approchait du gendarme Reddeman avec la hachette. Nous étions tous les trois en mouvement, et mes arcs de tir étaient coupés. C'est une combinaison de déplacements des trois personnes.

[289] La question de savoir si on aurait pu éviter la force mortelle en ayant choisi une autre option en matière de recours à la force, comme le fusil à sacs de plombs à stabilisateur, plutôt que l'AI utilisée en premier lieu, a soulevé de nombreuses hypothèses. Cependant, il n'y a aucun moyen de savoir si elle aurait été efficace ou aurait autrement changé le cours des événements, et j'ai conclu que l'utilisation de l'AI était raisonnable dans les circonstances.

[290] Lors de tout déploiement, les membres du GTI doivent tous être conscients des options en matière de recours à la force que leurs coéquipiers peuvent utiliser en plus de comprendre l'effet potentiel de chaque option. Ce n'était pas le cas dans la présente affaire. Cependant, je suis convaincu que le gendarme Hipkin n'a pas eu de possibilité raisonnable d'utiliser le fusil à sacs de plombs à stabilisateur pendant le déroulement des événements. Bien que les membres soient formés pour rester en dehors des arcs de tir de chacun, je suis convaincu que ce n'est pas toujours possible dans une situation de mouvement comme celle-ci. Rien n'indique que les membres aient agi de façon déraisonnable dans leurs tentatives pour faire face à la menace que constituait M. Matters avec la hachette. J'estime inutile de formuler une recommandation concernant la formation des membres du GTIDN au sujet des capacités et de l'utilisation du fusil à sacs de plombs à stabilisateur, car je crois savoir qu'ils ont déjà suivi cette formation.

Conclusion : Le gendarme Hipkin n'a pas eu de possibilité raisonnable d'utiliser le fusil à sacs de plombs à stabilisateur pendant le déroulement des événements.

c) Force mortelle

[291] L'article 25 du Code criminel autorise un policier agissant dans l'application ou l'exécution de la loi à employer la force nécessaire pour cette fin. Il prévoit également qu'une personne n'est pas justifiée d'employer la force avec l'intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu'elle n'estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

[292] Le paragraphe 34(2) du Code criminel autorise toute personne qui est illégalement attaquéeNote de bas de page 47 à avoir recours à une force qui peut causer la mort ou des lésions corporelles graves comme moyen de légitime défense pour repousser l'attaque. Pour être protégée par ces dispositions légales, la personne doit avoir des motifs raisonnables pour appréhender que la mort ou quelque lésion corporelle grave ne résulte de cette attaque et elle doit croire qu'il lui est impossible autrement de se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves. Les lignes directrices de la GRC sur le recours à la force réitèrent qu'on n'a recours à la force mortelle que « pour protéger les agents de la paix et le public contre la mort, ou la menace de mort, ou des lésions corporelles graves, lorsque aucun moyen moins violent n'est appropriéNote de bas de page 48 ».

[293] Le caporal Warwick a raconté les circonstances entourant son utilisation de la force mortelle de la façon suivante :

[Traduction]

  • M. MATTERS quittant l'allée, parcourant quelques pieds et arrivant dans les herbes où le gendarme REDDEMAN était positionné, était une escalade très claire de la menace qu'il présentait. Même s'il avait précédemment parcouru l'allée parallèlement aux policiers, il n'avait pas réduit l'écart entre nos positions respectives. Maintenant, cet écart se réduisait rapidement, et M. MATTERS confrontait le gendarme REDDEMAN directement. Il n'était manifestement pas en train de se rendre, et il ne maintenait plus la distance entre lui-même et les policiers ni ne tentait de l'augmenter. Au lieu de cela, il a commencé à réduire l'écart entre lui-même et les policiers selon une façon offensive et agressive d'attaquer. À ce moment-là, j'étais certain que la seule intention de M. MATTERS lorsqu'il s'est tourné pour confronter le gendarme REDDEMAN était de blesser ou de tuer un policier.
  • Le gendarme REDDEMAN avait abaissé son fusil, qui pendait par sa bretelle. Il tenait son AI avec les deux mains et n'avait pas d'arme à feu à la main.
  • M. MATTERS ne m'a pas regardé après s'être concentré sur le gendarme REDDEMAN. Il ne semblait pas regarder ou reconnaître mon arme à feu ou les armes à feu des autres policiers.
  • J'ai pointé mon fusil sur M. MATTERS et j'ai continué à lui crier « Arrêtez » et « Lâchez votre arme ».
  • Le gendarme REDDEMAN a utilisé son AI, et j'ai vu les sondes se déplacer dans mon champ de vision, de gauche à droite, vers M. MATTERS. Les sondes semblaient se déplacer très lentement, et je pouvais voir les fils attachés se déplaçant avec les sondes. M. MATTERS portait un chandail ou un quelconque vêtement lâche et lourd et je savais que, lorsqu'elles sont utilisées à une distance maximale, les sondes pouvaient facilement rater leur cible, se disperser trop loin ou ne pas pénétrer.
  • Je ne pouvais pas voir si les sondes avaient bel et bien atteint M. MATTERS, mais j'ai pu voir clairement que M. MATTERS continuait à avancer vers le gendarme REDDEMAN après que celui-ci a utilisé toute la puissance de l'AI.
  • Bien que toute la puissance de l'AI ait été utilisée, la démarche et la position de M. MATTERS n'ont pas changé. De même, il tenait encore la hachette levée et était prêt à porter un coup. À mes yeux, il était clair que l'AI avait été inefficace pour arrêter M. MATTERS.
  • Le gendarme REDDEMAN était debout là, tout simplement, tenant l'AI déchargée, tandis que M. MATTERS s'approchait de lui avec la hachette dans les airs. L'arme était tenue pour frapper, et M. MATTERS se rapprochait du gendarme REDDEMAN. M. MATTERS se trouvait maintenant à moins de 5 m du gendarme REDDEMAN, et le gendarme REDDEMAN ne bougeait toujours pas. Je savais que M. MATTERS couvrirait cette distance en seulement quelques secondes et que, si quelque chose n'était pas fait pour arrêter la progression de M. MATTERS, le gendarme REDDEMAN serait blessé ou tué.
  • En raison de l'arme qui se trouvait en possession de M. MATTERS, le seul outil d'intervention approprié à ma disposition était mon arme à feu pour la police. Dans ce cas, après l'utilisation de l'AI, le gendarme REDDEMAN était maintenant effectivement désarmé. Ainsi, le gendarme REDDEMAN avait placé sa sécurité entre les mains des autres membres du groupe en prenant la chance d'arrêter M. MATTERS avec l'AI, et l'AI a été inefficace. M. MATTERS avançait sans hésitation, avec la hachette levée, et je n'avais aucune option si je devais empêcher M. MATTERS de blesser ou de tuer le gendarme REDDEMAN.
  • J'ai désactivé la sécurité de mon fusil, visé le centre de gravité de M. MATTERS, et j'ai tiré deux coups.
  • M. MATTERS est tombé au sol et a lâché la hachette. L'endroit où il est tombé se trouvait à environ 12 à 14 pieds du gendarme REDDEMAN.

[294] Le gendarme Reddeman a déclaré que, lorsqu'il a vu M. Matters pour la première fois, il tenait la hachette dans les airs. M. Matters n'écoutait pas leurs ordres de lâcher l'arme. M. Matters semblait agité et regardait partout. Le gendarme Reddeman a couru vers les autres membres lorsque M. Matters a quitté la route pour se diriger vers eux (le caporal Warwick et le gendarme Merriman). À un certain moment, il s'est rendu compte que, si M. Matters accélérait et venait vers lui, il allait le frapper avec la hachette. Son AI n'a pas fonctionné, et il a dû essayer de déterminer ce qu'il fallait faire. Au cours de l'enquête, le gendarme Reddeman a déclaré que, après l'échec de l'AI, il estimait qu'il était trop proche de M. Matters et que la hachette allait le frapper. Puis il a entendu les deux coups.

[295] D'après les éléments de preuve matérielle sur les lieux, l'enquête criminelle a révélé que M. Matters faisait face au gendarme Reddeman lorsque le caporal Warwick a tiré des coups de feu. L'enquête a permis de reconnaître des pièces de l'AI qui se détachent lorsqu'elle est utilisée, à proximité de l'endroit où M. Matters est tombé. D'autres éléments de preuve matérielle, comme les douilles de cartouches, ont corroboré les comptes rendus des membres concernant leurs emplacements généraux au moment du tir. Je suis convaincu que les conclusions de l'enquête criminelle concernant les trajectoires des balles et la position de la hachette que tenait M. Matters juste avant le tir concordent avec les comptes rendus donnés par les membres. Je suis également convaincu que les divergences dans leurs comptes rendus (qui sont mineures) sont principalement attribuables aux différents points et postes d'observation de chaque membre et aux effets d'une situation de stress élevé. Dans l'ensemble, j'estime que les comptes rendus des membres sont crédibles et fiables.

[296] Le gendarme Hipkin a déclaré ce qui suit au sujet de sa perception de la menace que constituait M. Matters :

[Traduction]

J'avais l'impression que M. Matters allait tuer le gendarme Reddeman. Il est venu vers lui en brandissant une hachette au-dessus de sa tête, et il n'y a qu'une seule raison de se comporter ainsi envers une autre personne. Je craignais que les actes de M. Matters ne causent des lésions corporelles graves ou la mort, et j'aurais recouru à la force mortelle si je l'avais pu.

[297] Je suis convaincu que M. Matters était armé d'une hachette, qu'il brandissait en l'air, et se rapprochait du gendarme Reddeman. J'estime que le caporal Warwick éprouvait une crainte raisonnable de menace de lésions corporelles graves ou de mort concernant le gendarme Reddeman et croyait raisonnablement qu'il ne pouvait autrement protéger le gendarme Reddeman de ce préjudice. Le niveau de menace était suffisamment élevé pour qu'il ne soit pas raisonnable de s'attendre à ce qu'un membre de la GRC épuise toutes les autres solutions de rechange à la force mortelle à ce stade. Par conséquent, je suis convaincu que le caporal Warwick était autorisé à utiliser une force mortelle pour empêcher M. Matters de s'approcher davantage du gendarme Reddeman en brandissant la hachette.

Conclusion : Le recours à la force mortelle par le caporal Warwick contre la menace que constituait M. Matters était raisonnable dans les circonstances et conforme à la politique et à la formation de la GRC.

d) Chien de police

[298] La famille de M. Matters a exprimé des préoccupations à savoir pourquoi un chien de police n'a pas été utilisé si, de fait, M. Matters avait une hachette à la main. On a laissé entendre que cela aurait pu empêcher le recours à la force mortelle.

[299] Les chiens de police sont de précieux atouts pour les services de police. Ils sont irremplaçables comme traqueurs, pour localiser des éléments de preuve et pour détecter les objets interdits et les explosifs. Ils sont également des armes et sont capables d'infliger des blessures graves en peu de temps. La Commission a souligné que l'utilisation de chiens de police pour appréhender les criminels ne sera justifiée que si le suspect peut raisonnablement être perçu comme une menace pour les membres en cause ou d'autres personnes et lorsqu'aucun autre moyen d'intervention moins violent n'est rapidement utilisable.

[300] Selon la politique relative au GTI de la GRCNote de bas de page 49, des équipes cynophiles sont présentes lors d'une intervention du GTI, dans la mesure du possible, et le recours à l'équipe cynophile est déterminé en consultation avec le maître-chien, le chef d'équipe GTI ou le commandant des interventions. Il est mentionné que l'équipe cynophile reçoit les directives finales du chef d'équipe GTI ou du commandant des interventions ou de son représentant. Toutefois, la politique générale de la GRC mentionne, en partie, que « le membre chargé d'une opération doit s'en remettre au jugement du conducteur de chien quant à la façon d'utiliser ou non le chien et quant au moment et à l'endroit où il faut le faireNote de bas de page 50 ». Ces politiques concordent généralement avec la politique prépondérante selon laquelle les membres doivent être autorisés à réagir aux circonstances auxquelles ils sont confrontés et à prendre leur propre décision quant à la menace perçue et au degré de force requis.

[301] Comme l'a déclaré le caporal Warwick à la Commission au cours de son enquête :

[Traduction]

Les policiers, en particulier les membres du GTI, sont formés à diverses options à létalité réduite et sont prêts à utiliser l'option appropriée en n'importe quel temps. Cependant, leurs interventions sont guidées par les principes du Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents. Dans ce cas, comme dans n'importe quel cas, il aurait été inapproprié de planifier l'utilisation d'une option particulière en matière de recours à la force. Moi et les autres agents présents étions prêts à recourir à la force, au besoin; nous ne pouvions toutefois réagir qu'en fonction des actes/comportements/menaces de la part de Greg MATTERS à ce moment-là et sélectionner/utiliser l'option d'intervention appropriée en fonction de ces actes/comportements/menaces.

[302] Je souligne que dans le cas présent, le caporal Warwick faisait partie des Services cynophiles en plus d'être un membre pleinement qualifié du GTIDN. Essentiellement, même si le commandant des interventions devait autoriser les plans opérationnels, évaluer les options et diriger les ressources GTINote de bas de page 51, il revenait au caporal Warwick de décider comment et quand il aurait recours au chien de police pendant la tentative d'arrestation de M. Matters.

[303] Le chef d'équipe, le caporal Arnold, a affirmé lors de l'enquête du coroner que c'est au maître-chien de prendre la décision quant à l'arrestation et qu'il comprenait que le pourcentage de réussite serait faible si on utilisait un chien de police pour arrêter un sujet qui a une arme tranchante (c.-à-d. une hachette), puisque le chien s'agrippera simplement à la partie du corps la plus proche, non pas à la main qui tient l'arme. Une autre crainte serait également que, dès qu'un chien est blessé, les membres perdent un outil qui est généralement utilisé si le sujet s'enfuit. (Je souligne que, même si un deuxième chien de police a été utilisé pour la traque pendant cet incident, il ne faisait pas partie du GTIDN et ne se trouvait pas dans les environs immédiats au moment de la confrontation avec M. Matters.) Le caporal Arnold a déclaré qu'il ne croyait pas que le chien de police serait une intervention appropriée dans cette situation et que ces chiens ne sont pas entraînés de cette façon.

[304] Selon sa déclaration, peu après avoir interagi avec M. Matters et n'avoir rien aperçu entre ses mains à ce moment-là, le caporal Warwick a déterminé que son chien de police serait la meilleure option d'intervention pour maîtriser M. Matters. Sur le point d'ordonner à son chien de police de bondir sur M. Matters en vue de l'appréhender, il a vu M. Matters mettre la main dans son chandail et retirer une hachette. Le caporal Warwick a alors ordonné à son chien de police de rester au pied, car il a établi que ce dernier n'était plus une option appropriée en matière de recours à la force. Le caporal Warwick a expliqué qu'aucun chien de police, y compris le sien, n'est formé ou n'est efficace pour désarmer les personnes avec une arme. Le caporal Warwick ne croyait pas que son chien de police serait en mesure de désarmer efficacement M. Matters ou de le neutraliser. Il ne croyait pas que l'utilisation de son chien de police à cette fin à ce moment-là réglerait la situation; au contraire, cela pourrait aggraver encore la situation. Le caporal Warwick a également cru que la présence du propre chien de M. Matters dans le voisinage immédiat détournerait l'attention de son chien de police et risquerait de ralentir le processus ou d'empêcher le chien de s'approcher de M. Matters. Il était également préoccupé par le fait que le chien de M. Matters puisse devenir agressif et attaquer le chien de police (surtout si M. Matters se faisait mordre), d'où une distraction accrue et une efficacité réduite. Le caporal Warwick ne croyait pas qu'un chien de police était une option d'intervention appropriée face à une arme comme une hachette.

[305] L'utilisation de chiens de police dans des situations impliquant des sujets avec des armes tranchantes a été une question de premier plan dans le cadre de l'enquête du coroner. On a laissé entendre que les chiens de police pouvaient et devaient être utilisés pour désarmer les sujets et que cela aurait pu donner un résultat différent. Le caporal Warwick a expliqué davantage son évaluation selon laquelle le chien de police n'était pas une option d'intervention appropriée immédiatement après que M. Matters a brandi la hachette. Il a déclaré que, à ce moment-là, M. Matters marchait rapidement et avec détermination. Rien n'indiquait qu'il allait se rendre. Le gendarme Reddeman s'est approché par derrière pour utiliser l'AI. M. Matters s'est tourné vers le gendarme Reddeman et a levé la hachette en se dirigeant vers le gendarme Reddeman. Celui-ci a utilisé l'AI, mais M. Matters ne s'est pas arrêté. Il était clair que l'AI ne fonctionnait pas et que M. Matters allait frapper le gendarme Reddeman avec la hachette. M. Matters était presque à ses côtés à ce même moment. La situation s'est précipitée, et le gendarme Reddeman n'avait pas le temps de s'écarter. Le repositionnement tactique était alors impossible. Si le chien de police était utilisé à ce moment-là et qu'il ne pouvait désarmer ou intercepter M. Matters pour les raisons invoquées par le caporal Warwick, celui-ci croyait avec raison que le gendarme Reddeman serait exposé à des lésions corporelles graves ou à la mort. Par conséquent, l'utilisation du chien de police à ce moment précis n'était pas une option appropriée en matière de recours à la force.

Conclusion : Le caporal Warwick a raisonnablement déterminé que son chien de police n'était pas un outil approprié pour désarmer M. Matters ou pour tenter de l'appréhender une fois qu'il a brandi la hachette.

Recommandation : Que la GRC examine s'il est possible d'entraîner les chiens de police à désarmer les sujets.

e) Menottage

[306] Le gendarme Reddeman a déclaré que, après avoir entendu des coups de feu et avoir vu M. Matters tomber à terre, le gendarme Merriman et lui se sont immédiatement dirigés vers M. Matters pour retirer l'arme et appliquer des menottes. Le but était de s'assurer que rien d'autre ne se passe. Le gendarme Reddeman a confirmé qu'il avait appliqué les menottes.

[307] Selon la politique de la GRC, gardant présents à l'esprit les circonstances et le comportement de la personne, un policier peut maîtriser une personne violente au moyen des dispositifs de contrainte approuvés par la GRCNote de bas de page 52, comme des menottes. Bien qu'il puisse sembler offensant pour certains que la police applique des menottes à une personne qui vient d'être abattue et neutralisée, il est important de ne pas oublier que, dans ce cas-ci, pendant que la situation se déroulait, les membres ne savaient pas quelles blessures les coups de feu avaient causées à M. Matters et si oui ou non il avait encore la capacité d'utiliser son arme pendant qu'il se trouvait au sol. L'action immédiate de menotter une personne (et de s'assurer que l'arme est hors de portée) fait partie de la formation nécessaire qui consiste à maîtriser la personne pour s'assurer qu'elle ne constitue plus une menace. Comme il en est question plus loin dans le présent rapport, une fois que cela a été fait, les blessures de M. Matters ont été évaluées rapidement, et des soins médicaux ont été fournis.

[308] Je souligne que lors de l'enquête du coroner, l'ambulancier paramédical a déclaré que, à son arrivée sur les lieux, M. Matters était menotté dans le dos, mais qu'il n'y avait aucune raison de retirer les menottes, car elles ne nuisaient pas aux soins prodigués.

Conclusion : Dans les circonstances, il était raisonnable que le gendarme Reddeman menotte M. Matters immédiatement après la fusillade, conformément à la politique et à sa formation.

Communications

[309] Dans sa plainte, la BCCLA a fait valoir que le manque de communication a mis M. Matters en danger et peut avoir contribué à sa mort. Le GTIDN a été confronté à un certain nombre de difficultés qui ont entraîné des communications parfois erronées ou inopportunes, comme on le verra plus loin. Toutefois, je ne suis pas convaincu que le résultat aurait été sensiblement différent si ces problèmes n'avaient pas surgi.

[310] Le problème principal concerne la séparation entre le commandant des interventions et le chef d'équipe GTIDN, qui se trouvaient au poste de commandement, et l'ENSC et le sergent d'état-major Anderson, qui sont restés au détachement. Idéalement, toutes les parties se seraient trouvées au poste de commandement pour assurer une communication et une coordination rapides et précises. La caporale Garcia a déclaré à la Commission que, avant l'acquisition de « Big Blue » (le véhicule de la GRC spécialement équipé pour les opérations du GTI), l'équipe de négociation était souvent à l'extérieur du poste de commandement, ce qui donnait lieu à de l'information différée pour le commandant des interventions.

[311] Idéalement, tout se passe au poste de commandement, et le transfert d'information est donc immédiat. Bien que la caporale Garcia ait indiqué que le caporal Wilson était au téléphone avec le poste de commandement pour transmettre les renseignements et qu'il y avait peu de retard dans cette affaire, il a semblé que cela a eu un certain effet sur la coordination entre les négociations et la planification de la reddition/l'arrestation. Dans le rapport de l'EAI de la GRC, on reconnaît que [traduction] « la décision de rester au détachement et de ne pas se rendre au poste de commandement a eu un effet sur le résultat du présent incident, car l'ordre de la police exigeant de Greg qu'il quitte la maison n'était pas coordonné avec le déploiement des membres du GTI sur la propriété. Ils n'étaient pas prêts à l'appréhender au moment où on lui a dit de quitter la résidence. »

[312] Je conviens que les efforts des négociateurs n'ont pas été efficacement coordonnés avec les membres du GTIDN. Les membres du GTIDN n'étaient pas en mesure d'appréhender M. Matters alors que le sergent d'état-major Anderson le dirigeait dans l'allée. Cependant, je reconnais que le temps requis pour que le poste de commandement soit mis en place et opérationnel ainsi que le temps et la coordination nécessaires pour relocaliser efficacement l'ENSC ont entravé ces efforts. La taille de la propriété, l'emplacement inconnu de M. Matters et la pénurie de membres disponibles du GTIDN ont également compliqué la situation. Il était raisonnable que le sergent d'état-major Anderson continue de négocier une reddition et ne retarde pas la prétendue tentative de M. Matters de se livrer à la police. C'était une occasion qui, même si elle n'a pas été couronnée de succès au bout du compte, aurait autrement été perdue.

[313] Comme l'ENSC a tardé à se déplacer vers le poste de commandement, il n'y a pas eu non plus d'enregistrements audio complets des négociations en cours avec M. Matters. Le sergent d'état-major Anderson ayant refusé une entrevue avec la Commission, on ne sait pas s'il a tenu compte de la disponibilité d'appareils d'enregistrement audio ou de lignes téléphoniques surveillées pour fournir un dossier incontestable des négociations avec M. Matters et sa mère. Une fois le GTIDN déployé et l'ENSC mobilisée, on a enregistré les négociations; toutefois, ces enregistrements n'ont capté qu'un côté de la conversation, soit les paroles du sergent d'état-major Anderson. Selon la caporale Garcia, il y avait un appareil d'enregistrement portatif au quartier général du district Nord, mais ce n'était pas le meilleur, et il n'a pas été utilisé dans le présent cas. Grâce aux progrès de la technologie, les appareils d'enregistrement numérique sont plus petits et plus abordables. La technologie moderne devrait être mise à la disposition de chaque détachement afin que l'on puisse enregistrer les conversations dans des situations comme celle-ci et, de préférence, des deux côtés.

[314] Il y avait aussi des problèmes de communication entre les membres du GTIDN sur le terrain et leur chef d'équipe, le caporal Arnold. Au moment où les membres ont d'abord reçu la directive de se mettre en position d'« appréhender » M. Matters lorsqu'il tentait apparemment de se rendre et descendait l'allée, les membres du GTIDN n'étaient pas là où le caporal Arnold le croyait. Compte tenu de la taille de la propriété, cela a occasionné un retard, au cours duquel d'autres événements (l'hélicoptère et la serrure cassée sur le portail) ont alarmé M. Matters, qui a reculé vers la propriété familiale.

[315] Par la suite, le caporal Arnold a demandé aux membres de resserrer la présence dans l'allée et de tenter d'apercevoir la propriété familiale. Les transmissions radio confirment qu'il leur a ordonné de conduire jusqu'à un point donné en bas de l'allée, où leurs véhicules ne seraient pas visibles depuis la propriété familiale et de prendre position dans la limite des arbres, où les membres du GTIDN pourraient voir le point d'entrée du bâtiment. Il leur a ordonné de se tenir en bordure de l'allée pour être en mesure d'intercepter M. Matters descendant de la propriété familiale. Au cours de l'enquête, les membres du GTIDN ont déclaré que, à l'endroit où ils ont immobilisé leurs véhicules et en sont sortis, quiconque se trouvant dans la zone de la propriété familiale pouvait voir les véhicules.

[316] M. Matters était au courant de la présence de la GRC sur la propriété et autour, comme en témoignent sa déclaration au sujet de la serrure cassée sur le portail, sa réaction à la présence de l'hélicoptère et ses propos au sujet d'une confrontation. Il n'est pas possible de prévoir si les événements se seraient déroulés différemment si les véhicules n'avaient pas été visibles pour M. Matters. Les membres étaient en mesure de l'intercepter quand ils l'ont vu dans l'allée et ont estimé que c'était l'occasion d'effectuer une arrestation loin de la propriété familiale, qui présentait d'autres défis.

[317] D'autres problèmes de communication ont surgi lorsque les quatre membres du GTIDN se sont présentés à M. Matters, après l'avoir repéré le long de l'allée, et qu'ils ont commencé à lancer l'avertissement de la police et à donner d'autres ordres à M. Matters. D'après les déclarations des membres, il est clair que plusieurs membres émettaient des directives semblables et donnaient des ordres à M. Matters en même temps. Dans toute communication avec un sujet, qu'il y ait ou non des problèmes de santé mentale, il est conseillé que les ordres soient clairs et compréhensibles. Même si nous ne saurons jamais ce que M. Matters a entendu ou compris au cours de ces communications, des ordres criés par divers membres simultanément ou provenant de multiples directions auraient pu facilement être confondus ou perdus. Je reconnais que la situation était dynamique et qu'elle s'est déroulée rapidement. Toutefois, il aurait été préférable d'avoir une approche coordonnée entre les membres du GTIDN en ce qui concerne les communications avec M. Matters afin qu'il puisse très bien entendre et comprendre les ordres donnés.

Conclusion : Bien que les efforts des négociateurs pour faciliter une reddition n'aient pas été entièrement coordonnés avec le GTIDN, les membres ont agi raisonnablement à la lumière des circonstances défavorables.

Conclusion : Les négociations téléphoniques avec M. Matters n'ont pas été enregistrées dans leur intégralité.

Recommandation : Que la GRC examine et mette à la disposition de chaque détachement des appareils d'enregistrement numérique capables d'enregistrer des conversations téléphoniques.

Conclusion : Il y a eu des erreurs de communication entre les membres du GTIDN et le chef d'équipe, le caporal Arnold.

Conclusion : Les membres du GTIDN n'ont pas adopté une approche coordonnée pour communiquer avec M. Matters lorsque la confrontation s'est produite.

Plan opérationnel

[318] Selon le Manuel des opérations tactiques de la GRC, le chef d'équipe GTI doit veiller à ce qu'un plan opérationnel écrit soit élaboré dans les plus brefs délais possibles lors d'un déploiement et à ce qu'il soit approuvé et paraphé par le commandant des interventions avant, à moins que l'urgence de la situation ne l'en empêche. En cas d'urgence, le plan peut être présenté verbalement au commandant des interventions, mais il doit être suivi d'un plan écrit dans les plus brefs délais possiblesNote de bas de page 53.

[319] Le surintendant Stubbs a confirmé à la Commission que le plan opérationnel n'avait pas été établi par écrit. Le plan était commencé, mais il n'avait pas encore été parachevé et approuvé parce que l'on n'avait pas encore établi l'endroit où se trouvait M. Matters. Les plans opérationnels courants – en ce qui concerne la reddition, l'évasion et l'intervention immédiate – reposent sur l'endroit où se trouve le suspect. La première fois qu'ils ont pu confirmer l'endroit où se trouvait M. Matters, celui-ci a confronté les membres en brandissant la hachette. Le surintendant Stubbs a ajouté que M. Matters avait mentionné qu'il allait se rendre, et que cette reddition n'aurait pas été retardée dans le but de parachever les plans opérationnels. Des procédures opérationnelles normalisées guident les membres du GTI en ce qui concerne les redditions et les arrestations à haut risque.

[320] Le surintendant Stubbs a déclaré aux enquêteurs de l'IIO que, lorsque M. Matters a indiqué qu'il allait se rendre, ils croyaient qu'il se trouvait à la résidence/propriété familiale ou à proximité de celle-ci. Lui et le caporal Arnold ont discuté du plan de reddition, selon lequel M. Matters devait sortir de la résidence et des membres du GTI lui ordonnaient de se diriger vers une certaine zone en lui demandant de garder les mains en l'air, de ne pas porter de veste, de ne rien avoir dans les mains et de se placer face contre terre. Le plan a été approuvé verbalement. Ils ont découvert plus tard que, apparemment, M. Matters descendait l'allée et parlait d'une confrontation, puis qu'il a mis fin à son appel avec le sergent d'état-major Anderson et a commencé à marcher vers les membres du GTIDN. Certaines de ces interactions ont été entendues à la radio.

[321] Le chef d'équipe, le caporal Arnold, a déclaré à la Commission que le fait de ne pas connaître l'endroit exact où se trouvait M. Matters sur la propriété a entravé leur capacité à mettre au point un plan opérationnel. Dans l'ébauche du plan, il a inclus le concept ou l'aperçu général, conformément au livret du plan des options. Il comprenait des membres du GTIDN qui occupent une position sur la propriété et attendent des renseignements en provenance de l'hélicoptère; sinon, ils devaient déterminer la position de M. Matters à partir de son dernier endroit connu; s'il était localisé à la résidence, assurer le contrôle du périmètre et appeler; si l'interaction avait lieu loin d'une structure, amorcer la communication et faciliter une reddition ou une arrestation; des options à létalité réduite (AI, balles-chaussettes) avec une force dominante pouvant être mortelle; et une procédure opérationnelle normalisée concernant une reddition ou une entente.

[322] Il est clair que l'endroit où se trouvait M. Matters sur la propriété n'a jamais été confirmé jusqu'à ce qu'il soit repéré dans l'allée et que la confrontation ait lieu avec les membres du GTIDN. Les détails du plan qui pourraient être ajoutés, comme le type d'incident, la mission et le but ([traduction] « mettre sous garde Greg Matters en toute sécurité et procéder à son arrestation pour agression armée, etc. »), et le concept général (localiser, établir l'option de reddition et faciliter la reddition négociée) ont tous été parachevés. Les plans relatifs à une évasion, à une reddition et à une entente comprenaient des procédures normalisées. Des précisions supplémentaires n'ont pas été ajoutées, ce qui concorde avec les affirmations du caporal Arnold selon lesquelles les plans ne pouvaient pas être parachevés avant qu'ils sachent à quel endroit se trouvait M. Matters.

[323] À mon avis, le surintendant Stubbs et le caporal Arnold se sont conformés à la politique de la GRC, et la situation était urgente, de sorte qu'il était impossible de parachever les plans opérationnels avant que l'on vérifie l'endroit où se trouvait M. Matters. Finalement, l'endroit où il se trouvait a été confirmé quelques instants avant la confrontation avec les membres du GTIDN, et ils devaient donc suivre des procédures opérationnelles normalisées pour l'arrestation.

Conclusion : Le surintendant Stubbs et le caporal Arnold se sont conformés à la politique de la GRC en ce qui concerne le parachèvement du plan opérationnel écrit, car ils ne connaissaient pas l'endroit précis où se trouvait M. Matters jusqu'à ce que la confrontation ait lieu avec les membres du GTIDN.

[324] La BCCLA s'est plainte auprès de la Commission du fait que, en général, les membres du GTI privilégient l'usage de la force et des armes à feu et accordent peu d'importance à la planification, à la prévoyance et à la préparation pour protéger la sécurité de la personne qu'ils essayaient d'appréhender. Selon la BCCLA, cela peut avoir poussé les agents à utiliser une force excessive au lieu de désamorcer la situation, mettant ainsi M. Matters en danger et contribuant à sa mort. La famille de M. Matters a également soulevé des préoccupations selon lesquelles le GTIDN n'a pas agi de façon appropriée à l'égard d'une personne présentant un ESPT connu et une crainte à l'égard de la police, des armes à feu et des hélicoptères.

[325] Le GTI exerce ses fonctions conformément au Manuel des opérations tactiques de la GRC, qui vise la réalisation des objectifs de la GRC, soit de résoudre les incidents violents selon une approche modérée tout en veillant à ce que les droits des Canadiens soient respectés. La politique énonce ce qui suit :

La GRC s'est engagée à résoudre les incidents potentiellement violents en adoptant une approche d'intervention modérée intégrée conformément au Modèle d'intervention pour la gestion d'incident de la GRC et au Code criminel tout en veillant à ce que les droits des Canadiens soient respectésNote de bas de page 54.

[326] De même, le Manuel des opérations de la GRC fournit des directives aux membres qui ont affaire à des personnes qui peuvent être en train de vivre une crise de santé mentale. Dans de tels cas, ils doivent agir conformément aux principes du MIGINote de bas de page 55.

[327] Lors de l'enquête du coroner, des membres ont été questionnés dans le but d'établir si une connaissance plus approfondie des antécédents et des évaluations psychiatriques de M. Matters aurait été utile. Tous étaient d'avis que les connaissances auraient été utiles, mais n'auraient pas donné lieu à des tactiques différentes dans le cas présent. M. Matters menaçait de tirer, et c'était le meilleur élément d'information à ce moment-là. Les menaces ont été proférées à maintes reprises et devaient être prises au sérieux.

[328] Des membres ont également parlé d'une partie de la formation qu'ils avaient reçue en ce qui concerne l'interaction avec des personnes atteintes de troubles mentaux et ce qu'il faut faire pour les calmer et du fait de savoir si cette formation, dont une partie a été suivie après la mort de M. Matters, aurait changé leur approche dans le cadre de l'incident. De l'avis général, même s'il s'agissait d'une formation très utile, elle n'aurait pas changé leurs interventions. À mon avis, cette thèse est raisonnable. Tout au long du présent rapport, j'ai constaté, en règle générale, que les relations des membres avec M. Matters étaient raisonnables et que des efforts considérables ont été déployés pour arriver à un règlement sûr, même si ce n'était pas le résultat final. Je souligne que la GRC a informé la Commission qu'elle continue de revoir sa formation en santé mentale pour les membresNote de bas de page 56.

[329] Bien que l'état mental d'une personne puisse donner un aperçu important de son comportement et influer sur les stratégies liées à la négociation et aux communications, les policiers doivent évaluer le niveau de risque. Cette évaluation vise à déterminer si le sujet a l'aptitude, l'intention et le moyen (communément désignés par l'acronyme AIM à la GRC) d'exécuter la menace qu'il fait. Dans ce cas, les membres ont raisonnablement déterminé que M. Matters avait l'aptitude, l'intention et le moyen. À mes yeux, il est clair que les membres n'ont pas fait fi des troubles mentaux et ont tenté de négocier une reddition sûre du mieux qu'ils pouvaient. La planification du GTIDN n'était pas trop axée sur l'usage de la force et des armes à feu.

[330] Les membres ont été confrontés aux difficultés que présente une vaste propriété rurale qui ne leur est pas familière, à une pénurie de membres disponibles (à la fois pour le contrôle du périmètre et les services spécialisés du GTI) et à l'impossibilité de confirmer l'endroit où se trouvait M. Matters. Ils ont également été confrontés aux problèmes de sécurité analysés en détail dans le présent rapport. Les membres doivent souvent prendre des décisions en une fraction de seconde pour agir ou ne pas agir, où l'un ou l'autre choix peut avoir de graves conséquences. Dans le cas présent, les membres ont choisi de s'approcher de M. Matters dans l'allée avant d'apercevoir une arme, et l'issue a été fatale. À mon avis, le recours à la force mortelle n'était pas la conséquence prévue ou probable de cet affrontement. Il s'agissait plutôt d'une intervention déclenchée par le fait que M. Matters a brandi une arme et par ses actes subséquents, et le déploiement d'une force non meurtrière a suivi.

Conclusion : Le GTIDN n'a pas privilégié à la planification l'usage de la force et des armes à feu.

Soins médicaux après la fusillade

[331] La GRC est chargée de prendre soin des personnes sous sa garde, et ses politiques orientent ses membres en ce qui concerne l'obtention de soins médicaux pour ces personnes. Selon la politique de la GRC, les membres doivent obtenir de l'assistance médicale immédiate et fournir les premiers soins nécessaires lorsque la personne semble être inconsciente ou présente tout autre signe indiquant une blessure ou une maladie pour laquelle il faudrait obtenir des soins médicauxNote de bas de page 57. Cela peut être difficile face à un sujet qui, quelques secondes plus tôt, selon des membres, constituait une menace qui a justifié le recours à la force mortelle; or, cette obligation s'applique également à de telles situations.

[332] L'enquête a révélé que, immédiatement après la fusillade, le gendarme Hipkin a assumé son rôle de médecin de l'équipe en vérifiant les voies respiratoires et la respiration de M. Matters. Il a déclaré que M. Matters ne respirait pas et n'avait pas de pouls; ils ont donc procédé à la réanimation cardiorespiratoire. Le gendarme Merriman a aidé en commençant les compressions thoraciques. Le gendarme Hipkin a découpé la chemise de M. Matters, a noté que ses blessures saignaient et a donc appliqué de la pression.

[333] Juste avant la fusillade, les ambulanciers paramédicaux du service d'ambulance de la C.-B. sont arrivés au poste de commandement, comme l'avait demandé le commandant des interventions. Ils ont été informés presque immédiatement qu'une AI avait été utilisée et que des coups de feu avaient été tirés. Le caporal Arnold a escorté les ambulanciers vers les lieux, où ils ont aperçu des membres du GTI effectuant des compressions thoraciques sur un homme allongé au sol. Les ambulanciers ont fourni des services médicaux d'urgence, avec l'aide de plusieurs membres du GTI. À 19 h 29, un urgentologue a donné l'ordre à l'un des ambulanciers de mettre fin à ses efforts. Je remarque que les ambulanciers paramédicaux n'ont fait part d'aucune préoccupation aux enquêteurs au sujet des soins prodigués par les membres de la GRC. À leur avis, les membres ont procédé de manière efficace à la réanimation cardiorespiratoire.

[334] À mon avis, les membres ont bien assumé leur tâche consistant à prendre soin des personnes sous leur garde à la suite de la fusillade de M. Matters en fournissant rapidement des soins médicaux, en prenant les dispositions voulues pour que le personnel des services médicaux d'urgence soit en attente afin d'aider dans une telle situation et en offrant un soutien aux employés des services d'urgence au moment où ils ont pris la relève pour prodiguer des soins médicaux à M. Matters.

Conclusion : Les membres de la GRC ont bien assumé leur tâche qui consiste à prendre soin des personnes sous leur garde en obtenant une assistance médicale et en fournissant des soins à M. Matters après la fusillade.

Rôle de la GRC après la fusillade

[335] Immédiatement après la fusillade, le surintendant Stubbs a déclaré qu'il avait donné l'ordre aux membres du GTIDN, ainsi qu'aux autres témoins des événements, de ne pas parler de l'incident entre eux, mais seulement de fournir de l'aide. Il a eu une conversation en aparté avec le caporal Warwick pour vérifier son bien-être et offrir un soutien. Le surintendant Stubbs a déclaré qu'il ne lui avait pas parlé de ce qui s'était passé. Au dossier, rien n'indique que les membres ont discuté de l'incident avant de donner leurs déclarations à l'IIO, et, lors de l'enquête du coroner, la plupart ont affirmé qu'ils ne l'avaient pas fait avant cette instance.

[336] Le rapport de l'IIO confirme que l'organisme a été avisé presque immédiatement de la fusillade mettant en cause des membres et a fait valoir sa compétence à cet égard. D'après le dossier, des membres de la GRC en provenance des Services de l'identité judiciaire et de la section des crimes graves étaient présents sur les lieux pour les photographier et aider à la sécurité en attendant l'arrivée des enquêteurs de l'IIO. Les membres du GTIDN ont été relevés en moins d'une heure et ont reçu l'ordre de retourner au poste de commandement, où des éléments de preuve ont été recueillis auprès d'eux.

Conclusion : Les membres de la GRC ont promptement avisé l'IIO de l'incident.

Conclusion : Le surintendant Stubbs a fourni des directives raisonnables aux membres au sujet de leur obligation de ne pas discuter de l'incident avant de parler avec les enquêteurs de l'IIO.

Conclusion : Le surintendant Stubbs a pris des mesures raisonnables pour s'assurer qu'un périmètre de sécurité a été établi autour des lieux et que les éléments de preuve ont été recueillis avant l'arrivée de l'IIO.

Notification du plus proche parent

[337] Selon la politique de la GRC, il faut prendre dès que possible des dispositions pour aviser le plus proche parent en cas de décèsNote de bas de page 58. Toutefois, dans l'affaire qui nous occupe, plusieurs heures se sont écoulées avant que la famille de M. Matters soit avisée de son décès. Le surintendant Stubbs a déclaré qu'il y avait eu une mauvaise communication entre lui-même et le surintendant principal responsable du district Nord, ce qui a entraîné un retard dans la notification de Lorraine Matters et de Trevor Matters concernant le décès de M. Matters. Le surintendant Stubbs a cru comprendre que ses instructions étaient d'attendre que l'IIO arrive et effectue les notifications; or, il a découvert plus tard qu'il se trompait et que l'IIO avait demandé à la GRC d'effectuer les notifications. Il a ajouté qu'il avait reçu la précision et les directives vers 21 h 35. Peu de temps après, la caporale Garcia a informé Lorraine Matters du décès de son fils au détachement. Lorraine Matters a souhaité parler immédiatement à sa fille, Tracey, en Australie, et la caporale Garcia a donc pris la décision de contacter Tracey par téléphone pour l'aviser, car rejoindre la police locale en Australie aurait pu prendre des heures. La caporale Garcia a expliqué qu'elle pensait que Lorraine Matters avait besoin de parler rapidement à sa fille. Le gendarme Dickinson et un autre membre sont allés chez Trevor pour l'aviser du décès.

[338] Il ne fait aucun doute qu'il y a eu un retard regrettable dans les notifications des plus proches parents dans la présente affaire. Toutefois, il est clair que le retard n'était pas intentionnel, mais résultait plutôt d'une mauvaise communication, comme l'a reconnu le surintendant Stubbs.

Conclusion : Le plus proche parent de M. Matters n'a pas été avisé dès que possible après son décès; toutefois, des dispositions appropriées ont été prises pour effectuer la notification lorsqu'on a constaté qu'il y avait eu une mauvaise communication.

Conclusion

[339] Des incidents critiques comme celui qui a finalement mené à la mort par balle de M. Matters imputent un immense degré de responsabilité aux membres de la GRC. Bien que les incidents critiques exigent des interventions policières rapides et efficaces, beaucoup exigent de la patience, de la compréhension et de la retenue avant qu'on puisse y mettre fin de façon sécuritaire. À mon avis, les membres de la GRC dans le cas présent ont déployé des efforts considérables pour trouver un équilibre entre une résolution rapide visant à garantir la sécurité de toutes les personnes en cause et le fait de traiter du mieux qu'ils pouvaient avec les problèmes de santé mentale de M. Matters et tout ce qui en découlait. J'espère que les recommandations contenues dans le présent rapport aideront la GRC à apporter des améliorations aux façons dont elle traite de tels incidents.

[340] Conformément au paragraphe 45.76(1) de la Loi sur la GRC, je dépose respectueusement mon rapport sur une enquête d'intérêt public.

Le vice-président,
George Gibault

Annexe A – Plainte déposée par le président et enquête d'intérêt public, en date du 1er mai 2013

Plainte du public déposée par le président et enquête d'intérêt public : Mort par balle de Gregory Matters à Prince George, en Colombie-Britannique

Dossier no : 2013-1309

Le 1er mai 2013

À titre de président intérimaire de la Commission des plaintes du public contre la GRC (Commission), je dépose une plainte et je lance une enquête d'intérêt public concernant la conduite des membres en cause, qui ont interagi avec M. Gregory Matters à partir du moment où le conflit familial est survenu le 9 septembre 2012 jusqu'à la mort de M. Matters, le 10 septembre 2012, à la suite des coups de feu tirés par la police.

Le 9 septembre 2012, M. Matters et son frère se sont engagés dans un conflit à l'extérieur de la résidence d'un membre de la GRC, qui n'était pas en service. Le membre a téléphoné au 911, comme l'a fait M. Matters. Deux membres se sont présentés sur les lieux. Au cours de la journée, des membres du détachement de la GRC de Prince George ont communiqué sans cesse avec M. Matters, et ils ont décidé d'arrêter M. Matters pour conduite dangereuse, agression armée, agression, et violation d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. À plusieurs reprises, M. Matters a accepté de se soumettre à une arrestation, mais en fin de compte, il a changé d'idée. Le Groupe tactique d'intervention (GTI) de la GRC a été déployé pour effectuer l'arrestation, et il s'est rendu à la résidence de M. Matters. Ce dernier a continué de négocier sa reddition par téléphone avec les membres de la GRC pendant que le GTI était là, et s'approchait de lui sur la propriété. Lorsque les négociations par téléphone ont cessé, les quatre membres du GTI se sont approchés davantage de M. Matters. Ce dernier était en possession d'une hache, qu'il n'a pas lâchée même si on lui a ordonné de le faire. Au bout du compte, un membre du GTI a tiré deux fois dans la poitrine de M. Matters.

Après avoir été informé immédiatement de l'incident, l'Independent Investigations Office (IIO) de la Colombie-Britannique (bureau des enquêtes indépendantes de la Colombie-Britannique) a exercé sa compétence et mené une enquête criminelle. Le 1er mai 2013, le directeur en chef civil de l'IIO a annoncé qu'il ne pouvait pas conclure qu'un membre avait commis une infraction criminelle en l'espèce.

Je dépose la présente plainte et je lance une enquête d'intérêt public tout en reconnaissant pleinement que l'IIO a mené une enquête criminelle à l'égard de l'incident et qu'il a rapporté qu'il n'y avait pas culpabilité criminelle de la part des membres en cause. Toutefois, le mandat de la Commission est de nature corrective; elle évalue la conduite des membres de la GRC dans l'exercice de leurs fonctions par rapport à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences réglementaires applicables, par opposition à la norme pénale.

Ainsi, en vertu des paragraphes 45.37(1) et 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC), je dépose aujourd'hui une plainte et je lance une enquête d'intérêt public au sujet de la conduite de tous les membres de la GRC et de toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC qui sont impliqués dans cet incident, et ce, pour déterminer si :

  1. les membres de la GRC ou toute autre personne nommée ou employée en vertu de la Loi sur la GRC qui ont pris part aux événements des 9 et 10 septembre, soit du premier contact avec M. Matters jusqu'à sa mort subséquente par balle, ont agi conformément à la formation, aux politiques, aux procédures, aux lignes directrices et aux exigences réglementaires;
  2. les politiques, les procédures et les lignes directrices de la GRC, établies à l'échelle nationale, à l'échelle de la Division « E » et à l'échelle du détachement concernant ce genre d'incidents sont adéquates;
  3. les mesures prises par la GRC en réponse à l'incident respectent les politiques, les procédures, les lignes directrices et les exigences réglementaires applicables.

Annexe B – Plainte de la British Columbia Civil Liberties Association concernant la mort par balle de Gregory Matters, en date du 6 février 2013

DATE DE LA PLAINTE : 6 février 2013
DATE D'ACHEMINEMENT DE LA PLAINTE À LA GRC : 7 février 2013
LES PIÈCES JOINTES SONT IDENTIFIÉES COMME SUIT : Télécopie de six pages reçue par la Commission
DÉTACHEMENT : Groupe tactique d'intervention – Prince George

Le 6 février 2013, la British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA) a déposé une plainte concernant la mort par balle de M. Matters. La BCCLA a allégué que des membres de l'équipe d'intervention d'urgence du district du Nord de la GRC :

  1. ont été déployés de façon inappropriée, puisqu'ils procédaient à une arrestation en relation avec une querelle de ménage sur une propriété privée;
  2. ont fait preuve de manque de communication, ce qui a mis M. Matters en danger et peut avoir contribué à sa mort;
  3. ont privilégié l'usage de la force et des armes à feu, et accordé peu d'importance à la planification, la prévoyance et la préparation pour protéger la sécurité de la personne qu'ils essayaient d'appréhender, ce qui peut avoir poussé les agents à utiliser une force excessive au lieu de désamorcer la situation, mettant ainsi M. Matters en danger et contribuant à sa mort.

La plainte de la BCCLA contient aussi des allégations concernant le traitement de Mme Lorraine Matters, la mère de Gregory Matters, au cours des événements en question; plus précisément les éléments ci-dessous.

  1. Un membre non identifié a inutilement braqué une arme en direction de Lorraine Matters.
  2. Un membre non identifié a eu recours à une force non justifiée et excessive contre Lorraine Matters.
  3. Un membre non identifié a arrêté Lorraine Matters sans justification pour voies de fait, ce qui a donné lieu à une détention illégale.
  4. Un membre non identifié a sciemment forcé Lorraine Matters à se placer dans une position qui lui causerait de la douleur et des blessures.
  5. Un membre non identifié a accusé Lorraine Matters de mentir et a refusé de l'écouter.
  6. Un membre de la GRC a refusé de permettre à Lorraine Matters d'appeler un avocat ou son fils.
  7. Des membres non identifiés ont effectué une fouille corporelle illégale sur la personne de Lorraine Matters.
  8. Des membres non identifiés ont laissé Lorraine Matters menottée plus de 30 minutes.
  9. Des membres non identifiés ont ignoré les demandes faites par Lorraine Matters à la GRC d'appeler le médecin qui avait soigné son fils.
  10. Des membres non identifiés ont fait une observation injustifiée au sujet de la capacité du fils de Lorraine Matters de la reconnaître.

Le 1er mai 2013, la Commission a avisé la BCCLA que l'enquête d'intérêt public répondrait aux allégations indiquées dans la plainte.

Annexe C – Résumé des conclusions et des recommandations

Conclusions

Conclusion : Les gendarmes Poyzer et Dickinson sont intervenus sur les lieux de la collision en temps opportun.

Conclusion : La priorité déclarée du gendarme Poyzer à ce moment-là de localiser et de confirmer le bien-être de Trevor Matters était raisonnable et a nécessairement retardé sa capacité à sécuriser les lieux de la présumée infraction criminelle.

Conclusion : Des déclarations ont été recueillies auprès des parties et des témoins concernés en temps opportun et étaient raisonnablement approfondies dans les circonstances.

Conclusion : Les techniques d'enquête de base relatives à la sécurisation et à la collecte d'éléments de preuve matérielle n'ont pas été utilisées de façon raisonnable et ont laissé les éléments de preuve vulnérables à la contamination.

Conclusion : Le gendarme Poyzer n'a pas raisonnablement tenu compte des divergences dans les éléments de preuve au moment où ils ont été reçus.

Conclusion : Le gendarme Poyzer aurait dû inclure dans ses notes et ses rapports toutes ses observations relatives à des signes d'ébriété lorsqu'il a rencontré Trevor; comme il ne l'a pas fait, cela remet en question ses déclarations ultérieures.

Conclusion : L'enquête portait initialement sur M. Matters, en raison non pas de ses antécédents, mais plutôt de son rôle reconnu dans l'incident et de la gravité de ses actes. Rien n'indique que l'enquête de la GRC a porté sur M. Matters en raison de partialité ou de tout autre motif illégitime.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a assumé la responsabilité de trop de rôles et aurait dû déléguer à un autre membre la supervision directe de l'enquête criminelle et l'établissement des mandats.

Conclusion : Pendant toute la période pertinente, les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables de croire que M. Matters avait commis les présumées infractions et qu'il pouvait être arrêté sans mandat en vertu du paragraphe 495(2) du Code criminel.

Conclusions :

  1. Les membres ont fait des efforts raisonnables pour que M. Matters se présente au détachement de la GRC de Prince George afin de procéder à l'arrestation et d'obtenir une déclaration.
  2. Lorsqu'ils se sont rendus à la résidence, les membres ont raisonnablement déterminé qu'une confrontation physique était probable s'ils tentaient d'arrêter M. Matters à ce moment-là, et leur décision de retarder l'arrestation était raisonnable.

Conclusions :

  1. Le sergent d'état-major Anderson a déployé des efforts considérables pour gagner la confiance de M. Matters tout au long des négociations et a parlé à M. Matters d'une manière calme et professionnelle.
  2. Les négociations du sergent d'état-major Anderson avec M. Matters avant l'entrée en jeu du groupe tactique d'intervention étaient raisonnables et appropriées dans les circonstances.
  3. Les négociations avec M. Matters auraient pu progresser grâce à une communication plus claire avec lui au sujet du statut de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public imposé à Trevor.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a agi raisonnablement en rencontrant Trevor et en décidant qu'il n'y avait pas d'accusations appropriées à porter dans les circonstances.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a adopté une approche mesurée et raisonnable en ce qui concerne le contrôle du périmètre de la propriété des Matters compte tenu des difficultés résultant de la taille et de la topographie de la propriété et de la disponibilité des ressources.

Conclusion : Le surintendant Stubbs possédait la formation et l'agrément en tant que commandant des interventions en cas d'incident critique au moment de l'incident.

Conclusion : La décision du surintendant Stubbs de mettre sur pied et de déployer le GTIDN était raisonnablement fondée et conforme à la politique de la GRC.

Conclusion : La séance d'information du GTIDN était raisonnablement exhaustive et précise.

Conclusion : Le surintendant Stubbs a pris les mesures nécessaires pour faire en sorte que tout le personnel du GTI disponible soit déployé vers les lieux de l'incident.

Conclusion : Les membres de la GRC avaient des motifs raisonnables de pénétrer dans les propriétés des Matters sans mandat.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a continué à négocier avec M. Matters de façon appropriée et professionnelle sous la supervision de l'ENSC.

Conclusion : Les membres de l'ENSC ont raisonnablement établi qu'il était approprié que le sergent d'état-major Anderson poursuive les négociations avec M. Matters compte tenu des bonnes relations qu'il avait établies et de leur compréhension de ses capacités.

Conclusion : Les membres de l'ENSC se sont raisonnablement conduits tout au long du processus de négociation et de collecte de renseignements.

Conclusion : Le sergent d'état-major Anderson a déployé des efforts considérables pour faciliter la reddition pacifique de M. Matters par l'intermédiaire de sa mère, Lorraine Matters.

Conclusion : Au moment de la décision de déployer le GTIDN, les membres pensaient raisonnablement que Lorraine Matters pourrait ne plus être utile dans leurs efforts pour négocier la reddition de M. Matters.

Conclusion : Les membres de la GRC n'ont pas agi de façon déraisonnable lorsqu'ils ont empêché Mme Pinko de pénétrer dans la propriété des Matters pour aller chercher M. Matters.

Conclusion : La caporale Garcia a fait des efforts considérables et raisonnables pour localiser le Dr Passey et parler avec lui.

Conclusion : La caporale Garcia a transmis de façon opportune et détaillée les renseignements et les suggestions qu'elle a obtenus du Dr Passey.

Conclusion : L'ENSC a raisonnablement considéré et appliqué les suggestions formulées par le Dr Passey.

Conclusion : Il n'y avait pas assez de temps pendant l'incident pour examiner ou évaluer le recours au Dr Passey comme tiers intermédiaire compte tenu des événements qui se sont déroulés peu de temps après qu'il a été contacté.

Conclusion : Les membres de la GRC qui ont pris part à l'intervention ont mobilisé de façon raisonnable les personnes proches de M. Matters.

Conclusion : Il était raisonnable pour les membres de ne pas « reculer », puisque que le sergent d'état-major Anderson négociait avec M. Matters afin qu'il se rende, et ils n'avaient pas encore confirmé l'emplacement de M. Matters.

Conclusion : Le caporal Arnold et le surintendant Stubbs se sont conformés à la politique selon laquelle ils doivent envisager l'utilisation d'armes à létalité réduite et veiller à ce que de telles armes soient présentes.

Conclusion : La décision du caporal Arnold et du surintendant Stubbs de déployer des membres avec un fusil à sacs de plombs à stabilisateur était raisonnable dans les circonstances.

Conclusion : Les membres du GTIDN ont reçu une formation sur le fusil à sacs de plombs à stabilisateur après l'incident.

Conclusion : La décision du surintendant Stubbs d'utiliser l'hélicoptère de police pour tenter de localiser M. Matters était raisonnable dans les circonstances.

Conclusion : Les membres de la GRC ont pris des mesures immédiates et raisonnables pour retirer l'hélicoptère lorsqu'il semblait perturber leur négociation d'une reddition avec M. Matters.

Conclusion : L'inscription sur les fusils utilisés par les membres du GTI est celle du fabricant du produit sur lequel elle a été apposée et ne découle d'aucune mesure prise par les membres en cause dans le présent incident.

Conclusion : Il était raisonnable pour les membres du GTIDN de ne pas « reculer » une fois confrontés à M. Matters.

Conclusion : Le gendarme Reddeman croyait raisonnablement que l'utilisation de l'AI faciliterait l'arrestation en toute sécurité de M. Matters, qui était armé d'une hachette et constituait une menace pour les membres.

Conclusion : Le gendarme Merriman a lancé un avertissement à M. Matters afin qu'il s'immobilise, sinon l'AI serait utilisée.

Conclusion : Le gendarme Hipkin n'a pas eu de possibilité raisonnable d'utiliser le fusil à sacs de plombs à stabilisateur pendant le déroulement des événements.

Conclusion : Le recours à la force mortelle par le caporal Warwick contre la menace que constituait M. Matters était raisonnable dans les circonstances et conforme à la politique et à la formation de la GRC.

Conclusion : Le caporal Warwick a raisonnablement déterminé que son chien de police n'était pas un outil approprié pour désarmer M. Matters ou pour tenter de l'appréhender une fois qu'il a brandi la hachette.

Conclusion : Dans les circonstances, il était raisonnable que le gendarme Reddeman menotte M. Matters immédiatement après la fusillade, conformément à la politique et à sa formation.

Conclusion : Bien que les efforts des négociateurs pour faciliter une reddition n'aient pas été entièrement coordonnés avec le GTIDN, les membres ont agi raisonnablement à la lumière des circonstances défavorables.

Conclusion : Les négociations téléphoniques avec M. Matters n'ont pas été enregistrées dans leur intégralité.

Conclusion : Il y a eu des erreurs de communication entre les membres du GTIDN et le chef d'équipe, le caporal Arnold.

Conclusion : Les membres du GTIDN n'ont pas adopté une approche coordonnée pour communiquer avec M. Matters lorsque la confrontation s'est produite.

Conclusion : Le surintendant Stubbs et le caporal Arnold se sont conformés à la politique de la GRC en ce qui concerne le parachèvement du plan opérationnel écrit, car ils ne connaissaient pas l'endroit précis où se trouvait M. Matters jusqu'à ce que la confrontation ait lieu avec les membres du GTIDN.

Conclusion : Le GTIDN n'a pas privilégié à la planification l'usage de la force et des armes à feu.

Conclusion : Les membres de la GRC ont bien assumé leur tâche qui consiste à prendre soin des personnes sous leur garde en obtenant une assistance médicale et en fournissant des soins à M. Matters après la fusillade.

Conclusion : Les membres de la GRC ont promptement avisé l'IIO de l'incident.

Conclusion : Le surintendant Stubbs a fourni des directives raisonnables aux membres au sujet de leur obligation de ne pas discuter de l'incident avant de parler avec les enquêteurs de l'IIO.

Conclusion : Le surintendant Stubbs a pris des mesures raisonnables pour s'assurer qu'un périmètre de sécurité a été établi autour des lieux et que les éléments de preuve ont été recueillis avant l'arrivée de l'IIO.

Conclusion : Le plus proche parent de M. Matters n'a pas été avisé dès que possible après son décès; toutefois, des dispositions appropriées ont été prises pour effectuer la notification lorsqu'on a constaté qu'il y avait eu une mauvaise communication.

Recommandations

Recommandation : Qu'un superviseur examine le présent rapport avec le gendarme Poyzer et fournisse des directives opérationnelles concernant l'obtention et la collecte d'éléments de preuve pertinents.

Recommandation : Qu'un superviseur passe en revue les conclusions du présent rapport avec le gendarme Poyzer et fournisse des directives opérationnelles concernant la prise en compte appropriée de l'ensemble des éléments de preuve et le traitement des divergences lors de la préparation de notes et de rapports.

Recommandation : Que la GRC envisage l'acquisition d'un fusil ARWEN à l'usage du GTIDN et veille à ce que ces membres reçoivent une formation appropriée.

Recommandation : Que la GRC envisage de mettre des véhicules aériens sans pilote à la disposition de tous les GTI en vue d'un déploiement lorsqu'il faut localiser sur une grande propriété rurale une personne en situation de crise ou son véhicule.

Recommandation : Que la GRC accorde la priorité à ses recherches sur l'équipement d'enregistrement corporel et détermine comment et quand en tirer le meilleur parti possible, en particulier pendant les déploiements du GTI.

Recommandation : Que la GRC examine la meilleure façon de s'assurer que le GTIDN est déployé avec du personnel en nombre suffisant ayant reçu une formation adéquate afin de favoriser toutes les options de planification.

Recommandation : Que tous les membres à temps partiel du GTI reçoivent une formation sur l'AI pour faire en sorte que le GTI soit déployé avec l'éventail des options à létalité réduite adaptées à la situation.

Recommandation : Que la GRC examine s'il est possible d'entraîner les chiens de police à désarmer les sujets.

Recommandation : Que la GRC examine et mette à la disposition de chaque détachement des appareils d'enregistrement numérique capables d'enregistrer des conversations téléphoniques.

Annexe D – Principaux membres de la GRC en cause dans les événements des 9 et 10 septembre 2012, jusqu'à la mort par balle de Gregory Matters inclusivement

Personne Rôle

Gendarme Steven Pelletier

Membre qui n'était pas en service; a eu affaire à M. Matters et à son frère le 9 septembre 2012.

Gendarme Nathan Poyzer

Enquêteur principal et premier à intervenir sur les lieux de l'incident lié à des véhicules automobiles entre les frères.

Gendarme Jason Dickinson

A fourni du renfort au gendarme Poyzer et a contribué à l'enquête.

Gendarme Kyle Sharpe

A procédé à des tentatives d'arrestation de M. Matters à l'extérieur de sa résidence le 9 septembre 2012.

Gendarme Jared Sweeney

S'est rendu à la propriété de M. Matters avec le gendarme Sharpe.

Sergent d'état-major Brad Anderson

Agent intérimaire des opérations, détachement de Prince George. A mené les négociations au téléphone avec M. Matters.

Surintendant Eric Stubbs

Officier responsable, détachement de Prince George. Commandant des interventions.

Gendarme Josh Grafton

Membre des Services cynophiles, a prêté main-forte pour assurer le contrôle du périmètre de sécurité et a brisé la serrure du portail à la propriété afin de faciliter l'accès.

Caporal Colin Warwick

Membre des Services cynophiles. A offert un soutien aux membres aux services généraux qui tentaient de procéder à l'arrestation de M. Matters à sa propriété le 9 septembre 2012.
Membre du GTIDN et a eu recours à la force mortelle, ce qui a entraîné la mort de M. Matters. Le caporal Warwick a également procédé à l'arrestation de la mère de M. Matters, Lorraine.

Gendarme Bryson Hipkin

Membre du GTIDN et témoin de la mort de M. Matters. A transporté le fusil à sacs de plombs à stabilisateur.

Gendarme Matthew Reddeman

Membre du GTIDN et témoin de la mort de M. Matters. A utilisé l'AI contre M. Matters.

Gendarme Brian Merriman

Membre du GTIDN et témoin de la mort de M. Matters.

Caporal Ryan Arnold

Chef d'équipe GTIDN

Caporale Claudette Garcia

Équipe de négociation en situation de crise

Caporal Todd Wilson

Équipe de négociation en situation de crise

Caporal Darren Dodge

Équipe de négociation en situation de crise

Annexe E – Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents de la GRC

Incident Management/Intervention Model
Version textuelle

Annexe F – Catégories de résistance des personnes

Au centre du Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents, on mentionne les niveaux de résistance qu'on peut rencontrer chez un suspect. Ci-dessous on décrit les comportements auxquels on peut s'attendre de la part des personnes qui présentent chacun des niveaux de résistance.

Coopératif

Le sujet réagit de façon appropriée à la présence et aux directives de l'agent, ainsi qu'à la façon dont il maîtrise la situation.

Résistant passif

Le sujet, avec peu de manifestations physiques, voire aucune, refuse d'obéir aux ordres de l'agent. Ce comportement peut se manifester par un refus verbal ou par une inertie physique intentionnelle. Par exemple, il peut refuser de contracter le moindre muscle et se laisser porter de tout son poids.

Résistant actif

Le sujet résiste de façon physique ou manifeste physiquement son refus d'obéir aux ordres de l'agent sans toutefois commettre une agression. Par exemple, il peut s'écarter brusquement pour empêcher la maîtrise par l'agent ou pour échapper à celle-ci; il peut aussi s'éloigner ouvertement de l'agent. La fuite est un autre exemple de résistance active.

Agression

Le sujet tente ou menace, par un acte ou un geste, d'employer la force, ou emploie la force contre une autre personne, s'il a à ce moment la capacité, ou s'il porte l'agent à croire, pour des motifs raisonnables, qu'il a alors la capacité d'accomplir son dessein. Par exemple, il peut donner des coups de pied, des coups de poing, ou tout simplement afficher un langage corporel menaçant avec l'intention d'agresser.

Lésions corporelles graves ou mort

Le comportement du sujet porte l'agent à croire, pour des motifs raisonnables, que l'individu a l'intention ou est susceptible de causer des lésions corporelles graves ou la mort à une autre personne. Par exemple, le sujet peut commettre une agression avec un objet tel qu'un couteau, un bâton ou une arme à feu, ou agir de façon à causer des lésions corporelles graves à un agent ou encore à une autre personne.