ARCHIVÉ - Intervention des services de police auprès de personnes atteintes d'une maladie mentale : Questions et trajectoires

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Janvier 2010

Analyse documentaire


Introduction

Les questions entourant l'intervention des services de police auprès de personnes atteintes d'une maladie mentale (PMM)Note de bas de page 1 ne sont pas nouvelles. Les premiers ouvrages portant sur les interventions policières comprenaient souvent des renseignements sur les façons de « gérer » les situations liées à des PMM . En effet, The Practical Patrolman, par Gilston et Podell (1959), mentionne que les « personnes déséquilibrées » forment une sous-catégorie des « personnes spéciales » :

Les personnes déséquilibrées ou les malades mentaux font partie des personnes les plus dangereuses auprès desquelles le patrouilleur sera appelé à intervenir. Ces personnes peuvent être silencieuses et dociles, en pleurs et déprimées, joyeuses et volubiles ou fâchées et agressives. Il incombe au patrouilleur non pas de cerner la nature exacte de leur maladie, mais de reconnaître ces personnes, d'éviter qu'elles causent du tort à elles-mêmes, aux autres et à lui-même et, enfin, de les confier aux autorités médicales compétentes.

De même, How to Recognize and Handle Abnormal People, par Matthews et Rowland (1960), contient des chapitres qui expliquent comment déterminer si une personne a une maladie mentale et comment intervenir auprès d'une personne déséquilibrée ou agressive.

Ces points de vue supposent que la police est régulièrement appelée à intervenir auprès de PMM et que les interventions auprès de ces personnes, bien qu'elles requièrent des mesures spéciales, ne sont pas particulièrement problématiques. Au contraire, les auteurs semblent considérer ces interventions comme gérables et faisant tout simplement « partie du travail ». Mais ces assertions reposent également sur la prémisse selon laquelle les PMM représentent une proportion relativement faible des personnes faisant l'objet d'interventions policières. L'augmentation du nombre et de la fréquence des interactions entre la police et les PMM s'est évidemment accompagnée d'une hausse des problèmes liés à ces interactions.

Cependant, il semble s'être produit un changement dans la façon dont les agents de police perçoivent leur rôle à l'égard des PMM . Depuis toujours, les agents de police considèrent les interventions auprès de PMM non pas comme un « vrai travail de policier », mais comme un « travail merdique » qui n'a pas vraiment de bons côtés. En effet, les services de police récompensent rarement ce type d'interventions, alors celles-ci ne confèrent aucune considération. D'ailleurs, les erreurs commises au cours d'interactions avec des PMM (comme le fait d'avoir été incapable d'empêcher que des agents de police ou des PMM subissent des blessures inutiles ou évitables ou d'avoir été incapable de satisfaire aux attentes officieuses du service de police concernant la réduction au minimum du « temps d'arrêt ») peuvent donner lieu à un sentiment de honte et de déshonneur (Manning, 1984). Il n'est donc pas étonnant que certains agents de police hésitent à assumer un rôle pour lequel ils ont reçu peu de formation et qu'ils ne comprennent pas très bien (Husted et coll., 1995). Comme le soulignait Bernard Parks, ancien chef du service de police de Los Angeles, « la police ne devrait pas avoir à s'occuper d'autant de personnes atteintes d'une maladie mentale dans les rues ». La notion clé dans la déclaration de Parks, c'est l'accent sur le nombre de PMM . Parks ne laisse pas entendre que les PMM ne concernent pas la police, il affirme plutôt que c'est le fait qu'il y en ait « autant » qui rend la situation problématique. Bien qu'il y ait encore des agents de police qui détestent intervenir auprès de PMM , de plus en plus d'agents de police en sont venus à accepter que ce type d'interventions constitue une partie inévitable de leur travail. Pourtant, cette acceptation s'accompagne d'une multitude de frustrations découlant d'un manque de formation et de soutien au sein des services de police ainsi que d'un manque d'aide de la part des services de santé mentale. Dans cette perspective, la question n'est pas tant de déterminer si la police devrait s'occuper ou non des PMM que de trouver la meilleure façon, pour les policiers, d'intervenir auprès de ces personnes.

Du point de vue juridique, il est établi depuis longtemps que « le mandat officiel de la police consiste entre autres à intervenir auprès des personnes atteintes d'une maladie mentale » (Bittner, 1967 : 278), c'est-à-dire que la police a l'obligation légale de répondre aux appels de service liés à des PMM .

Cette responsabilité est fondée sur deux principes juridiques : d'abord, la protection de la sécurité et du bien-être du public (collectivité); et, ensuite, la doctrine parens patriae, à savoir la protection des citoyens handicapés et des membres de la collectivité incapables de se protéger eux-mêmes (Teplin, 1984a). De fait, ces principes juridiques se trouvent dans les critères fondamentaux généralement utilisés pour déterminer s'il est justifié de procéder à un retrait d'urgence du foyer ou à un internement psychiatrique.

Il est généralement admis que le nombre d'appels donnant lieu à des interventions policières auprès de PMM augmente depuis la fin des années 1960 et 1970. Un certain nombre de facteurs ont été avancés pour expliquer cette hausse, et les plus connus sont généralement mis en évidence dans les ouvrages psychiatriques : la désinstitutionnalisation, les modifications apportées aux lois en matière d'internement et l'échec des initiatives de traitement dans la collectivité. Les tenants d'approches criminologiques ont invoqué des facteurs moins largement admis, comme le changement paradigmatique survenu avec l'adoption de la philosophie des services de police communautaires. La hausse du nombre d'interactions entre la police et les PMM a été ponctuée d'incidents critiques et de cas hautement médiatisés, comme les récents événements qui se sont produits en Colombie-Britannique, lesquels ont servi à faire ressortir la nécessité d'une meilleure compréhension de la nature des interactions entre la police et les personnes atteintes d'une maladie mentale.

Le présent rapport examine diverses questions pertinentes qui vont de l'étendue du problème à l'analyse des options possibles permettant de régler les problèmes actuellement liés aux interactions entre la police et les PMM , en passant par l'utilisation du pouvoir discrétionnaire de la police relativement aux interventions auprès de PMM .

L'étendue du problème : la fréquence et la prévalence des interventions de la police auprès de personnes atteintes d'une maladie mentale

Bien que l'affirmation selon laquelle il y a une hausse des interactions entre la police et les PMM soit répandue, le fondement empirique à cet égard n'est pas très bien établi. Selon Bonovitz et Bonovitz (1981), les interventions policières auprès de PMM se sont accrues de plus de 225 % entre 1975 et 1979. Le pourcentage le plus fréquemment cité de nos jours donne à penser que, aux États-Unis, environ 7 % des interventions policières sont effectuées auprès de malades mentaux (Borum et coll., 1998), mais ce pourcentage cache inévitablement des variations substantielles d'un service de police à l'autre. Un sondage mené auprès d'agents de police à Sydney, en Australie, révèle que, dans l'ensemble, ceux-ci consacrent plus de 10 % de leur temps en service à des interactions avec des PMM et que, pour chacun des répondants, le temps consacré à ce type d'interactions varie considérablement, à savoir de 0 à 60 % (Fry et coll., 2002). Les statistiques canadiennes dans ce domaine sont plus rares, mais celles qui existent donnent une bonne idée de la fréquence des contacts. Un sondage mené auprès de trois services de police en Ontario et en Colombie-Britannique indique que le quart (25,7 %) des agents de police ont eu des contacts avec des PMM au moins une fois par semaine et que les trois quarts (75,7 %) ont eu des contacts similaires au moins une fois par mois (Cotton, 2004). Une récente étude du service de police de Vancouver révèle que 31 % des appels de service concernent au moins une personne atteinte d'une maladie mentale; dans certaines régions, la proportion atteint presque la moitié (Wilson-Bates, 2008). Étant donné que la situation de Vancouver relativement à cette question est probablement unique, il serait imprudent de faire une généralisation à partir de cette étude. Par conséquent, la fréquence des interactions entre la police et des PMM demeure inconnue.

Malgré l'absence d'information systématique à ce chapitre, il est évident que la majorité des interactions entre la police et les PMM sont liées à des infractions et à des comportements de moindre gravité qu'on peut à peine qualifier de crimes. Wells et Schafer (2006) rapportent que seulement 1 % des interactions se rapportaient à des appels de service pour un « crime grave ». En revanche, 69 % des appels concernaient le « maintien de l'ordre général » et 8 %, un « crime mineur ». Au moins 22 % des interactions visaient des incidents de la catégorie « Autre ». Dans les cas où l'interaction se rapporte à un crime, seulement 2 % des crimes étaient « avec violence et contre les biens », tandis que 85 % concernaient des « atteintes à l'ordre public ». Green (1997) fait état d'une répartition semblable : 27,7 % pour inconduite, 7,5 % pour violation de propriété, 6,1 % pour outrage et 13,4 % pour toutes les autres catégories. Fait intéressant, on a enregistré « aucune infraction » dans 45,3 % des cas. Des résultats semblables permettent d'étayer ce qui est habituellement mentionné au sujet des interventions policières auprès de PMM , à savoir qu'elles sont attribuables à des comportements qualifiés de nuisance mineure et de trouble à l'ordre public.

Indépendamment du manque d'information relativement à la fréquence, les agents de police et les chefs de police estiment que la gestion de ces types de cas occasionne beaucoup de difficultés opérationnelles, monopolise une quantité disproportionnée de temps de patrouille et de ressources, pourrait donner lieu à des incidents dont le service de police serait tenu responsable et risque de surcharger les établissements correctionnels de délinquants relativement peu dangereux (Hails et Borum, 2003). En outre, nombre de services de police ont fait l'objet de critiques très sévères et même de poursuites judiciaires dans la foulée de cas hautement médiatisés où ils ont eu recours à la force, voire à la force meurtrière, à l'endroit de PMM (Hill et Logan, 2001). Pour toutes ces raisons, les interactions avec les PMM en sont venues à représenter une préoccupation majeure pour nombre de services de police.

Les facteurs expliquant l'augmentation des interventions policières auprès des PMM

On a avancé une vaste gamme de facteurs pour expliquer la hausse de la fréquence des interactions entre la police et les PMM . Les trois facteurs le plus souvent invoqués émanent de ce que nous pourrions appeler la perspective psychiatrique. Il y a toutefois un certain nombre d'explications inspirées des approches criminologiques qui méritent une attention similaire.

En général, trois facteurs interreliés semblent avoir une incidence sur la hausse du nombre des interactions policières avec les PMM  : la désinstitutionnalisation, les modifications apportées aux lois en matière d'internement civil et le financement insuffisant des programmes communautaires. Aux États-Unis, c'est dans les années 1930 que certains psychologues ont commencé à s'intéresser à l'idée de services de santé mentale communautaires (par opposition à des services en établissement); ils faisaient valoir que les personnes atteintes d'une maladie mentale bénéficieraient davantage de diagnostics et de traitements dans la collectivité que d'une institutionnalisation. Ce point de vue a été officialisé en 1946 grâce à l'adoption de la National Mental Health Act, qui autorisait le financement de la recherche, de la formation et du soutien technique en vue « d'améliorer la santé mentale des personnes aux États-Unis » (Gillon, 2000). Cette loi prévoyait également la création du National Institute of Mental Health, lequel se voyait confier le mandat de surveiller ces programmes. Les défenseurs d'une intervention communautaire soutenaient que la pratique consistant à enfermer des malades mentaux dans des asiles était inhumaine et non propice au traitement. De plus, au milieu des années 1950, les gouvernements étaient de moins en moins capables d'assumer le fardeau financier que représentait le système des asiles et n'étaient plus en mesure de s'occuper adéquatement des patients. Au même moment, la découverte de nouveaux médicaments antipsychotiques, comme la chlorpromazine (Thorazine), a fait naître l'espoir que les patients pourraient être traités et vivre de façon autonome (Gillon, 2000). Enfin, la diffusion graduelle dans les médias d'images montrant les conditions de vie déplorables dans les asiles déclenchait périodiquement un tollé général et attirait l'attention sur la souffrance des malades mentaux (Lamb, 1982). Tous ces éléments ont amené la Joint Commission on Mental Health à réclamer, en 1961, la désinstitutionnalisation des malades mentaux et la création de centres de traitement communautaires (Lewis et coll., 1991).

Le mouvement de désinstitutionnalisation qui a eu lieu dans les années 1960 et 1970 s'est traduit par une baisse marquée du nombre de personnes confinées dans des hôpitaux psychiatriques (Kupers, 1999). Les partisans de la désinstitutionnalisation faisaient valoir que les programmes communautaires offriraient un traitement plus approprié aux PMM . Qui plus est, la transition vers une approche axée sur les programmes communautaires a été facilitée par un certain nombre de décisions judiciaires historiques, la mise au point de médicaments psychotropes et la possibilité de faire des économies de coûts substantielles (Murphy, 1986). Dans bien des cas, les programmes de traitement communautaires sont efficaces, mais leur réussite dépend de la volonté des personnes de reconnaître leur maladie, de choisir de suivre un traitement et de maintenir leur participation aux programmes (Perkins et coll., 1999). En l'absence de ces trois conditions, les programmes de traitement ne sont pas efficaces, et c'est alors que les PMM , en raison de certains comportements, peuvent faire l'objet d'interventions policières.

Parallèlement à la désinstitutionnalisation, des modifications apportées à la législation ont fait en sorte qu'il est devenu beaucoup plus difficile d'interner des personnes sans leur consentement. En Californie, la Lanterman-Petris-Short Act de 1968 a fait ressortir les droits des patients psychiatriques et, par conséquent, a grandement complexifié l'internement non sollicité d'une personne (Lamb, 1982). Cette loi a servi de modèle à d'autres États, et, finalement, 36 des 50 États ont mis en place des critères plus restrictifs en ce qui concerne l'internement civil (Phelan et Link, 1998). Désormais, les PMM sont internées dans des hôpitaux psychiatriques uniquement si elles représentent un danger pour elles-mêmes ou pour les autres, et ce danger doit être attribuable à leur maladie mentale (Stefan, 1996).

De surcroît, les changements découlant de ces deux tendances ont non seulement entraîné une hausse des interactions policières avec les PMM , mais elles ont aussi restreint les solutions de rechange dont dispose la police dans de telles circonstances. En ce qui concerne la police, elle a généralement tendance à éprouver du ressentiment à l'égard de la politique de désinstitutionnalisation. Malgré les conséquences considérables qu'elle aurait probablement (et qu'elle a effectivement eu) sur les forces de l'ordre, la désinstitutionnalisation a été imposée de façon unilatérale, sans consultation de la police. De plus, les modifications apportées aux lois en matière d'internement ont joué un rôle dans l'établissement des relations souvent orageuses entre la police et les professionnels de la santé mentale. La police accuse les professionnels de la santé mentale d'être trop souvent incapables d'attester ses évaluations de la dangerosité d'une PMM , alors que les cliniciens reprochent à la police de leur « amener les mauvais patients ». Pour ce qui est des conséquences néfastes imprévues pouvant être attribuables à la désinstitutionnalisation et aux modifications législatives, la police ne se montre pas particulièrement compréhensive. D'ailleurs, l'attitude de nombreux policiers pourrait très bien se résumer ainsi : « C'est le milieu de la santé mentale qui est responsable de la détérioration du traitement des malades mentaux, pas la police. Vous avez tout démoli; à vous de tout reconstruire » (Gillig et coll., 1990 : 665).

Le troisième facteur expliquant la hausse des interactions entre la police et les PMM consiste en l'échec des politiques et des pratiques postdésinstitutionnalisation. D'abord, la désinstitutionnalisation n'a jamais été mise en œuvre adéquatement, et l'objectif explicite consistant à remplacer les soins en établissement par des soins communautaires n'a jamais été tout à fait atteint (Lurigio, 2000). Ensuite, bien qu'on ait réussi à réduire le nombre de patients dans les établissements psychiatriques, la diminution des dépenses gouvernementales en santé mentale a restreint l'accessibilité des programmes de traitement (Finn et Sullivan, 1989). Un pourcentage élevé de PMM , plus particulièrement les jeunes atteints d'une maladie mentale grave et chronique, n'ont pas reçu de traitement approprié et coordonné dans la collectivité (Shadish, 1989). Faute de surveillance ou d'un traitement adéquat, nombre de PMM décompensent progressivement. À mesure que leur état se détériore et que leur comportement devient plus imprévisible, ces personnes se retrouvent dans la rue, où leurs interactions avec la police sont de plus en plus fréquentes (Cooper et coll., 2004).

La combinaison de ces trois facteurs, à savoir la désinstitutionnalisation, les modifications apportées à la législation en matière d'internement et le financement insuffisant des programmes de traitement communautaires, forme ce que nous pourrions appeler la « perspective psychiatrique » au sujet des raisons pour lesquelles il y a une augmentation des interventions policières auprès de PMM . Selon cette approche, la hausse des interactions est attribuable à des causes liées au fonctionnement (ou au dysfonctionnement) du système de soins de santé mentale, et il ne fait aucun doute que la conjonction de ces trois facteurs contribue grandement au fait que les contacts entre la police et les PMM constituent une préoccupation majeure pour les forces de l'ordre. Toutefois, l'insistance sur la « perspective psychiatrique » a éclipsé diverses autres considérations importantes de nature plus « criminologique ». Autrement dit, il existe un certain nombre de facteurs se rattachant davantage au domaine de la criminologie qui contribuent également à accroître les interactions entre la police et les PMM , mais qui ont très peu à voir avec le système de soins de santé mentale. Par exemple, le système de soins de santé mentale n'est pas le seul système à avoir laissé tomber un grand nombre de PMM  : les réseaux des services sociaux se sont montrés tout aussi inefficaces et négligents. L'incapacité d'accéder à un logement adéquat et stable a contribué à accroître la visibilité ou la « publicité » des PMM . On a également constaté un lien entre l'itinérance et le refus de se soumettre à un traitement (Wolff et coll., 1997). De même, le soutien aux personnes toxicomanes et alcooliques s'est révélé lacunaire. Comme nous l'aborderons plus loin, nombre de PMM sont à la fois toxicomanes et alcooliques, ce qui aggrave considérablement leur état et diminue grandement leurs possibilités de traitement. Les mailles par lesquelles passent les PMM sont nombreuses et variées, et l'amélioration des soins de santé mentale ne pourra se faire sans l'amélioration du fonctionnement des services sociaux.

De façon plus générale, on a accordé très peu d'attention au milieu de vie des PMM . Comme nombre de PMM sont pauvres et sans emploi, elles ont tendance à vivre dans des quartiers où les interventions policières sont plus fréquentes (Silver, 2000a, 2000b). Dans l'ensemble, la plupart des demandes d'intervention policière – non seulement pour des incidents liés à des PMM , mais pour des incidents de toutes sortes – proviennent de personnes à faible revenu qui résident dans les quartiers défavorisés. Il est logique que ce soit les personnes défavorisées sur le plan socioéconomique qui recourent davantage à la police dans le cas d'incidents liés à des PMM (Pogrebin, 1986). C'est en partie une question d'accès : les personnes qui ont un accès limité au système de soins de santé mentale peuvent tout de même faire appel à la police.

Dans les quartiers défavorisés, les policiers sont souvent appelés à se substituer à un parent, aux travailleurs sociaux, aux inspecteurs en bâtiment, aux avocats, aux psychiatres et aux médecins. C'est également dans ces zones de la ville que les policiers doivent aider ceux qui sont incapables de s'aider eux-mêmes : les démunis, les alcooliques, les toxicomanes, les malades mentaux, les personnes atteintes de démence sénile, les étrangers, les handicapés et les jeunes enfants (Goldstein, 1977).

À l'égard d'une foule de problèmes quotidiens, la police représente de plus en plus l'organisme par défaut auquel font appel les personnes qui ne savent pas à qui s'adresser. C'est l'organisme de dernier recours, celui qui ne peut pas dire non.

Par ailleurs, il y a aussi des facteurs liés aux services de police qui ont une incidence sur la prévalence des interactions entre la police et les PMM . D'abord, les agents de police sont beaucoup plus informés sur les maladies mentales qu'ils l'étaient auparavant. Par conséquent, ils sont mieux outillés pour reconnaître les cas de maladie mentale (Bonovitz et Bonovitz, 1981). En même temps, l'intervention auprès de personnes atteintes d'une maladie mentale est beaucoup plus compatible avec les principes philosophiques des services de police communautaires, lesquels forment maintenant le modèle dominant en ce qui a trait aux forces policières. La transition d'un modèle de police classique à un modèle de police communautaire fait en sorte que l'accent est davantage mis sur les aspects du rôle de la police qui se rapportent au maintien de l'ordre et aux services aux citoyens. Dans la foulée de cette transition, nombre de services de police réexaminent leur rôle dans la collectivité, particulièrement au chapitre des interventions axées sur les services. Le mandat de la police va maintenant au-delà des activités classiques de répression criminelle et est davantage orienté vers les services et l'aide aux citoyens. L'élargissement des services suppose en partie que la police doit offrir une protection et un soutien accrus aux populations vulnérables, y compris aux personnes handicapées (Borum, 2000; Sellers et coll., 2005).

Enfin, le taux des contacts de la police avec les PMM est influencé tant par la nature du comportement des PMM que par les réactions sociales à l'égard de ce comportement. La question de savoir si, en général, les PMM sont plus susceptibles que tout autre segment de la population de recourir à la violence criminelle suscite un débat important et très animé. Bien que l'ensemble du débat soit encore loin d'être tranché, il semble que certaines circonstances sous-jacentes augmenteraient le risque d'un comportement violent et, par le fait même, d'une intervention policière. Par exemple, on a constaté que la présence d'une maladie mentale combinée à la toxicomanie faisait bondir le risque de comportement violent chez une PMM (Swanson et coll., 1990). Il en va de même pour les personnes qui sont activement psychotiques au moment de l'incident (Link et coll., 1992). Les jeunes adultes atteints d'une maladie mentale chronique représentent également un groupe difficile. Ils sont considérés comme des « personnes agressives qui, essentiellement, n'observent pas leur traitement [...] et dont la faible tolérance à la frustration et les comportements impulsifs les amènent à faire souvent l'objet d'interventions des forces de l'ordre » (Bachrach, 1982). Les auteurs d'une étude ont nuancé leur conclusion selon laquelle la concomitance d'une maladie mentale et d'un comportement violent caractérisait la catégorie d'incidents la plus modeste en ajoutant qu'un grand nombre de personnes, bien que non violentes, sont néanmoins « menaçantes » (Panzarella et Alicea, 1997). En revanche, il a été bien établi que la grande majorité des incidents liés à des PMM qui sont signalés à la police ne comportent pas d'acte de violence. En effet, la plupart des PMM font l'objet d'une intervention policière à la suite d'une plainte ou d'une infraction relativement mineure, comme le signalement d'une « personne suspecte » ou d'une « inconduite » (Green, 1997; Wells et Schafer, 2006). À l'évidence, la dynamique de ces situations résulte non seulement du comportement du suspect, mais également de la réaction de la collectivité à ce comportement. Autrement dit, dans nombre de collectivité, le seuil de tolérance à l'égard d'un comportement aberrant a beaucoup diminué. Cette réalité se reflète également dans le principe de « tolérance zéro » appliqué par les services de police et qui leur donne une très grande latitude dans la détermination de ce qui constitue une infraction portant atteinte à la « qualité de vie » de la population (Markowitz, 2006). Par conséquent, une certaine proportion de la hausse des interactions entre la police et les PMM peut être attribuée à l'attitude hypervigilante des membres d'une collectivité (Wolff et coll., 1997).

En somme, bien que les données empiriques quantifiant la fréquence ou l'évolution de la fréquence des interventions policières auprès de PMM demeurent imprécises, il existe une abondance de données circonstancielles qui donnent à penser que le taux des contacts s'accroît depuis un certain temps. Différents facteurs contribuent à augmenter le nombre d'interventions policières auprès de PMM et l'étendue des problèmes qui en découlent. L'un des premiers problèmes les plus répandus est la criminalisation.

La thèse de la criminalisation

Au début des années 1970, on a constaté que les PMM étaient surreprésentées dans l'ensemble des prisons, situation qu'Abramson (1972) a appelée la « criminalisation des malades mentaux ». Au cœur de la thèse de la criminalisation réside la question de savoir s'il est pertinent d'arrêter des PMM . Dans son ouvrage charnière sur la criminalisation, Teplin (1984b) a conclu que, à infraction égale, les personnes atteintes d'une maladie mentale étaient beaucoup plus susceptibles d'être arrêtées que les personnes sans maladie mentale. Elle a d'ailleurs précisé que « la façon dont nous traitons les malades mentaux est odieuse » (page 799).

Étant donné que la police se trouve souvent dans une situation où elle doit décider si une personne sera confiée au système de justice pénale ou au système de soins de santé mentale, elle a été qualifiée de « contrôleur des services médico-légaux » (Menzies, 1987). Et comme la plupart des agents de police n'ont pas reçu de formation clinique, ils sont également considérés comme des « infirmiers psychiatriques » (Menzies, 1987), des « psychiatres de rue » (Teplin et Pruett, 1992) ou des « travailleurs sociaux amateurs » (Cumming et coll., 1965). Dans la mesure où la police joue le rôle d'un contrôleur, elle a elle aussi été accusée de contribuer à la criminalisation des PMM . Certains auteurs soutiennent que les policiers jouent si bien leur rôle de contrôleur qu'ils empêchent de nombreuses personnes d'accéder aux services communautaires (Hanewicz et coll., 1982). On présume que les policiers s'empressent d'opter pour l'arrestation des PMM , sans avoir envisagé au préalable les solutions de rechange.

Il est toutefois important de souligner que même les ardents défenseurs de la thèse de la criminalisation ne jettent pas uniquement le blâme sur la police. Par exemple, Teplin reconnaît que la disproportion du nombre d'arrestations pourrait être une « indication des écarts qui émergent entre les différents systèmes de prestation de soins de santé » (1984b : 800). En raison de son mandat, la police n'a pas la possibilité de ne pas intervenir. Dès qu'elle s'engage dans une situation, elle doit trouver une solution. S'il n'y a aucune option appropriée, la police peut arrêter une PMM , même si elle n'a commis qu'une infraction mineure. Nombre de services de police sont tout à fait conscients du manque de places dans les établissements psychiatriques et de l'insuffisance des services communautaires de santé mentale. Dans certains cas, la police procède à des « arrestations de compassion », car elle croit que les PMM auront probablement davantage accès à un traitement psychiatrique en prison que dans la collectivité (Lamb et coll., 2002; Menzies, 1987). Parallèlement, la police est consciente des critères relatifs à l'hospitalisation et à l'internement et sait qu'un certain nombre de conditions empêchent le système de soins de santé mentale d'offrir un traitement à des PMM , par exemple les personnes en état d'ébriété ou trop agressives. Dans de telles circonstances, l'arrestation n'est pas seulement l'option la plus expéditive : elle peut être la seule option possible.

La police a de nombreuses raisons de vouloir éviter de confier les PMM au système de soins de santé mentale, qu'elle trouve problématique et aggravant. D'abord, la police est souvent obligée d'attendre longtemps avant qu'une PMM soit évaluée. Comme les directeurs des services de police ont tendance à insister sur une résolution rapide des problèmes pour que les agents puissent retourner à leurs fonctions, ces longues périodes d'attente entraînent un stress considérable. Les professionnels de la santé mentale remettent occasionnellement en question le jugement des agents de police. Par conséquent, ils peuvent refuser de traiter une personne ou lui donner congé après une courte période, ce qui donne lieu au « syndrome de la porte tournante », c'est-à-dire que la police se voit contrainte de s'occuper sans cesse des mêmes personnes (Lamb et coll., 2002). En revanche, la procédure consistant à arrêter une personne puis à la confier au système de justice pénale est beaucoup plus familière et prévisible pour la police.

Pendant de nombreuses années, la thèse de la criminalisation a fait l'objet de très peu de contestations. Selon de récentes études fondées sur l'approche hypothéticodéductive, il n'est pas si clair que le nombre disproportionné de PMM dans les prisons soit uniquement attribuable à la conduite inadéquate des services de police (Engle et Silver, 2001). Cotton (2004) fait d'ailleurs remarquer qu'il est probable que des PMM  – dont le comportement n'est pourtant pas criminel – soient arrêtées simplement parce qu'il n'existe aucune autre solution. Par ailleurs, il y a une question plus fondamentale relativement à la thèse de la criminalisation, à savoir l'idée selon laquelle toutes les arrestations de PMM sont de prime abord inappropriées. Kalinich et Senese (1987 : 189) soutiennent ce qui suit :

Selon nous, la seule façon d'avancer qu'on criminalise les délinquants atteints d'une maladie mentale [...] consiste à croire que tous les délinquants présentant des signes d'une maladie mentale devraient être confiés au système de soins de santé mentale et non arrêtés.

La question devrait reposer non pas uniquement sur le fait que les PMM sont arrêtées, mais sur la pertinence d'arrêter une PMM en particulier dans des circonstances données. Autrement dit, les motifs de la décision de la police ainsi que la façon dont celle-ci exerce son pouvoir discrétionnaire et le contexte dans lequel elle l'exerce sont plus importants que la criminalisation en soi.

Le pouvoir discrétionnaire de la police

Dans son rôle de travailleur de première ligne dans le domaine de la santé mentale, le pouvoir discrétionnaire des policiers est énorme (Green, 1997). Dans bien des cas, les agents de police disposent d'une très grande latitude en ce qui a trait à la détermination du sort des PMM . En général, trois options s'offrent à elle : règlement informel, arrestation ou placement par l'intermédiaire des autorités de la santé mentale, qu'il s'agisse d'un internement civil ou d'une évaluation d'urgence dans un hôpital (Steadman, 1992). Les méthodes informelles comprennent les suivantes : tenter de « calmer » la PMM , déplacer la PMM vers un autre endroit ou confier la PMM à un tiers, comme un voisin, un ami ou un parent. Puisque la gestion informelle des cas évite aux agents de police d'entrer en contact avec le système de soins de santé mentale et de remplir les formulaires associés à l'arrestation, ces derniers tendent à préférer cette méthode pour régler la majorité des incidents (Bittner, 1967; Teplin et Pruett, 1992).

La police dispose d'une telle marge de manœuvre dans la gestion des cas relatifs aux PMM entre autres raisons parce que les interactions avec ces personnes sont de nature relativement mineure. Le pouvoir discrétionnaire de la police varie généralement selon une échelle de gravité, et les incidents plus graves entraînent généralement une restriction des options possibles. Les incidents concernant les PMM sont le plus souvent caractérisés par un comportement dérangeant et de l'inconduite, mais pas par des crimes graves ou violents. Dans ces circonstances, la police peut choisir parmi une gamme plus large d'options, du moins en théorie. Il existe toutefois un certain nombre de facteurs, outre le type d'infraction, qui peuvent influer sur le pouvoir discrétionnaire de la police. Lorsqu'on tente de comprendre le lien entre la police et les PMM , il est important d'essayer d'éclaircir les éléments pouvant avoir une incidence sur le pouvoir discrétionnaire de la police.

Les facteurs contextuels

Certains des facteurs ayant une incidence considérable sur les options qui s'offrent à la police ont déjà été mentionnés. Par exemple, en raison du contexte législatif, il est exceptionnellement difficile d'interner des PMM dans des établissements de santé mentale sans leur consentement. En outre, nombre d'établissements ont des places limitées, particulièrement lorsqu'il s'agit de personnes envoyées par la police (Finn et Sullivan, 1989). Il semblerait que ces deux conditions dissuaderaient la police de faire appel aux établissements de santé mentale. Dans diverses provinces, l'accès aux services de santé mentale est d'autant plus entravé par les relations moins qu'harmonieuses entre la police et les fournisseurs de services de santé mentale. D'ailleurs, les agents de police soutiennent invariablement que les évaluations médicales prennent trop de temps, et ils éprouvent de la frustration à l'égard de ce qu'ils perçoivent comme un manque de confiance dans les décisions qu'ils prennent à ce chapitre, et, par conséquent, celles-ci sont rarement reconnues. Bref, la disponibilité et l'ouverture des organismes en santé mentale limitent le pouvoir discrétionnaire de la police (Engel et Silver, 2001).

Le pouvoir discrétionnaire de la police est également limité par des considérations liées au fonctionnement même des services de police. La plupart des services de police disposent de très peu de ressources, de sorte qu'ils encouragent les agents à régler rapidement les cas pour qu'ils puissent passer au suivant. En ce qui concerne les délinquants atteints d'une maladie mentale, les services de police exercent une pression considérable sur les agents pour que ceux-ci règlent les cas de façon informelle (Green, 1997). D'un autre côté, le contexte social élargi est tel que la police doit intervenir de plus en plus souvent auprès de PMM . Comme nous l'avons mentionné plus tôt, nombre de collectivités semblent avoir un seuil de tolérance très bas pour ce qui est des comportements inhabituels et demandent alors à la police de « faire quelque chose » à cet égard. Cette intolérance des comportements aberrants peut être exacerbée par des tendances qui prévalent en milieu urbain, comme l'embourgeoisement d'un quartier, phénomène qui amène de plus en plus de personnes saines d'esprit à vivre à proximité de personnes atteintes d'une maladie mentale.

Les facteurs situationnels

Des travaux de recherche ont montré que les caractéristiques d'une intervention donnée ont une incidence sur la conduite des agents de police. Comme nous l'avons précisé plus tôt, le facteur situationnel le plus important au cours d'une interaction entre la police et une PMM est peut-être la gravité du comportement donnant lieu à une intervention de la police. Les comportements plus graves supposent un risque accru de recours à la force policière et à l'arrestation, sans égard à la présence d'une maladie mentale chez le suspect. Outre la nature du comportement, les considérations d'ordre situationnel comprennent, sans s'y limiter : le type de personne ayant porté plainte; la nature de la relation entre les parties en cause; l'historique de cette relation; l'historique de la relation entre la police et le suspect; le fait que le suspect soit une « personne connue dans le quartier »; et le « caractère public » de l'incident.

En ce qui a trait à la personne qui porte plainte, Rogers (1990) a révélé que les agents étaient rarement à l'origine d'une intervention auprès de PMM (8 % des cas). Dans la plupart des cas, ce sont des membres de la population qui demandent de l'aide, et les agents se trouvent alors dans une situation qui doit forcément être « réglée », d'une manière ou d'une autre. De plus, la police distingue les interventions selon le type de personne qui formule la demande. Bittner (1967) a observé que les demandes d'hospitalisation faites par des personnes ayant une relation utilitaire avec une PMM , comme un médecin, un enseignant, un employeur ou un propriétaire de logement, étaient généralement accueillies par la police, car celle-ci présume que ces personnes ont déjà épuisé les autres possibilités qui s'offraient à elles et qu'une hospitalisation d'urgence constitue donc la seule autre option possible. En revanche, Bittner a constaté que des demandes semblables provenant de personnes ayant une relation plus personnelle avec la PMM , comme un voisin, un ami et un membre de la famille, n'étaient habituellement pas accueillies. Toutefois, bien que les policiers hésitent à interner une PMM à la demande de la famille et d'amis, ils sont habituellement disposés à confier une PMM à sa famille et à ses amis pour régler la situation de façon informelle.

Teplin (1984a) a établi la typologie des personnes atteintes d'une maladie mentale qui sont les plus susceptibles de faire l'objet d'une intervention informelle. D'abord, les excentriques du quartier sont des résidents bien connus des policiers qui travaillent dans le quartier. Comme ces PMM sont des « personnes connues », la police peut, dans une certaine mesure, anticiper les paramètres de leur comportement. La connaissance du comportement permet aux policiers de calmer la PMM de façon informelle. Tant que le comportement reste prévisible, la police tolère davantage un certain degré de déviance qui, si elle était présente chez une personne moins connue, donnerait lieu à une intervention plus officielle. Ensuite, les fauteurs de troubles sont tout simplement des personnes qui « ne valent pas la peine d'être arrêtées ». Teplin donne l'exemple d'une femme qui, chaque fois qu'elle se faisait arrêter, « enlevait ses vêtements, courait nue dans le poste de police et urinait sur le bureau du sergent » (1984a : 172). Bien que ces PMM requièrent occasionnellement une intervention, la police évite de les arrêter. Enfin, les malades mentaux discrets sont considérés davantage comme des personnes troublées que comme des personnes adoptant une conduite répréhensible. Puisque ces personnes sont relativement calmes et discrètes, la population et les policiers jugent leur conduite moins agressive.

Le dernier point concernant le caractère dérangeant ou public du comportement d'une PMM est important pour comprendre le pouvoir discrétionnaire de la police. De façon générale, le mandat du système de justice pénale a toujours consisté à maintenir l'ordre public. Des infractions telles que l'ivresse en public et le vagabondage sont associés à des activités interdites depuis longtemps, principalement parce qu'elles troublent la paix ou menacent l'ordre public. Dans le contexte contemporain, l'arrivée de l'approche dite de la « fenêtre cassée » (Wilson et Kelling, 1982) en matière de prévention de la criminalité a mis en relief la question du maintien de l'ordre public. En effet, l'analyse de l'activité policière auprès des groupes marginalisés est principalement fondée sur le conflit relatif à l'espace public. Plus précisément, c'est la nature publique de la mendicité et des lieux d'injection qui amènent les itinérants et les toxicomanes à entrer en contact avec la police. Le même principe s'applique aux interactions entre la police et les PMM , en ce sens où il y a une relation inversement proportionnelle entre le degré de « publicité » de la conduite d'une PMM et la capacité de la police d'intervenir de façon informelle. Les PMM qui sont calmes et « réservées » sont peu susceptibles d'être sanctionnées en bonne et due forme. Mais dès que le degré de « publicité » du comportement d'une PMM augmente, il en va de même pour la probabilité que la police opte pour un règlement officiel. Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire de la police est limité dès que le comportement en question a un caractère trop public (Teplin, 1984b)

Les caractéristiques de l'agent de police

Dans les ouvrages généraux sur le pouvoir discrétionnaire de la police, on reconnaît depuis longtemps qu'une vaste gamme de caractéristiques propres à l'agent de police qui intervient au cours d'un incident donné peuvent influer sur la prise de décisions. En revanche, les études portant sur les interactions entre la police et les PMM traitent très peu de nombre de ces caractéristiques. En effet, les travaux de recherche dans ce domaine abordent principalement l'attitude des agents à l'égard des PMM . Actuellement, il y a encore moins d'information concernant des caractéristiques démographiques comme le sexe, l'âge, la race, le niveau de scolarité et les facteurs liés à l'expérience tels que le nombre d'années en poste.

En ce qui a trait aux attitudes des agents de police à l'égard des PMM , on cherche principalement à savoir si les agents de police partagent les mêmes opinions négatives qui tendent à caractériser la population en général. Malgré toute l'importance de l'existence d'une base de comparaison sur les attitudes des agents de police, on a mené très peu de recherches à ce chapitre. Les conclusions des premiers ouvrages donnent à penser que, bien que les policiers n'entretiennent pas trop de préjugés envers les PMM , ils adoptent néanmoins des attitudes beaucoup plus sévères à leur égard que ne le font les professionnels de la santé mentale (Lester et Pickett, 1978). Toutefois, des travaux de recherches plus récents parviennent généralement à des conclusions plus positives. Un examen approfondi des attitudes des agents de police canadiens a révélé que ceux-ci affichent généralement un degré moyennement élevé de bienveillance, un degré modéré d'intégration à la collectivité et un degré faible d'autoritarisme et de restriction sociale (Cotton, 2004). En outre, des travaux de recherche analysant divers scénarios ont conclu que les agents de police percevaient les PMM davantage comme des personnes ayant besoin d'aide que comme des personnes responsables de leur situation (Watson et coll., 2004a).

En dépit de ces points de vue moins négatifs, nombre d'agents de police continuent de considérer les PMM comme dangereuses. Même s'il est peu probable que l'intervention d'un agent auprès d'une PMM mène à la violence, une proportion considérable d'agents croient que les « personnes atteintes d'une maladie mentale sont dangereuses » et affirment qu'ils se sentent « mal à l'aise », « craintifs » ou « menacés » pendant ce type d'interactions (Ruiz et Miller, 2004). Le fait que les agents de police semblent avoir des opinions contradictoires peut expliquer l'écart apparent entre leurs attitudes et leurs comportements. Trovato (2000) a constaté que, alors que les agents de police avaient des d'attitudes positives et des sentiments d'obligation à l'égard des PMM , leurs comportements s'alignaient davantage sur l'autoritarisme et la restriction sociale. De façon plus générale, des conclusions semblables montrent qu'il est difficile de relier de façon concluante les attitudes aux comportements. Il est plus simple de déterminer si les agents de police ont des opinions positives ou négatives sur les PMM que de préciser comment les attitudes et les opinons peuvent influer sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la police. Il y a des intérêts concurrents en cause, ce qui produit un ensemble complexe d'attitudes et d'opinions. Par conséquent, la relation entre les attitudes et les comportements réels demeure incertaine.

Un autre aspect complique davantage la situation : alors que les ouvrages examinant l'incidence des divers facteurs démographiques sur le processus décisionnel – au sens large – de la police sont abondants, la recherche sur les déterminants démographiques du processus décisionnel et de l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans des cas concernant des PMM est extrêmement limitée (Cooper et coll., 2004; Engel et Silver, 2001). Green (1997) a constaté que le nombre d'années d'expérience des agents de police était inversement proportionnel à la probabilité d'une arrestation et proportionnel à la probabilité « d'inaction ». LaGrange (2003) a également observé que les agents ayant suivi un programme d'études de quatre ans étaient beaucoup moins disposés à arrêter une PMM que les agents n'ayant pas suivi un programme d'études de quatre ans. Au-delà de ces brefs renseignements, l'information dans ce domaine demeure lacunaire, de sorte que des travaux de recherche sur les caractéristiques des agents de police, outre leurs attitudes à l'égard des PMM , s'imposent.

Les caractéristiques des PMM

Comme dans le cas des agents de police, très peu de recherches ont été effectuées sur beaucoup de caractéristiques associées aux PMM qui pourraient nous aider à comprendre le processus décisionnel de la police. Dans la plupart des études, les PMM sont relativement indifférenciées, et seules deux ou trois études précisent si les PMM étaient, dans une situation donnée, des suspects, des témoins ou des victimes. Très peu d'études tiennent compte du sexe ou de l'âge des PMM , bien que des témoignages d'intervenants donnent à penser que les femmes et les jeunes sont fortement représentés dans ce groupe. Il y a également un manque de recherche sur les Autochtones vivant en milieu urbain atteints d'une maladie mentale, malgré l'importance de cette population dans les villes canadiennes. Même la nature des maladies mentales dont sont atteintes ces personnes n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi, quoique les rares informations existantes tendent à indiquer que les différents troubles mentaux se manifestent chacun d'une façon particulière et qu'ils exigeraient donc des interventions adaptées de la part de la police.

On peut recenser quelques travaux de recherche sur les effets du comportement du suspect sur les interactions entre la police et les PMM . Les études portant sur des délinquants non atteints d'une maladie mentale ont toutes révélé que les actes perçus comme un « mépris de l'autorité » ou un « manque de respect » donnent lieu à des interventions plus sévères et plus punitives, comme l'arrestation par la police. Toutefois, des données indiquent que cette tendance ne s'applique pas aux PMM . Bien que les suspects atteints de troubles mentaux soient plus susceptibles de manifester de la résistance ou de l'hostilité ou de manquer de respect, ils sont beaucoup moins susceptibles d'être arrêtés (Novak et Engel, 2005). De plus, Novak et Engel ont constaté que les agents de police pouvaient se servir des indices envoyés par le suspect au sujet de son état mental pour déterminer sa culpabilité ou justifier la sanction. Actuellement, il n'existe aucune étude comparative, il est donc impossible de savoir si ces conclusions peuvent être corroborées.

Dans l'ensemble, nous sommes loin d'avoir suffisamment de renseignements sur les facteurs qui influent sur les décisions que prend la police à l'égard des PMM . Il faudrait se pencher davantage sur tous les aspects, et particulièrement sur les caractéristiques des parties directement concernées, à savoir la police et les PMM .

Le recours à la force par les policiers

En règle générale, il est difficile de mettre la main sur des données de référence concernant le recours à la force par les policiers qui ont affaire à des PMM . Le nombre d'incidents où se côtoient des problèmes psychiques et la violence est relativement faible, mais les stéréotypes selon lesquels les personnes qui ont un problème de santé mentale sont « imprévisibles et dangereuses » accroissent l'importance des questions liées au recours à la force. Rares sont les PMM qui résistent activement aux policiers ou qui deviennent violents, mais les policiers sont néanmoins très préoccupés dans ces situations, en raison des conséquences qui peuvent être très graves (Kaminski et coll., 2004). En outre, lorsque les médias s'intéressent aux incidents qui impliquent des policiers et des PMM , c'est toujours parce qu'il y a eu recours à la force ou, en particulier, à la force mortelle, contre ces dernières. Pour ces raisons, le recours à la force par les policiers qui interagissent avec des PMM mérite un examen plus poussé. Malheureusement, c'est encore une fois un sujet sur lequel il manque d'information.

Un certain nombre d'approches ont été utilisées pour expliquer pourquoi on est plus susceptible d'avoir recours à une force plus grande lorsqu'on intervient auprès des PMM . Certains relient le recours à la force à l'attitude des policiers à l'égard des personnes atteintes d'une maladie mentale. Les policiers ont tendance à considérer ces personnes comme imprévisibles et dangereuses et à agir en conséquence. Ruiz et Miller (2004) estiment qu'il s'agit là d'une « prophétie auto-accomplie ». Les policiers, qui s'attendent à ce que la situation présente un danger, éprouvent de la peur et de l'appréhension. Pour les PMM , ces émotions traduisent de l'hostilité, et elles réagiront également avec hostilité. Heureusement, les recherches n'ont pas corroboré l'hypothèse de la prophétie auto-accomplie (Ruiz et Miller, 2004).

Fyfe (2000) propose une autre explication, elle aussi fondée sur l'approche classique des agents de police : il fait valoir que la formation des policiers pourrait contribuer en partie à leurs difficultés avec les PMM . En effet, la formation policière insiste souvent sur l'importance de maîtriser la situation sans recourir à la force physique. Les policiers apprennent à asseoir leur autorité en se montrant imposants devant les suspects. Cependant, cette approche se fonde sur l'hypothèse selon laquelle le suspect est rationnel. Les suspects qui n'agissent pas de façon rationnelle, par contre, seront peut-être craintifs, désorientés, voire agressifs.

Dans de tels cas, les approches énergiques que les policiers utilisent avec succès auprès des délinquants rationnels – la menace, l'intimidation et l'empiètement dans l'espace vital d'autrui – sont susceptibles de donner lieu à des confrontations inutiles pouvant mettre les agents dans une situation risquée dont ils ne pourront se sortir qu'en recourant à la violence extrême, c'est-à-dire en utilisant leur arme à feu. (Fyfe, 2000 : 346)

Fyfe soutient également que certains concepts actuellement à la mode, par exemple celui de la zone de sécurité de 21 pieds, amènent certains agents à croire qu'il y a un tueur à chaque coin de rue et que chaque intervention sur la voie publique peut leur coûter la vie. Encore une fois, ce type de formation jette de l'ombre sur les approches qui seraient plus efficaces auprès des PMM .

L'une des lacunes les plus apparentes des recherches sur le recours réel (plutôt que potentiel) à la force est le fait qu'elles utilisent souvent le concept de « jugement faussé » sans distinguer les personnes dont les facultés sont affaiblies par la drogue ou l'alcool et celles qui sont atteintes d'une maladie mentale. De nombreuses études ont montré que, lorsque les policiers ont affaire à des personnes au « jugement faussé », ils sont plus susceptibles de recourir à la force que lorsqu'ils ont affaire à des personnes en pleine possession de leurs moyens (Friedrich, 1980; Worden, 1995; Crawford et Burns, 1998; Engel et coll., 2000; Garner et Maxwell, 2001; Terrill et Mastrofski, 2002). Une seule de ces études, cependant, a tenté de séparer les personnes ayant une « incapacité mentale » et les personnes dont les facultés étaient affaiblies par la drogue ou l'alcool. Elle a conclu que l'incapacité mentale n'était pas liée de façon importante au recours à la force (Terrill et Mastrofski, 2002). Kaminski et coll. (2004) ont eux aussi constaté que les conséquences d'un problème de santé mentale perçu n'étaient pas statistiquement liées au recours à la force. On ne peut certes pas considérer que les conclusions de ces deux études sont définitives, et on n'a toujours pas résolu la question de savoir si les réactions des policiers, y compris le recours à la force, diffèrent selon la « cause » précise de l'incapacité. À vrai dire, l'existence d'une corrélation claire entre l'incapacité et le recours à la force reste à établir.

Le problème des PMM

Politiques et protocoles

Dans les situations impliquant des PMM , les difficultés qui se présentent sont exacerbées par le fait que la plupart des services de police n'ont pas adopté de lignes directrices claires sur les interactions avec ces personnes (Patch et Arrigo, 1999). Cette relative absence d'orientation signifie que les agents doivent régler le problème à leur façon. Elle aide aussi à comprendre pourquoi l'exercice du pouvoir discrétionnaire est si important, dans de telles circonstances; comme ils n'ont pas de mandat clair, les agents ont davantage la possibilité de prendre une décision en se fondant sur leurs propres attitudes, perceptions et suppositions. L'absence de politiques et de procédures écrites touchant la prise en charge des PMM est invoquée chaque fois que l'on reproche à un policier de ne pas s'être comporté de manière appropriée. Il n'est pas surprenant de constater que, lorsqu'on demande des suggestions d'améliorations des interventions des services de police auprès des PMM , la première réponse concerne en général la nécessité d'une politique officielle (Ruiz et Miller, 2004; Watson et coll., 2004b). Malheureusement, le contenu précis de ces politiques et lignes directrices n'est pas précisé. Dans la plupart des cas, on mentionne un ou plusieurs des éléments suivants : a) la formation; b) la coopération et la collaboration interorganisations; c) la création de programmes spécialisés.

Formation

Tous les rapports qui concernent la nature problématique des contacts entre les policiers et les PMM mentionnent que la principale lacune à ce chapitre, est le fait que la formation policière classique porte très peu sur les façons de reconnaître les maladies mentales et d'y réagir (Lamb et coll., 2002). Le Police Executive Research Forum a recommandé que les agents reçoivent de 16 à 22 heures de formation sur tous les enjeux pertinents liés aux PMM (Murphy, 1986), mais, en moyenne, les agents en obtiennent beaucoup moins (Husted et coll., 1995). De plus, bien qu'il soit difficile de déterminer de manière absolue quel est le niveau de formation « adéquat », certains se demandent si la moyenne indiquée de quatre à six heures de formation est suffisante (Hails et Borum, 2003). Un enseignement à ce point limité est particulièrement préoccupant, surtout si, comme l'indiquent divers témoignages, cet enseignement aborde tous les aspects de l'incapacité mentale, non pas seulement les aspects liés à la maladie mentale. Les agents disent souvent eux-mêmes qu'ils sont frustrés parce qu'ils n'ont pas reçu une formation suffisante pour composer avec les PMM et qu'ils voudraient en savoir plus afin de travailler plus efficacement avec elles (Cooper et coll., 2004; Vermette et coll., 2005).

Pour toutes ces raisons, une meilleure éducation et une meilleure formation sont à l'avant-plan des mesures visant à améliorer la manière dont les policiers abordent les PMM . Mais on se contente de manifester un intérêt général à l'égard d'une formation améliorée, sans définir les orientations ni les détails de cette formation. On parle en effet rarement du contenu des programmes de formation. Puisque les agents ne semblent pas posséder de très vastes connaissances sur la manière d'intervenir auprès des personnes atteintes d'une maladie mentale (Cotton et Zanibbi, 2003), il serait important de mieux les renseigner, globalement, en ce qui concerne la santé mentale. Les sujets abordés pourraient inclure les façons de reconnaître une maladie mentale, les formes d'intervention auprès des PMM (y compris en cas de violence réelle ou potentielle), l'accès aux ressources communautaires, la prévention du suicide et la négociation verbale visant à désamorcer le conflit (Borum, 2000; Lamb et coll., 2002). L'une des rares études où l'on demandait directement aux agents quels types de formation les intéressaient le plus a permis de constater que des sujets comme la gestion des comportements problématiques, les ressources en santé mentale de la région et les différents types de maladies mentales, même s'ils étaient considérés comme importants, n'avaient pas la préférence. Les policiers étaient surtout attirés par des sujets comme la dangerosité, le suicide chez les policiers, le droit en matière de santé mentale et la responsabilité individuelle des policiers en cas de résultat indésirable (Vermette et coll., 2005).

Il est certes compréhensible que les policiers s'intéressent à ces sujets, mais l'importance accordée à ce genre d'enjeu met en relief la mesure dans laquelle bien des policiers se préoccupent avant tout de la violence et des issues indésirables. Cet intérêt appuie également l'hypothèse de Fyfe (2000 : 346) selon laquelle il serait peut-être plus nuisible d'offrir un peu de formation sur ce sujet que d'en offrir aucune. Il ne s'agit pas tout simplement d'ajouter des heures de formation; il serait également important de modifier les pratiques actuelles en matière de formation et de s'assurer que la formation n'envoie pas un message erroné. L'expression formation-choc peut décrire la démonstration, au moyen d'images explicites, des conséquences du défaut de recourir à une force appropriée (Dupont et Cochran, 2000). Cette méthode de formation augmente le niveau d'anxiété des agents et ferait chuter la possibilité qu'ils envisagent, et à plus forte raison qu'ils mettent en pratique, d'autres techniques de règlement des conflits. Cette approche met l'accent sur le résultat et ne tient pas compte de la série d'événements qui a débouché sur le conflit en question. C'est cette série d'événements qu'il faudrait davantage cibler, car la formation générique n'est pas nécessairement efficace à ce chapitre.

On a utilisé trois mesures des résultats pour évaluer l'efficacité des programmes de formation : les connaissances à propos de la maladie mentale, les attitudes à l'égard des PMM et les changements au chapitre du rendement et du comportement au travail (Borum, 2000). Certains éléments de preuve indiquent que la formation peut améliorer le niveau de connaissance des policiers en ce qui concerne l'intervention auprès des PMM (Godschalx, 1984) et les aider à reconnaître l'existence d'une maladie mentale (Janus et coll., 1980). Cependant, on n'a pas établi que ces initiatives entraînent des changements importants au chapitre du comportement. Le caractère équivoque des résultats de la formation des agents de police a amené Borum (2000 : 333) à soutenir ce qui suit :

Les programmes d'éducation et les cours de formation sur l'intervention en cas de crise ne sont probablement pas nuisibles et sont peut-être utiles; cependant, il existe de bonnes raisons de croire qu'ils ne suffisent pas à modifier fondamentalement la nature des interactions entre les policiers et des personnes atteintes d'une maladie mentale qui sont en état de crise.

Il est important de souligner, étant donné que les services de police ont toujours maintenu qu'une formation supplémentaire guérit tous les maux, que la formation n'est pas une panacée (Dupont et Cochran, 2000; Wells et Schafer, 2006). Pour commencer, comme le note Fyfe, une formation qui n'est pas adaptée peut donner des résultats bien pires que l'absence de toute formation. En second lieu, même s'il est toujours louable d'accroître ses compétences, une formation qui n'entraîne pas de changement des attitudes et, surtout, des comportements, est peu susceptible d'améliorer de façon notable les contacts entre les policiers et les PMM . En troisième lieu, il peut se présenter des situations où d'autres formes d'interventions, plus spécialisées, seraient plus appropriées. On continuera de demander des programmes d'éducation et de formation, mais on devra également faire preuve d'une vigilance constante au moment où ces programmes seront mis en œuvre et évalués.

Collaboration et coopération interorganisations

Même si une bonne partie du présent rapport s'attache précisément au rôle de la police, les solutions aux problèmes cernés ici exigent l'aide d'un plus large éventail de groupes et d'organismes. Plusieurs auteurs ont souligné l'importance du réseautage; ils mentionnent des mécanismes spéciaux où les forces de l'ordre et les services de santé mentale ou les services sociaux prennent en charge ensemble les personnes qui ont un trouble de santé mentale (Finn et Sullivan, 1989; Olivero, 1990; Wolff, 1998). Ce type de collaboration est d'ailleurs conforme à la philosophie de la police communautaire et des services axés sur les problèmes, orientations qui mettent de l'avant des relations de travail plus étroites entre les policiers et les autres fournisseurs de services (Cordner, 2000). La principale difficulté, au moment de mettre en place et d'entretenir des mécanismes de collaboration, a trait aux relations tendues entre les forces de l'ordre et les services de santé mentale. Chaque groupe a ses idéologies et ses buts propres, et l'expérience a généré une méfiance mutuelle entre eux. Par contre, il existe de nombreux exemples de programmes de collaboration fructueux. De meilleures relations de travail avec les fournisseurs de services de santé mentale pourraient atténuer bon nombre des problèmes contextuels auxquels les policiers se heurtent dans les situations où des PMM sont impliquées. Bref, une amélioration marquée dans les façons de prendre en charge les PMM exige la collaboration.

Programmes

On a mis en place de nombreux programmes de toutes sortes dans l'espoir d'améliorer l'efficacité des interventions policières impliquant des PMM , et on a commencé des recherches pour évaluer l'utilité de ces approches. La plupart des programmes se retrouvent dans l'une des trois catégories suivantes (Deane et coll., 1999). La première regroupe les interventions policières spécialisées : des agents en bonne et due forme qui ont suivi une formation particulière en santé mentale, sont les premiers intervenants policiers en cas de crise impliquant une PMM dans la collectivité, et ils assurent la liaison auprès des services de santé mentale. La seconde est celle des interventions policières spécialisées en santé mentale : des professionnels de la santé mentale (qui ne sont pas des agents en bonne et due forme) travaillent pour la police et fournissent sur place ou par téléphone des conseils aux agents sur le terrain. La troisième est celle des interventions spécialisées en santé mentale par des fournisseurs de soins de santé mentale. Il s'agit de partenariats plus classiques ou de partenariats entre la police et des équipes mobiles d'intervention d'urgence en santé mentale qui sont intégrées dans le système local de services de santé mentale communautaires et dont les activités sont indépendantes des services de police.

Malgré l'enthousiasme des défenseurs des programmes spécialisés d'intervention, les recherches n'ont pas permis d'établir solidement leur supériorité. Nombre d'évaluations sont très positives, mais on n'accorde pas suffisamment d'importance aux constatations négatives. Selon les données réunies par Scott (2000), les équipes mobiles d'intervention d'urgence sont plus économiques que les « interventions policières ordinaires », et les deux parties, à savoir les clients et les agents de police, avaient une opinion très favorable à leur sujet. Par contre, on n'a relevé aucune différence importante entre le taux d'arrestation des équipes mobiles d'intervention d'urgence et celui des agents de police ordinaires. Une autre évaluation des équipes d'intervention d'urgence a permis de conclure que le programme était utile pour aider les personnes atteintes d'une maladie mentale en situation de crise et ayant des démêlés avec la justice à accéder au système de traitement, même si le taux d'arrestation par des agents spécialement formés avait en réalité augmenté (Teller et coll., 2006 : 237). L'hypothèse des auteurs selon laquelle les équipes d'intervention d'urgence étaient affectées aux cas les plus difficiles, qui n'a pas été confirmée, contraste vivement avec l'évaluation par ailleurs tout à fait positive.

Borum et ses collègues (1998) ont demandé à des agents de trois secteurs (correspondant aux trois catégories de programmes susmentionnées) d'évaluer l'efficacité du programme selon quatre critères : adéquation avec les besoins des PMM ; recours moins fréquent à l'emprisonnement pour régler un problème impliquant une PMM ; réduction du temps que les agents consacrent aux appels impliquant une PMM ; maintien de la sécurité publique. Les résultats qui concernent l'équipe d'intervention d'urgence de Memphis (intervention policière spécialisée) sont de 53,8 % à 70,7 % pour les quatre indicateurs et dénotent un programme très efficace. Les résultats pour les deux autres groupes, qui sont de 39,7 % à 52,7 % pour les quatre indicateurs, à l'exception de la réduction du temps consacré aux cas, dénotent un programme modérément efficace. Au mieux, on considère ces programmes selon le principe du « verre à moitié plein ». De façon plus réaliste, disons que les résultats qui concernent l'équipe d'intervention d'urgence de Memphis sont bons, sans être extraordinaires, et que les autres programmes sont considérés comme efficaces à environ 50 %.

De manière générale, on n'a réuni que peu de données selon lesquelles les programmes spécialisés seraient plus efficaces que les autres types d'interventions. Certes, Deane et ses collègues (1999) ont conclu que toutes les stratégies d'intervention spécialisée obtenaient une note relativement élevée, se situant entre 67 % et 82 %, mais aucun de ces programmes n'est perçu comme étant beaucoup plus efficace que les programmes d'intervention « non spécialisée » visant le groupe témoin. Ainsi, des chercheurs ont repris l'étude de Borum et coll. (1998) en utilisant comme groupe témoin un programme de Newark (qui n'offre aucun programme d'intervention spécialisée pour les PMM ). Ils ont observé que l'efficacité réelle et perçue des services de police de Newark était comparable ou supérieure à celle des programmes spécialisés (Sellers et coll., 2005). Comme nous l'avons dit en ce qui concerne la formation, les programmes spécialisés ne sont pas une panacée. L'interprétation de ces résultats nous amène à remettre en question les hypothèses concernant l'utilité des programmes spécialisés en tant que forme d'intervention la plus appropriée dans tous les cas :

Ces résultats révèlent que les collectivités peuvent intervenir efficacement auprès des personnes ayant un trouble de santé mentale en utilisant une forme d'intervention classique, fondée sur le « traitement habituel » de cette population particulière. Même s'il semble que le programme de Memphis soit le modèle le plus efficace observé ici, il est clair que l'approche de Newark fonctionne aussi bien que les autres. En même temps, cette approche n'exige pas de réaffecter des ressources vers une population « spécialisée » que l'on peut prendre en charge plus efficacement en utilisant une forme d'intervention classique. L'on craint cependant que les services de police n'élargissent trop le champ d'action en mettant sur pied des programmes conçus pour une sous-population précise. Au bout du compte, les services de police doivent évaluer leurs ressources, leur capacité à partager le poids des interventions avec d'autres organismes locaux et la nature particulière des problèmes auxquels ils se heurtent au moment d'intervenir auprès des personnes atteintes d'une maladie mentale. On invite ainsi de dédoubler à grands frais des services que les organismes offrent déjà avec leurs maigres ressources. (Sellers et coll., 2005 : 656)

La victimisation des PMM

La plupart des recherches qui portent sur les services de police et les PMM s'attachent aux comportements illégaux ou violents de ces dernières, c'est-à-dire aux PMM en tant que délinquants ou suspects. On en sait beaucoup moins sur la façon dont les policiers interviennent lorsque c'est la personne atteinte d'une maladie mentale qui est victime d'un crime. On a réuni un volume considérable de données probantes selon lesquelles les PMM sont victimisées dans la collectivité (Teplin, 1985), bien souvent à un taux beaucoup plus élevé que celui qui s'applique à la population générale (Hiday et coll., 1999; Silver, 2002a). Les personnes atteintes d'une maladie mentale sont également plus susceptibles d'être victimisées de manière répétée (Marley et Buila, 2001). Malgré ces taux élevés, les PMM hésitent souvent plus à signaler qu'elles ont été victimisées (Snowden et Lurigio, 2007). On a établi que les PMM qui se disaient victimisées étaient fiables (Goodman et coll., 1999), mais on a également réuni des données probantes selon lesquelles elles sont souvent reçues avec scepticisme ou discréditées lorsqu'elles signalent avoir été victimisées (Mowbrary et coll., 1998). Les quelques études disponibles mentionnent constamment que les agents de police sont moins portés à mener une enquête et à prendre des mesures lorsque la victime est une personne atteinte d'une maladie mentale (Finn et Stalans, 2002). Watson et coll. (2004b) avancent que les agents sont moins prêts à intervenir parce qu'à leurs yeux, les personnes atteintes d'une maladie mentale sont moins crédibles.

La complexité des problèmes sociaux

De la même façon que les policiers ne peuvent régler le problème des PMM de manière isolée, la maladie mentale en soi doit être envisagée dans un contexte plus large. Dans bien des cas, la maladie mentale n'est qu'un aspect d'un ensemble de problèmes plus vaste auquel une personne peut faire face. La présence de ces autres problèmes complique beaucoup l'enjeu de la santé mentale pour les policiers, et il faut nécessairement s'y attaquer dans le cadre de mesures complètes visant à améliorer les contacts avec les PMM . L'aspect qui est probablement le plus important est le fait qu'il est impossible de dissocier le problème de la santé mentale de celui de la pauvreté. Il y a une cinquantaine d'années, Hollingshead et Redlich ont confirmé qu'il existait une relation marquée entre la classe sociale et la maladie mentale, au chapitre tant du type et de la gravité de la maladie mentale que de la nature et de la qualité des traitements offerts (Pols, 2007). Cette conclusion a toujours été appuyée (Greenblatt et coll., 1967; Dohrenwend et coll., 1992; Murali et coll., 2004), à ceci près que, maintenant, la situation s'est détériorée davantage : alors qu'autrefois les pauvres recevaient un traitement de mauvaise qualité dans les établissements, aujourd'hui, ils n'ont souvent plus accès à aucun traitement (Bassuk et coll., 1984). Dans la documentation faisant l'objet de notre étude, le débat sur la direction et les mécanismes de la causalité n'est pas clos. Les tenants de l'approche de la causalité sociale laissent entendre que les problèmes de santé mentale découlent des multiples facteurs de stress liés à la pauvreté, tandis que l'approche de la dérive sociale part du principe que la pauvreté est le résultat de la maladie mentale et des problèmes qui y sont liés (Robbins et coll., 2008). Ces deux approches sont confirmées par des recherches empiriques et, de toute façon, ce débat dépasse la portée de notre étude. Ce qu'il est important de retenir, c'est que la multitude des effets qui touchent à la fois la santé mentale et la pauvreté ont pour résultat d'augmenter le risque de démêlés des PMM avec la police.

Le chômage est un problème social relié à la santé mentale et à la pauvreté. Plusieurs mécanismes peuvent expliquer le faible taux de participation des PMM à la population active. Certains schémas de classification s'appuient sur le moment où la maladie est survenue. Selon la thèse de la faible réalisation sociale, le chômage est dû à l'apparition de la maladie mentale pendant la jeunesse et à ses effets négatifs sur le niveau d'instruction. À l'inverse, la thèse du déclin social indique que la perte d'un emploi est survenue après l'apparition des problèmes de santé mentale et qu'elle est ensuite suivie par de longues périodes de chômage et des problèmes de réintégration du marché du travail (Nordt et coll., 2007). De manière plus générale, le faible taux d'emploi des PMM a été lié à une dynamique défavorable du marché du travail, à une faible productivité, à l'absence de services de formation professionnels et de services cliniques appropriés, à la discrimination sur le marché du travail, à l'absence de lois offrant une protection et aux politiques gouvernementales qui constituent une contre-incitation au travail (Cook, 2006). Les conséquences négatives sur les finances d'une personne sont évidentes, mais le chômage a également des effets délétères en ce qu'il la prive des aspects sociaux et psychologiques du travail, y compris le soutien social et l'estime de soi.

L'itinérance fait également partie de la liste des difficultés sociales des PMM . Des études portant sur les populations carcérales ont toujours fait état d'un lien étroit entre les troubles de la santé mentale et l'itinérance (Lamb et Weinberger, 1998; Michaels et coll., 1992). On a constaté que l'itinérance chez les PMM mène souvent à l'incarcération (Lamb et Weinberger, 1998), tandis que des études portant sur les PMM indiquent que la maladie mentale est la principale cause de l'itinérance (Susnick et Belcher, 1996). Dans une étude portant sur 20 recherches, Shlay et Rossi (1992) ont constaté que, en moyenne, le tiers des itinérants avaient un problème de santé mentale. Un large éventail d'études ont également établi que le taux d'itinérance parmi les patients des établissements psychiatriques était élevé. Dans le cadre d'une enquête, 36 % des répondants de Québec et de Montréal ont déclaré être itinérants au moment de l'entrevue; près de la moitié (48 %) d'entre eux avaient déjà été itinérants à un moment donné (Bonin et coll., 2007). À Toronto, les deux tiers des itinérants ayant participé à l'enquête ont déclaré avoir reçu un diagnostic de maladie mentale pour toute leur vie. En Irlande et en Australie, la proportion était de 13,8 % (O'Neill et coll., 2007) et 35 % (White et coll., 2006) respectivement. Comme en ce qui concerne le chômage, la santé mentale et l'itinérance se renforcent mutuellement. L'itinérance complique le traitement de la maladie mentale, et la maladie mentale rend plus difficile l'abandon de l'itinérance.

Les personnes atteintes d'une maladie mentale ont également des déficits au chapitre des relations sociales, des compétences sociales et du soutien social. Les personnes atteintes de maladies mentales, en particulier celles qui sont itinérantes, déclarent habituellement n'avoir que des contacts très limités avec leur famille ou des amis proches (White et coll., 2006). De nombreuses études ont documenté les effets protecteurs de solides réseaux de soutien social et les conséquences négatives de faibles réseaux de soutien social (Ozbay et coll., 2007). Le soutien social joue un rôle essentiel, non seulement pour des motifs tout simples comme les considérations fondamentales et les ressources matérielles, mais aussi en ce qui a trait à la construction d'une identité positive qui permet aux patients de surmonter la stigmatisation de leur statut et les aide à réintégrer la société « générale » (Forrester-Jones et Barnes, 2008). En ce qui a trait au rétablissement, le soutien social augmente considérablement la possibilité qu'une personne s'inscrive dans un programme de traitement et y reste. À l'inverse, l'absence d'un tel soutien réduit la possibilité qu'elle le fasse.

Les PMM traînent un autre boulet : la fréquence croissante d'affections physiques concomitantes. Les troubles mentaux graves sont fréquemment associés à un amalgame de graves problèmes de santé physiques comme l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires (Muir-Cochrane, 2006), les maladies respiratoires (Sánchez-Mora et coll., 2007), les traumatismes crâniens, les maux de dos, l'asthme, les ulcères gastro-duodénaux, l'épilepsie et le cancer (Butler et coll., 2007). Comme c'était le cas pour les autres facteurs de complication, on se retrouve devant la question de « l'œuf et la poule » quand on cherche à établir un lien entre la maladie mentale et les problèmes de santé; chaque problème peut mener à l'autre, et les deux peuvent découler d'antécédents communs (Dowrick, 2006). Des données probantes établissent que la prévalence de facteurs de risque comme le tabagisme, un mode de vie sédentaire et une mauvaise alimentation est élevée chez les personnes atteintes d'une maladie mentale (Leas et McCabe, 2007). La réciprocité entre la maladie mentale et la maladie physique nuit aux efforts déployés pour traiter l'une et l'autre. D'une part, il arrive que les troubles physiques soient sous-évalués et mal traités parce que leurs signes et symptômes ont été attribués par erreur à un trouble mental concomitant (Thornicroft et coll., 2007). D'autre part, la maladie physique peut nuire à la participation au traitement et à la poursuite de celui-ci, ce qui en réduit l'efficacité (Gallagher et coll., 2006).

Un dernier enjeu habituellement problématique est celui des « troubles concomitants » ou du « diagnostic double » des personnes qui, à la fois, sont atteintes d'une maladie mentale et ont un problème de toxicomanie. Les évaluations épidémiologiques indiquent constamment qu'environ la moitié des PMM ont un trouble concomitant de toxicomanie (Kessler, 2004). Pour ces personnes, la toxicomanie crée de multiples situations pouvant mener à des démêlés avec la police, y compris les suivantes :

[...] la perpétration de crimes générateurs de revenu, comme le vol, le vol avec effraction et le vol qualifié, dans le but de pouvoir acheter de la drogue; l'exacerbation des symptômes psychiatriques menant à l'arrestation pour des infractions liées à la nuisance publique, comme le fait de troubler la paix; et le fait que la consommation de certaines drogues, comme la cocaïne et l'héroïne, est illégale et constitue en soi une infraction. (Swartz et Lurigio, 2007 : 582)

En termes simples, il existe une différence marquée entre les délinquants atteints d'une maladie mentale et les délinquants qui ont fait l'objet d'un diagnostic double. Dans le cas des PMM , la concomitance de la toxicomanie augmente les possibilités de démêlés avec la police (Borum et coll., 1997) et d'arrestations pour une infraction quelconque (Swartz et Lurigio, 2007), mais le résultat le plus perturbant est probablement que la toxicomanie concomitante est liée à un niveau de violence supérieur. Bien que les PMM ne soient généralement pas plus violentes que les personnes saines (Hiday, 1999), de nombreuses études ont conclu que la toxicomanie concomitante augmentait de manière significative le risque de violence (Mulvey, 1994; Swanson et coll., 1996, 1999, 2002; Steadman et coll., 1998; Swartz et coll., 1998; Soyka, 2000). Par rapport aux personnes aux prises avec une maladie mentale ou un problème de toxicomanie, les personnes qui ont reçu un double diagnostic sont caractérisées par des probabilités accrues de récidive (Hartwell, 2004) et de victimisation (Sells et coll., 2003).

Les troubles concomitants représentent un défi important en ce qui a trait aux interventions systémiques. Les troubles concomitants débouchent sur un pronostic plus grave dans les deux cas, puisque ces personnes ont tendance à être caractérisées par des taux plus élevés de rechute et d'exacerbation des symptômes, de mauvais résultats à l'égard du traitement et une stabilité fonctionnelle moindre (Ziedonis et Stern, 2001). Pourtant, malgré la prévalence des troubles concomitants, on constate toujours un manque flagrant de ressources destinées à ces personnes (Wilson-Bases, 2008). La plupart des programmes de traitement visent uniquement les maladies mentales. Ces programmes ne sont pas dotés de l'équipement nécessaire au traitement des PMM toxicomanes et ne les admettent donc pas; en conséquence, les policiers n'ont pas beaucoup d'options à leur disposition pour régler le problème. Ils reconnaissent que le traitement est une solution de loin préférable, dans le cas des PMM toxicomanes, mais elle n'est tout simplement pas accessible.

Ensemble, ces problèmes sociaux complexes chez les PMM augmentent grandement leur risque d'avoir des démêlés avec la police. Comme elles n'ont que peu de ressources financières et leurs réseaux de soutien social sont affaiblis, bon nombre de PMM se retrouvent dans la rue. Quand elles deviennent itinérantes, leur comportement est plus susceptible d'attirer l'attention et, en conséquence, de mener à une intervention des policiers. La multiplicité de leurs troubles augmente la possibilité qu'elles ne respectent pas leurs régimes de traitement et réduit l'efficacité des programmes de traitement, entraînant une détérioration de l'état de santé mentale et, encore une fois, l'intervention des policiers. La concomitance de la toxicomanie augmente le potentiel de violence. En résumé, les troubles mentaux ne sont qu'une facette d'un ensemble plus large de facteurs de risque qui se renforcent mutuellement. En même temps, la complexité des facteurs qui accompagnent la maladie mentale met en relief la difficulté pour les policiers d'interagir avec des PMM .

La question demeure : à qui la responsabilité?

Comme nous l'avons indiqué dans l'introduction, il ne fait aucun doute que ce sont les policiers qui sont chargés d'intervenir auprès des personnes atteintes d'une maladie mentale; en effet, ils sont chargés à la fois de protéger le public et d'en assurer la sécurité et de protéger les membres de la collectivité qui ne sont pas en mesure de se défendre eux-mêmes. Des enquêtes sur l'attitude ont fourni certains éléments de preuve selon lesquels les agents de police eux-mêmes se sentent responsables d'intervenir auprès des personnes atteintes d'une maladie mentale (Cooper et coll., 2004). En même temps, on reste avec l'impression que la répartition des responsabilités à l'égard des PMM est de plus en plus inéquitable. Partant, la question n'est pas de savoir « qui est responsable des PMM  », mais plutôt de déterminer « quelle proportion de la responsabilité il est raisonnable de confier à la police ». Bernard Parks, chef de police, a fait le commentaire suivant : « la police ne devrait pas avoir à s'occuper d'autant de personnes atteintes d'une maladie mentale dans les rues ». Ce disant, il ne veut pas se soustraire à ses responsabilités, il cherche plutôt à exprimer sa frustration. Au bout du compte, les policiers se sentent mal équipés pour intervenir auprès des PMM . En outre, le nombre croissant d'interventions auprès des PMM draine des ressources policières déjà appauvries. Croulant sous le fardeau d'une désinstitutionnalisation qui a échoué, la police finit trop souvent par devenir la solution de dernier recours. La maladie mentale est une question incroyablement complexe, puisqu'elle est liée à d'autres problèmes sociaux graves sur lesquels la police n'exerce pour ainsi dire aucun contrôle. Dans la mesure où la maladie mentale est le symptôme de phénomènes concomitants, à savoir la pauvreté, le chômage, l'itinérance, l'exclusion sociale, les problèmes de santé et la toxicomanie, il semble que la responsabilité est collective.

Récapitulation

  1. La plupart des documents qui concernent les interventions des policiers auprès de PMM indiquent que ces interventions sont de plus en plus courantes.
  2. On a avancé un certain nombre de raisons pour expliquer l'augmentation de ces interventions, y compris les conséquences de la désinstitutionnalisation et les changements apportés aux lois relatives à l'internement civil, l'insuffisance des ressources affectées aux programmes communautaires, le caractère inadéquat des services sociaux connexes, les effets de la concentration des PMM dans certains quartiers, le passage à la philosophie de la police communautaire et la diminution de la tolérance de la collectivité à l'égard des comportements aberrants.
  3. Malgré les perceptions (et les témoignages) selon lesquelles les policiers interviennent de plus en plus souvent auprès des PMM , cette hypothèse n'est pas vraiment soutenue par des recherches empiriques. Il n'existe que de rares données de référence importantes à partir desquelles on peut tirer des conclusions fiables sur la fréquence et la prévalence des interactions entre les policiers et les PMM .
  4. On a également très peu d'information sur les types précis de comportements des PMM qui suscitent l'intervention des policiers ou sur les résultats de ces interactions.
  5. Comme de nombreux contacts des policiers avec les PMM semblent relativement mineurs, les policiers ont souvent un large pouvoir discrétionnaire sur la façon de régler les problèmes. On a constaté que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire tient généralement à un certain nombre de considérations, y compris des facteurs contextuels, des variables situationnelles et les caractéristiques tant des policiers que des PMM à titre de délinquants, de victimes ou de témoins. Cependant, rares sont les recherches sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans les cas où des PMM étaient impliquées.
  6. Même s'il est relativement rare, le recours à la force contre des PMM attire souvent une publicité négative et préoccupe énormément aussi bien les policiers que les services de police. Comme on l'a déjà dit au sujet de l'exercice du pouvoir discrétionnaire, nous n'avons que très peu de données sur le recours à la force dans les situations impliquant des PMM .
  7. De nombreuses organisations policières n'ont pas adopté de lignes directrices ou de protocoles clairs sur les interventions auprès de PMM .
  8. Comme de nombreux agents de police n'ont pas reçu une formation suffisante sur les questions liées aux personnes atteintes d'une maladie mentale, c'est une formation accrue qui est le plus souvent citée parmi les mécanismes permettant d'améliorer les contacts avec les PMM . Il est tout aussi important, cependant, de ne pas prendre la formation pour une panacée : une formation mal conçue peut détériorer de manière notable la qualité des interventions.
  9. Compte tenu de la complexité des maladies mentales et de la gamme des troubles concomitants, l'intervention efficace auprès des PMM exige la collaboration. En même temps, les relations actuelles entre les services de police et le système de soins de santé mentale sont, à bien des égards, tendues, et la coopération exige que les divers organismes rétablissent un lien de confiance mutuel.
  10. Un certain nombre d'autorités ont mis en œuvre des programmes spécialisés dans l'espoir d'améliorer les interventions des policiers auprès des PMM . Le débat sur l'efficacité de ces programmes n'est toujours pas clos. Les perceptions touchant l'utilité de ces programmes semblent liées au débat plus large qui oppose les tenants des services de police « généralistes » et les partisans des services de police « spécialisés ».
  11. Même si on s'intéresse beaucoup aux PMM en tant que « délinquants », il est important de souligner que ces personnes sont également plus à risque d'être des victimes.
  12. Pour bien appréhender les enjeux exposés dans le présent rapport, il faut envisager la maladie mentale d'un point de vue holistique, c'est-à-dire en tant qu'aspect contribuant à ce que l'on a appelé ici « la complexité des problèmes sociaux », l'ensemble de désavantages qui englobe également la pauvreté, le chômage, l'itinérance, l'exclusion sociale, des problèmes de santé généralisés et la toxicomanie.

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Notes de bas de page

Note de bas de page 1

La terminologie appropriée tend vers une plus grande sensibilité. Bien que la Société canadienne de la schizophrénie utilise actuellement le terme « personne en détresse psychologique » (PDP), nous employons, dans le présent document et dans le rapport final, « personne atteinte d'une maladie mentale » (PMM ) pour qualifier une personne présentant un ou plusieurs problèmes cognitifs.

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